tout pas avec caméra, important la c’est Descendance est la première œuvre écrite en collaboration par les deux artistes polyvalents que sont Dany Boudreault et Maxime Carbonneau. Sans complaisance, et avec une petite touche d’ironie, ils y mettent en scène une famille ordinaire dont la force d’attraction ne suffit plus à retenir ses membres dans son orbite. soit dans film. Descendance seuls Les Therrien sont réunis pour célébrer la fin de l’année. Dans une cacophonie d’échanges à bâtons rompus et de remarques creuses, chacun tente de camoufler son ennui. Luc, l’hôte, a décidé d’innover en filmant la soirée, la dernière pour cette famille sur le point d’être dispersée : « Ça va faire des beaux souvenirs. » Pour les Therrien, les meilleurs moments sont ceux où ils évoquent leurs anecdotes préférées, ressassées année après année, y cherchant la forme de réconfort apportée par l’appartenance à un groupe. Cependant, alors qu’ils regardent la vidéo avant de se quitter, le vide qu’ils ont vainement choisi d’ignorer s’impose à eux. qu’on ensemble le ISBN 978-2-89502-347-0 Descendance Dany Boudreault Maxime Carbonneau Partez Dany Boudreault Maxime Carbonneau 100574 001-138 int NB_Ok-Proofs_17/02/2014_15:58:07_K_PG 6 100574 001-138 int NB_Ok-Proofs_17/02/2014_15:58:06_K_PG 1 DESCENDANCE 100574 001-138 int NB_Ok-Proofs_17/02/2014_15:58:06_K_PG 2 Autres titres de Dany Boudreault : Et j’ai entendu les vieux dragons battre sous la peau, poésie, Les Herbes Rouges, 2005. Voilà, poésie, Les Herbes Rouges, 2007. « Trembler comme les vieilles personnes », dans Les Zurbains en série, tome 2, collectif, Dramaturges Éditeurs, 2011. (e), théâtre, Les Herbes Rouges, 2014. 100574 001-138 int NB_Ok-Proofs_17/02/2014_15:58:06_K_PG 3 Dany Boudreault Maxime Carbonneau Descendance THÉÂTRE 100574 001-138 int NB_Ok-Proofs_17/02/2014_15:58:07_K_PG 4 Maquette de la couverture : Maxime David Photo de la couverture : Hugo B. Lefort Mise en page : Anne-Marie Jacques Direction de collection : Chantal Poirier Distribution pour le Québec : Diffusion Dimedia 539, boulevard Lebeau Montréal (Québec) H4N 1S2 Distribution pour la France : Distribution du Nouveau Monde Toute adaptation ou utilisation de cette œuvre, en tout ou en partie, par quelque moyen que ce soit, par toute personne ou tout groupe, amateur ou professionnel, est strictement interdite sans l’autorisation écrite des auteurs ou de leurs représentants. © Les éditions de L’instant même, 2014 L’instant même 865, avenue Moncton Québec (Québec) G1S 2Y4 [email protected] www.instantmeme.com Dépôt légal – Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2014 Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada Boudreault, Dany, 1983Descendance (L’instant scène) Pièce de théâtre. ISBN imprimé 978-2-89502-347-0 I. Carbonneau, Maxime, 1987PS8553.O833D47 2014 PS9553.O833D47 2014 ISBN PDF 978-2-89502-848-2 . II. Titre. III. Collection : Instant scène. C842’.54 C2014-940209-0 L’instant même remercie le Conseil des Arts du Canada, le gouvernement du Canada (Fonds du livre du Canada), le gouvernement du Québec (Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC) et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec. 100574 001-138 int NB_Ok-Proofs_17/02/2014_15:58:07_K_PG 5 À Audrey Talbot. À nos familles. « The last and final moment is yours. The agony is your triumph. » Joan Baez, Here’s to you. 100574 001-138 int NB_Ok-Proofs_17/02/2014_15:58:07_K_PG 6 100574 001-138 int NB_Ok-Proofs_17/02/2014_15:58:07_K_PG 7 PRÉFACE La première fois qu’on lit Descendance, on est happé par la cruauté de la pièce, par son absence totale de complaisance, par la radicalité de la proposition textuelle. On s’y reconnaît tant que ça écorche. On est cette tribu désolée qui se raconte la fois que, qui se rappelle la fameuse journée où. Ce 31 décembre, ultime cruauté, la famille Therrien innove en filmant les « festivités ». On finit la soirée sur une mise en abyme hallucinante. On veut leur crier de s’arrêter de déverser leur affligeant sac à souvenirs, c’est sans fin, sans trêve. Et puis, d’un coup, un regard, un mot, l’enfance en bouffées parfumées envahit le moment. Et on saisit brutalement ce qui fait qu’ils sont là, comme à chaque année. Ce n’est même pas nommable. Ces odeurs-là, ces peauxlà, ces regards-là. Comme un chaton accroché à sa fratrie pour se réchauffer et qui ne sait plus où il commence, où l’autre finit. Descendance n’agit pas comme un grand cri, le texte distille sa charge comme un poison familier. Les auteurs ne disent pas : « Regardez comme ils sont tarés. » Mais plutôt : « Qu’est-ce qui nous arrive? » « Comment en sommes-nous arrivés là ? »Tellement de refus, de silences, de rage, qu’il semble impossible de soigner, même de soulager. À la fin on se dit qu’on est pareils, et on est morts de trouille. Rien de consolateur, rien de moralisateur. Une fresque impitoyablement construite, dans laquelle se meut un clan qui s’effrite, lambeaux par lambeaux. Quelques étreintes laissent espérer un réconfort, cela n’arrivera pas. Pourtant, la lumière est partout dans cette pièce dense et triste. Dans le regard ardent de Marc-André, dont le corps tant frotté sur 7 100574 001-138 int NB_Ok-Proofs_17/02/2014_15:58:07_K_PG 8 d’autres corps porte la beauté de mille étreintes, même factices. Peut-être aussi dans le ventre de Julie, qui élèvera son enfant sur une terre brûlée, ocre, étrangère. Sans doute chez Luce, au crépuscule de sa vie et assoiffée d’inconnu, chez Suzanne au criant désir d’affection, chez Geneviève dont la blessure profonde peine à se cicatriser. La lumière se retrouve aussi dans l’amour immense et maladroit de Luc pour les siens. Le titre du très beau texte de Stig Dagerman résume bien le drame de la famille Therrien : Notre besoin de consolation est impossible à rassasier. Suzie Bastien 100574 001-138 int NB_Ok-Proofs_17/02/2014_15:58:07_K_PG 9 La pièce Descendance a été créée lors d’une résidence de La Messe Basse au Théâtre d’Aujourd’hui. La première a eu lieu le 11 mars 2014 à la salle Jean-Claude-Germain avec l’équipe suivante : Mise en scène : Maxime Carbonneau Assistance à la mise en scène, direction de production et régie : Jérémie Boucher Scénographie : Cédric Lord Conception de l’éclairage : Erwann Bernard Conception sonore : Éric Forget Scénarisation de la vidéo : Stéphane Lafleur Réalisation de la vidéo : Jérémie Battaglia Conseil au mouvement : Mélanie Demers Direction technique : Julie-Anne Parenteau-Comfort Les Therrien Luc Therrien, le père, 53 ans : Martin Faucher Geneviève Therrien, la fille de Luc, 28 ans : Raphaëlle Lalande suzanne Therrien, la sœur de Luc, 54 ans : Annette Garant JuLie Therrien, la fille de Suzanne, 27 ans, enceinte : Rachel Graton Marc-andré Therrien, le fils de Luc, 24 ans : Julien Lemire Luce Therrien, la mère de Luc et Suzanne, 74 ans : Louise Turcot syLvie Therrien, la sœur décédée de Luc et Suzanne, 45 ans : Marika Lhoumeau 9 100574 001-138 int NB_Ok-Proofs_17/02/2014_15:58:08_K_PG 10 Chez les Therrien, chaque silence provoque un rond d’eau, une sourde rotation des planètes. La mise en page des dialogues marque le rythme des échanges. Lorsque les dialogues sont inscrits en colonnes, le texte doit être dit en simultané puisqu’il s’agit d’une discussion parallèle et que cet échange crée un effet cacophonique comme il s’en trouve souvent lors des réunions de famille, lorsque le vide se remplit jusqu’au bord. Quant aux dialogues inscrits en quinconce, ils marquent tantôt une accélération des échanges, qui s’effectuent alors à bâtons rompus, tantôt une absence de réaction de la part des autres personnages. Ce sont des répliques qui tombent à plat, des paroles que les autres personnages ignorent, un peu comme dans un échange durant lequel l’un n’écoute pas vraiment l’autre… l’important est de meubler le vide. Le film familial de la soirée des Therrien révèle certains dessous ou travers des relations entre les divers membres de la famille. Il peut être scénarisé en toute irrévérence ou respecter méticuleusement la première partie. Les auteurs laissent cette liberté au ou à la metteur(e) en scène. 100574 001-138 int NB_Ok-Proofs_17/02/2014_15:58:08_K_PG 11 Première Partie ORBITE 100574 001-138 int NB_Ok-Proofs_17/02/2014_15:58:08_K_PG 12 100574 001-138 int NB_Ok-Proofs_17/02/2014_15:58:08_K_PG 13 LA PRÉPARATION Il est 16 h 45. On est chez Luc dans une petite maison au revêtement d’aluminium près de Shawinigan, une grande porte-fenêtre en arrière-plan. Tout près, un karaoké et, possiblement, un cadre pour photos numériques sur lequel défilent ad nauseam des photos de la famille. Le téléviseur est ouvert. Luc découvre sa nouvelle caméra. Il parcourt les diverses fonctions, lit les instructions, se lève pour aller filmer des objets, se rassoit pour en admirer les images sur sa caméra. Geneviève compte les chaises encore pliées. C’est long. Elle est sur le point de sortir, mais quelque chose qu’on ignore l’accroche à l’écran. Elle se dirige vers la cuisine, les yeux rivés sur le téléviseur. Luc se réjouit d’une fonction de la caméra qu’il vient de découvrir. Il commence à se filmer lui-même ; Geneviève arrive avec une chaise qu’elle dépose sur les autres. Elle commence à plier les serviettes de table. Temps. Luc ne sait plus à quoi s’occuper ; il regarde une émission de fin d’année à la télévision. Geneviève s’arrête net, se prend la tête entre les mains. Elle se frotte les tempes. Geneviève Est-ce qu’i’ te reste des extrafortes ? Luc Hein ? 13 100574 001-138 int NB_Ok-Proofs_17/02/2014_15:58:08_K_PG 14 Descendance Geneviève Tu serais gentil… Luc Non. Geneviève cherche en vain son sac à main dans le salon et retourne finalement à la cuisine. Luc se remet à filmer. Le téléphone sonne, Luc le regarde, le filme, se retourne vers la cuisine et attend. Luc Téléphone. Le téléphone arrête de sonner. Geneviève revient de la cuisine. Luc, la désignant avec la caméra. Geneviève. Temps. Luc la filme en train de déplier les chaises, puis la filme de la tête aux pieds. Geneviève, gênée. Oui ? Tu veux que… Qu’est-ce que tu veux que… P’pa… C’est pas très digne d’intérêt… Luc, officiel. Début de la célébration. Geneviève Tu feras ça quand le monde va être arrivé ? Luc filme Geneviève qui plie les serviettes avec soin, mais s’en désintéresse assez vite. Luc I’ manque une chaise. Geneviève, regrettant d’être aussi franche. I’ viendra pas. 14 100574 001-138 int NB_Ok-Proofs_17/02/2014_15:58:09_K_PG 15 La préparation Luc Tu sais rien. Temps. Geneviève va chercher une chaise, qu’elle apporte dans le salon. Luc Est brisée, celle-là. (Indiquant l’étage au-dessus.) Va en chercher une autre en haut. Geneviève appuie la chaise brisée contre le mur, à l’écart des autres. Luc éteint sa caméra. Il est désœuvré. Il ne lui vient pas à l’esprit de demander à sa fille s’il peut l’aider. Temps. Geneviève sent le désarroi de son père. Geneviève Tu peux choisir un CD ? Luc Je vais fouiller sur Galaxie. Luc va sur Galaxie et zappe les chaînes : country, classic rock, disco, blues, rock indie, etc. Long zapping qui s’éternise. Geneviève As-tu branché le karaoké ? Luc C’est sûr. Luc tombe dans la lune. Pendant ce temps, Geneviève est allée chercher la trempette à la cuisine. Elle choisit une carotte avec attention et la plonge dedans. Lentement et soigneusement, elle en extirpe la carotte lourdement chargée de trempette. Moment de suspension. On entend sonner à la porte. Luc C’est la belle Julie qui est de bonne heure ! 15 100574 001-138 int NB_Ok-Proofs_17/02/2014_15:58:09_K_PG 16 Descendance La trempette tombe sur le chemisier de Geneviève. Geneviève, regardant par la fenêtre. Osti ! Luc Sacre pas, ça marche pas quand tu sacres. Geneviève À cette heure-là, c’est sûrement juste Suzanne. 100574 001-138 int NB_Ok-Proofs_17/02/2014_15:58:33_K_PG 133 Préface Première partie – Orbite La préparation L’arrivée Température et capitalisme Les nouvelles Température et capitalisme – Variation La grosse nouvelle Le dernier jour de l’An Le concours de lasagnes Le repas La bûche Le jeu L’Égypte 7 11 13 17 28 33 45 48 55 61 73 77 81 89 Deuxième partie – Déviation 95 Le rayonnement des corps noirs Réactions nucléaires Rémanent 97 99 128 100574 001-138 int NB_Ok-Proofs_17/02/2014_15:58:33_K_PG 134 100574 001-138 int NB_Ok-Proofs_17/02/2014_15:58:33_K_PG 135 Dans la collection « L’instant scène » : Lentement la beauté, pièce du Théâtre Niveau Parking La trilogie des dragons, pièce de Marie Brassard, Jean Casault, Lorraine Côté, Marie Gignac, Robert Lepage et Marie Michaud (en coédition avec Ex Machina) Robert Lepage, l’horizon en images, essai de Ludovic Fouquet Le projet Andersen, pièce de Robert Lepage (en coédition avec Ex Machina) La face cachée de la lune, pièce de Robert Lepage (en coédition avec Ex Machina) La librairie, pièce de Marie-Josée Bastien Santiago, pièce d’Hélène Robitaille Ex Machina. Chantiers d’écriture scénique, essai de Patrick Caux et Bernard Gilbert (en coédition avec Septentrion) Climat de confiance, entretiens de Peter Brook avec Pierre MacDuff Gens sans aveu, pièce d’André Ricard La gloire des filles à Magloire, pièce d’André Ricard Le Grand Duo. Bouchard et Morisset, pianistes duettistes, biographie par Carole Bessette Bye Bye Baby, pièce d’Elyse Gasco La trilogie inachevée, pièces de Lomer M. Gouin Où tu vas quand tu dors en marchant ?, essai de Chantal Poirier, Philippe Mottet et Gilles Pellerin La montagne rouge (SANG), pièce de Steve Gagnon Sous haute surveillance, le Moulin à paroles, essai présenté par Brigitte Haentjens, Sébastien Ricard, Biz, Pierre-Laval Pineault et Yannick Saint-Germain Laurier-Station. 1000 répliques pour dire je t’aime, pièce d’Isabelle Hubert Dissidents, pièce de Philippe Ducros La porte du non-retour, déambulatoire théâtral et photographique de Philippe Ducros 100574 001-138 int NB_Ok-Proofs_17/02/2014_15:58:34_K_PG 136 Un, pièce de Mani Soleymanlou Ventre, pièce de Steve Gagnon La fête à Jean, pièce de Pier-Luc Lasalle La guerre des tuques, pièce de Fabien Cloutier (en coédition avec Dramaturges Éditeurs) Toi l’ami. Cent regards sur Sylvain Lelièvre, album collage sous la direction d’Élizabeth Gagnon et Monique VaillancourtLelièvre Corbeau. 25e création du Théâtre de l’Œil, pièce de Jean-Frédéric Messier, scénarimage et dessins de Richard Lacroix, autres textes de Michelle Chanonat À tu et à toi, pièce d’Isabelle Hubert En dessous de vos corps je trouverai ce qui est immense et qui ne s’arrête pas, pièce de Steve Gagnon Frontières, pièce d’Isabelle Hubert Les champs pétrolifères, pièce de Guillaume Lagarde L’Anneau du Nibelung de Robert Lepage au Metropolitan Opera. Une aventure scénique, essai de Bernard Gilbert 100574 001-138 int NB_Ok-Proofs_17/02/2014_15:58:34_K_PG 137 tout pas avec caméra, important la c’est Descendance est la première œuvre écrite en collaboration par les deux artistes polyvalents que sont Dany Boudreault et Maxime Carbonneau. Sans complaisance, et avec une petite touche d’ironie, ils y mettent en scène une famille ordinaire dont la force d’attraction ne suffit plus à retenir ses membres dans son orbite. soit dans film. Descendance seuls Les Therrien sont réunis pour célébrer la fin de l’année. Dans une cacophonie d’échanges à bâtons rompus et de remarques creuses, chacun tente de camoufler son ennui. Luc, l’hôte, a décidé d’innover en filmant la soirée, la dernière pour cette famille sur le point d’être dispersée : « Ça va faire des beaux souvenirs. » Pour les Therrien, les meilleurs moments sont ceux où ils évoquent leurs anecdotes préférées, ressassées année après année, y cherchant la forme de réconfort apportée par l’appartenance à un groupe. Cependant, alors qu’ils regardent la vidéo avant de se quitter, le vide qu’ils ont vainement choisi d’ignorer s’impose à eux. qu’on ensemble le Descendance Dany Boudreault Maxime Carbonneau Partez Dany Boudreault Maxime Carbonneau