A côté de ces bureaux palatins, d’autres postes, comme ceux de praefectus et de
procurator permettaient aux affranchis impériaux de se hisser dans la société, faisant valoir leurs
talents et leur loyauté, mais en affichant aussi leurs ambitions personnelles. Se dégagèrent ainsi
certaines figures charismatiques, devenues célèbres par les récits des historiens et des écrivains de
l’époque impériale. Citons ainsi Pallas, secrétaire a rationibus, affranchi de Claude, qui s’était
enrichi grâce aux faveurs de l’Empereur ; Felix, le frère de Pallas, avait, quant à lui, accédé grâce
à Claude au titre de procurator de Judée, de 52 à 60 ap. J. –C. et avait même épousé une
princesse de sang oriental, en la personne de Drusilla, la petite-fille d’Antoine et Cléopâtre ; le
machiavélique Anicetus enfin, qui, revêtu de la charge de préfet de la flotte de Misène, participa
au complot visant à tuer Agrippine, la mère de Néron :
Anicetus libertus, classi apud Misenum praefectus et pueritiae Neronis educator. 3
Pendant le Principat, c’est l’Empereur Claude en particulier qui se soucia le plus d’être
entouré d’esclaves et d’affranchis ; ceux-ci le servirent dans de nombreuses
tâches administratives, ce qui, par conséquent, les voyait associés aux décisions de l’Empereur
car ils n’hésitaient pas à l’influencer et à orienter ses choix dans la politique intérieure mais aussi
extérieure de Rome. La scène où Narcisse intervint auprès des soldats avant l’expédition de
Bretagne car ils menaçaient l’ordre par une tentative de mutinerie, permet d’illustrer cette
influence que ces affranchis possédaient.4 Ceux d’entre eux qui avaient l’oreille des Empereurs
recevaient alors, en récompense de leur loyauté et de leur fidélité des charges et des honneurs
dignes de vrais citoyens.
De plus, ces largesses étaient essentiellement des signes extérieurs et visibles par tout le
monde : l’un portera l’anneau d’or, symbole de l’ordre équestre, l’autre aura droit à des licteurs
lui servant d’escorte,…alors que sa naissance ne lui en donne pas le droit. C’est donc souvent en
contournant les lois de Rome et grâce aux symboles de son autorité que les maîtres (et parmi eux,
l’Empereur), accordait ces « récompenses » aux affranchis les plus méritants ou les plus
appréciés. Au contraire, certains fondements des institutions qu’étaient le droit de cité, le passage
dans l’ordre équestre ou sénatorial restaient quasiment inaccessibles aux affranchis de première
génération, et rarement atteints par leurs descendants.
3 Tacite, Annales, XIV, 3 : « L’affranchi Anicetus, placé à la tête de la flotte situé près de Misène et qui fut
chargé de l’éducation de Néron dans son enfance. »
4 Dion Cassius, Histoire romaine, LX, 19 : « «‘Υπὸ τοῦ Κλαυδίου πεμφθέντα »