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Le 10 janvier 2013
Le bel canto : de Monteverdi à Verdi
Jean-Marc ONKELINX, musicologue-conférencier, professeur d’histoire de la
musique, Diplômé en histoire de l’art, archéologie et musicologie de
l’Université de Liège, guitariste de formation
Jean-Marc Onkelinx nous invite à une écoute active de la musique ; le but étant de nous
permettre d’y découvrir une leçon individuelle. En effet, chaque composition permet à
l’artiste de présenter sa façon d’appréhender le monde ; et cela nous permet également d’y
trouver quelque chose de nous-mêmes.
Le bel canto, l’opéra, est une des disciplines les plus extraordinaires de la production
musicale, mais qui ne se limite pas à la période de Monteverdi à Verdi.
Déjà dans les tragédies grecques, on retrouve l’embryon de notre musique d’opéra, même
s’il ne s’agit pas de bel canto au sens traditionnel.
Au Moyen Age, le chant grégorien est également une forme de bel canto, même s’il n’obéit
pas aux règles du bel canto traditionnel. Le chant a longtemps été un chant religieux, qui
permettait une communication avec le spirituel.
Le bel canto nait au tout début du 17e siècle, entre la Renaissance et l’art baroque. A cette
époque, la question est de savoir si la parole ou la musique doit primer.
En 1607, Monteverdi compose le premier véritable opéra « Orphée et Eurydice », dans
lequel il combine des déclamations à l’antique (récitatifs) et de nouvelles formes de chant (la
« seconda prattica »). Il ajoute des éléments ornementaux sur les voyelles.
L’art baroque se veut irrégulier, non pas par maniérisme, mais par rhétorique. L’artiste tente
de faire passer un message. L’ornementation n’est pas une fin en soi ; elle est le résultat
d’un mouvement.
Dans le bel canto, 3 parties se succèdent plusieurs fois :
1. La ritournelle : partie orchestrale du début. Elle crée le climat.
2. Le récitatif lors de l’entrée du chanteur.
3. L’ornementation, la colorature : passage musical qui fait appel à la virtuosité vocale.
Les domaines de la musique et de l’art ne sont pas cloisonnés. Ainsi, la musique
instrumentale se développe (concertos, sonates, symphonies) ; elle subit cette influence à
l’ornementation : par exemple, dans la musique pour clavecin (Prélude de Couperin).
Il y a donc une émulation entre la musique instrumentale et l’opéra. Les chants d’Haendel et
de Vivaldi sont beaucoup plus ornementés. Cela s’explique par les castras. Ils étaient
demandés dans l’Europe entière pour leur efficacité de chant. Ils avaient une capacité
vocale extraordinaire, mais il fallait se plier à leur volonté : par exemple, ils ne jouaient pas la
comédie et exigeaient plusieurs airs de virtuosité. C’est pourquoi, le public avait tendance à
perdre le fil conducteur de la tragédie. Les castras vont progressivement disparaitre car le
public n’en veut plus. Mais, tout un savoir faire disparait avec eux.
Mozart apporte beaucoup d’innovation à l’opéra. Il rend au chant une véritable virtuosité
narrative, à bon escient. En effet, dans ses opéras, tant l’action que la virtuosité sont
présentes. Plus tard, Mozart tente de donner une vérité psychologique au théâtre, en
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amenant la psychologie de l’individu au premier plan de la scène. Dans ce sens, Mozart a
été un précurseur du romantisme.
En 1802, Beethoven marque le début du romantisme. En effet, sa musique est une façon de
révéler son être, sa vision du monde.
Dans le romantisme, le compositeur se révèle comme individu. L’émotion transparait à
travers le chant, d’une virtuosité inouïe.
Rossini développe un plaisir narcissique de celui qui chante et crée un sentiment de
transcendance tant chez le chanteur que dans le public. Et la trame théâtrale passe par
moment au second plan.
Bellini traite le bel canto d’une autre façon, beaucoup plus mélodique, plus tragique. On
reconnait toujours l’introduction orchestrale, qui crée l’ambiance, et le récitatif, mais
l’ornementation, la colorature, sont utilisés de façon beaucoup plus parcimonieuse. On y
retrouve un autre élément du bel canto, le « rubato » (= voler), c.à.d. une élasticité du
temps (étalement et compression du temps alternent). Cela donne force et émotion au
morceau de musique.
J.M. Onkelinx nous conseille de réécouter les préludes de Chopin avec cette écoute active.
La génération suivante de compositeurs :
Verdi : il se positionne plus loin du romantisme, mais plus proche du naturalisme, d la
réalité. Il tente de montrer la véritable tragédie, et il abandonne dès lors
progressivement l’ornementation et la colorature.
Puccini : il renonce au chant. Certains passages sont même criés, hurlés. Le
chanteur est poussé aux limites de ses capacités, dans un chant ultime.
En conclusion, chaque époque a eu son bel canto, son « beau chant ». Il ne s’agit donc pas
de cataloguer le chant par époque, par style. Il s’agit de comprendre qu’à chaque époque les
artistes ont créé des personnages pour émouvoir et parce qu’ils étaient eux-mêmes émus.
* * * * *
Quelques réponses aux questions :
1. Cecilia Bartoli a une voix mezzo soprano exceptionnelle. Sa technique est
extraordinaire, mais J.M. Onkelinx estime que son jeu est monocorde et qu’elle est
malheureusement continuellement pressée.
2. Liste des interprètes des morceaux écoutés :
a. « Orfeo » de Monteverdi : l’ensemble Elyma dirigé par Garrido (K617)
b. « Orfeo » de Rossi : King Concert (Yperion)
c. Clavecin de F. Couperin : Blandine Verlet au clavecin.
d. « Carestini » de Haendel – Philippe Jaroussky (Virgin Musique
e. « Flute enchantée » de Mozart : Roberta Peeters (Deutsche Grammophon)
f. « Barbier de Séville » de Rossini : Diego Florez
g. « Somnambule » de Bellini : Cheryl Studer
h. « La Traviata » de Verdi : Teresa Stratas
i. « Tosca » de Puccini : Angela Gheorghiu & Ruggiero Raimondi
j. « Pallas » : Placido Domingo
3. Les chants grecs : On connait les notes de ces chants et les intervalles entre les notes,
mais on ne connait pas la hauteur absolue des notes. Il s’agit donc de les réinterpréter.
4. Le blog de Jean-Marc Onkelinx : http://jmomusique.skynetblogs.be/
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