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d o c u m e n t a t i o n - u n i t e d e s c h r e t i e n s . f r
OEC/CAT-ORT/INT/2016
COMMISSION MIXTE INTERNATIONALE
POUR LE DIALOGUE THÉOLOGIQUE
ENTRE LÉGLISE CATHOLIQUE ET LÉGLISE ORTHODOXE
SYNODALITÉ ET PRIMAUTÉ AU PREMIER MILLÉNAIRE :
VERS UNE COMPRÉHENSION COMMUNE
AU SERVICE DE LUNITÉ DE L’ÉGLISE
- CHIETI, 21 OCTOBRE 2016
« Ce que nous avons vu et entendu, nous vous lannonçons à vous aussi, pour que, vous
aussi, vous soyez en communion avec nous. Or nous sommes, nous aussi, en communion
avec le Père et avec son Fils, Jésus Christ. Et nous écrivons cela, afin que notre joie soit
parfaite. » (1 Jean, 1,3-4).
1. La communion ecclésiale naît directement de lincarnation du Verbe éternel de Dieu,
selon la bienveillance (eudokía) du Père, par le Saint Esprit. Le Christ, venu sur terre, a
fondé l’Église comme son corps (cf. 1 Corinthiens, 12,12-27). Lunité qui lie les personnes
de la Trinité entre elles se reflète dans la communion (koinonía) des membres de l’Église
entre eux. Ainsi, comme laffirme saint Maxime le Confesseur, l’Église est une éikon de la
très Sainte Trinité. Pendant la Cène, Jésus Christ a prié le Père : « re saint, garde-les unis
dans ton nom, le nom que tu mas donné, pour quils soient un, comme nous-mêmes »
(Jean, 17,11). Cette unité trinitaire se manifeste dans la sainte eucharistie, l’Église
prie Dieu le Père par Jésus Christ dans lEsprit Saint.
2. Dès ses débuts, il existait une Église » une » comme tant d’Églises locales. La communion
(koinonía) de lEsprit Saint (cf. 2 Corinthiens, 13,13) était vécue au sein de chaque église
locale mais également dans leurs relations entre elles comme unité dans la diversité.
Guidée par lEsprit (cf. Jean 16,13) l’Église développa des modèles qui différaient dans
leur organisation et au plan pratique, conformément à sa nature de « peuple qui fonde son
unité dans lunité du Père, du Fils et du Saint esprit ».
3. La synodalité est une qualité fondamentale de l’Église dans son ensemble. Comme a dit
saint Jean Chrysostome: « L’“Église qui désigne une assemblée [sýstema] est synonyme
de synode [sýnodos] ». Lexpression vient du mot « concile » (sýnodos en grec, concilium
en latin), lequel désigne avant tout une assemblée dévêques, guidée par lEsprit Saint,
pour la délibération et laction communes dans le soin de l’Église. Au sens large, celle-ci
renvoie à la participation active de tous les fidèles à la vie et à la mission de l’Église.
4. Le mot « primauté » renvoie à une situation de « premier rang » (primus, prótos). Dans
l’Église, la primauté revient à son Chef, Jésus Christ, « le commencement, le premier-
dentre les morts, afin quil ait en tout la primauté [protéuon] » (Colossiens, 1,18). La
tradition chrétienne montre clairement que, dans le cadre de la vie synodale de l’Église à
divers niveaux, un évêque est reconnu comme étant le « premier ». Jésus Christ associe
cette « première » place à un service (diakonía) : « Si quelquun veut être le premier, quil
soit le dernier de tous et le serviteur de tous » (Marc, 9,35).
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5. Au second millénaire, cette communion sest brisée entre lOrient et lOccident.
Beaucoup defforts ont été déployées pour la rétablir entre catholiques et orthodoxes,
mais sans succès. La Commission mixte internationale pour le dialogue théologique entre
l’Église catholique et l’Église orthodoxe, dans un travail constant visant surmonter les
divergences théologiques, a examiné ce rapport entre synodalité et primauté dans la vie
de l’Église. Les différentes compréhensions de cette réalité ont joué un rôle important
dans la division entre orthodoxes et catholiques. Il est donc essentiel que nous arrivions
à une compréhension commune des faits, qui sont liés entre eux, complémentaires et
inséparables.
6. Pour arriver à cette compréhension commune de la primauté et de la synodalité, il nous
faut relire lHistoire. Dieu se révèle dans lhistoire. Il est particulièrement important de
faire ensemble une lecture théologique de lhistoire liturgique de l’Église, de la spiritualité,
des institutions et des canons, qui ont toujours une dimension théologique.
7. Lhistoire de l’Église au premier millénaire est fondamentale. À part quelque fracture
momentanée, à lépoque les chrétiens dOrient et dOccident vivaient en communion et,
cest dans ce contexte que les structures essentielles de l’Église furent créées. Les liens
entre primauté et synodalité prirent différentes formes, offrant aux orthodoxes et aux
catholiques des pistes fondamentales qui permettent de progresser aujourdhui vers un
rétablissement de la pleine communion.
L’ÉGLISE LOCALE
8. L’Église une, sainte, catholique et apostolique dont Jésus Christ est le chef, est présente
aujourdhui dans la synaxe eucharistique dune Église locale sous son évêque. Cest lui qui
préside (proestós). Dans la synaxe liturgique, lévêque rend visible la présence de Jésus
Christ. Dans l’Église locale (cest-à-dire dans le diocèse), tous les fidèles et le clergé, sous
lunique évêque, sont unis entre eux en Jésus Christ et sont en communion avec lui dans
tous les aspects de la vie de l’Église, spécialement dans la célébration de lEucharistie.
Comme enseignait saint Ignace dAntioche, « partout paraît lévêque, que là aussi soit
la communauté, de même que partout est le Christ-Jésus, est lÉglise catholique
[katholiké ekklesía] ». Chaque Église locale célèbre en communion avec toutes les autres
locales qui professent la vraie foi et célèbrent la même eucharistie. Quand un prêtre
préside lEucharistie, lévêque local est toujours cité en signe dunité. Dans lEucharistie,
le proestós et la communauté sont interdépendants : la communauté ne peut célébrer
lEucharistie sans un proestós, et le proestós, à son tour, doit célébrer avec une
communauté.
9. Ces relations réciproques entre le proestós ou lévêque et la communauté font partie
intégrante de la vie de l’Église locale. Avec le clergé, qui collabore à son ministère, lévêque
local agit au milieu des fidèles, qui forment le troupeau du Christ, comme garant et
serviteur de lunité. En tant que successeur des apôtres, il exerce sa mission comme un
service et un engagement damour, en veillant sur sa communauté et la guidant, tel un
chef, vers une unité de plus en plus profonde avec le Christ dans la vérité, cherchant à
conserver la foi des apôtres à travers la prédication de l’Évangile et la célébration des
sacrements.
10. Et puisque lévêque est le chef de son Église locale, il représente son Église face aux
autres Églises locales et dans la communion de toutes les Églises. De la même façon il rend
visible cette communion dans son Église. Ceci est un principe fondamental de la
synodalité.
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LA COMMUNION RÉGIONALE DES ÉGLISES
11. Il existe une abondance de preuves que les évêques, aux débuts de l’Église, étaient
conscients davoir une responsabilité commune envers l’Église dans son ensemble.
Comme a dit saint Cyprien, « lépiscopat est un tout, qui sétend au loin dans une multitude
harmonieuse de tant dévêques ». Ces liens dunité figuraient dans les dispositions quau
moins trois évêques participent à lordination (cheirotonía) dun nouvel évêque; ils
apparaissaient clairement aussi lors des multiples rencontres dévêques en conciles ou
synodes quand il y a discussion sur des questions communes de doctrine (dógma,
didaskalía) ou de mise en pratique, et dans leurs fréquents échanges de lettres ou visites.
12. Déjà, au cours des quatre premiers siècles se formèrent divers regroupements de
diocèses en régions particulières. Le prótos, premier des évêques de la région, était
lévêque du premier siège, la métropole, et sa charge métropolitaine toujours liée à son
siège. Les conciles œcuméniques attribuèrent certaines prérogatives (presbéia, pronomía,
díkaia) au métropolite, toujours dans le cadre de la synodalité. Ainsi, le premier concile
œcuménique (Nicée, 325), tout en demandant à tous les évêques dune province leur
participation ou consentement par écrit à une élection et consécration épiscopale acte
synodal par excellence attribuait au métropolite la validation (kýros) de lélection dun
nouvel évêque. Le quatrième concile œcuménique (Chalcédoine, 451) réitéra de nouveau
les droits (díkaia) du métropolite insistant sur le fait que cette charge devait être
ecclésiale et non politique comme le septième concile œcuménique (Nicée II, 787).
13. Le Canon apostolique 34 propose une description canonique de la corrélation entre le
prótos et les autres évêques de chaque région [éthnos] : « Les évêques de chaque nation
doivent reconnaître leur primat [prótos], et le considérer comme chef [kephalé] ; ne rien
faire qui dépasse son pouvoir sans son avis [gnóme]; et que chacun ne soccupe que de ce
qui regarde son diocèse [paroikía] et les campagnes dépendant de son diocèse. Mais, lui
aussi, le primat [prótos], quil ne fasse rien sans lavis de tous ; car la concorde règnera
ainsi sera glorifié le Père et le Fils et le Saint- Esprit ».
14. Linstitution de la métropole est une forme de communion régionale entre les Églises
locales. Dautres formes se développeront par la suite, soit les patriarcats comprenant
plusieurs métropoles. Tant le métropolite que le patriarche étaient des évêques
diocésains dotés de pleins pouvoirs dans leurs diocèses. Mais pour des questions liées à
leurs métropoles respectives, ils devaient agir en accord avec les autres évêques. Cette
façon dagir est à la racine des institutions synodales au sens strict du terme, comme le
synode régional des évêques. Ces synodes étaient convoqués et présidés par le
métropolite ou par le patriarche. Lui et les autres évêques agissaient en se complétant
mutuellement et ils étaient tous responsables devant le synode.
L’ÉGLISE AU SENS UNIVERSEL
15. Entre le quatrième et le cinquième siècle, lordre (táxis) des cinq sièges patriarcaux
commence à être reconnu. Tel ordre était fondé sur les conciles œcuméniques et dictés
par eux, donnant au siège de Rome la première place, soit un rôle de primauté dhonneur
(presbéia tes timés), devant Constantinople, puis Alexandrie, Antioche et Jérusalem, selon
lordre établi par la tradition canonique.
16. En Occident, la primauté du siège de Rome fut comprise, surtout à partir du IVème
siècle, en rapport avec le rôle de Pierre parmi les apôtres. La primauté de lévêque de
Rome par les évêques fut peu à peu interprétée comme une prérogative qui lui revenait
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dans la mesure il était le successeur de Pierre, premier de tous les apôtres. Cette
compréhension ne fut pas adoptée en Orient, qui avait sur ce point une autre
interprétation que celle des Écritures et des Pères. Notre dialogue pourra un jour revenir
sur cette question.
17. Quand un nouveau patriarche était élu dans un des cinq sièges de la táxis, la coutume
voulait quune lettre fût envoyée à tous les autres patriarches pour annoncer son élection,
en y incluant une profession de foi. Ces « lettres de communion » étaient lexpression des
liens canoniques profonds qui unissaient les patriarches. En incluant le nom du nouveau
patriarche et le mettant à sa juste place dans les dytiques de leurs églises, lus durant la
liturgie, les autres patriarches reconnaissaient son élection. La táxis des patriarcats
trouvait sa plus haute expression dans la célébration de la sainte eucharistie. À chaque
fois que deux ou plusieurs patriarches se réunissaient pour célébrer leucharistie, ils se
plaçaient selon la táxis. Cette pratique reflétait la nature eucharistique de leur
communion.
18. Dès le premier concile œcuménique (Nicée, 325), les questions de foi et de lordre
canonique dans l’Église furent discutées et tranchées par les conciles œcuméniques.
Même si lévêque de Rome ne participait personnellement à aucun de ces conciles, il
envoyait à chaque fois un représentant ou approuvait les conclusions conciliaires post
factum. Sur les critères devant déterminer un concile œcuménique, la compréhension de
l’Église se développa dans le courant du premier millénaire. Par exemple, poussé par des
circonstances historiques, le septième concile œcuménique (Nicée II, 787) fit une
description détaillée des critères tels quils étaient compris à lépoque: la concorde
(symphonía) des chefs des Églises, la coopération (synérgheia) de lévêque de Rome et
laccord des autres patriarches (symphronúntes). Un concile œcuménique doit avoir son
propre numéro dans la séquence des conciles œcuméniques et son enseignement doit être
en accord avec celui des conciles précédents. La prise en compte de l’Église dans son
ensemble a toujours été le dernier critère du caractère œcuménique dun concile.
19. Au fil des siècles, tant dappels ont été lancés à lévêque de Rome, de lOrient aussi, sur
des questions disciplinaires, comme la déposition dun évêque. Au synode de Sardique
(343) il y eut une tentative détablir des règles de procédure. Sardique fut pris en
considération au concile in Trullo (692)15. Les canons de Sardique établissaient quun
évêque qui avait été condamné pouvait faire appel à lévêque de Rome et que ce dernier,
sil le jugeait bon, pouvait ordonner un nouveau processus, que les évêques devaient
assurer dans la province limitrophe à celle de lévêque en question. Des rappels
disciplinaires furent également envoyés au siège de Constantinople et à dautres sièges.
Ces rappels furent toujours traités de manière synodique. Les appels à lévêque de Rome
par lOrient exprimaient la communion de l’Église, mais lévêque de Rome nexerçait pas
dautorité canonique sur les Églises dOrient.
CONCLUSION
20. Pendant tout le premier millénaire, l’Église en Orient et en Occident sunirent pour
entretenir la foi des apôtres, assurer la succession apostolique des évêques, développer
des structures de synodalité liées indissociablement à la primauté, et entendaient
lautorité comme un service (diakonía) damour. Bien que lunité entre lOrient et
lOccident fut parfois compliquée, les évêques dun côté comme de lautre avaient
conscience dappartenir à Église « une ».
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21. Cet héritage commun de principes théologiques, de dispositions canoniques et
pratiques liturgiques du premier millénaire, représente un point de référence nécessaire
et une puissante source dinspiration pour les catholiques comme pour les orthodoxes,
tandis quils cherchent à panser les plaies de leur division, en ce début de troisième
millénaire. Sur la base de cet héritage commun, tous les deux doivent voir comment la
primauté, la synodalité et linterrelation qui existent entre eux peuvent être pris en
compte et exercés aujourdhui et à lavenir.
© Traduction de ZENIT, Océane Le Gall
Source : documentation-unitedeschretiens.fr
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