Sarkozy, Trump : le populisme climatosceptique comme stratégie de

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Sarkozy, Trump : le populisme climatosceptique comme stratégie de campagne ?
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L’expertise universitaire, l’exigence journalistique
Sarkozy, Trump : le populisme climatosceptique comme
stratégie de campagne ?
15 septembre 2016, 15:34 CEST
Carte de projections d’élévation des températures d’ici à 2100 réalisée par la Nasa. Nasa
Auteur
Pierre André
Doctorant en philosophie, Centre
international de philosophie politique
appliquée, Université Paris-Sorbonne –
Sorbonne Universités
« Cela fait 4 milliards d’années que le climat change. Le Sahara est devenu un désert, ce
n’est pas à cause de l’industrie. Il faut être arrogant comme l’Homme pour penser que c’est
nous qui avons changé le climat… »
Ce sont là les mots, rapportés par Marianne, de l’ancien président de la République
française et candidat à la primaire de droite, Nicolas Sarkozy, lors d’une réunion organisée par l’Institut de l’entreprise, le 14 septembre 2016.
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16/09/2016
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En adoptant de tels propos – atypiques dans le discours politique en Europe continentale – l’ancien chef de l’État français fait sienne la rhétorique climatosceptique déjà à
l’œuvre chez certains responsables politiques américains, à l’image de Donald Trump.
On se rappelle que l’une des promesses du candidat à la présidentielle outre-Atlantique
consiste à annuler l’accord de Paris sur le climat.
Nicolas Sarkozy nous enjoint donc, plutôt que de nous inquiéter du changement climatique, à nous préoccuper « d’un sujet plus important : le choc démographique. »
Ouest-France
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Climat. Jouzel juge "pitoyables" les déclarations de Sarkozy
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11:46 PM - 14 Sep 2016
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Un changement climatique massif et rapide
Affirmer que le changement climatique n’est qu’un problème de second ordre et que
l’homme n’en est pas le seul responsable, c’est s’inscrire dans la droite ligne des climatosceptiques.
Certes, les modifications du climat ont toujours existé sur Terre. Mais le changement
climatique auquel nous faisons face se démarque par deux caractéristiques essentielles :
son ampleur et sa vitesse.
Ce dérèglement est en effet loin d’être bénin. Dans son cinquième rapport, le Groupe
d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) – qui réalise la synthèse
des travaux des climatologues et représente une forme indéniable de consensus scien-
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tifique – projette dans certains de ses scénarios une augmentation de la température
moyenne à la surface du globe de plus de 5 °C d’ici à la fin du siècle.
Le changement est, d’autre part, si rapide que la faune, la flore et même probablement
l’humanité ne pourront s’y adapter à temps sans une vague d’extinction majeure. Le
GIEC a de plus réaffirmé qu’il était « extrêmement probable » que les émissions
anthropiques de gaz à effet de serre couplées à d’autres facteurs humains soient « la
cause principale du réchauffement observé depuis le milieu du XXe siècle. » La science
discrédite donc les propos de Nicolas Sarkozy comme de Donald Trump.
Donald Trump sur l’Accord de Paris de 2015 (The Guardian, mai 2016).
Les plus vulnérables en première ligne
Or le changement climatique menace d’avoir des conséquences humaines désastreuses,
en particulier pour les populations les plus vulnérables. Ce sont ainsi leur santé (paludisme, dengue, choléra), leur sécurité alimentaire (sécheresses, inondations, élévation
du niveau des mers) et leur existence même (vagues de chaleur, ouragans) qui sont
directement menacées.
Mais ce sont aussi l’économie mondiale, la faune et la flore, et même la culture (on
pense ici à la disparition des États insulaires confrontés à la montée des eaux), que le
changement climatique met en péril.
La croissance démographique n’est qu’une seule facette de ce problème. Les émissions
mondiales de gaz à effet de serre, ainsi que d’autres problèmes environnementaux,
dépendent certes du paramètre de la population – et il serait absurde de le nier. Mais un
autre facteur joue un rôle essentiel : celui de la consommation des populations.
Il y a ainsi, en raison de niveaux et de modes de consommation différents, de
profondes inégalités dans la répartition mondiale des émissions de CO2, comme le
rappelle une étude de Thomas Piketty.
Dans les régions à la plus forte croissance démographique (Asie du Sud et Afrique), les
émissions moyennes par habitant sont ainsi de 2,4 tonnes de CO2 contre 20 tonnes
pour les Américains et 9 pour les habitants des pays d’Europe de l’Ouest.
Pour cette raison, on ne compte parmi les 10 % des plus grands émetteurs mondiaux,
représentant 45 % des émissions mondiales, que 1 % d’Indiens contre 40 % de NordAméricains et 19 % d’Européens. Plus que le poids démographique, c’est la consommation qui importe.
• Répartition géographique des émetteurs de CO2e
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Un déni de science et de responsabilité
Il apparaît donc malhonnête de nier la gravité du changement climatique en la dissimulant sous la menace d’une population grandissante.
Ce n’est en rien une coïncidence si certains candidats politiques en campagne se livrent
peu scrupuleusement à ce jeu mensonger. Il s’agit d’une manœuvre populiste cherchant
à gagner la faveur de l’électorat à travers un discours complaisant.
Le changement climatique a notamment pour effet d’attribuer aux pays développés
une responsabilité éthique majeure, en raison de leurs contributions historique et
présente aux émissions de gaz à effet de serre et de leur plus grande capacité technologique et financière à y faire face.
Il revient donc aux responsables politiques et aux citoyens des pays les plus riches de
jouer un rôle de leader dans la transformation de leur infrastructure énergétique et de
leurs modes de consommation ; ils se doivent aussi d’aider les plus vulnérables à
s’adapter aux effets néfastes du changement climatique.
Un tel discours n’est cependant pas recevable pour ceux qui affirment que leur mode de
vie « n’est pas négociable », pour reprendre une expression employée en 1992 par
Georges Bush lors du Sommet de la Terre à Rio. C’est ici qu’entre en jeu le populisme et
son discours de complaisance : en niant les vérités scientifiques, il caresse l’électorat
dans le sens du poil. Pire, il le corrompt moralement.
Les implications morales du climatoscepticisme
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La corruption morale, théorisée par le philosophe américain Stephen Gardiner,
consiste à subvertir le langage de l’éthique afin de dissimuler et de défendre des intérêts
particuliers immoraux. Ce phénomène est particulièrement menaçant dans le contexte
de « tempête morale » où nous plonge le changement climatique.
C’est bien à une tentative de corruption notre sens moral que se livre Nicolas Sarkozy
dans son récent discours : en empruntant le vocabulaire de la responsabilité (« sujet plus
important ») pour désigner la limitation de la population mondiale comme une priorité
politique par rapport au changement climatique, il donne à des intérêts égoïstes
immoraux les atours de l’éthique afin de justifier le statu quo.
De plus, il repousse la responsabilité morale sur les pays en développement, accusés de
laisser leur population se multiplier. Ce refus des responsabilités transfère injustement
les coûts liés au changement climatique sur les plus vulnérables et les générations
futures.
Il ne faut ainsi pas se laisser abuser par ces discours populistes qui, en période électorale, cherchent à corrompre notre sens moral en niant la vérité scientifique du
changement climatique et en détournant notre attention vers d’autres sujets. La vigilance ainsi qu’une certaine éthique du discours s’imposent.
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