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IDLLITIN
DEUXIÈME ANNÉE
mum
N°
Dl PISCICULTURE
17
NOVEMBRE 1 9 2 9
E X P O S E ET DISCUSSION DES T R A V A U X
LES P L U S RÉGENTS
RELATIFS A U X ÉCHELLES A POISSONS
P a r M. S A B A T I E R D E L A C H A D E N È D E
C o n s e r v a t e u r d e s E a u x et K o r è t s .
(Suite)
Arrivons m a i n t e n a n t au travail inédit de M. MOP.M., qui n'a pas les
m ê m e s conceptions que M. S.CHMASSMAW. Il n'étudie, d'ailleurs, que le
S a u m o n , alors que le professeur suisse e x a m i n e le problème plus général
d u Poisson.
M. Mon KL estime que le S a u m o n s u r m o n t e les obstacles soit en nageant,
soit en sautant, pourvu qu'il ne soit pas astreint à fournir un effort-limite,
dont il s'agit d'exprimer la valeur. El, pour cette recherche, on ne peut
utiliser que ce q u ' o n voit : le saut.
Lu détermination effectuée, il sera loisible de soumettre à une d i s c u s s i o n
rationnelle les dispositifs pour l'utilisation de cet effort, destinés au franc h i s s e m e n t des barrages et, enfin, les meilleurs m o y e n s d'attirer le s a u m o n
a u pied île ces dispositifs.
Le saut a fait, de la part de M. MOKKI,, l'objet d'observations très attent i v e s
.
l
e
S
a
u
m
o
n
incline
d'abord son corps dans la
direction
de
la
crête
de
l'obstacle qu'il veut franchir,
puis prend son élan.
A l'instar d'un projectile,
son corps, a n i m é d'une vitesse
initiale \ „ décrit hors de
l'eau une parabole(voir fig. i •>.) ;
I ' k ; . 12. — Saut d u S a u m o n .
on connaît, en c o n s é q u e n c e ,
^a relation entre cette vitesse, l'angle d ' i n c l i n a i s o n de la trajectoire
à son o r i g i n e et la hauteur h du s o m m e t de la courbe au-dessus de l'horizontale (h est, en fait, la hauteur de l'obstacle) ; on a en effet :
x
Il:
W
sin
s
«
2 g
Article available at http://www.kmae-journal.org or http://dx.doi.org/10.1051/kmae:1929003
— 98
—
La d e m i - l o n g u e u r 1 de la corde qui sous-tend la parabole, c'est-à-dire la
d i s t a n c e d u p o i n t d ' é m e r g e n c e d u Poisson au pied de l'obstacle, est d o n n é e
p a r la f o r m u l e :
V
2
Sin. a C o s . «
0
~~
g
Substituant :
D ' o ù l'on déduit que, p o u r un barrage d é t e r m i n é , 1 sera d'autant plu»
c o u r t q u e a sera p l u s g r a n d .
P r a t i q u e m e n t , le S a u m o n , en sautant, s'arrange pour que la distance
soit voisine de i fois la h a u t e u r de l'obstacle.
Alors a est v o i s i n de /|~>°, o n peut poser Sin.
2
a = 1 / 2 , d'où :
V . = l/"4 g h
m
En admettant le saut m o y e n à i 2 o de hauteur, V = 7 m è t r e s - s e c o n d e s
environ.
0
T e l l e serait la vitesse initiale d u S a u m o n type et les courants qu'il peut
r e m o n t e r seraient c e u x inférieurs à 7 m.-s. ; au-delà il serait entraîné o u
b i e n resterait sur place. D'autre part, la vitesse m a x i m a de l'eau d a n s
u n e passe devra être, par e x e m p l e , de .V" ~w à la seconde pour q u e le S a u m o n la puisse franchir avec u n e vitesse relative de 3 5 o .
m
La vitesse l i m i t e d u courant étant ainsi déterminée, M . MOREL e x a m i n a n t la question de la hauteur m a x i m a à d o n n e r a u x échelles à P o i s s o n s ,
e s t i m e q u e celle-ci n'est l i m i t é e par rien autre que par des motifs d'ordre
financier. Il suffirait d ' a m é n a g e r , sur le parcours de ces échelles, e n suffis a n c e , des bassins de repos, p o u r que le Poisson puisse franchir n ' i m p o r t e
q u e l l e hauteur. Alors, il s'élance et m o n t e rapidement, s'arrêtant a u x
p a l i e r s u n t e m p s p l u s o u m o i n s long pour c o n t i n u e r ensuite son a s c e n s i o n ; jamais il ne reviendrait e n arrière.
D e s observations faites à Rjukanfôss (Norvège) m o n t r e n t q u e 26 m è t r e s
de hauteur, 280 mètres de l o n g u e u r et 700 coudes n'effrayent pas le S a u m o n
de ces régions.
D a n s les passes, l'eau est blanche si elle est é c u m e u s e , verte si elle
n ' e s t pas é m u l s i o n n é e d'air. Le S a u m o n préfère les eaux vertes, o ù il
v o i t clair et o ù il peut se diriger.
P o u r q u ' u n e passe puisse être franchie, il faut q u e l'entrée e n soit d ' u n
a c c è s facile.
Les quelques i n d i c a t i o n s
lation.
suivantes
peuvent g u i d e r pour l e u r
instal-
D'abord, le S a u m o n recherche les masses d'eau e n m o u v e m e n t .
P l u s l'accès d ' u n e é c h e l l e se confondra avec le courant p r i n c i p a l de la
r i v i è r e , plus elle sera facile à trouver.
D a n s u n courant rapide, u n abri de repos est nécessaire ; l'entrée d ' u n e
—
99
—
passe sera donc bien placée au m i l i e u d'un gouffre o ù le S a u m o n viendra
stationner.
Le bruit parait exercer une attirance ; tel celui de l'eau t o m b a n t e n
cascades.
Un éclairage intense, la nuit, s e m b l e avoir une influence favorable,
sans q u e le fait soit nettement démontré.
Enfin, les entrées à coloration foncée seraient plus facilement repérées
que celles de teinte claire, et la rusticité de leur a m é n a g e m e n t est recomm a n d a b l e , c o m m e imitant la nature.
La théorie hydraulique des différents dispositifs de franchissement des
obstacles fait ensuite l'objet d'une étude spéciale de M . MOHEL d o n t voici
le r é s u m é :
i ° Les simples coursiers à parois rugueuses ont une \ i t e s s e de l'eau
g é n é r a l e m e n t trop forte, savoir :
Pour une pente de 10 %, de
m. ôo par seconde
—
—
20%,
— 7 m . 60
—
—
—
3o %, — 9 m. l\o
—
Tous ces chiffres étant supérieurs à la \ i l e s s e adoptée de 3 m . 5o, il
résulte que ces dispositifs ne devront être e m p l o y é s que sur des sections
à l o n g u e u r assez petite pour limiter l'effort à faire au m o i n d r e t e m p s
possible.
2° Les coursiers à chicane sont recoupés par des cloisons grâce auxquelles est allongé le parcours, donc atténuée la pente ; la multiplication des surfaces de frottement a aussi pour effet d'amortir la vitesse du
courant par des chocs contre les parois.
3° L'échelle « Carnéré » est formée d'un couloir i n c l i n é dont les côtés
et le fond sont percés de fentes par lesquelles l'eau d ' a m o n t est injectée
sous pression. Il e n est plusieurs types, p e u intéressants en raison de la
grande c o n s o m m a t i o n d'eau ; les résultats obtenus ont, d'ailleurs, été
médiocres.
4° Les coursiers à amortisseurs du m o d è l e « Denil » sont plus avant a g e u x que les précédents, car c'est l'eau du coursier l u i - m ê m e qui est
utilisée p o u r freiner l'accélérât ion due à la pesanteur.
L'amortisseur le plus simple est constitué de deux plans perpendiculaires au fond du coursier, formant entre eux un angle dièdre de 9 0
et i n c l i n é s à 45° sur les parois latérales. Ces plans sont échancrés de
m a n i è r e à laisser passage au courant. .
La réduction de la vitesse du courant qui dévale est due aux frottem e n t s , aux remous, à l'absorption partielle de l'énergie cinétique par
les masses d'eau tourbillonnantes.
0
5° Les cuves étagées à orifices noyés c o m p o r t e n t u n e série de bassins
en gradins en c o m m u n i c a t i o n par des ouvertures situées au-dessous du
n i v e a u liquide. L'eau débitée par elles rencontre, dans la cuve suivante,
—
100
—
des v e i n e s liquides a n i m é e s d ' u n e vitesse m o i n d r e . Il se produit alors des
frottements ; de p l u s , le courant s'épanouissant, à la sortie de l'orifice,
sa vitesse d i m i n u e et d i m i n u e r a d'autant m i e u x que la distance séparant
deux cloisons successives sera plus grande. Ce système est à adopter, sur
les rivières sujettes à variations de niveau, pour la partie a m o n t des
passes, mais il ne c o n v i e n t pas pour leur partie aval, parce q u e les orifices, se trouvant i m m e r g é s à trop grande profondeur au m o m e n t des
crues, l'eau qui s'en écoule ne provoque plus 1 appel du P o i s s o n .
6° Les v a n n e s de fond ne sont autre chose que des orifices n o y é s . A la
p o u d r e r i e nationale de Pont-de-lîuis il en est une, traversée m a i n t e s fois
par le S a u m o n , n o n o b s t a n t u n e différence de niveau de 5 mètres. La
vitesse du courant, d o n n é e par la formule
V = V~2 g h
est de
9 m . 90 ; celle des P o i s s o n s franchissant cette vanne doit être ainsi de
11 mètres e n v i r o n .
7
0
Les cuves étagées à déversoirs, qui ont des applications n o m b r e u s e s
en Norvège, ne f o n c t i o n n e n t bien que quand la différence de n i v e a u
d ' u n e c u \ e à l'autre ne dépasse par o , a 5 à o , 3 o . La passe C o c k e m o u t h
( C u m b e r l a n d ) , qui d o n n e de bons résultats, a été construite sur ce
principe.
8° Les cuves étagées à cascades ne peuvent être franchies par le P o i s s o n
q u ' e n sautant. Beaucoup de sujets se dépensent en efforts inutiles ; après
u à 20 essais, fatigués, ils se laissent aller au fil de l'eau.
0
9 Les passes rustiques sont formées de bassins c o m m u n i q u a n t entre
eux par des déversoirs noyés, par des courtiers à parois rugueuses o u
par de pelilcs cascades. Creusées dans le sol. < es passes c o m p r e n n e n t le
m i n i m u m d'ouvrage d a r t .
I.c> applications de ces différent* s y s t è m e ; de passes à S a u m o n font
l'objet d'une élude attentive. Mais pour ces renseignements de détail.
Huns renverrons le lecteur à l'ouvrage m ê m e .
Faisant m a i n t e n a n t application des données de MM. SCIIMASSMVNN et
MOREL et passant de la théorie à la pratique, nous constatons q u ' u n
c o u r a n t d'une vitesse de S.ôo à la seconde pourra être vaincu par les
S a u m o n s , m a i s ne le sera pas par les autres Poissons qui ne p e u v e n t
r e m o n t e r plus de 2 m . - s . environ.
C o m m e u n e échelle doit être utilisable par tous les P o i s s o n s , n o u s
s o m m e s conduits à établir les projets e n adoptant cette dernière vitesse
c o m m e un m a x i m u m . Mais ceci a, é v i d e m m e n t , l ' i n c o n v é n i e n t d ' i m p l i q u e r pour la passe un d é v e l o p p e m e n t considérable avec u n p r i x correspondant.
Les échelles qui s e m b l e n t , généralement, c o n v e n i r le m i e u x , à s'en
rapporter à l'expérience de M. SCHMASSMAMN, sont celles constituées de
b a s s i n s étages en c o m m u n i c a t i o n par orifices noyés.
Ces échelles sont, t h é o r i q u e m e n t , très satisfaisantes. Toutefois, c o m m e
— 101 —
le fait observer M . MOREL, sur les rivières sujettes à amples variations
de n i v e a u , elles sont d'efficacité réduite au m o m e n t des crues.
Il conviendra, en pareille conjoncture, de recourir à l'échelle m i x t e
formée p o u r la partie a m o n t d'une passe à orifice n o \ é , pour la partie
aval d ' u n coursier amortisseur ; elle se prêtera bien à toutes les variations de n i v e a u .
Il s e m b l e m ê m e , en définitive, q u e ce dispositif doive être considéré
c o m m e étant, d'une façon générale, celui auquel devront aller les préférences. Bref, sauf cas exceptionnels, l'échelle la plus avantageuse serait
c o m p o s é e , en a m o n t de cuves étagées à orifices noyés, en aval d ' u n
coursier « Denil ».
La vitesse de l'eau étant arrêtée à i mètres à la seconde, la différence
de n i v e a u de l'eau entre les cuves sera d o n n é e par la formule :
Les ouvertures dans les parois seraient en l i g n e droite pour ne pas
exposer le Poisson à aller heurter la cloison d ' a m o n t d'un c o m p a r t i m e n t
en poussant droit devant lui après avoir traversé l'orifice de la paroi
d'aval.
Reste le c h o i x de l ' e m p l a c e m e n t de l'échelle.
Sur ce point, il y a désaccord entre les deux spécialistes dont n o u s a v o n s
analysé les récents travaux.
D'après M. MOREL, le S a u m o n ne s'engagera dans une passe que s'il
a l'impression qu'il n ' a b a n d o n n e pas le cours de la rivière. En outre,
plus l'entrée se confondra a \ e c le courant principal, m i e u x cela vaudra.
Estimant, au contraire, que le Poisson est un fervent partisan de la
théorie du m o i n d r e effort, M. SCFIMASSMVNN pense qu'il remontera le
courant en suivant les bords où la xitesse de l'eau est m o i n d r e . C'est
donc là qu'il faudrait placer, de préférence, le pied de l'échelle.
Cette divergence est d'importance, alors surtout que la cause essentielle
du n o n - f o n c t i o n n e m e n t de bien des échelles paraît bien être leur mauvaise
i m p l a n t a t i o n . On est amené à se d e m a n d e r si les Poissons en instance de
remonte se comportent tous de la m ê m e m a n i è r e au seuil d'un obstacle
dressé sur leur c h e m i n .
Une étude expérimentale de cette question serait assurément des plus
intéressantes. En attendant, il serait peut-être prudent de ne pas fixer les
pieds des échelles d'une manière invariable ; il ne semble pas i m p o s s i b l e
de prévoir, avant la construction définitive, l'installation d'une passe
provisoire facilement déplaçable.
Il n o u s reste à comparer les m é t h o d e s SCHMASSMANN et MOREL en ce qui
concerne la détermination de l'effort-limitc des divers Poissons et, par
suite, celle de la vitesse maxima du courant q u ' i l s peuvent remonter.
Certaines observations frappent le lecteur de ces deux m é t h o d e s . Pour
M . SCHMASSMAW, la nage est le seul m o d e de propulsion. M. MORKI. admet
— 102 —
le saut a u m ê m e titre que la nage. Dans ce cas le Poisson quitte le m i l i e u
l i q u i d e pour passer dans u n autre d o n t la résistance est toute différente.
On s'explique alors m a l q u e , de la hauteur d u saut dans l'air, o n puisse
déduire la vitesse de n a g e dans l'eau. Sur ce point il s e m b l e bien q u e la
m é t h o d e d o n n e prise à q u e l q u e s critiques, théoriquement au m o i n s .
M. SCHMASSMANN utilise passivement les Poissons qu'il veut étudier ; il
les pèse, puis les tire a u bout d'un fil, se préoccupant u n i q u e m e n t de
d é t e r m i n e r la résistance opposée par l'eau a u m o u v e m e n t d u sujet e n
expérience.
M. MOREL observe des S a u m o n s actifs et sautant. 11 évalue la hauteur
d u b o n d , sans s'inquiéter d u poids de l'animal n i de l'énergie interne
q u ' i l développe, il en déduit l'élan nécessaire pour l'élévation a u n e hauteur d o n n é e , et par suite, la vitesse dont il est accidentellement capable.
Le saut m o y e n d u S a u m o n moyen est alors, pour M. MOBEL, u n e sorte
de synthèse des différents éléments d o n t M. SCHMASSMANN e x a m i n e u n e n
particulier, de façon attentive, en raison de son importance prépondérante.
N o u s c o n c l u r o n s de ces remarques que la m é t h o d e SCHMASSMANN n o u s
paraît r i g o u r e u s e m e n t scientifique, avec u n résultat exact p o u r c h a q u e
p o i s s o n étudié, alors q u e la méthode MOREL m o i n s précise, ne d o n n e ,
p o u r le seul S a u m o n , q u ' u n e approximation, mais suffisante, semble-t-il,
p o u r les besoins de la pratique.
11 serait, a s s u r é m e n t , d u p l u s grand intérêt de voir si les constatations
faites, de part et d'autre sont o u non concordantes.
Mais, M. SCHMASSMANN n'a étudié q u ' u n seul S a u m o n , d u poids d e
[\ k. 6 6 o ; e n c o r e considère-t-il c o m m e suspectes les valeurs par lui enregistrées des résistances à l'entraînement à diverses vitesses. Il est très
regrettable q u e les expériences n'aient pas été p l u s n o m b r e u s e s et p l u s
p o u s s é e s . Il serait i n d i q u é de les reprendre et compléter.
Quoi qu'il e n soit, MM. MonEL et SCHMASSMANN o n t abordé, par des voies
différentes, le p r o b l è m e fondamental des échelles à poissons.
Nul doute q u ' e n c o n t i n u a n t les recherches par e u x i n a u g u r é e s , o n
n'arrive à des d o n n é e s précises sur l'aptitude des Poissons à vaincre la
résistance d ' u n courant ; alors les échelles pourront être r a t i o n n e l l e m e n t
construites, ce qui est la condition formelle de leur efficacité.
Qu'il nous soit p e r m i s , en terminant, d'adresser tous n o s remerciem e n t s à M M . SCHMASSMANN et MOREL qui o n t bien v o u l u n o u s fournir les
é l é m e n t s de cette c o m m u n i c a t i o n ; a i n s i n o u s ont-il m i s à m ê m e d'attirer
sur leurs remarquables et récents travaux l'attention de ceux que préocc u p e n t les c o n s é q u e n c e s , p o u r le p e u p l e m e n t des cours d'eau, de l'exploitation toujours p l u s intensifiée de la houille blanche o u verte.
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