Développement durable : critique des approches en termes de « trois piliers »
Vincent PLAUCHU (Univ. de Grenoble-Alpes)
Le Développement Durable doit permettre de « satisfaire les besoins des générations actuelles sans
compromettre la capacité des générations futures à satisfaire les leurs. » (Rapport Brundtland, 1987).
Il renvoie donc au concept de besoins essentiels, particulièrement ceux des plus démunis, et à la
limitation nécessaire de la pression que notre développement exerce sur l’environnement. La notion
de développement est bien qualitative et non quantitative. Pour que tous les terriens vivent selon le
mode de vie occidental, il nous faudrait les ressources de deux à cinq planètes supplémentaires (cf.
l’empreinte écologique). L’homme doit recentrer ses priorités vers le bien-être commun. À chaque
société d’imaginer son propre mode de développement durable.
Au fil des ans et des débats, un certain consensus s’est fait pour préciser le contenu de ce
concept, en disant qu’il comprend « trois piliers » :
Écologique : il s’agit de préserver les ressources naturelles à long terme ;
Économique : il n’y a pas de progrès général sans une économie prospère;
Social : il s’agit d’assurer un progrès social général.
La combinaison de ces trois piliers a même conduit à des précisions terminologiques conduisant
à distinguer ce qui serait un développement viable, vivable, équitable, et véritablement durable.
Cette présentation est tellement classique (« enseignée dans les classes »), convenue et répandue,
que je ne suis pas parvenu à retrouver par qui et quand elle a été proposée pour la première fois.
Cette représentation appelle selon nous deux critiques
a) De plus en plus fréquemment, le Développement Durable est dorénavant présenté avec
quatre piliers (3 + 1), le quatrième pilier étant, selon les auteurs, la démocratie, la gouvernance
ou la participation. Et en effet, on peut se demander si l’appellation « social » est bien à même
de contenir à la fois la dimension équité, tant spatiale (Nord/Sud) que temporelle (générations
actuelles/futures), et la dimension démocratie participative (concept de « citoyenneté ») qui
semblent pourtant toutes les deux des fondements essentiels du Développement Durable.
Dans cette approche, on mettrait dans « social », tout ce qui touche aux conditions de travail et de vie,
au respect des handicaps, à la réduction des discriminations et inégalités en tout genre, …. Et dans
« participation », tout ce qui concerne les droits politiques, les libertés (liberté d’aller et venir, de pensée,
de conscience, d’expression), et autres droits fondamentaux (de propriété, d’initiative économique, de
consentir à l’impôt, d’être consulté sur ce qui nous concerne, …).
On peut donc désormais présenter le paradigme du développement durable ainsi :
b) La deuxième critique, plus fondamentale, est développée par Corinne GENDRON au
Québec. Elle consiste à dénoncer le caractère profondément erroné d’une présentation qui
met sur le même plan trois « piliers », alors qu’il s’agit de choses de nature extrêmement
différentes :
le social, l’humain est en fait l’objectif, le but, la fin recherchée
l’économique n’est en fait qu’un moyen
l’environnement est une contrainte, une condition.
Il est de fait non seulement faux de les mettre sur le même plan, mais c’est aussi à proprement
parler pernicieux, car cela permet tout un ensemble de déviations et détournements de sens de la
notion de développement durable.
Cette mise au point très éclairante permet en effet de faire apparaître des visions très divergentes du
développement durable qui s’expriment à travers cette même image des trois piliers.
On aurait alors d’une part une représentation du développement durable :
Objectif : épanouissement de tout homme
Moyens : développement économique
Contrainte : soutenabilité environnementale
Et d’autre part la croissance verte. Considérons maintenant en effet la phrase suivante : « Le
Développement Durable peut être considéré comme une conception macro-économique permettant à la Société de se
développer dans un environnement sain et humainement acceptable.» (Lucille Dumas, publication AUEG).
Il apparait clairement qu’ici l’objectif est l’économique (la poursuite de la croissance comme objectif
en soi), et que le social et l’environnement sont des conditions. Il faut que la croissance poursuivie ne
se heurte pas à des limites environnementales (soutenabilité environnementale), ni à des explosions
sociales (acceptabilité sociale). Ce n’est plus le développement durable, c’est la croissance verte !
c) « Le quatrième pilier », (la bonne gouvernance ou la démocratie participative) apparaît,
quant’à lui, comme étant de nature hybride. Il est à la fois un objectif (car désirable en soi) et
un moyen (il est en quelque sorte une condition de la progression sociale et de la gestion
environnementale).
Si l’on approfondit la réflexion sur l’équité et son rôle dans le Développement Durable, on peut dire
avec Corinne Gendron que : « (…) l’intégrité écologique est une condition, l’économie un moyen, et le
développement social et individuel une fin du développement durable, alors que l’équité en est à la fois une condition, un
moyen et une fin ». (Options Politiques/Policy Options, July-August 2005, pp. 20-25)
Le lecteur conviendra que ce n’est pas du tout la même chose que de parler de « trois piliers » … !
En conclusion, cette grille de lecture consistant à identifier, dans tout discours relatif au
développement durable faisant référence aux piliers, quel est l’objectif, le ou les moyens, la ou les
contraintes, permet de repérer assez vite quel est le type de développement véritablement recherché.
Vincent PLAUCHU, Blog, le 21/08/2013
http://blogs.upmf-grenoble.fr/vincentplauchu/developpement-durable/
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