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L’EXPÉRIENCE PAULINIENNE D’UNE IDENTITÉ...
Saül, devenu Paul après sa conversion, est un juif d’obédience
pharisienne ; un juif en contact, à Tarse sa ville natale, avec la
culture grecque ; un juif hellénistique qui assume, avec fierté, le
titre de citoyen romain. La confluence de ces trois facteurs m’a
paru d’une importance capitale. À mes risques et périls, je lui
accorde la valeur d’une idée régulatrice ou, si l’on préfère, d’une
hypothèse interprétative, dont la vraisemblance ne se dissocie pas
d’une fragilité qui l’expose à la contradiction ⁴.
Selon le même auteur, ces trois facteurs n’ont pas toujours la
même importance. Si l’héritage biblique et juif domine, par
exemple, dans les discussions sur le rôle de la Loi, la conception
paulinienne du cosmos est plutôt d’origine stoïcienne grecque,
tandis que le corps social de l’Église est pensé sous l’influence
de catégories romaines ⁵. Ce ne sont là que de grands accents
et on pourrait sans doute raffiner davantage. Mais il n’est ni
faisable ni utile de vouloir aller trop dans le détail sur cette voie.
Il suffit de reconnaître la complexité de la personnalité de Paul
de par ses origines mêmes. Je prends deux exemples de débats
de l’exégèse contemporaine qui illustrent bien ce phénomène.
En premier lieu, quel est le rôle de l’Écriture dans les lettres
pauliniennes ? Et d’abord, quelle Bible utilisait Paul ? En quelle
langue ? On s’accorde à dire qu’il s’agit essentiellement de la
Bible grecque telle qu’elle nous est connue par la LXX. Malgré
ses origines juives et son instruction aux pieds de Gamaliel
« strictement conforme à la Loi des ancêtres » (Ac 22, 3), il n’était
donc pas un adepte de la veritas hebraica. Cependant, non
seulement il raisonne souvent sur les Écritures et il les cite à de
nombreuses reprises, mais il y fait naturellement écho, comme
a tenté de le montrer Richard Hays ⁶. Dans une thèse de doctorat
récemment présentée à Louvain-la-Neuve, Louison Bissila Mbila
a soutenu que, au début de Romains, Paul s’inspirerait de la
structure d’Amos, et il croit pouvoir affirmer que « Paul pensait,
écrivait et parlait l’Écriture ⁷ ». Toutefois, on peut se demander
si la prégnance scripturaire sur Paul était si forte, lorsqu’on
constate qu’il est des lettres où Paul n’écrit pas en dialogue avec
4. Stanislas BRETON, Saint Paul, Paris, PUF, coll. « Philosophies », 1988, p. 5.
5. Stanislas BRETON, p. 5-6.
6. Richard B. HAYS, Echoes of Scripture in the Letters of Paul, New Haven, Yale
University, 1989.
7. Louison BISSILA MBILA, Juifs et Gentils face au jugement divin. Analyse intertextuelle
de Rm 1, 16-2, 29 et d’Amos (thèse non publiée), Louvain-la-Neuve, 2011, p. 74.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Paris-Descartes - Paris 5 - - 193.51.85.60 - 21/08/2013 09h39. © Editions du Cerf
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