University of Groningen Assessing genetic structure of thornback ray, Raja clavata Chevolot, Malia Sylvaine Claude Odette Maëlle IMPORTANT NOTE: You are advised to consult the publisher's version (publisher's PDF) if you wish to cite from it. Please check the document version below. Document Version Publisher's PDF, also known as Version of record Publication date: 2006 Link to publication in University of Groningen/UMCG research database Citation for published version (APA): Chevolot, M. S. C. O. M. (2006). Assessing genetic structure of thornback ray, Raja clavata: A thorny situation? s.n. Copyright Other than for strictly personal use, it is not permitted to download or to forward/distribute the text or part of it without the consent of the author(s) and/or copyright holder(s), unless the work is under an open content license (like Creative Commons). Take-down policy If you believe that this document breaches copyright please contact us providing details, and we will remove access to the work immediately and investigate your claim. Downloaded from the University of Groningen/UMCG research database (Pure): http://www.rug.nl/research/portal. For technical reasons the number of authors shown on this cover page is limited to 10 maximum. Download date: 25-05-2017 Résumé-Discussion Résumé Les raies sont des élasmobranches comme les requins et sont caractérisées par une croissance lente, un temps de génération long, une maturité tardive, une faible fécondité et l’absence d’une phase pélagique larvaire. De ce fait, ce sont des espèces considérées comme vulnérables à l’exploitation. La raie bouclée, Raja clavata, fait essentiellement partie de la prise accidentelle dans la pêche mixte. Entre les années 1956 et 1995, elle a disparu des côtes hollandaises de la Mer du Nord et son stock a diminué de façon préoccupante dans la plupart des eaux européennes. Ce déclin fait craindre que les populations ne puissent pas être recolonisées par des individus de populations voisines. Les données de marquage/recapture ont montré que l’espèce reste principalement dans une zone de 50 à 130 km et migre des eaux côtières vers des eaux plus profondes en Automne/Hiver. De plus, il semblerait que l’espèce soit philopatrique car la plupart des individus retourne dans la même zone au Printemps/Eté chaque année. La faible distance de migration et le comportement philopatrique de la raie bouclée suggèrent que la différentiation génétique des populations soit relativement élevée. L’objectif principal de cette thèse était d’évaluer cette hypothèse en posant deux questions principales : Quelle est l’échelle spatiale et le degré de différentiation génétique des populations de raies bouclées de Mer du Nord et de l’Atlantique du Nord ? L’échelle spatiale de cette différentiation génétique correspond-elle aux données de marquage/recapture ? La différentiation génétique a tout d’abord été étudiée à l’échelle régionale, celle des eaux des îles britanniques avec l’aide de cinq marqueurs microsatellites (Chapitres 2 & 3). Quatorze sites ont été échantillonnés en Mer du Nord, dans la Manche, et en Mer d’Irlande. Certains sites ont pu être échantillonnés soit pendant deux saisons différentes (Automne/Hiver vs Printemps/Eté), soit à la même saison mais lors de deux années différentes. Ce type d’échantillonnage a permis de tester la stabilité temporelle de la structure génétique. La différentiation génétique globale était faible mais significative (FST=0.013). Toutefois, à la suite des comparaisons des FST par paire de sites, aucune relation entre l’espace et le temps n’a pu être mise en évidence. Une analyse de migrants de première génération a suggéré qu’entre 5 et 30% des individus sont des migrants de première génération. Enfin, les sites échantillonnés au Printemps/Eté semblent être plus différenciés entre eux que les sites échantillonnés en Automne/Hiver. L’ensemble de ces résultats suggère très fortement que la structure des populations de raies bouclées est dynamique dans l’espace et dans le temps, en relation probablement avec son comportement. Ces 137 Résumé-Discussion de plusieurs ordres de grandeur plus faible que la taille réelle des populations (N). Pour la raie bouclée, Ne a été estimée à partir de vertèbres échantillonnées en 1965 et d’échantillons de 2003/2004 (Chapitre 5). En utilisant une méthode temporelle et cinq marqueurs microsatellites, Ne a été estimé à environ 400 [IC 113 ; 2213] et le rapport entre Ne et N de 1.3*10-4 à 8*10-3. Ainsi, très peu d’individus contribuent à la génération suivante (un individu sur 1250 ou 7500). Ce faible Ne/N est très certainement lié soit à une forte variance du succès reproducteur soit à une fluctuation des tailles de populations. Finalement, la diversité génétique est stable depuis 1965 suggérant que la population n’a pas perdu de la diversité génétique entre 1965 et 2003/2004. A court terme, la diversité génétique de la population de Mer d’Irlande ne risque probablement pas de diminuer de façon importante, mais sur le long terme le risque demeure. Ceci est plutôt encourageant puisqu’une forte perte de diversité génétique liée à la pêche a été démontrée chez certains poissons osseux. Toutefois, le faible Ne suggère que des mesures conservatoires doivent être prise pour éviter sa diminution. Les femelles se reproduisent-elles avec plusieurs mâles ? Le système de reproduction d’une espèce est considéré comme un élément important à prendre en compte pour protéger une espèce à long terme. La raie bouclée a une longue période de ponte, qui peut durer jusqu'à plusieurs mois. Pendant cette période, les oocytes sont fécondés dans une poche nidamentaire où le sperme y est stocké. Le système de reproduction de R. clavata a été très peu étudié et aucune étude n’a établi si les femelles sont polyandres ou non. Les avantages suggérés de la polyandrie sont principalement une augmentation de la diversité génétique pour la descendance, une diminution de l’incompatibilité génétique, une augmentation du succès reproducteur de la femelle ainsi que l’augmentation de la fertilité ou de la période de procréation. Les pontes de quatre femelles ont été analysées afin de déterminer le nombre de pères (Chapitre 6). En utilisant une méthode de reconstruction des génotypes multi-locus, le nombre minimum de pères nécessaire pour expliquer l’ensemble des génotypes des descendants est entre 4 et 6. A l’exception du requin marteau, Sphyrna tiburo, la polyandrie semble être la stratégie la plus commune adoptée par les requins vivipares et est généralement expliquée par la faible taille des populations de requins et leur forte philopatrie. Raja clavata étant ovovivipare, la polyandrie pourrait, dans ce cas, maximiser la probabilité pour que du sperme viable soit présent tout au long de la période de fécondation et de ponte, et augmenter le succès reproducteur. Il ne faut toutefois pas négliger que la polyandrie une réponse à l’exploitation pour cette espèce. Quelle est l’échelle spatiale de la différentiation génétique chez une autre espèce de Rajidae, Amblyraja radiata et à quel point cette échelle est similaire avec Raja clavata ? Dix neuf sites ont été échantillonnés dans l’Atlantique du Nord : Kattegat, Mer du Nord, Norvège, Islande et Terre-Neuve. La différentiation génétique et la structure 139 phylogéographique pour A. radiata ont été étudiées en utilisant le même fragment de 290 pb du cytochrome que lors de l’étude sur R. clavata (Chapitre 7). En excluant les Kattegat, aucune différentiation génétique significative n’a été trouvée, montrant que A. radiata a une très forte capacité de dispersion. Au total, 34 haplotypes ont été identifiés et la diversité haplotypique est relativement forte et uniforme (h=0.8) pour l’ensemble des sites à l’exception de la Mer du Nord (h=0.48). Le réseau d’haplotype montre un réseau en étoile avec un haplotype majoritaire central et présent dans tout l’Atlantique Nord. La distribution géographique des haplotypes et différents clades suggère que l’espèce est en expansion continue. L’analyse de la démographie historique appuie cette conclusion puisque l’espèce semble être en expansion depuis 1.1 million à 690,000 années, suggérant aussi que le dernier maximum glaciaire a eu très peu d’effet sur la démographie de A. radiata. Amblyraja radiata et Raja clavata ont un certain nombre de points communs mais aussi de différences. Ce sont deux espèces avec des traits d’histoire de vie très similaires, une distribution géographique qui se chevauche, et de plus elles ont été très peu affectées par le dernier maximum glaciaire. Toutefois, dans le cas de R. clavata, à l’échelle océanique, la structure des populations était très forte et la signature de refuges glaciaires claire. Pour A. radiata, au contraire, aucune différentiation génétique ni de trace de zone refuge n’ont été démontrées. Cette différence dans les résultats est probablement due à la plus forte capacité de dispersion de A. radiata qui n’est pas limitée par la profondeur des eaux, cette espèce peut en effet être très souvent pêchée à plus de 500 m de profondeur. Discussion et Conclusions Si nous nous plaçons à l’échelle océanique, nous pouvons constater que le degré de structure génétique chez la raie bouclée est à peu près équivalent à celui de la plie (Pleuronectes platessa) malgré des différences importantes dans les traits d’histoire de vie. A l’opposé, A. radiata qui possède des traits d’histoire de vie similaire, a un degré de différentiation génétique nettement inférieur (FST 30 fois inférieur). Ainsi les traits de vie comme la faible fécondité, la croissance lente, la faible distance de migration sont de mauvais indicateurs prévisionnels du patron et du degré de structure génétique chez les Rajidae. Ici les barrières édaphiques et la capacité de l’espèce à se déplacer en milieu profond plus que les traits de vie expliquent la structure génétique. A une échelle plus régionale, quelques centaines de kilomètres, la structure génétique chez R. clavata devient beaucoup moins claire et le patron ne correspond pas à ce qui était attendu, avec les baies, les côtes, les courants jouant le rôle de barrières. D’une manière générale, il semble que les individus se déplacent en effet sur des distances relativement courtes entre 50 et 130 kms telles que le suggère les données de marquage/recapture, mais une portion significative des individus migre sur de plus grandes distances. Ces migrations sur de longues distances sont-elles le fait d’une partie des individus ou de chaque individu à un moment particulier de sa 140 Résumé-Discussion vie ? Nous l’ignorons pour le moment. Il est absolument nécessaire de disposer de données de marquage/recapture pour les raies sur de longues périodes afin de mieux comprendre les déplacements des différentes cohortes et le comportement de l’espèce, et peut être son système de reproduction. Bien que l’acquisition de ce type de données soit techniquement très difficile, il est plus que nécessaire d’acquérir des connaissances précises notamment sur les lieux et l’époque d’accouplement, le comportement lors de la reproduction et le lieu des pouponnières afin de mieux comprendre la structure dynamique spatiale et temporelle et d’avoir une meilleure vue d’ensemble de la dynamique des populations de raies bouclées. La faible différentiation génétique a-t-elle une signification biologique ? Une question très importante reste à se poser : Quelle est la signification biologique d’une faible structure génétique ? Alors que le développement de nouvelles classes de marqueurs nucléaires, de nouvelles méthodes d’analyse se développent, il devient de plus en plus aisé de détecter une structure de plus en plus faible. L’énorme défi est alors de déterminer la valeur à partir de laquelle cette différence devient importante d’un point de vue biologique et donc considérer une seule unité panmictique. Comme l’ont discuté Waples & Gaggiotti (2006), la génétique des populations intègre généralement une échelle évolutive sur plusieurs générations alors que pour la conservation des espèces, les scientifiques se placent à une échelle de temps plus écologique (entre 1 et 100 ans). La faible différentiation génétique trouvée ici à l’échelle régionale est une intégration sur plusieurs générations et pourrait ne pas refléter le flux actuel de gènes. D’autre part, le taux de migration entre populations peut être faible mais suffisant pour maintenir une faible structure génétique ou une unité panmictique, alors que d’un point de vue écologique ou démographique, le taux de migration nécessaire pour maintenir une unité démographique est souvent nettement plus élevé. Les méthodes d’assignation récemment développées donnent la possibilité d’estimer le taux de migration actuel à partir de données génétiques mais demande un grand nombre de marqueurs nucléaires polymorphiques et une large taille d’échantillonnage. Le problème de ce type d’analyse est qu’un écart par rapport aux conditions optimales de validité (i.e. forte différentiation génétique, large nombre de locus et forte taille d’échantillonnage) décroît très rapidement leur puissance d’analyse et pourrait conduire à des résultats erronés. Or, dans les populations sauvages et en déclin, il est très souvent difficile de pouvoir réunir ces conditions, car d’une part les tailles d’échantillonnages sont souvent faibles et le développement de marqueurs nucléaires peut être coûteux en temps ou d’un point de vue financier. Ainsi, le développement de marqueurs nucléaires supplémentaires n’est souvent considéré que pour des espèces à forte valeur économique. Aménagement des pêches Malgré nos manques de connaissances sur la biologie et la structure des populations de raie bouclée, des mesures destinées à leur protection devraient être prises 141 rapidement (Morgensen & Fowler 2005). La protection des pouponnières et des sites de reproduction est considérée comme fondamental chez les élasmobranches (Cartier & Pratt 1998) ; et les faibles valeurs estimées de Ne et Ne/N ici démontrent la nécessité de protéger les adultes et les sites de reproduction. Les juvéniles et les immatures doivent aussi être protégés car leur grande taille dès la naissance les rend particulièrement vulnérables à presque tous les types de filets de pêches. Certaines zones de forte abondance de juvéniles ont été décrites autour du Royaume-Uni, ce qui suggère la présence de pouponnière. L’estuaire de la Tamise est une de ces zones les plus connues et les plus étudiées avec une très forte abondance de juvéniles, formant ainsi vraisemblablement une, voire plusieurs pouponnières pour la raie bouclée. Les individus de raie bouclée migrent de manière saisonnière : au Printemps/Eté les individus se retrouvent dans les eaux peu profondes de l’estuaire et en Automne/Hiver migrent vers le large. La plus forte structure génétique des populations au Printemps/Eté correspond à ces migrations saisonnières et suggère que les individus sont philopatriques, qui pourrait être lié à la période de reproduction ou à celle de la ponte. Ainsi, comme l’a suggéré Hunter et al. (2006), les zones interdites à la pêche devraient être étendues en Automne/Hiver lorsque les individus migrent vers le large, surtout si cela correspond à la période de reproduction. La mise en place de zones fermées à la pêche pour la protection des élasmobranches est à l’heure actuelle en discussion, mais il est difficile de prédire les conséquences que pourraient avoir l’établissement de telles zones sur les populations de raie bouclée. En effet, comme l’ont discuté Hunter et al. (2006), les zones de pêches pour les poissons plats, et en particulier la sole correspondent à ces zones de forte abondance de juvéniles de raie bouclée. Sachant que la valeur marchande de la sole est bien plus élevée que celle de la raie bouclée, la mise en place de zones protégées et en particulier de zone fermée à la pêche dans l’estuaire de la Tamise paraît difficile. De plus, même si un type particulier de zone protégée est mis en place afin de protéger la raie bouclée, il est possible que cela ne soit pas bénéfique pour d’autres espèces. C’est pourquoi la politique de l’aménagement des pêches doit se placer de plus en plus du point de vue de la protection d’un écosystème (Hilborn 2005) plutôt que sur la base de la protection d’une seule espèce. Toutefois, le compromis permettant à la fois l’exploitation d’une seule espèce à forte valeur commerciale et la protection d’un écosystème, sera difficile à trouver. « La mise en place de réserves n’est jamais figée —ou ne devrait jamais l’être. La création de ces réserves devrait toujours offrir la possibilité d’évoluer et d’être modifié avec l’augmentation d’informations. De nouvelles menaces sur un habitat pourrait demander une plus grande protection de la zone tampon. Sans surprise, le recouvrement de populations d’une espèce cible pourrait endormir les besoins d’intervention dans le cadre de la conservation et du suivi ». Kent Holsinger. Professeur à l’Université du Connecticut. Ce scientifique s’est particulièrement intéressé à l’utilisation des connaissances des principes écologiques et évolutifs pour résoudre les problèmes de protection des espèces. 142