STÉPHANE GSELL
MEMBRE DE L’INSTITUT
PROFESSEUR AU COLLÈGE DE FRANCE
HISTOIRE ANCIENNE
DE
L’AFRIQUE DU NORD
TOME I
LES CONDITIONS DU DÉVELOPPEMENT HISTORIQUE
LES TEMPS PRIMITIFS
LA COLONISATION PHÉNICIENNE ET L’EMPIRE DE CARTHAGE
PARIS
LIBRAIRIE HACHETTE
79, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 79
HISTOIRE ANCIENNE
DE
L’AFRIQUE DU NORD
LIVRE PREMIER
LES CONDITIONS DU DÉVELOPPEMENT
HISTORIQUE
CHAPITRE PREMIER
LES RÉGIONS NATURELLES DE L’AFRIQUE DU NORD
I
La contrée dont nous nous proposons d’étudier l’histoire
ancienne, jusqu’à la conquête arabe, s’étend, au Nord, entre le
détroit de Gibraltar et l’extrémité Nord-Est de la Tunisie; au
Sud, entre l’Anti-Atlas et le golfe de Gabés. Nous adoptons
pour la désigner le terme conventionnel d’Afrique du Nord; on
a aussi nommée Berbérie, Afrique Mineure. Nous y joindrons,
comme une sorte d’annexe, le littoral du fond des Syrtes: dans
l’antiquité, cette lisière du Sahara a été rattachée à l’État car-
thaginois, puis à l’Afrique romaine.
Vaste quadrilatère, baigné par la mer à l’Ouest, au Nord et
à l’Est, bordé par le désert au Midi, l’Afrique du Nord est isolée
2
LES CONDITIONS DU DEVELOPPEMENT HISTORIQUE.
comme une île : les Arabes ont pu l’appeler l’Île de l’Occi-
dent(1). Mais cet isolement fait seul son unité. Elle est composée
d’un grand nombre de régions disparates(2).
II
Celle qu’on nomme le Rif, et qui est encore fort mal con-
nue, s’étend au Nord du Maroc actuel, opposant à la Méditerra-
née un front escarpé. A l’intérieur, se succèdent, à des intervalles
rapprochés, des plis parallèles au rivage ; dans la partie Nord-
Ouest du pays, ils se recourbent vers le Nord, constituant avec
les montagnes de l’Espagne méridionale un grand hémicycle,
que le fossé de Gibraltar a coupé brusquement et qui marque
la bordure d’un massif ancien, effondré dans la Méditerranée.
La disposition du relief empêche la formation de rivières im-
portantes. Mais, grâce au voisinage de la mer et il l’existence
de montagnes élevées, les pluies sont abondantes; les vallées,
courtes et étroites, qui sillonnent cette région tourmentée et
d’accès malaisé, se prêtent il, l’arboriculture, à l’élevage et, par
endroits, à la culture des céréales ; elles peuvent nourrir une
forte population, capable de défendre son indépendance.
A l’Est du Rif, débouche la Moulouia, qui, du moins dans
____________________
(1) Djezirat ci Maghrith.
(2) Il n’a pas été écrit d’ouvrage général sur la géographie de l’Afrique
du Nord depuis Élisée Reclus (Nouvelle Géographie universelle, tome XI, 1880).
Pour le Maroc, voir surtout Schnell, L’Atlas marocain, traduction Bernard
(1808) ;Th. Fisher, Mitelmeer Bilder, I, p, 358 et suiv.; L. Gentil, le Maroc physi-
que (1912) ; A. Bernard, le Maroc (1912), p. 11-34. — Pour l’Algérie, Bernard et
Ficheur, Les Régions naturelles de l’Algérie, dans les Annales de Géographie, XI,
1902, p, 221-240, 330-367, 419-437. — Pour la Tunisie, Pervinquière, La Tunisie
centrale, dans les Annales de Géographie, IX, 1900, p. 434-455 ; le même, Étude
géologique de la Tunisie centrale (1913) ; le même, Le Sud tunisien, dans la Revue
de Géographie, III, 1909, p. 393-410 ; Ph. Thomas, Essai d’une description géo-
logique de la Tunisie, première partie, Aperçu sur la géographie physique (1907).
Pour la Tripolitaine, Méhier de Mathuisieulx, dans les Nouvelles Archives des
missions, XII, 1904, p, 48-59, et dans les Publications de l’Association historique
de l’Afrique du Nord, V, 1906, p. 47-81.
LES RÉGIONS NATURELLES DE L’AFRIQUE DU NORD.
3
son cours inférieur, a marqué pendant des siècles une limite
entre des royaumes indigènes, puis des provinces romaines.
Au Sud, une longue dépression(1), orientée de l’Est à
l’Ouest, établit une communication facile entre l’Algérie et la
côte de l’Atlantique.
En suivant un affluent de gauche de la Moulouia, on arrive
par Taza à un affluent de droite de l’oued Sebou, fleuve qui se
jette dans l’Océan. Ce fut probablement par cette voie naturelle
que passa la frontière militaire des Romains dans la Maurétanie
Tingitane.
Le reste du Maroc a pour épine dorsale le Haut-Atlas.
Cette chaîne commence au-dessus de l’Océan, au cap Ghir, et,
se dirigeant du Sud-Ouest au Nord-Est, forme une énorme mu-
raille compacte, dont les sommets atteignent 4500 mètres et où
les cols sont élevés et difficiles. Ce n’est qu’au Sud de la haute
vallée de la Moulouia qu’elle s’abaisse et se morcelle, ouvrant
des passages qui permettent d’atteindre sans peine les oasis sa-
hariennes de l’oued Ziz et de l’oued Guir.
Sur une grande, partie de son parcours, le Haut-Allas est
flanqué, au Nord-Est, par les plissements parallèles du Moyen-
Atlas, au Sud-Ouest, par la chaîne de l’Anti-Atlas, rattachée au
Haut-Atlas par l’énorme volcan éteint du Siroua.
Au Nord et au Nord-Ouest du Haut et du Moyen-Atlas,
s’étend, à partir du littoral, une région d’architecture tabulaire,
que l’on a proposé d’appeler soit le plateau subatlantique, soit
la meseta marocaine (parce qu’elle offre la même structure que
la meseta ibérique, plateau central espagnol). Une longue fa-
laise la divise en deux terrasses superposées, la première d’une
altitude moyenne de 150 mètres, la seconde de 500 mètres,
coupées par les lits profonds de quelques rivières qui se diri-
gent vers l’Océan, en s’écartant comme les branches d’un éven-
tail. Étroites au Sud-Ouest, ces terrasses s’élargissent ensuite ;
____________________
(1) Qui fut un détroit à l’époque miocène, comme l’a montré M. Gentil.
1 / 182 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !