
Revue Médicale Suisse
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23 avril 2014 921
ratoire.
In fine
, une exploration chirurgicale avec débride-
ment, lavage, et biopsies tissulaires permet très souvent
de confirmer le diagnostic initial.
Les examens paracliniques confirment l’inflammation et
peuvent être utiles au suivi des patients. Contrairement au
sentiment habituellement véhiculé, le portage cutané posi-
tif du SARM hospitalier est faiblement corrélé à la patho-
génie de l’infection cutanée sous-jacente 5 et les patients
traités par antibiotiques avant l’hospitalisation peuvent ré-
véler des résultats négatifs. La sérologie est d’importance
moindre : seule la sérologie permettant de titrer les anti-
corps antistreptolysine-O peut confirmer l’infection par un
streptocoque bêta-hémolytique des groupes A, C et G.6 Les
examens radiologiques (CT-scan, IRM) détectent les col-
lections liquidiennes, un abcès, ou une fascéite.7 L’histo-
logie est indiquée dans toute infection sévère comme aide
au diag nostic, en particulier dans les cas de fascéite nécro-
sante.8
Classification
Il est important d’avoir à l’esprit que le même agent pa-
thogène peut provoquer des tableaux cliniques différents.
Par exemple,
S. pyogenes
peut être responsable d’érysipèle
avec une infection des couches superficielles de la peau
ou diffuser dans les tissus profonds et entraîner des fas-
céites, voire des myosites. De même,
S. aureus
peut provo-
quer des abcès localisés ou évoluer vers une bactériémie
sans extension locale alors que certains streptocoques bêta-
hémolytiques tels que
S. pyogenes
ont tendance à s’étendre
dans les tissus mous et les fascias via des facteurs de viru-
lence spécifiques comme la hyaluronidase. En raison de la
diversité des tableaux cliniques, une classification des in-
fections profondes des tissus mous, basée uniquement sur
la microbiologie, peut prêter à confusion. C’est pourquoi ces
infections sont habituellement classées d’après les struc-
tures anatomiques touchées par le processus infectieux. Par-
mi les infections profondes, deux entités sont particulière-
ment redoutables et seront abordées ci-dessous : il s’agit
des fascéites nécrosantes et des myosites.
fascéites nécrosantes et myosites
Ces deux entités affectent la plupart du temps les per-
sonnes immunodéprimées,9 mais parfois également de
jeunes patients et en bonne santé. Le début des symp-
tômes est souvent brutal. La fascéite nécrosante débute
comme un érysipèle qui ne répond pas aux antibiotiques
et qui s’étend rapidement sous l’action des enzymes et des
toxines bactériennes, entraînant nécrose et liquéfaction des
tissus avoisinants.9 Il y a souvent une disproportion entre
l’aspect externe des lésions érythémateuses et l’intensité
des douleurs. La fièvre et les crépitations sont rares à l’ad-
mission. D’un point de vue physiopathologique, et contrai-
rement à l’érysipèle, la fascéite nécrosante est une maladie
systémique, résultant d’une atteinte du
fascia superficialis
, et
non pas des fascias musculaires. Le
fascia superficialis
est une
structure mal définie, localisée dans le tissu sous-cutané. Les
microthrombi8 et les troubles de la circulation sanguine
sont à l’origine d’une gangrène profonde. Des lésions bul-
leuses peuvent se former et les lésions tardives peuvent
ressembler aux brûlures profondes . Dans les formes non
traitées, il y a une extension rapide au tissu entourant la
zone infectée qui s’associe souvent à une bactériémie avec
défaillance multiviscérale aboutissant au décès. La morta-
lité est comprise entre 20 et 30% bien que des mortalités
plus faibles de 15-20% aient été rapportées (tableau 1).10
Selon l’agent pathogène en cause, on distingue deux types
de fascéites nécrosantes.9 Le type I correspond aux infec-
tions multibactériennes (chez les sujets immunodéprimés).
Les infections de type II sont causées par
S. pyogenes
et sont
rapidement progressives, y compris chez les patients en
bonne santé. Toutefois, il n’y a pas de différence de mor-
bidité, de mortalité ou de prise en charge entre ces deux
types d’infection. L’atteinte des organes génitaux est appe-
lée gangrène de Fournier.
Les fascéites atteignent souvent les muscles. Ainsi, la
plupart des fascéites nécrosantes sont, anatomiquement
parlant, des fasciomyosites bien que des myosites isolées
puissent également survenir. L’augmentation du taux san-
guin de la créatinine phosphokinase suggère une partici-
pation musculaire. L’infection bactérienne des muscles par
Clostridium perfringens
ou par
C. septicum
est souvent appe-
lée «gangrène gazeuse» du fait des crépitations. Cette forme
est rare de nos jours, car les facteurs prédisposants sont
les plaies contaminées par des germes anaérobies (plaies
de guerre ou plaies sur catastrophe naturelle non traitées).
Maladie produite par une toxine
Enfin, outre le tableau local, tant
S. aureus
que les strep-
tocoques bêta-hémolytiques peuvent entraîner un sepsis
par la production de superantigènes et de toxines.11 Ces
situations sont appelées syndrome de choc toxique sta-
phylococcique ou streptococcique et sont marquées par
l’apparition d’un choc septique.
traitement médico-chirurgical
En règle générale, seules les infections cutanées super-
ficielles, les érysipèles et les cellulites sont traitées par les
antibiotiques seulement, tandis que les fascéites et les
myosites représentent des urgences chirurgicales devant
être prises en charge dans les quelques heures suivant l’hos-
pitalisation du patient. Le traitement chirurgical est com-
plété par une antibiothérapie.2 Dans certains cas d’infec-
tions profondes des tissus mous, en l’absence de sepsis ou
Dermohypodermite Fascéite nécrosante
• Hémodynamiquement stable • Sepsis
• Mortalité l1% • Mortalité 15-25%
• Hémocultures positives 2% • Hémocultures positives 30%
• Jusqu’à 100/100 000 par année • l 1/100 000 par année
• Erythème homogène avec bords • Erythème inhomogène,
bien délimités nécroses, phlyctènes
• Porte d’entrée mycoses interdigitales • Traumatique ou inconnu
• Comorbidités fréquentes • Souvent bonne santé
(diabète, lymphœdèmes) habituelle
Tableau 1. Différences cliniques potentielles entre
une infection cutanée ou des tissus mous superfi-
cielle et une infection profonde de type fascéite
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