Chronologie notionnelle et auxiliarité en portugais : L`exemple du

STUDIA UBB PHILOLOGIA, LX, 3, 2015, p. 105 - 118
(RECOMMENDED CITATION)
CHRONOLOGIE NOTIONNELLE ET AUXILIARITÉ EN
PORTUGAIS : L’EXEMPLE DU VERBE TER
JOSÉ MANUEL CATARINO SOARES1
ABSTRACT. Notional Chronology and Auxiliarity in Portuguese: the case of
the verb ter . In both romance and germanic languages at least, there is a strong
connection between the notional chronology of lexemes and those verbs
committed to an auxiliary role. The psychomecanism of internal subduction (=
episodic lexical dematerialization) is the revelatory fact of such a connection. In
this article I aim at analysing this connection with regard to the portuguese verb
ter (« have »), one of the primary auxiliary verbs of this language.
Keywords : notional chronology, lexical dematerialization, primary auxiliaries,
portuguese
REZUMAT. Cronologie noţională şi auxiliaritate în portugheză : exemplul
verbului ter. În limbile romanice şi în cele germanice, se constată o puterni
legătură între cronologia noţională a lexemelor şi verbele susceptibile de a avea
rol de auxiliare. Psihomecanismul subducţiei interne (= dematerializarea lexicală
episodică ) este faptul revelator al acestei conexiuni. În prezentul articol îmi
propun analizez această legătură raportându-mă la unul dintre verbele auxiliare
principale din portugheză, anume verbul ter (a avea).
Cuvinte cheie: cronologie noţională, subducţie internă, auxiliaritate, portugheză
1.Introduction
Les verbes, dans les langues qui font la distinction morphologique
entre nom et verbe, comme les langues indo-européennes, représentent des
événements. On peut diviser les événements, en deux types: des événements
monophasiques et des événements métaphasiques. 2
1. Professor coordenador. Instituto Politécnico de Setúbal. Portugal. Email: [email protected].
2. Cette distinction a été établie par Walter Hirtle (1967: p. 26 et 2007 : p. 87-88). Il en va de me
des formules utilisées par la suite.
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Un événement monophasique correspond à une occurrence
temporelle dont les successifs instants d’effection (I1, I2, …In) sont verbalement
représentés comme n’impliquant aucun changement qualitatif ou
développement. Ils sont impénétrables à lanalyse. Ce qui peut être résumée
par la formule suivante (où 1 représente l’entier de l’événement) :
I1 = I2 =…………= In = 1
Un événement métaphasique correspond à une occurrence temporelle
dont les successifs instants d’effection (I1, I2,…In) sont verbalement
représentés comme impliquant plusieurs phases de développement. Ce qui
peut être résumé dans la formule qui suit :
I1 + I2 +…………..+ In = 1
Dormir, par exemple, est un événement monophasique. Je peux dormir
beaucoup dheures, ou une minute, ou une seconde, voire des fractions de
seconde (c’est la cause de maint accident de route !). C’est tout à fait
indifférent, car aucun développement na eu lieu pendant le déroulement de
l’énement, à tout le moins en pensée commune, celle qui a engendré partout
les langues3. Le même résultat est produit dans tous les cas au moment du
retour à l’état de veille.
Manger, par contraste, est un événement métaphasique. Il faut, pour
manger, ouvrir la bouche, faire entrer de la nourriture, la mâcher et l’avaler.
Ce sont, clairement, des phases différentes qui s’accumulent temporellement
pour produire le résultat escompté. On ne peut pas bouleverser les étapes. On
peut, parfois, ne pas mâcher avant davaler, mais on ne peut pas avaler de la
nourriture sans ouvrir préalablement la bouche et y faire entrer de la
nourriture.
2. Chronologie notionnelle
Il existe, parmi les verbes dune langue donnée, une hiérarchie
sémantique, nommée chronologie notionnelle.4 Cela veut dire que certains
verbes, du fait de leur teneur idéogénique, de leur « matière » lexicale, se
3. Par pensée commune (le terme est de G. Guillaume), il faut entendre la pensée de Monsieur /
Madame-Tout-le-Monde autrement dit, les facultés cognitives dont tous les êtres humains sont
pourvus (hormis en cas de sévère pathologie congénitale ou acquise) en tant que membres de la
même espèce biologique (Homo sapiens), indépendamment de leurs talents spéciaux, de leur statut
social et de leur héritage culturel.
4. Ce terme est emprunté à G. Guillaume. Leçon du 20 février 1947. Leçons de Linguistique.
Vol.14. 1997.
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situent dans l’antériorité notionnelle de tous les autres verbes qui représentent
un événement (monophasique ou métaphasique).
Être, par exemple, préexiste dans la filiation notionnelle des mots, à pouvoir,
qui préexiste à faire et généralement à tous les verbes spécifiant un procès
agi, pu, subi5.
Je vous donne tout de suite la chronologie notionnelle des verbes
portugais, selon l’analyse que j’en ai faite.
Gustave Guillaume a nomsubduction externe ou subduction exotérique
la propriété commune des verbes que lon trouve à gauche de cet axe. Ces
termes signifient que l’antériorité notionnelle des verbes placés à gauche sur
cet axe est sensible par simple comparaison du sémantème (le signifié lexical)
de ces verbes à celui de la grande masse des autres verbes, ceux que se situent
sur la droite de cet axe. Ce sont les verbes de puissance – terme guillaumien qui
ne doit pas être confondu avec celui de verbes « modalisateurs » (ou « de
modalité ») qui appartiennent à ce groupe mais qui ne l’épuisent pas. Il reste à
expliquer le choix de ces verbes et l’ordre dans lequel ils sont placés sur laxe
de chronologie notionnelle dont fait état le diagramme 2, car, bien sûr, on ne
saurait parler de chronologie notionnelle si cet ordre était arbitraire.
5. G. Guillaume. Leçon du 2 décembre 1938. Leçons de Linguistique. Vol. 12. 1992.
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On peut en effet subdiviser les verbes de puissance en deux groupes :
A) les verbes qui représentent les conditions générales d’existence effective de
tout événement, et B) les verbes qui représentent des conditions spéciales
d’existence puissancielle d’un événement. Appartiennent au groupe A) en
portugais les verbes fazer faire »), estar (« y être » ), ter (« avoir » ), serêtre »),
haver y avoir » ). Appartiennent au groupe B) les verbes dever (« devoir »),
poder (« pouvoir »), querer (« vouloir »), saber (« savoir »), parmi d’autres.
On remarquera que les verbes de puissance du groupe A) sont
notionnellement, idéogénétiquement, dans l’antériorité absolue de tous les
verbes, y compris les verbes du groupe B). On ne saurait disconvenir que (i)
pour saber savoir ») et querer (« vouloir ») il faut dabord ter avoir ») les
connaissances et la volonté suffisantes ; (ii) que pour deverdevoir» ), soit au
sens d« être tenu à », soit au sens de capacité dactualité (= chances dêtre), il
faut d’abord préssuposer ser être ») ; (iii) que pour poder ( « pouvoir » ), il
faut d’abord ser et haver ( « avoir de quoi être ») ; (iv) que « pour agir ou subir,
il faut au préalable quon soit [port. seja, N.E], et, de plus, qu’on puisse, qu’on
veuille, qu’on sache, qu’il convienne, etc.»6.
Il est possible dordonner les verbes du groupe A) par ordre croissant
de subduction externe selon les notions que chacun emporte avec soi par
idéogénèse : 5) l’agentivité de l’existant sous sa forme la plus générale
(représentée par le verbe fazer en portugais, le verbe factotum par excellence) ; 4)
l’occupation d’un espace délimitable sous sa forme la plus rale (représene
en portugais par le verbe estar); 3) la contenance gnomique7 c.-à-d.
l’existence d’un rapport réel ou virtuel entre un support considéré au titre de
contenant (qui peut être l’univers lui-même, le contenant par excellence, sans
quil y ait plus grand) et des entités diverses considérées au titre de contenu
6. G. Guillaume. 1964 : p. 73.
7. Du grec γνώμη [gnômè], pensée, sentence, maxime. La maxime est une assertion portant sur le
général et sur tout ce qui est du domaine de laction et des choix, positifs ou négatifs, en matière
d’action (Aristote, Réthorique, p. 235). Par gnomique il faut entendre, ici, ce qui a une portée
générale et passepartout dans la pensée.
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(représentée par le verbe ter) ; 2) l’existence autonome et tautochrone
(représentée en portugais par le verbe ser) ; 1) l’attribution d’existence à un
moment et/ou à endroit quelconque (représentée par le verbe haver). 8
Le verbe existir (exister) semble occuper la première position après le
seuil séparateur des verbes de puissance et des verbes ordinaires. Il représente la
persistance de la personne cardinale en tant que support spatial obligé de tout
événement, mais sans la discuter, sans opérer aucune discrimination concernant
soit la nature de l’événement en cause soit le rôle dopérateur éventuellement
attribuable à la personne cardinale. Si je dis que X (moi, toi, la pluie, le Soleil,
l’Europe, la langue portugaise, le boson de Higgs, l’euro, le Minotaure, etc.) existe,
je dis seulement que cet X est un site ou être se trouvent rassemblées sinon
toutes à tout le moins une (ou quelques-unes) des conditions dexistence
effective de tout événement : haver, ser, ter, estar, fazer.
On peut donc exister sans rien fazer (faire), mais on ne peut pas exister
sans estar (être quelque part). Pour estar il faut à son tour ter (avoir) de quoi
exister en continu ne serait-ce que pendant un laps de temps très court. La
physique, la plus générale des sciences cosmologiques, appelle « énergie » la
grandeur physique qui caractérise l’état d’un système matériel (corps ou
particule) 9 de lunivers et qui est, de manière globale, conservée au cours des
transformations. La cosmologie physique contemporaine ne s’arrête pas là. La
plupart des cosmologistes attribue l’existence de l’univers ou cosmos à une
« singularité » gravitationnelle, lieu d’origine d’un “événement” fort obscur
(nommé de manière facétieuse Big Bang), indescriptible par la physique actuelle,
qui aurait eu lieu il y a 13,82 milliards d’années10, sans que cela préjuge, ajoute-t-
on, de l’existence d’un « commencement absolu » à son histoire, car il y a « le mur»
ou l« ère» de Planck. Dans la théorie du Big Bang, l’univers (le cosmos), tel que
nous le connaissons, a donc un âge fini, calculé à partir de son taux d’expansion et
de sa variation depuis le mur de Planck, la période de l’histoire de l’univers au
cours de laquelle les quatre interactions (/« forces ») fondamentales étaient
unifiées, ce qui empêche de la décrire à l’aide de la relativité générale ou de la
physique quantique, puisque ces théories sont incomplètes et ne sont valables
que quand la gravitation et les effets quantiques peuvent être étudiés séparément.
Supposons que cela soit vrai. On peut alors dire, en portugais, que
présent de l’indicatif » du verbe haver) cosmos depuis cette date. Quant au
verbe ser il représente tout corps ou particule, tout phénomène de l’univers
dont on peut concevoir l’existence autonome et tautochrone. De ce fait, il est la
quintessence ou l’épitomé de la notion de réalité.
8. L’espace manque pour élucider l’ordonnancement des verbes du groupe B.
9.Particule : « A body so small that, for the purposes of our investigation, the distances between
its different parts may be neglected, is called a material particle ». J. Clerk Maxwell.1925 : p.3.
10. D’après l’interprétation que cette théorie fait des observations du fond diffus cosmologique
(le rayonnement fossile micro-ondes du Big Bang) obtenues au moyen des satellites WMAP
(cf. http://map.gsf.nasa.gov/ universe/) et Planck (cf. http://www. esa.int/ESA).
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