Rapport sommaire final de la Conférence Maîtriser les files d’attente 2014 : « Et quel système nous aurions! » Introduction La 11e conférence Maîtriser les files d’attente (MFA), qui a eu lieu à Ottawa les 3 et 4 avril 2014, était centrée sur le thème de la pertinence dans les soins de santé au Canada. Étant donné le nombre de participants, ce choix n’aurait pu être plus approprié. Non seulement la réunion de 2014 a-t-elle attiré un des groupes les plus nombreux depuis la première conférence en 2004 – 160 personnes –, mais chaque province y était aussi représentée, tout comme l’étaient les Territoires du Nord-Ouest, le gouvernement fédéral et de nombreuses organisations des secteurs de la médecine et des soins de santé. L’auditoire nombreux incluait aussi des étudiants et des représentants des patients. Préparer le terrain Le Dr Sam Shortt, directeur du Bureau des initiatives portant sur la qualité à l’Association médicale canadienne (AMC), a lancé la discussion en présentant un survol de la pertinence dans les soins de santé (www.cfhi-fcass.ca/sf-docs/default-source/tq2014/tq2014-1-samshortt.pdf?sfvrsn=2). Il a commencé par la définition suivante, que l’AMC a adoptée en 2013 : « Les soins pertinents s’entendent des bons soins offerts au bon patient par le bon fournisseur, au bon endroit et au bon moment ». Le Dr Shortt a expliqué que si les cinq éléments sont présents, les bons soins seront offerts au bon coût. « Il s’agit là des soins pertinents définis comme il se doit, a-t-il dit. Si chaque contact dans le système de santé – hospitalisation, visite à un fournisseur de soins primaires, admission aux soins à domicile – répond à chacun des cinq critères de la pertinence, on aura alors optimisé la qualité des soins et l’utilisation des ressources sur tout le continuum. » « Et quel système de santé nous aurions! » Au cours de la discussion qui a suivi, les commentaires d’un médecin ont laissé présager une partie du débat qui suivrait. Il importe d’améliorer le système de santé, a-t-il dit, mais le changement ne sera pas efficace à lui seul si l’on ne tient pas compte aussi des déterminants sociaux de la santé à l’origine d’une grande partie de la demande de services de santé et si l’on n’essaie pas de surmonter des problèmes comme la pauvreté et l’itinérance. « C’est l’élément du tableau d’ensemble que nous abordons rarement », a répondu le Dr Shortt, même s’il a signalé que les déterminants sociaux de la santé viennent en tête de liste des priorités de l’AMC. Le Dr Tom Noseworthy de l’Université de Calgary a ensuite préparé le terrain pour une grande partie de la discussion qui a suivi au cours de la MFA de 2014 en présentant un aperçu de l’état de la recherche sur la pertinence (www.cfhi-fcass.ca/sf-docs/default-source/tq2014/tq2014-1tom-noseworthy.pdf?sfvrsn=2). Il a signalé que la pertinence constitue un principe multidimensionnel où peuvent exister de multiples points de vue – parfois divergents. Il a déclaré qu’il sera crucial de mettre au point des outils d’aide à la décision et des aides à la prestation de soins appropriés et il a décrit le travail effectué dans ce domaine par son équipe émergente des Instituts de recherche en santé du Canada. L’équipe aborde la pertinence de l’arthroplastie totale (AT) de trois angles différents en sollicitant le point de vue des patients, des chirurgiens et des décideurs pendant qu’elle met au point un outil d’aide à la décision validé par les résultats, qui aidera à déterminer la pertinence de l’AT. Le Dr Noseworthy a décrit le travail effectué jusqu’à maintenant et déclaré que les étapes suivantes incluront la création d’un outil d’aide à la décision comportant des caractéristiques prédictives et qui « appuiera les décisions d’un patient et d’un chirurgien sur la pertinence de l’AT. » La pertinence dans la pratique : les bons soins et traitements La conférence MFA de 2014 se déroulait au bon moment. Par hasard, la première journée de la réunion a eu lieu le lendemain du lancement, le 2 avril, de Choisir avec soin (http://www.choisiravecsoin.org/), programme innovateur dans le cadre duquel on demandera aux médecins et aux patients de déterminer si certains examens et traitements sont vraiment nécessaires. Des sociétés de spécialistes, dont neuf ont déjà envoyé huit listes factuelles de cinq examens, ou actes qui peuvent être surutilisés dans chaque spécialité, joueront un rôle clé. Le Forum sur les enjeux de la pratique générale et familiale de l’AMC et le Collège des médecins de famille du Canada, par exemple, ont conjugué leurs efforts pour formuler des recommandations comme celle-ci : Ne pas utiliser le test Pap comme moyen de dépistage du cancer du col utérin chez les femmes de moins 21 ans ou de plus de 69 ans. Pourquoi? « Le préjudice que pourrait causer le dépistage chez les femmes de moins de 21 ans l’emporte sur les avantages et il y a peu de données probantes qui indiquent qu’il faut procéder à ce test une fois par année lorsque des tests antérieurs ont donné des résultats normaux. Les femmes qui ont subi une hystérectomie totale pour des troubles bénins n’ont plus besoin de se soumettre à ce test de dépistage. Il faudrait cesser de le pratiquer à 70 ans si trois tests antérieurs ont donné des résultats normaux. » « Pendant des années, tant les médecins que les patients ont cru que "plus c’est mieux". Il est temps de commencer à "y penser deux fois". » La Dre Wendy Levinson, coprésidente et l’une des instigatrices de l’initiative Choisir avec soin, a expliqué la raison d’être du programme dans un commentaire paru récemment dans le JAMC : « Pendant des années, autant les médecins que les patients ont cru que "plus c’est mieux". Il est temps de commencer à "y penser deux fois" et d’éviter les examens, les interventions et les traitements inutiles et qui pourraient être nuisibles. » La Dre Levinson, spécialiste en médecine interne générale de l’Université de Toronto, a décrit plus en détail le programme au cours de la réunion MFA : « C’est une question de changement de culture, a-t-elle dit. … Parfois, il est tout simplement plus facile [pour les médecins] de cocher la case et de prescrire l’examen que d’expliquer pourquoi le patient ne devrait pas le subir. Cette campagne vise à aider les médecins et les patients à échanger au sujet du recours excessif aux examens et aux interventions. Nous avons créé un monde ou plus, c’est mieux, et nous devons commencer à expliquer que plus, ce n’est pas toujours mieux et que cela peut même causer un préjudice. » Elle a déclaré que Choisir avec soin est une initiative dictée par les médecins parce que c’était nécessaire – et que si c’étaient plutôt les gouvernements qui avaient lancé le projet, la population canadienne le considérerait tout simplement comme un effort de réduction des coûts. Le lancement du programme a obtenu l’appui de l’AMC et de huit associations médicales provinciales. « La campagne a soulevé un enthousiasme général, a-t-elle dit. Le défi réside maintenant dans sa mise en œuvre. » Les Dres Laurie Mallery et Paige Moorhouse de Halifax ont le même défi à relever. Leur stratégie clinique PATH (People Assessing Their Health – Autoévaluation de la santé) doit encourager les travailleurs de la santé à aider les patients et les membres de leur famille à choisir un éventail de mesures thérapeutiques et palliatives pour préserver la qualité de vie à la fin de la vie (www.cfhifcass.ca/sf-docs/default-source/tq2014/tq2014-1-laurie-mallery-paige-moorhouse.pdf?sfvrsn=2). Elles offrent essentiellement leur propre stratégie pour choisir avec soin, mais elles s’adressent aux patients vulnérables (http://pathclinic.ca/). Elles sont à l’origine d’un des moments les plus émouvants au cours de la réunion MFA de 2014 lorsqu’elles ont présenté une vidéo d’un patient vulnérable âgé de 85 ans, atteint d’un cancer de la vessie qui, à cause de problèmes de cognition, ne pouvait se rappeler le nom de son père. « Il est mort de vulnérabilité et non du cancer », a déclaré la Dre Moorhouse. Les Dres Mallery et Moorhouse ont soutenu que le système de santé rend souvent le processus de traitement trop compliqué pour les patients vulnérables en fin de vie. Au lieu d’une longue série de rendez-vous avec des spécialistes comme des diététistes, elles proposent un processus en trois temps avec ces patients : comprendre, communiquer et responsabiliser. Il en découlera une « voie à suivre » pour les patients vulnérables. Sur les 150 premiers patients qui ont terminé le programme, 71 avaient 77 interventions prévues et 75 % de ces actes et interventions ont été annulés. Elles ont affirmé que leur modèle offre une solution de rechange aux soins agressifs. Est-il possible de produire de meilleurs résultats tout en maîtrisant les files d’attente? En un mot : « Oui. » Que pensent les patients? Deux conférenciers ont abordé la question, le premier du point de vue du patient et l’autre, de celui du fournisseur de soins. Au cours de la conférence, de nombreux participants ont affirmé que le point de vue du patient est crucial lorsqu’il est question de la pertinence des soins parce qu’il est souvent à l’origine de la demande de soins. Un médecin a donné un exemple : « Comme quelqu’un m’a dit, sa mère de 85 ans voulait une coloscopie parce que toutes ses amies en avaient subi une. » Physicien de formation, Dave Wells, a commencé à s’intéresser aux enjeux liés à la sécurité des patients et à la pertinence des soins après qu’on a diagnostiqué chez son épouse Solveig un carcinome spinocellulaire sublingual en 2003 (www.cfhi-fcass.ca/sf-docs/defaultsource/tq2014/tq2014-1-david-wells.pdf?sfvrsn=2). Après de nombreux cycles de traitement, elle est décédée en 2013. Depuis qu’il est devenu « patient participatif » au cours de la maladie de son épouse, il est devenu membre de Patients pour la sécurité des patients du Canada, programme dirigé par les patients et administré par l’Institut canadien pour la sécurité des patients. « Nous avons commencé par rédiger un énoncé d’une page sur nos croyances et attentes avant de rencontrer les médecins. [Résultat] : nous avons vécu une décennie de traitements sans surprise. » M. Wells, âgé de 74 ans, a déclaré que son épouse et lui avaient tenu pour acquise la prise en charge de leurs soins au cours des 40 premières années de leur mariage, mais que le diagnostic reçu par son épouse a changé la situation. « C’est alors que nous avons entrepris notre cheminement vers la mobilisation des patients, a-t-il dit. Depuis, le patient participatif que j’étais est devenu militant. » Il a décrit les différentes expériences que son épouse a vécues dans le système de santé comme un parcours vers l’affirmation. « Nous avons commencé par rédiger un énoncé d’une page sur nos croyances et nos attentes avant de rencontrer les médecins, a-t-il dit. [Résultat :] nous avons vécu une décennie de traitements sans surprise. » M. Wells, qui a accompagné son épouse à tous ses rendez-vous, a déclaré que ce niveau de participation des patients s’est étendu aussi à son gendre dont l’affirmation de soi au sujet d’un problème cardiovasculaire « lui a probablement sauvé la vie ». M. Wells l’a lui aussi échappé belle à cause d’une appendicite, mais comme il a réagi avec fermeté, l’issue a été positive. « Je n’ai pas fait abstraction de ma douleur, a-t-il dit. J’étais disposé à attendre plus de 12 heures pour être admis. Finalement, le rendement de l’hôpital a été exceptionnel, mais le chirurgien m’a dit que je l’avais échappé belle. » Le Dr Andreas Laupacis, spécialiste en médecine interne générale qui fournit des soins palliatifs et est directeur général de l’Institut du savoir Li Ka Shing à l’Hôpital St Michael’s à Toronto, a déclaré que l’utilisation du terme pertinence soulève de nombreuses questions chez les patients. Même dans le cas des soins palliatifs, a-t-il dit, des membres de la famille du patient pensent qu’il s’agit d’un code qui nous permet d’épargner de l’argent. Il est d’accord avec la Dre Levinson, pour dire que l’initiative Choisir avec soin représente « un important virage culturel ». Il a déclaré que les organisateurs devraient expliquer clairement que cette importance accordée aux soins pertinents ne vise pas à épargner de l’argent, mais plutôt que lorsque l’on fournira davantage de soins appropriés, le système évitera des dépenses et qu’il sera alors possible d’utiliser cet argent plus efficacement. Il considère les coûts des soins de santé comme « l’éléphant dans la salle » et est d’avis que la population canadienne « accueillerait favorablement une discussion » à ce sujet. « Elle sait que nous avons un système de ressources limitées », a-t-il dit. M. Wells est d’accord : « La population canadienne sait que le système est fragilisé. » Le Dr Shortt a conclu la discussion en affirmant que l’un des objectifs de l’initiative Choisir avec soin est d’offrir un meilleur rapport coût-efficacité dans le système de santé. « Prenons l’exemple de l’IRM, a-t-il dit. Si nous sortons de la file d’attente les gens qui ne devraient pas s’y trouver, la file demeurera quand même longue. Ce que nous aurons réussi, c’est à optimiser l’utilisation des ressources que nous dépensons. » La pertinence dans la pratique : le bon patient Comment donc un système de santé peut-il fournir les bons soins au bon patient? La conférence MFA de 2014 a entendu des chefs de file des soins de santé de Vancouver et de Toronto qui essaient de trouver une partie des réponses en cherchant d’autres moyens de fournir des soins aux personnes qui utilisent un volume exceptionnel de ressources de la santé, particulièrement aux services d’urgence. En Colombie-Britannique, la régie Vancouver Coastal Health (VCH) a lancé une initiative visant à réduire le recours aux services d’urgences au moyen d’un programme conçu pour réduire le nombre de « visages bien connus » accueillis dans ses salles d’urgence en orientant ces patients vers des types de soins plus appropriés. Cynthia Startup, directrice du Service de la planification clinique régionale et du Service de développement stratégique des services d’urgence et de la traumatologie à VCH et à Providence Health Care a déclaré qu’il fallait agir parce que la régie VCH reçoit 310 000 visites à l’urgence par année en milieu urbain et que ce total augmente de 3,5 à 4 % annuellement (www.cfhifcass.ca/sf-docs/default-source/tq2014/tq2014-1-cynthia-startup.pdf?sfvrsn=2). Parmi les « visages bien connus » qui visitent les urgences de la régie VCH, 1 700 patients utilisent le système de soins d’urgence 10 fois ou plus par année. « Trois cents de ces patients effectuent 20 visites à l’urgence ou plus par année », a déclaré Mme Startup, et même s’ils constituent 0,1 % seulement de la population des patients, ils effectuent de 2 à 3 % du total des visites à l’urgence. La VCH a réagi en établissant un plan de soins intégré qui essaie de référer les patients ailleurs qu’à l’urgence en intégrant les services de soins de santé à domicile, de santé mentale, de soins primaires et de soins actifs afin d’aider les patients à trouver les bons soins au bon moment. Elle a déclaré que les résultats affichés avec une modeste cohorte initiale sont positifs et ont entraîné une réduction de 34 % du nombre des visites à l’urgence. Dans un cas, un patient vivant avec une insuffisance rénale se rendait à l’urgence 120 fois par année. Après qu’on lui a établi un plan de soins, le nombre de ses visites est tombé à une trentaine par année. Elle considère le chemin à suivre pour référer les patients ailleurs qu’à l’urgence comme « une route en lacets » et a déclaré que l’utilisation la plus appropriée des services d’urgence constitue le but ultime. « Nous avions des patients qui se présentaient à l’urgence trois fois par jour, a-telle dit. Notre message, ce n’est pas que [ces patients] ne devraient jamais se présenter [à l’urgence]. Il porte plutôt sur le moment où ils devraient le faire. » Matthew Anderson, président et chef de la direction du Système de santé William Osler (WOHS) qui dessert 1,3 million de personnes dans le nord de Toronto, connaît bien ces enjeux (www.cfhifcass.ca/sf-docs/default-source/tq2014/tq2014-1-matthew-anderson.pdf?sfvrsn=2). En 2012-2013, un hôpital administré par le WOHS, soit l’Hôpital Civic de Brampton, a accueilli plus de 127 000 visites à l’urgence. Le système doit aussi fournir des soins à une population très diverse sur le plan culturel – l’information affichée sur son site Web est disponible dans plus de 75 langues. Les soins de santé sont fournis en grande partie par une « infrastructure en place » qui fait du bon travail lorsqu’il s’agit de fournir des soins actifs à un homme de 48 ans qui est victime d’une crise cardiaque, « mais un travail assez pourri dans le cas d’une femme de 77 ans qui vit avec la MPOC ». Au Canada, a déclaré M. Anderson, les soins de santé sont fournis en grande partie par une « infrastructure en place » qui fait du bon travail lorsqu’il s’agit de fournir des soins actifs à un homme de 48 ans qui a subi une crise cardiaque, « mais un travail assez pourri dans le cas d’une femme de 77 ans qui vit avec la MPOC [maladie pulmonaire obstructive chronique] ». Le WOHS a réagi en établissant un système Health Links conçu pour identifier en amont les patients de la dernière catégorie et les détourner de « l’infrastructure existante » avant qu’ils commencent à utiliser ce système à fond. Le système Health Links permettra d’établir un plan de soins coordonné pour les patients dont le cas est complexe et tous ces patients et ces personnes âgées auront « un accès régulier et opportun » à un fournisseur de soins primaires. Il a signalé que beaucoup des 313 patients identifiés au début pour une intervention par le système Health Links à cause du nombre de visites qu’ils effectuent à l’urgence avaient en réalité besoin plutôt de soins palliatifs. « Au cours des neuf premiers mois, 22 % de ces patients étaient déjà décédés », a-t-il dit. Il a déclaré que le système Health Links vise en fin de compte un but simple : intervenir avant que les patients aient besoin de volumes importants de soins actifs. La pertinence dans la pratique : le bon fournisseur Si des patients ont besoin de soins – actifs ou autres –, qui devrait les fournir? Deux médecins, soit les Drs Amy Hendricks de l’Hôpital territorial Stanton de Yellowknife et Robert Wedel de la Clinique de Taber (Alberta), ont abordé la question. La Dre Hendricks, spécialiste en médecine interne générale, décrit les défis qu’il faut relever pour fournir des soins dans les Territoires du Nord-Ouest et une partie du Nunavut – bassin de deux millions de kilomètres carrés (www.cfhi-fcass.ca/sf-docs/default-source/tq2014/tq2014-1-amyhendricks.pdf?sfvrsn=2). Lorsque relativement peu de patients sont dispersés sur une superficie aussi vaste, les défis sont nombreux. Une patiente a-t-elle besoin d’une évacuation sanitaire qui coûte 10 000 $? A-t-elle besoin d’un vol aller-retour de 2 550 $ pour visiter une clinique? Ou bien un appel téléphonique de 20 $ suffira-t-il? « Notre mandat dans le Nord consiste à fournir les bons soins au bon moment au bon endroit – ce qui, souvent, n’est pas ma clinique – et par la bonne personne – qui n’est habituellement pas moi – de même que dans la bonne langue », a-t-elle dit. Elle s’est efforcée d’y parvenir en acquérant son propre éventail de compétences spécialisées, en « renforçant la capacité » d’autres personnes et fournissant des soins à la population en recourant aux services d’une infirmière praticienne à haut rendement ». La collaboration entre les professions de la santé, c’est plus qu’une expression dans le Nord, a déclaré la Dre Hendricks. C’est un mode de vie. Elle a déclaré que les exigences découlant du soin des patients dans le Nord du Canada permettent aussi de mettre à l’essai des solutions possibles rarement nécessaires dans les régions plus peuplées du pays. « L’expansion du champ d’exercice » des travailleurs de la santé comme les infirmières praticiennes dans des domaines comportant le traitement de la tuberculose et d’autres maladies constitue un des progrès les plus importants. Elle a conclu que la prestation des soins dans le Nord « exige un système solide et flexible » basé sur des soins primaires robustes, l’expansion du champ d’exercice et le respect des liens existants. Sa connaissance de son propre groupe de 2000 patients est impressionnante – il sait non seulement que 360 de ses patients ont plus de 65 ans, mais aussi « qu’une personne sur quatre que je reçois fait de l’hypertension ». En Alberta, entretemps, la Clinique de Taber met l’accent sur la bonne connaissance de ses patients – connaissance plus facile à acquérir grâce à des ressources comme les dossiers médicaux électroniques (DME). « L’information clé qui a trait au Projet sur les soins primaires intégrés de Taber, c’est que nous connaissons bien nos patients et nos ressources communautaires », déclare le Dr Wedel. Sa clinique dessert 8000 personnes à Taber et 12 000 autres dans la région environnante (www.cfhi-fcass.ca/sf-docs/default-source/tq2014/tq2014-1rob-wedel.pdf?sfvrsn=2). Sa connaissance de son propre groupe de 2000 patients est impressionnante – il sait non seulement que 360 de ses patients ont plus de 65 ans, mais aussi « qu’une personne sur quatre que je reçois fait de l’hypertension ». Il a déclaré que de tels renseignements de base sur la pratique ne font pas qu’entraîner une plus grande efficience : ils améliorent aussi les résultats. Par exemple, l’amélioration de l’accès à des équipes de médecine de famille à Taber a réduit de façon spectaculaire le nombre de visites à l’urgence causées par l’asthme, qui est tombé de presque 350 par année en 1999 à une trentaine par année aujourd’hui. Un tel succès repose sur l’utilisation des outils de gestion médicale les plus récents. « Nous mettons fermement l’accent sur l’autoprise en charge, a-t-il dit. Nous utilisons et partageons des DME modernes, qui incluent des conseils d’aide à la décision clinique, des rappels, des répertoires et des outils de communication à l’intention d’autres fournisseurs. Nous utilisons aussi la mesure et l’évaluation continues pour éclairer le changement. » Les deux exposés ont réjoui Heather Thiessen, représentante des patients qui se décrit comme une patiente « très complexe et très engagée ». Lorsque je vois les gens communiquer ainsi, cela m’encourage et ce qui se passe dans le Nord est tout simplement palpitant. » La pertinence dans la pratique : le bon endroit La discussion sur « le bon endroit » où fournir des soins a été abordée de côtés opposés du spectre démographique. Amy Porteous de Soins continus Bruyère à Ottawa a décrit le « modèle du village » que son organisation utilise pour offrir le continuum des services sociaux et de services de santé dont les gens ont besoin à mesure qu’ils vieillissent (www.cfhi-fcass.ca/sfdocs/default-source/tq2014/tq2014-1-amy-porteous.pdf?sfvrsn=2). Mme Porteous a signalé qu’il y a déjà deux ans d’attente pour les soins de longue durée à Ottawa et que la situation est susceptible de s’aggraver parce que 22 % de la population de la ville aura plus de 65 ans en 2031. « Notre vision [du Village Bruyère] consiste à fournir le continuum des soins en un seul endroit, depuis la vie en autonomie jusqu’aux soins en continu afin d’encourager la vie active, a-t-elle dit. … Notre vision consiste à créer un modèle afin de promouvoir la plus grande autonomie possible et la meilleure qualité de vie possible pour les adultes âgés grâce à un modèle économiquement viable dans un système ressemblant à celui d’un voisinage ». Elle a déclaré que ce genre de « programmes de logements avec services de soutien et de vieillissement en santé » fait partie de la solution au problème des autres niveaux de soins auxquels font face les hôpitaux du Canada, envahis par des patients qui occupent un lit de soins actifs, mais devraient bénéficier d’un autre niveau de soins ailleurs. Le Village Bruyère offre actuellement 227 appartements pour personnes âgées autonomes et pour celles qui sont en perte d'autonomie sur son terrain de 27 acres en bordure de la rivière. Tous les résidents ont 60 ans ou plus. Mme Porteous a déclaré qu’il a fallu « une armée de partenariats » pour faire du Village une réalité. « Ce fut vraiment magnifique de voir cette collectivité prendre forme », a-t-elle dit. À l’autre extrémité du spectre, on trouve les enfants qui ont besoin de soins de santé pour des problèmes de santé mentale et M. Patrick McGrath, PhD de Halifax, a décrit les efforts déployés par le Strongest Families Institute afin de répondre à ce besoin (www.cfhi-fcass.ca/sfdocs/default-source/tq2014/tq2014-1-patrick-mcgrath.pdf?sfvrsn=2). Il a déclaré que les problèmes de santé mentale commencent souvent assez tôt, mais que l’accès médiocre aux services, le taux élevé d’abandon et le manque de contrôle de la qualité ont un effet sur le traitement. « Le système est inefficient et incapable de desservir tous ceux qui en ont besoin, a-t-il dit. …Nous avons demandé comment nous pourrions aider ceux que le système n’aidait pas. » Il en a découlé le lancement d’un système qui a recours notamment à des conseillers pour aider à renforcer l’information fournie et à résoudre des problèmes chez les enfants et les parents. Il a déclaré que les premiers résultats sont positifs. L’expérience de l’Écosse Lorsque Mike Lyon, conseiller principal auprès du gouvernement de l’Écosse en matière d’accès aux soins de santé et de viabilité, a discuté du « parcours des temps d’attente vers la qualité des soins » entrepris par l’Écosse, il a reconnu que l’expérience de l’Écosse était très différente de celle du Canada. L’Écosse, par exemple, a environ le huitième de la superficie du Manitoba, a un seul système de santé et compte à peine cinq millions de patients éventuels. Ses réalisations sont quand même impressionnantes, car l’amélioration l’a fait passer d’un simple objectif de 18 mois pour le traitement en service interne seulement à un objectif de 18 semaines dans tout le cheminement, depuis la référence jusqu’au traitement (www.cfhi-fcass.ca/sf-docs/defaultsource/tq2014/tq2014-2-2-mike-lyon.pdf?sfvrsn=2). Cette amélioration se reflète aussi dans la vision de l’Écosse : « En 2020, chacun devrait avoir la possibilité de vivre plus longtemps et en meilleure santé dans son domicile ou dans un contexte accueillant et nous aurons un système de santé où les services sociaux et les soins de santé sont intégrés, qui met l’accent sur la prévention et vise surtout à assurer que les personnes reviennent chez elles ou dans un environnement communautaire aussitôt que c’est approprié. » Comme beaucoup de conférenciers qui l’ont précédé, M. Lyon a insisté sur l’effet que les services sociaux auront sur les soins de santé. « Plus le lien entre les soins de santé et les services sociaux est efficace, plus les soins de santé seront efficaces dans l’ensemble », a-t-il dit. Il a aussi insisté sur le fait que les droits des patients ne sont jamais bien loin de l’avant-plan des soins de santé en Écosse : « La loi sur les droits des patients prévoit que chaque patient a le droit de recevoir des soins axés sur les patients, qui tiennent compte de ses besoins, offrent un bienfait optimal, tiennent le patient au courant, l’encouragent à participer à ses soins aussi entièrement que possible, traitent le patient avec dignité et respect, respectent sa vie privée et le caractère confidentiel de ses renseignements, sont bienveillants et compatissants, reposent sur l’orientation clinique reconnue et ne causent aucun préjudice ou traumatisme évitable. » Richard Copland, représentant lui aussi le gouvernement écossais, a emprunté le fameux slogan de Nike – « Fais-le » – pour expliquer la nécessité de surmonter l’inertie qui décourage le changement et l’innovation dans le système de santé. « Pourquoi l’Écosse diffère-t-elle du Canada? a-t-il demandé. Je ne pense pas qu’elle soit tellement différente. » « Quels que soient les moyens disponibles, a ajouté M. Lyon, il est possible de réduire les temps d’attente. » Résultats déclarés par les patients Comme beaucoup des discussions tenues au cours de la réunion portaient sur les soins axés sur les patients, il était approprié que deux des discussions de la dernière journée portent sur les résultats déclarés par les patients dans le cas de la chirurgie élective et sur le point de vue des patients au sujet de la définition des temps d’attente acceptables. Mme Jean Miller, PhD, a décrit le programme de recherche sur la participation des patients et de la collectivité (PACER) de l’Université de Calgary. Mme Miller, qui a commencé à s’intéresser aux enjeux de la participation des patients après avoir été atteinte d’arthrose, a déclaré que le programme vise à entendre clairement les patients sur ce que les soins de santé signifient pour eux. « Il ajoute la voix collective des patients à la transformation des soins de santé », a-t-elle déclaré, en ajoutant que les détails que les patients veulent connaître lorsqu’ils sont sur une liste d’attente sont assez simples : Qu’est-ce que je dois faire ensuite? Quand dois-je voir l’OP de nouveau? À quoi est-ce que je peux m’attendre? Le travail que le Dr Jason Sutherland fait à l’Université de la Colombie-Britannique vise à aider à répondre à cette dernière question (www.cfhi-fcass.ca/sf-docs/default-source/tq2014/tq2014-2jason-sutherland.pdf?sfvrsn=2). Dans le cadre de son travail sur les résultats déclarés par les patients, son équipe a réuni des données dans cinq domaines variant des enjeux de la mobilité jusqu’à l’anxiété et la dépression. On a recruté les patients à leur inscription sur une liste d’attente et réuni de l’information à ce moment-là et tout juste avant l’intervention chirurgicale. Le travail vise finalement à comprendre comment l’état de santé des patients évolue pendant qu’ils attendent une chirurgie élective. Les détails sur la recherche menée par son équipe sont disponibles à : www.patientreportedoutcomes.ca. Résumé Au cours de la discussion de clôture, Janet Davidson, sous-ministre de la Santé de l’Alberta, a signalé que la pertinence constitue un élément majeur de discussions en cours sur les soins de santé parce que des soins plus pertinents produiront un service plus efficient. La discussion a lieu aussi parce que les politiciens d’un bout à l’autre du Canada doivent prendre des décisions budgétaires de plus en plus difficiles. En Alberta, par exemple, les soins de santé engloutissent déjà 46 % des budgets de la province. « C’est un système de maladie que nous avons, et non pas un système de santé », a-t-elle conclu en ajoutant qu’il faut faire disparaître les obstacles qui bloquent l’accès au fournisseur le plus pertinent. Mme Gina Browne, PhD, fondatrice et directrice de l’Unité de recherche sur l’utilisation des services de santé et des services sociaux à l’Université McMaster, a signalé que 1 % de la population de l’Ontario – 130 000 personnes – utilise 49 % des soins hospitaliers d’urgence dans la province et que 5 % à peine utilisent 84 % des soins en question (www.cfhi-fcass.ca/sfdocs/default-source/tq2014/tq2014-2-gina-browne.pdf?sfvrsn=2). « Notre système actuel basé sur la demande ne suffit pas pour faire face à ce groupe peu nombreux qui utilise tellement de ressources », a-t-elle dit. Elle a laissé entendre que la solution réside dans la création d’un nouveau modèle de soins qui offre du soutien social et émotionnel en dehors du système de soins actifs. M. Walter Wodchis, PhD, professeur agrégé du Département de gestion et d’évaluation des politiques de santé de l’Université de Toronto, a louangé le lancement de l’initiative Choisir avec soin, qu’il décrit comme tentative d’utiliser des éléments de preuve existants dont il n’a pas été tenu compte. Le Dr Shortt a répondu que le concept Choisir avec soin devra être un processus bidirectionnel mettant à contribution les médecins et les patients si l’on veut qu’il connaisse du succès. « Nous collaborons déjà avec la Légion, l’ACIR [Association canadienne des individus retraités] et d’autres intervenants pour faire passer le mot aux patients », a-t-il dit. De la place pour l’optimisme? Il est difficile de résumer en quelques pages une conférence d’une aussi grande portée. Non seulement les participants ont-ils abordé certains des enjeux cruciaux auxquels sont confrontés les soins de santé au Canada, notamment en termes de pertinence des soins, mais ils ont fait face à un changement démographique imminent qui devrait transformer le système de santé. Des défis majeurs nous attendent, c’est certain. Comme le Dr Noseworthy l’a signalé au début de la conférence, la prestation de soins pertinents pose de nombreux défis : c’est un aspect « qui n’est pas facile à définir, quantifier ou actualiser : ce n’est pas une question qu’il est possible de trancher par un oui ou un non, une liste claire, mais ce n’est pas le Saint-Graal de la gestion de la demande ». De même, de nombreux projets et événements décrits au cours de la conférence Maîtriser les files d’attente de 2014 ont indiqué qu’il y a lieu d’être optimiste face à l’avenir pour le mouvement de la pertinence. Dans quelle mesure la conférence MFA de 2014 a-t-elle été couronnée de succès? John McGurran, membre du comité organisateur, s’est exprimé ainsi : « L’an dernier, j’ai déclaré que la conférence de 2013 était la meilleure jamais tenue, mais je pense que celle de 2014 a été encore meilleure. » La Dre Robyn Tamblyn, coprésidente, a été plus brève : « Ce fut une merveilleuse journée et demie ». Ou, comme le disait un délégué : « Quelle conférence merveilleuse. » Les résultats de l’évaluation de la conférence ont montré que 97,7 % des répondants ont jugé la conférence MFA de 2014 très bonne ou excellente comparativement à 90,6 % en 2013. En outre, 95,7 % des répondants ont déclaré souhaiter qu’il y ait une autre conférence MFA en 2015, total en hausse par rapport à 92 % en 2013. Pour en savoir davantage Cette rétrospective vise à résumer les enjeux abordés au cours de la conférence MFA de 2014. Les détails complets sur la plupart des exposés sont disponibles sur le site Web de la Fondation canadienne pour l’amélioration des soins de santé (www.fcasschfi.ca/NewsAndEvents/Events/Taming_of_the_Queue.aspx.) Ce que nous avons entendu : Maîtriser les files d’attente, 2014 « Au Canada, nous traitons l’obésité par des arthroplasties du genou. » « La vraie question que nous devrions poser est-elle celle-ci : Qu’est-ce que nous devons faire compte tenu des besoins de nos patients, et qui devrait le faire? » « Je communiquais avec le dossier de la patiente et non avec son fournisseur de soins primaires. » « Notre définition de la pertinence? Des soins qui devraient raisonnablement produire des résultats importants pour le patient. » « En Écosse, nous avons une règle 80:20 [au sujet des temps d’attente] – 80 % ou plus des efforts devraient viser à améliorer l’expérience vécue par le patient, accroître l’efficacité (soins pertinents) et augmenter l’efficience (file d’attente; cheminement; débit) et 20 % ou moins, à gérer l’objectif [sur les temps d’attente]. » « Nous avons une infrastructure en place qui a été construite pour Donald, qui a subi une crise cardiaque à 48 ans, mais qui fait un travail assez pourri pour Beatrice, qui a 77 ans et la MPOC. » « [À notre clinique], nous planifions les contacts avec les patients et nous nous y préparons en utilisant des protocoles et des lignes directrices pour appuyer les soins en collaboration et en équipe, qu’ils soient colocalisés ou non. » « À mon avis, le système a bien fonctionné, nonobstant les temps d’attente. » « Nous avons commencé par rédiger un énoncé d’une page sur nos croyances et nos attentes avant de rencontrer les médecins. Résultat : nous avons vécu une décennie de traitements sans aucune surprise. » « Il est tout simplement plus facile parfois de cocher la case et de prescrire l’examen au lieu d’expliquer pourquoi le patient ne devrait pas le subir. » « Notre vision consistait à fournir le continuum des soins à un même endroit, depuis la vie en autonomie jusqu’aux soins 24 heures sur 24 afin d’encourager la vie active. » « Quelle conférence merveilleuse! » « La collectivité se regroupe autour des personnes qui ont des problèmes de soins actifs, mais non de celles qui ont des problèmes de santé mentale. » « Nous devons les considérer comme des patients et non des statistiques sur une liste d’attente. » « Fais-le. » « Le rationnement par l’attente est la forme la plus cruelle d’attente. » « C’est un système de maladie que nous avons, et non un système de santé. »