07
06
Pour répondre, il faut clarifier ce que l’on entend
par « environnement » : s’agit-il de l’environne-
ment non maitrisable par la personne (pollution
industrielle, radioactivité naturelle), ou d’une défi-
nition plus large incluant des facteurs comme
le tabagisme, relevant plutôt du « mode de vie » ?
Prenons l’exemple du cancer du sein.
Plus de 100 facteurs liés au mode de vie ou à
l’environnement, et plus de 500 gènes sont décrits
comme « facteurs de risque ». Ainsi, si dans le passé
d’une patiente atteinte d’un cancer du sein, trois
de c es f acteurs s ont p résents - p ar e xemple,
une i rradiation t horacique, u ne a limentation
riche en graisses animales et une muta tion
d’un gène (l’hérédité) - son cancer sera-t-il qualifié
de génétique, de nutritionnel ou de radio-induit ?
Il faut également clarifier ce que l’on entend par
« cause » : la subjectivité façonnée par le cadre
de lecture culturel et l’histoire personnelle
de celui qui est amené à « juger » de la « cause »
du cancer prédétermine la qualification.
Et des éléments jugés non valides scientifiquement,
comme un choc af fectif par ex emple, peuvent
être r essentis par certains comme une cause
de leur maladie.
Comment savoir ?
Sur quoi s’appuyer donc pour déterminer la part
environnementale ? Trois modes de production de
connaissance peuvent être proposés : l’expertise,
l’expérience et l’expérimentation. Le modèle de
l’expert comme source du savoir légitime renvoie
à des temps anciens : « Aristote a dit ». Pourtant,
la question « comment sait-on » est plus impor-
tante que la question « qui sait ? ».
L’expérience est par cellaire et conjonctur elle.
Elle n’explique facilement que le passé, mais
est beaucoup moins performante pour prédir e
le f utur. S eule l’ expérimentation s cientifique
possède les caractéristiques permettant à la fois
la validation/confirmation et la généralisation
des résultats. Néanmoins, même la science ne peut
se p révaloir d e n eutralité, e t l ’expérimentation
est longue, coûteuse, et ne peut répondre
en temps réel aux questions posées. Elle produit
des connaissances solides, mais parcimonieuses
et décalées dans le temps.
Dans un domaine où les enjeux sont cruciaux
et les décisions urgentes, la confiance qu’inspirent
les producteurs de connaissance est essentielle.
Or, ce que nous dit la science est plus ou moins
« audible » par des personnes en défiance vis-à-
vis des institutions, dans un climat de concurrence
entre une idéologie qui a pour elle l’avantage
des discours simples, et une science fragile,
car nuancée.
Quelles études permettent
de répondre à ce type de questions ?
Dans les études épidémiologiques cas versus
témoins, i l s’ agit d e c omparer l es p ersonnes
ayant eu un cancer à celles qui en sont indemnes,
en leur posant des questions sur leur vie : tabac
ou non, métier pratiqué, lieu de vie etc.
De cette façon, les études sur les migrants ont
mis en évidence que l’occurrence des événements
(cancer) était plus dépendante de la variation
du contexte que du « terrain génétique ».
Bientôt, de nouveaux outils, comme les systèmes
d’information géographique (SIG) permettr ont
de modéliser et de corréler sur une carte les lieux
d’exposition et la présence de l’événement étudié.
Ou encore le bio-monitoring, consistant à détecter
les polluants dans un milieu au travers de leurs
effets sur les organismes. Ou enfin, l’étude de
la toxicité sur le génome de substances suspectées
délétères.
Comment s’expriment
nos connaissances ?
Avec la notion de « risque relatif », il s’agit de savoir
si une personne exposée à un risque donné (tabac
ou pollution) a 2 fois, 3 fois ou 30 fois plus de risque
qu’une personne non exposée. Spectaculaire,
la notion a la faveur des jour nalistes. En ef fet,
le risque relatif est souvent artificiellement élevé.
Dire que les leucémies de l’enfance sont 2 fois
plus élevées en cas d’exposition aux radiations
revient à dire que le risque passe de 1/100 000
à 2/100 000, soit moins de 3 cas par an.
Tandis que parler de risque de cancer du sein
augmenté d e 1 % revient à d ire q u’il peut y
avoir 600 cas en plus chaque année. Une petite
augmentation d’une maladie fréquente a plus
d’impact qu’une augmentation importante
d’une maladie rare.
Le risque absolu est ce qui préoccupe les indivi-
dus : quel est mon risque d’être atteint de cette
maladie (sans comparaison avec une population
jugée normale) ? La part attribuable relève
du langage des décideurs : combien de cas
pourrait-on prévenir chaque a nnée en évitant
le facteur de risque en question ? Le choix du lan-
gage, de l’outil de mesur e prédétermine donc
la perception par les personnes de l’importance
d’un risque.
Que sait-on ?
Si l’environnement dans son acceptation la plus
large (englobant le mode de vie, l’alcool,
le tabac, l’alimentation et l’obésité) est beaucoup
plus déterminant pour les cancers que l’hérédité,
l’environnement au sens strict - la pollution -
a un impact faible à ce jour. Ce fait incontestable
mérite néanmoins deux nuances très importantes :
z Ce que l’on peut dire, aujourd’hui, c’est que l’en-
vironnement d’il y a 25 ans n’a pas sensiblement
modifié le risque de cancer. Or, personne ne peut,
aujourd’hui, prétendre savoir quels seront
les impacts de l’environnement actuel dans 25 ans.
Personne ne peut savoir si cet impact sera toujours
faible ou au contraire très important.
z Aux côtés de l’analyse quantitative des risques,
il faut faire la différence entre risques subis
et risques choisis. La recherche d’une équité envi-
ronnementale repose grandement sur cette
différence. C’est, en soi, un enjeu majeur.
La radiothérapie per-opératoire de contact est une innovation majeure qui consiste à irradier
le lit tumoral à la suite de l’ablation de la tumeur, lors de l’intervention chirurgicale. En ciblant
directement la zone tumorale, elle préserve mieux les tissus sains et comme la radiothérapie
externe, évite une ablation lourde d’organe.
70 % des femmes traitées conservent tout ou partie de leur sein. Cette méthode plus précise
et m oins t oxique r emplace l es 2 5 s éances d e r adiothérapie g énéralement p ratiquées
dans les semaines suivant la chirurgie. Le risque de récidives de 5 % r este le même que
pour les méthodes habituelles.
Avec plus de 50 000 cas par an en France, le cancer du sein est le plus fréquent des cancers
chez les femmes. Grâce aux progrès de la médecine ces vingt dernières années, le pronostic
de guérison augmente et les soins sont moins contraignants et invalidants, la chirurgie
de plus en plus conservatrice et de moins en moins douloureuse.
Une étude pilote nationale
La radiothérapie per-opératoire de contact est évaluée via une étude pilote nationale, à laquelle
l’IPC participe. Dirigée par l’Institut de Cancérologie de l’Ouest (ICO) qui a aussi mené
les premiers essais, elle fait suite à un appel à projet de l’INCa. Il s’agit d’une étude scien-
tifique et économique ayant pour but la définition des bonnes pratiques chirurgicales
et de radiothérapie, des critèr es d’inclusions des patientes et la validation des pr otocoles
de traitements. L’ICO et l’IPC sont membres de la fédération UNICANCER.
Pour p articiper à ce tte étude e t proposer cette nouvelle technique, l’IPC a dû investir
240 0 00 Eu ros d e f onds p ropres a uxquels s ’ajoutent l es c ontributions d e l ’INCa et
de la Fondation du Crédit Agricole PACA de 150 000 Euros chacun. Cet investissement
a permis l’acquisition du matériel et l’aménagement d’une salle d’opération. A cela s’annexe
un budget de 150 000 Euros alloué par l’INCa pour le fonctionnement de l’étude pilote.
En 2014, après validation de l’étude, la radiothérapie per -opératoire pourrait s’étendre
nationalement et couvrir une variété de tumeurs cancéreuses.
SOINS
Dans le cadre d’une étude pilote et depuis
le 8 février dernier, l’IPC offre une thérapeutique
nouvelle et prometteuse aux patientes atteintes
d’un cancer du sein.
Cancer et environnement
ACTU - PREVENIR - DEPISTER
Les scientifiques sont divisés sur la part
environnementale des cancers. Selon les auteurs,
et selon la définition que l’on retient, elle est estimée
entre cinq et quatre-vingt-dix pour cent …
Comment résoudre cette apparente contradiction
sur les risques environnementaux ?
LE POINT DE VUE DE MEDECINS GENERALISTES
Docteur
Jean-Marc Vernet,
Médecin généraliste à Marseille
« Trop de flou »
« Les médias nous alertent
beaucoup sur le sujet :
mais qu’y a-t-il de vrai, de faux ?
Avons-nous suffisamment
de bonnes informations ?
Certainement pas.
Comment avoir la bonne
information, c’est d’ailleurs
souvent une interrogation
des patients.
Par exemple, ils me demandent
si le téléphone portable peut
donner un cancer du cerveau,
ou pas … De même, que penser
des hautes fréquences ?
En réalité, nous sommes face
simultanément à beaucoup
d’informations et à un vrai flou. »
Docteur
Jean-Jacques Bardou,
Médecin Ostéopathe à Roquevaire
« Vu l’augmentation
du nombre de cancers,
le lien avec l’environnement
est évident »
« J’ai fini mes études
de médecine en 1985.
Depuis, par exemple en ce
qui concerne les lymphomes
et les leucémies, les courbes
sont vraiment ascendantes.
Je suis convaincu de l’impact
de l’environnement au sens large :
pollution de l’air, de l’eau,
de l’alimentation (pesticides,
colorants, conservateurs, etc.). »
La radiothérapie
per-opératoire testée
à l’IPC
PRENDRE EN CHARGE
LE POINT DE VUE DE MEDECINS GENERALISTES
Coût total des équipements : 540 000 Euros