Reportage ( 240 Ko ) - Architecture Hospitalière

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MAGAZINE ARCHI - N°7-2013_Mise en page 1 03/05/13 17:49 Page31
Le Projet sud est l’opération emblématique architecturale (307 millions d’euros de travaux
labellisé Hôpital 2012) et organisationnelle de cette décennie pour le CHRU de Lille. Il
concerne toute la partie sud du campus hospitalo-universitaire du CHRU de Lille soit les
deux tiers des activités médicales. Il traduit plus particulièrement les orientations du projet médical et du volet recherche du Projet d’Etablissement, en favorisant notamment la
synergie des activités médicales, la modernisation des plateaux médico-techniques et
l’amélioration du confort hôtelier.
Plus de précisions avec Patrick
Goldstein, responsable du pôle
de l’urgence, coordinateur régional
SAMU 59
URGENCES
Le CHRU de Lil e modernise ses urgences...
Le Projet Sud permet le regroupement des réanimations, l’installation de lits de surveillance continue, et la modernisation du centre d’hyperbarie dans un nouveau bâtiment adjacent à l’Hôpital Salengro à proximité du nouveau service d’accueil des urgences et du
nouveau centre de traitement des brûlés . La création d’une porte unique de l’urgence,
permise par la modernisation en site occupé du service des urgences de l’Hôpital Salengro, et l’installation à proximité du SAMU SMUR Centre Anti Poison dans le cadre du projet Cœur Vaisseaux Poumons, assure un véritable trait d’union entre Hôpital Salengro et
l’Hôpital Cardiologique modernisé. Elle contribue au renforcement de la mutualisation des
ressources mobilisées par l’urgence.
Quels sont les enjeux autour de la modernisation des urgences pour le CHRU de Lille ?
Patrick Goldstein : Notre concept est tourné vers le patient
puisque nous souhaitons lui proposer, ainsi qu’à son entourage,
un service mieux adapté. Nous voulons mettre en place un service d’urgences qui soit un véritable lieu d’accueil ainsi qu’un
lieu de très haute technicité, cet élément étant la principale particularité des urgences d’un CHU. Au CHRU de Lille, nous revendiquons une triple mission. Nous sommes un service
d’urgences de proximité et un point d’appui pour la métropole
lilloise (près d’un million et demi d’habitants) avec les autres
établissements et groupements hospitaliers de notre territoire
de santé. Notre service d’urgences est également un recours
régional dans différents domaines notamment la chirurgie vasculaire, les patients polytraumatisés, la chirurgie pédiatrique
lourde, ou encore la neurochirurgie lourde. Autour de toutes ces
spécialités nous avons de nombreuses possibilités d’accueil
avec les urgences médicales et chirurgicales, les blocs opératoires, etc. Notre particularité est d’être à la fois un lieu d’accueil médicochirurgical, d’urgences pédiatriques, psychiatriques
et vitales, mais également un service possédant des blocs opératoires et des installations de soins intensifs et d’imagerie.
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Quelles réflexions vous ont guidé lors de l’élaboration
de ce projet ?
P.G : Notre principe directeur a été de regrouper toutes les activités au même niveau et de défendre une pratique de la médecine de l’aigu. Les patients en situation d’urgences,
notamment les cas d’urgences absolues, doivent être déplacés
le moins possible. Ils doivent donc être accueillis dans un environnement technique et technologique leur permettant de demeurer dans un seul établissement, voire même sur un seul
niveau. Pour arriver à cet objectif, les compétences médicales
vont devoir se déplacer autour du patient. Par ailleurs, nous souhaitons regrouper sur un même niveau, ou dans des espaces de
proximité immédiate, les installations relatives aux urgences
aigues du CHRU, qui représentent 120 000 patients par an. Parallèlement à la refonte de notre service d’urgence, nous avons
ouvert un bâtiment de réanimation qui dispose d’une salle des
urgences vitales située à trois mètres de l’accueil des urgences
chirurgicales aigues. Cette mutualisation des moyens et des
compétences est très importante car elle prévient la redondance
de dispositifs lourds relativement onéreux. Enfin, le CHRU a
comme autre projet la création d un Hôpital Cœur Vaisseaux
Poumons (HCVP) comprenant également un niveau consacré aux
urgences aigues. Le plateau technique regroupera les installations de la chirurgie cardiaque, vasculaire et les soins intensifs
de cardiologie, et bien entendu tout ce qui se rapporte à la cardiologie interventionnelle. Ces deux bâtiments hôpital Salengro regroupant urgences et réanimation et l’hôpital
cardiovasculaire et pulmonaire seront l un en face de l autre.
Les liens fonctionnels nous permettront ainsi l aboutissement de
notre projet autour de la médecine de l aigue. Cela nous permettra de réduire les distances du parcours de soins. Au-dessus
de ces urgences modernisées, sera mis en place un plateau
technique de neuroscience qui concentrera les activités de neurochirurgie et de neuroradiologie interventionnelle. Nous
sommes en train de reconsidérer le concept de bloc opératoire
des urgences reprenant certains aspects du fonctionnement
d’établissements nord-américains, que nous avons amélioré.
C’est ainsi qu’un bloc opératoire équipé d’imagerie interventionnelle, véritable salle hybride permettra au cœur du plateau
opératoire des urgences fait de 5 salles la réalisation de gestes
techniques complexes. Dans notre projet architectural, le point
sur lequel nous avons insisté est l’accueil des familles et la
confidentialité de leurs échanges avec l’équipe médicale. Nous
avons, dans un premier temps, défini notre projet médical en
explicitant notre désir d’associer les technologies nouvelles, le
développement de la recherche et de l’enseignement et la pratique de la médecine de l’aigue pour ne pas faire du domaine
des urgences un monde clos. C’est ce projet médical et les exigences de ce secteur qui ont défini les caractéristiques du projet architectural et le travail des ingénieurs et de l’architecte.
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Qui a été associé à ces différentes réflexions ?
P.G : Comme tous les projets de ce type, cette réflexion est née
de la concertation et des échanges entre l’équipe médicale, la
Direction générale, le président de CME et notre équipe d’ingénieurs et architectes. Ce groupe restreint devait avant tout s’as-
surer de la faisabilité du projet avant de le partager avec l’ensemble des acteurs de l urgence afin que tous soient impliqués.
La communication interne sur ce projet est très importante car
l’ensemble des acteurs du fonctionnement quotidien des urgences doit partager le projet afin de développer le sentiment
d appropriation avant même sa mise en place en 2015 afin d’éviter
tout conflit social le moment venu. Notre souhait le plus récent
et sur lequel nous réfléchissons depuis peu est d’associer à cela
un projet culturel, un aspect très présent dans la plupart des
projets actuels. Nous avons donc soumis à notre Directoire la
proposition d’un lieu différent et animé d’un projet artistique
autour de la mise en place d’une « place de l’urgence » qui serait le cœur des échanges entre les différents couloirs du futur
service. Cet espace serait avant tout un moyen de transformer
l’aspect traditionnel d’un service d’urgences et d’offrir aux visiteurs et aux patients, un autre cadre que celui de l’hôpital.
Puisque nous réhabilitons une structure existante, l’absence de
lumière dans l’hôpital Roger Salengro restera un problème majeur. Nous voudrions donc permettre aux occupants de ces installations, une autre perspective que celle de l’hôpital en
permettant à des architectes d’intérieur et des artistes de s’approprier cet endroit pour y instaurer une vision différente de
celle, classique, de l’hôpital et des urgences.
Quelles spécificités architecturales requiert l’activité
des urgences ?
P.G : Le service des urgences doit être un environnement qui
engendre une certaine sérénité. L’activité d’urgence est, par
définition, une convergence du stress et de l’anxiété. C’est pourquoi nous devons rester attentifs à certains éléments comme
les conditions d’accueil des patients et des accompagnants, les
conditions d’attente et de renseignements ainsi que la confidentialité des liens entre les proches des patients et le personnel soignant. Le fait que nous évoluions dans un service
d’urgences ne nous exempte pas d’apporter le confort et le respect dus à la personne. Il ne peut y avoir de services d’urgences
efficaces sans la création d’un circuit court. La plupart de nos
circuits courts sont des circuits courts médicochirurgicaux permettant une activité de traumatologie ambulatoire nous mettrons en œuvre un circuit court médical et une urgence dentaire
en dehors des heures ouvrables. Concernant plus spécifiquement les urgences des plus anciens, nous devons mettre en
place des circuits individualisés dès l’entrée, malgré l’admission commune. Les patients très âgés, de plus de 75 ans, admis
aux urgences posent des difficultés particulières en termes de
prise en charge car nous n’aurons jamais les moyens de créer
un service d’urgences gériatriques. Il nous faut donc faire en
sorte que les patients les plus âgés n’arrivent pas aux urgences
mais soient, le plus souvent possible, directement orientés vers
le circuit court gériatrique de l’hôpital. Dans les cas où cela serait impossible, nous devons avoir des installations et des équipements adaptés à ce type de patients. L’accompagnement
constant d’un proche du patient est primordial dans ce cas-là,
car, souvent cette personne est également âgée.
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Le point de vue technique
Propos recueillis auprès de
Renaud Bertrand,
directeur référent et co-directeur
en charge du projet Sud
Les grandes lignes de l’aspect technique du projet...
Renaud Bertrand : La centralisation de l’accueil des urgences
est l’élément de base de cette restructuration dans laquelle
nous pouvons distinguer trois projets majeurs : le projet de modernisation des urgences de l’hôpital Roger Salengro, la
construction du centre de Réanimation et des brûlés ainsi que
la construction de l’hôpital Cœur Vaisseaux Poumon (CVP). Le
principe fédérateur de ces trois projets est une proximité et une
cohérence géographiques entre ces trois structures.
À quand remontent les premières réflexions sur ce projet ? Quelles ont été les différentes étapes ?
R.B : Ces projets sont très anciens, certains datent de l’année
2000, voire 1999, comme la modernisation des urgences ou le
regroupement des réanimations. Ce projet a été repris en 2006,
lorsque le CHRU de Lille a achevé la modernisation de l’hôpital
Claude Huriez et l’ouverture du centre de biologie et de pathologie. L’établissement s’est alors concentré sur la partie Sud de
son campus et a remis à l’ordre du jour ces différents projets
de modernisation et de construction. En 2008, l’ensemble du
projet Sud a été validé par l’Agence Régionale et a fait l’objet
d’un avenant au CPOM (Contrat Pluriannuel d’Objectifs et de
Moyens) tout en étant lié au plan Hôpital 2012. Les travaux du
centre de réanimation ont débuté en juillet 2010, ceux des urgences en juillet 2011. Le pôle de réanimation a été achevé en
2012 et est ouvert depuis le 9 avril 2013, la modernisation des
urgences devrait être terminée en 2015. Pour l’hôpital CVP, les
travaux devraient débuter en 2014 pour s’achever en 2019.
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La modernisation des urgences se fait en site occupé.
Quelles difficultés cette situation génère-t-elle ? Comment gérez-vous un chantier d’une telle ampleur ?
R.B : Travailler sur site occupé est une vraie difficulté, il est
beaucoup plus facile de déplacer un service d’un point à un
autre. C’est une situation difficile car nous devons maintenir
une activité et des accès opérationnels malgré certaines opérations induites par la modernisation des urgences, qui impactent directement les activités des différents étages. L’ensemble
de ces activités doit être géré car, avec cette modernisation des
urgences, ce sont tous les réseaux qui sont modernisés avec
une répercussion sur tous les sites en activité. Nous devons,
dans un premier temps, faire de la place afin de déplacer les
activités d’urgences avant de réaliser les travaux. Ce genre
d’opération demande du temps et nécessite une prise en
compte des impacts « collatéraux » des travaux sur les plateaux
directement inférieurs ou supérieurs aux urgences. Nous avons
donc du prendre en compte l’ensemble de l’hôpital Roger Salengro pour ce projet de modernisation des urgences.
Comment l’urgence se traduit-elle d’un point de vue architectural ?
R.B : De ce point de vue, l’absence de visibilité interne entre
les unités de l’hôpital Salengro est la problématique de base.
L’échelle architecturale est avant tout présente pour permettre
de meilleures liaisons fonctionnelles entre les différentes unités.
C’est d’autant plus important pour le service des urgences,
véritable kaléidoscope d’activités qui doivent se coordonner au
mieux. L’idée de l’architecte est ici de créer des diagonales de
liaisons dont la plupart convergent vers la « place de l’urgence »
dont les caractéristiques restent à définir avec les acteurs du
projet culturel. L’objectif principal des architectes est donc de
redéfinir les pôles de distribution de l’activité de l’urgence au
regard du projet médical initial. Ce geste architectural qui conduit
la circulation des urgences vers un mode ventral permettra de créer
une certaine cohérence entre les différentes unités du service.
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