Section patrimoine des Amis du CIS
vendredi 5 octobre 2001 - salle des aînés de Hallencourt
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Les produits sont souvent de qualité discutable, à l’exemple du paquet de café qui n’était
qu’une mouture inconnue surmontée de quelques grains torréfiés. Alors on compense comme le dit
la chanson :
quand on n’a pas de sucre, on met de la saccharine
quand on n’a pas de beurre, on met de la margarine
quand on n’a pas de café, on fait griller des pois cassés
voilà le régime français.
Ainsi, on verra bouillir des betteraves pour en tirer une mélasse, griller des grains d’orge
pour en faire du café, dessécher des feuilles de tabac, augmenter sa ration de tabac en y mélangeant
des fleurs de trèfle séchées.
C’est le temps des trocs, même avec l’occupant qui prend le risque d’échanger son essence
contre du beurre. C’est le temps aussi du marché noir encore qu’il ne fut nullement généralisé.
L’impact des restrictions fut relativement limité et supportable, peut-être parce que la
difficulté de vie des ouvriers avait depuis toujours rendu nécessaire l’entretien d’un jardin, l’élevage
de quelques poules ou de quelques lapins.
Ce chapitre ravitaillement ne serait pas complet si on n’y parlait pas de l’utilisation d’ersatz
dans quasi tous les domaines à l’exemple des ficelles ou des fils pour la filature … en papier torsadé
et la conséquence inattendue de la Libération que nous révèle le journal de Madame Paulette Allot à
la date du 2 octobre 194 : « L’usine a rouvert ses portes ce matin pour un temps assez restreint car
les filatures, qui recevaient le papier d’Allemagne, n’ont plus de matière première »
iii) les réquisitions :
Les hommes restés au pays n’étaient pas exempts de corvées. Ce sont les réquisitions
d’intérêt militaire : aménagement d’aérodrome, implantations de rampes de V1 ou du mur de
l’Atlantique, plantation des asperges de Rommel ; encore faut-il dire que ces travaux bien
rémunérés favorisaient le recrutement.
Les asperges de Rommel méritent un développement. Il s’agissait de gêner l’arrivée des
planeurs de débarquement en truffant les zones susceptibles d’atterrissage de troncs d’arbres
fortement fichés en terre. Deux hommes étaient affectés par trou et payés à la tâche. L’allemand
superviseur en surévaluait le nombre, sous réserve de partager équitablement le surplus octroyé. La
rétribution étant dès lors alléchante, d’aucuns n’hésitèrent pas à déserter l’usine pour profiter de
l’aubaine… L’occupation venue, commença une récupération sauvage, puis finalement en janvier
1945, leur réquisition par la mairie pour parer à la crise aiguë de bois sévissant chez les boulangers
(journal Allot).
Autres corvées : les gardes de nuit aux endroits sabotés, même s’il s’agissait de l’arrachage
accidentel des fils d’un téléphone de campagne, installé au lieudit les Tranchées, que les allemands
utilisaient comme stand de tir.
iv) la cohabitation :
La vie quotidienne touchait à la coexistence nécessaire, allant de la fraternisation à
l’hostilité déclarée. Ainsi l’hébergement chez l’habitant entraîna une demie-douzaine d’atteinte à la
morale et deux enfants de père allemand. Si le maréchal Leselle faisait systématiquement disjoncter
son compteur quand l’allemand utilisait sa forge, la cohabitation dans son ensemble était froide,
mais correcte pendant que la résistance s’organisait surtout autour du renseignement militaire ou de
l’évacuation des aviateurs abattus.
v) les avions :
À partir de 1943, on assiste au passage de plus en plus fréquent des formations de
bombardiers dont le ronron annonçait déjà les communiqués de victoire d’ici Londres : doum,
doum, doum … doum., ainsi que ‘les courriers de l’air’ ou ‘l’Amérique en guerre’, ces tracts que
chacun ramassait illicitement dans les champs, comme ces étranges rubans d’aluminium d’une
vingtaine de centimètres sur deux qui selon la rumeur révélait, à la macération, la date du
débarquement.