4 chronique scientifique - Hôpital Maisonneuve Rosemont, Orthopédie

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4
chronique scientifique
Resurfaçage de la hanche avec couplage métal sur métal :
Retour en arrière ou innovation ?
En 1961, avec l’introduction du couple métal
sur polyéthylène comme surface de charge, Sir
John Charnley a révolutionné la chirurgie de
remplacement articulaire de la hanche. Cette
innovation a permis au remplacement articulaire de la hanche de devenir une chirurgie
reproductible, donnant d’excellents résultats à
long terme (77,5% de survie à 25 ans)1. À
cette époque, le remplacement articulaire de la
hanche était réservé à des sujets âgés et très
invalidés par leur dégénérescence articulaire.
À cette même période, McKee et Farrar ont
utilisé des couples articulaires métal contre
métal avec des têtes de grand diamètre. Deux
études récentes rapportent une survie de ces
implants de 77 à 84% à 20 ans et de 74% à 28
ans de suivie2,3. Ces résultats ce comparent
favorablement à ceux obtenus avec la technique d’arthroplastie décrite par Charnley.
Pour des raisons non scientifiques, l’utilisation
du couple de friction métal-métal fut abandonnée au profit du couple métalpolyéthylène popularisé par Charnley.
Satisfaite des résultats du remplacement total
de la hanche, la communauté médicale a progressivement favorisé l’élargissement des indications opératoires à une clientèle plus jeune
et plus active. Toutefois, les débris se
dégageant de l’usure du polyéthylène engendrent une réaction inflammatoire locale
responsable de l’ostéolyse periprosthétique, et
du descellement biologique des implants.
Joshi et al. a démontré clairement que le couple Métal sur polyéthylène a une durée de vie
limitée chez la population jeune avec
ostéoarthrose (50% d’échec clinique et radiologique à 20 ans)4. De même, le Registre
Suédois rapporte un taux de révision à 10 ans
de 20% chez les patients de moins de 55 ans.
Il est donc clair que le traitement de la
dégénérescence articulaire chez le jeune adulte
par PTH n’est pas un choix optimal et constitue une solution de compromis dont la durabilité est loin d’être assurée.
En 1988, la surface de charge métal-métal fut
réintroduite sur le marché avec une tête
fémorale « non anatomique » de 28 mm de
diamètre. Depuis, plus de 200 000 exemplaires ont été implantés à travers le monde.
La rugosité des surfaces métalliques étant
meilleure que le polyéthylène (figure 1 et 2),
les avantages potentiels à long terme sont une
diminution de l’usure des composantes, l’absence de particule de polyéthylène, et donc
possiblement d’ostéolyse secondaire. Mais
attention, tous les types d’implants avec articulation métal sur métal ne sont pas de même
qualité. La qualité de l’alliage Chrome-Cobalt
est primordiale, en particulier, un taux élevé
de carbone est favorable. De plus, l’ajustement
de l’espace, « clearance », entre la composante
acétabulaire et la tête fémorale (figure 3 et 4),
la sphéricité et le polissage des surfaces sont
des éléments essentiels au succès de ce type
d’articulation. Actuellement, les surfaces
dures, comme le métal sur métal et l’alumine
sur alumine sont considérées parmi les premiers choix chez les sujets jeunes et actifs.
Peu importe les surfaces de charge utilisées,
toutes les techniques de remplacement articulaire de la hanche impliquent la résection de la
tête fémorale et une partie de son col (figure
5). Cette substance osseuse est sacrifiée et n’est
donc pas disponible lors d’une chirurgie
future de révision. De plus, le remplacement
de la tête et du col par une tige fémorale ne
permet pas toujours de reconstituer la biomécanique normale de la hanche (offset, égalité
des membres et transfert physiologique des
charges au fémur proximal). Aussi, l’insertion
d’une tige avec ciment dans le canal médullaire peut engendrer la formation d’embolies
graisseuses et de ciment. À court terme, la tige
peut être la source de douleur à la cuisse,
d’une ostéopénie fémorale proximale de
décharge, et de fractures périprosthétiques.
Finalement, l’utilisation d’une tête fémorale
de taille non anatomique (réduites, 26, 28,
32mm) augmente les risques d’accrochage, de
luxation et limite l’amplitude articulaire.
Pour pallier aux désavantages du remplacement articulaire de la hanche par PTH et
motivé par les résultats intéressants des surface
métal sur métal, le concept de resurfaçage
métal sur métal de la hanche fut réintroduit
par Dr Derek McMinn en 1991 (figure 6).
Les avantages potentiels du resurfaçage de la
hanche sont : la préservation de la tête
fémorale et de son col, la transmission physiologique des charges au fémur proximal
(diminution de l’ostéopénie de décharge), la
préservation ou reconstruction de la biomécanique normale de la hanche et le peu d’impact sur la longueur du membre. Aussi,
comme l’implant ne viole pas le canal médullaire fémoral, il engendre moins d’embolisation de matériel d’alésage, élimine le risque de
douleurs à la cuisse en post opératoire et
faciliterais une révision subséquente souvent
nécessaire chez le patient jeune. La tête de
grande taille permet une amplitude articulaire
supérieure minimisant les risques de d’accrochage et de luxation (1 seul cas rapporté de
luxation sur 5000 cas avec la prothèse de
resurfaçage Birmingham Hip).
Finalement, l’utilisation de têtes de grandes
tailles, semble améliorer la tribologie des
implants en augmentant l’épaisseur du film
fluide entre les surfaces (figure 7, 8 et 9). Ceci
pourrait permettre une meilleure lubrification
et une diminution de l’usure des composantes
et une libération d’ions métalliques potentiellement inférieure aux têtes de petites
tailles.
Toutefois cette arthroplastie ne demeure pas
sans désavantages. La technique chirurgicale
est plus difficile que celle d’une PTH, surtout
lors de la préparation de la tête fémorale, la
marge de manœuvre est très étroite. La fracture du col fémoral en post opératoire reste
problématique (10/1500 en Australie, Figure
10). Survenant dans les premières semaines
post opératoire, cette complication nécessite
une révision de la tête avec une tige fémorale
modulaire associée à une tête de grand
diamètre (figure 11).
Les résultats cliniques rapportés par certains
groupes d’utilisateurs de resurfaçage métalmétal de la hanche depuis 1991 (McMinn et
Amstutz) sont très encourageants mais aucune
étude comparative avec le remplacement total
de la hanche n’est publiée à ce jour. De plus,
étant donné l’engouement des cliniciens,
plusieurs manufacturiers ont mis sur le
marché ou développent leur propre implant
de resurfaçage de la hanche ce qui peut créer
une certaine confusion dans le choix du
chirurgien. La quantité d’ions métalliques
libérés par des surfaces métal sur métal et les
effets systémiques à long terme semblent ne
pas être significatifs mais restent à l’étude.
Le Service d’Orthopédie de l’Hôpital
Maisonneuve-Rosemont de Montréal veut
introduire ce nouveau concept dans le cadre
d’un projet de recherche dont l’objectif est de
déterminer la performance du resurfaçage
métal sur métal en comparaison à une prothèse totale de hanche non cimentée métal sur
métal. Un des objectifs est de comparer les
résultats fonctionnels des patients avec l’aide
suite à la page 5 ➧
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chronique scientifique (suite)
d’un laboratoire de marche et des épreuves
physiques spécifiques. Aussi, nous mesurerons
les taux sériques d’ions métalliques Cr et Co.
Enfin, les deux groupes de patients seront
suivis à long terme dans le but d’évaluer les
taux de descellement et la facilité de révision
de chaque implant. Nous espérons avec ce
projet déterminer si l’engouement actuel pour
le resurfaçage métal sur métal est justifié et
désirable.
Resurfaçage de la hanche avec surfaces métalmétal : retour en arrière ou innovation? La
réponse viendra peut-être du Québec! ■
Drs Pascal-André Vendittoli et Martin Lavigne
Hôpital Maisonneuve-Rosemont
Figure 1
Rugosité de la surface de polyéthylène: 0,1 - 0,15 µm
Projet de recherche en arthroplastie de la hanche
Resurfaçage de la hanche métal sur métal vs prothèse totale
non cimentée métal sur métal
Étude prospective randomisée
Recrutement de 150 patients de moins de 65 ans.
Si vous pensez qu’un de vos patients serait un intéressé par ce projet, vous
pouvez communiquer avec notre assistant de recherche : Daniel Lusignan au
no (514) 252-3400 poste 5701 et il se chargera de communiquer avec votre
patient. Nous vous remercions de votre collaboration et restons disponibles à
tout collègue intéressé à mieux connaître la technique de resurfaçage et ses
résultats.
Figure 10
Fracture du col fémoral
secondaire à une erreur
technique per opératoire
Figure 6
Birmingham Hip Resurfacing
(MMT) : acétabulum non
cimenté HA et tête fémorale
cimentée
Figure 2
Rugosité de la surface métallique: <0,05 µm
Figure 11
Traitement de la fracture
avec une tige fémorale et
une tête modulaire de taille
correspondante à l’acétabulum
Figure 7
Épaisseur du film fluide pour une tête de 50 mm en
fonction de la « clearance »
Figure 3
Tête trop grande pour la
cupule
Bibliographie
Figure 8
Épaisseur du film fluide pour une tête de 28 mm en
fonction de la « clearance »
Figure 4 Tête trop petite
pour la cupule
1. Berry DJ, Harmsen WS, Cabanela ME, Morrey BF.
Twenty-five-year survivorship of two thousand consecutive
primary Charnley total hip replacements: factors affecting
survivorship of acetabular and femoral components. J Bone
Joint Surg Am 2002;84-A(2):171-7.
2. Jacobsson SA, Djerf K, Wahlstrom O. Twenty-year results
of McKee-Farrar versus Charnley prosthesis. Clin Orthop
1996(329 Suppl):S60-8.
3. Brown SR, Davies WA, DeHeer DH, Swanson AB. Longterm survival of McKee-Farrar total hip prostheses. Clin
Orthop 2002(402):157-63.
Figure 5
Résection de la tête et
du col fémoral et perte
de la biomécanique de
la hanche normale
Figure 9
Film fluide entre les surfaces métalliques minimise
l’usure des composantes.
4. Joshi AB, Porter ML, Trail IA, Hunt LP, Murphy JC,
Hardinge K. Long-term results of Charnley low-friction
arthroplasty in young patients. J Bone Joint Surg Br
1993;75(4):616-23.
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