Éduquer à la citoyenneté: unmodèleréflexifparcompétences 1
Claudine Leleux et al. – Développer l’autonomie affective de 5 à 14ans ©De Boeck Éducation, 2014
1. ÉDUQUER À LA CITOYENNETÉ:
UNMODÈLERÉFLEXIFPARCOMPÉTENCES
Résumé: une éducation à la citoyenneté en milieu scolaire suppose de développer chez les apprenants des
compétences à l’autonomie individuelle, à la coopération sociale et à la participation publique qui sont aussi
trois valeurs démocratiques et nécessaires à l’épanouissement d’une personnalité dans ses trois dimensions.
Bien que ces trois compétences génériques soient interdépendantes, il nous faut les viser séparément sur le
plan méthodologique et selon les trois axes du savoir (cognitif, conatif et affectif).
1. L’éducation à la citoyenneté vise à faire acquérir trois compétences:
– l’autonomie individuelle qui se décline en autonomie intellectuelle (penser par soi- même), en autonomie
morale (juger par soi- même) et en autonomie affective (libérer et maitriser ses affects par le jugement) ;
autonomie étant entendue au sens de Kant comme la capacité à (dés)obéir librement à la règle (logique,
éthique/juridique ou du jugement).
– la coopération sociale
– la participation publique.
2. Ces compétences doivent être acquises de manière interdépendante: l’autonomie permet davantage de
coopération et de participation ; la coopération renforce l’autonomie et la participation ; la participation exige
tant l’autonomie que la coopération.
3. Ces trois compétences génériques se justifient par le fait que:
– l’humaindevrait idéalement être développé, formé, éduqué dans sa totalité, dans ses trois dimensions d’être
pensant, avec sa subjectivité indivisible (indivis, individu) ; d’être social qui, à l’inverse de l’idée qui a prévalu
pendant des siècles, ne peut se constituer une identité hors des interactions avec les autres et, en particulier,
sans s’approprier le discours (le langage articulé) dont les hommes se sont dotés au fil des siècles ; de citoyen
enfin, en ce que cet individu- social est aussi l’auteur du pouvoir politique depuis les révolutions démocra-
tiques des 17e et 18e siècles– et ce, bien que l’inscription du nouveau- né à l’administration communale ne
dispense qu’une citoyenneté passive tandis que la citoyenneté active n’est reconnue qu’à la majorité civile.
– ces trois dimensions recoupent en outre les trois concepts sur lesquels s’articule la philosophie politique:
l’Individu, la Société et l’État. La société a ici le sens de « société civile », c’est- à- dire l’ensemble des rapports
interpersonnels hors sphère publique, soit l’ensemble des relations privées ou particulières (les relations
professionnelles, commerciales, mais aussi intimes, filiales, amicales et amoureuses), alors que l’État est
compris, selon le sens que lui donne le philosophe allemand Friedrich Hegel, comme l’instance de médiation
qui exprime, régule et garantit, l’ensemble des rapports interpersonnels publics1.
– ces trois compétences renvoient enfin aux trois grandes valeurs de la démocratie moderne: la liberté se
lie à l’autonomie, la solidarité à la « coopération » sociale et l’égalité de droit à la participation publique.
Former des personnes, voire des personnalités, suppose donc qu’on ne néglige la formation d’aucun de ses
attributs essentiels. Ce que je schématise ci- dessous:
1 Friedrich Hegel [1821], Principes de la philosophie du droit, trad. A.Kaan, Paris, Gallimard, 1940, coll. “Tel”, pour qui la « société
civile » est l’ensemble des individus en tant qu’ils sont unis par des liens juridiques et économiques dans des rapports de dépendance
réciproque (Petit Larousse). L’État est, en revanche, l’ensemble des rapports de reconnaissance réciproque.