uram-2014-p152-172 - Proceedings of the Marketing Spring Colloquy

Proceedings of the Marketing Spring Colloquy (URAM), Vol. 5. May, 2016.
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Proceedings of the Marketing Spring Colloquy (MSC)
Unit of Research & Applications in Marketing (URAM)
Special Volume: 2016, Vol. (5), pp: 152-172
E-ISSN: 2490-4376
Conference Paper
L’ETHIQUE DANS LE COMMERCE ET LE MARKETING : La place de
l’éthique dans la relation du vendeur à l’acheteur
Imène BENKARA, Réda DJAOUAHDOU
Université BADJI Mokhtar Annaba (Algérie)
L’ETHIQUE DANS LE COMMERCE ET LE MARKETING : La place de l’éthique dans
la relation du vendeur à l’acheteur
Résumé :
Les visions que l’on peut avoir de l’entreprise sont diverses. Le rôle qui leur est attribué va
au-delà de la simple fonction économique, elle serait désormais un acteur social engagé.
L’éthique apparaît comme un des enjeux, c’est du moins un des discours émergents.
Actuellement, bon nombre d’entreprises affirment qu’elles se sont dotées, sinon de codes
éthiques, du moins de groupes de travail, de réflexion à propos de l’éthique. Or, ces
entreprises sont souvent accusées de récupération commerciale ou marketing par l’opinion.
Cette communication consistera à situer l’éthique dans l’organisation, elle s’agira
notamment de définir les frontières entre éthique, morale et déontologie, - trois termes
parfois employés indifféremment -, puis de distinguer l’approche déontologique de
l’approche téléologique, ensuite de traiter des cas particuliers du marketing et du commerce
et enfin de connaître les raisons individuelles d’un comportement éthique dans l’entreprise.
Elle conviendra de situer l’éthique par rapport au vendeur et définir pourquoi un tel
paradoxe apparaît entre ces deux termes.
Mots-clés : L’éthique, la morale, la déontologie, le vendeur, la place de l’éthique par
apport au vendeur.
*Paper presented at the 5th Conference of URAM. Hammamet, Tunisia. 9-10 May, 2014
Imène BENKARA, Réda DJAOUAHDOU
Proceedings of the Marketing Spring Colloquy (URAM), Vol. 5. May, 2016.
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L’ETHIQUE DANS LE COMMERCE ET LE MARKETING : La place de l’éthique dans
la relation du vendeur à l’acheteur
Introduction :
« Un œil suffit au vendeur, cent yeux ne
suffisent pas à l’acheteur ». Ce dicton
reflète assez bien l’idée, largement
répandue, selon laquelle le vendeur serait
une sorte de « manipulateur » en créant
un besoin chez l’individu, ou un « voleur »
en voulant toujours vendre son produit à
un prix élevé.
Cette conception du vendeur ou
commerçant n’est pas nouvelle, elle
était déjà présente à l’époque des
Babyloniens. Beaucoup plus tard, Adam
Smith et sa théorie de la « main invisible »
adoucira cette représentation du
commerce : « celui qui recherche le profit
concurrentiel doit commencer par penser
aux autres, car la seule voie pour soutenir
une affaire rentable est de chercher à
réaliser une meilleure satisfaction de leurs
besoins ».
Plus récemment, les économistes
classiques à l’instar de Marx déplorent
que la richesse soit moins la conséquence
d’une production de biens ou services, la
conséquence d’une accumulation de
savoirs et de savoir-faire mais bel et bien
le but principal de toute activité
commerciale.
On va traiter ce travail en quatre grands
axes, comme suit :
Axes1 : le cadre conceptuel de l’éthique, la
morale, la déontologie ;
Axes 2 : L’éthique dans le commerce et le
marketing ;
Axes 3 : Les raisons individuelles d’un
comportement éthique dans l’entreprise ;
Axes 4 : Le vendeur et l’éthique
Axe 1 : le cadre conceptuel de
l’éthique, la morale et la
déontologie :
Le terme « éthique » a pour origine le
mot grec êthos, qui a pour signification
« mœurs », ou « coutume », et par
extension « l’habitude » ou encore
« l’usage ». Ce mot est souvent
maladroitement employé comme
synonyme de « morale », les termes
pouvant tous deux faire référence à un art
de diriger sa propre conduite.
Une autre approche d’origine anglo-
saxonne nomme « éthique » les règles
morales de telle ou telle profession. On
parlera ainsi d’éthique du journalisme,
d’éthique biomédicale ou bien d’éthique
de l’entreprise. Dans ce cadre, éthique et
déontologie sont synonymes.
1) L’approche juridique :
Les notions d’éthique et de morale
n’existent pas formellement en matière de
droit. Le terme de « bonne foi » est le plus
souvent retenu en matière commerciale,
on parle également de la notion de
« comportement en bon père de famille »
en ce qui concerne les contrats de location
par exemple.
L’éthique et le droit :
Le droit est compris ici comme l’ensemble
des règles qui régissent les rapports entre
les hommes. Ces gles sont fondées sur
l’idée de justice. Il existe notamment un
droit naturel, que les hommes ne peuvent
transgresser sans renoncer à leur
humanité : « nul ne peut nuire à un autre,
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par rapport à sa vie, à sa santé, à sa liberté
et à son bien »1. En cela, le droit se
rapproche de l’éthique qui reprend, elle
aussi, la notion de justice en la résumant
dans la formule suivante : « ta liberté vaut
autant que la mienne ». Mais les deux
termes se différencient quand même. On
retiendra pour le reste de ce travail les
formulations résumées dans le tableau (1)
suivant :
Tableau (1) : comparaison entre le droit
et l’éthique (voir annexe)
Selon cette comparaison on conclut que :
l’éthique n’est pas une notion juridique
mais philosophique.
La morale et le droit :
La morale suppose, tout comme le droit,
des prescriptions et des interdits.
Toutefois, la première se distingue du
second sur plusieurs points2.
Tableau (2) : comparaison entre le droit
et la morale (voir annexe)
La déontologie et le droit :
Alors que la déontologie et le droit se
réfèrent tous deux à la notion de justice, la
déontologie, elle, est affaire d’une
profession ou d’un groupe d’intérêt : les
règles ne sont donc pas d’origine
législative ou juridictionnelle. La
diversification des groupes d’intérêt
aboutit à une multitude de règles
déontologiques qui peuvent être prise en
compte ou non par les tribunaux.
Par exemple dans le domaine de la
distribution de la presse en France, une
commission du Conseil Supérieur des
1 « Droit », Encyclopaedia Universalis France,1998
2 Ibidem.
Messageries (qui a pour rôle d’édicter les
règles de la profession) délivre le droit
d’ouvrir les postes de vente des journaux.
Ceci va à l’encontre des dispositions
générales du commerce et des
dispositions européennes en matière de
concurrence, pourtant aucun tribunal n’a
jamais condamné cette Commission
d’Organisation de la Vente.3
Ceci n’est pas un exemple isolé, il est tout
à fait fréquent que le droit ait recours au
code déontologique d’une profession pour
juger le comportement d’un individu.
2) L’approche de la raison :
L’éthique et la raison :
La notion d’éthique est basée sur le
triptyque suivant : ma liberté, ta liberté et
la règle. Si je reconnais l’autre comme
mon semblable alors, parce que je crois en
ma liberté, je reconnais également le droit
de l’autre à sa liberté. La règle qui
intervient alors dans mon action est basée
sur le devoir que je me suis moi-même
imposé4.
Il faut encore distinguer l’éthique de la
raison. La raison concerne l’efficacité et
l’efficience alors que l’éthique, elle,
concerne les objectifs des
comportements. Tandis que la raison est
rationnelle, l’éthique est irrationnelle dans
le sens elle n’est pas objectivement
vérifiable.
La morale et la raison :
La morale désigne, quant à elle, soit un
ensemble existant de normes ou de
3 Manuel juridique à l’usage des éditeurs, édité par
le Centre de Perfectionnement des Journalistes,
1990.
4 « Ethique », Encyclopaedia Universalis France,
1998.
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devoirs dans un contexte donné (les
morales chrétienne, laïque, etc.) soit la
recherche philosophique des fondements,
de l’origine, de la légitimité de toute
attitude morale. Et c’est dans ce second
sens que le mot « éthique » est employé
par les philosophes. L’éthique serait donc
une science de la morale ayant pour but
de rechercher, à cause des divergences
entre les morales existantes, s’il existe une
norme universellement acceptable au
regard de critères rationnels.5
La déontologie et la raison :
Les dictionnaires définissent la
déontologie comme étant la théorie des
devoirs. On entend donc par déontologie,
« l’ensemble des règles et devoirs qui
régissent une profession ou une activité, la
conduite de ceux qui l’exercent, les
rapports entre ceux-ci et leurs clients ou le
public ». Dans les codes déontologiques,
leurs auteurs s’engagent ainsi à adopter
certaines conduites sociales faisant
référence à l’éthique. C’est le cas par
exemple de la déontologie médicale avec
notamment le « serment d’Hippocrate »,
qui est sans doute le code déontologique
le plus célèbre. Ainsi, la déontologie
s’apparente à une sorte d’auto-
réglementation d’un corps de métier. Il
s’agit en fait de règles plus “correctes”
qu’un texte de loi puisqu’elles sont ainsi
compatibles avec le corps de métier en
question.6
Guy Serraf7 propose alors de concevoir la
relation entre éthique et déontologique
5 Ibidem.
6 Jean-Paul Caverni, l’Ethique dans les Sciences du
Comportement, PUF, collection Que sais-je ?, 1998,
p 61.
7 Guy Serraf (1995), Problématique d’une Ethique
pour le Marketing, Revue Française de Marketing,
n° 153-154, p 25-41.
de cette façon: l’éthique définit les
principes et le rôle des valeurs d’une
profession ; la déontologie a pour objet
d’établir les règles d’action de façon à ne
pas aller à l’encontre des valeurs
fondatrices.
Les trois termes « éthique », « morale » et
« déontologie » se rejoignent sous la
notion de responsabilité. La déontologie
contraint l’individu tandis que l’éthique et
la morale ne l’obligent qu’intérieurement.
Il est question ici de la sensibilité éthique
de l’individu.
3) Les sources des règles
éthiques :
Il existe en fait deux grands courants de la
pensée éthique : l’approche
déontologique fondée comme on l’a vu
sur le devoir et l’approche téléologique
qui, elle, se concentre sur les finalités de
l’acte.
L’approche déontologie
Les représentants de ce courant de
pensée (Platon ou Kant, par exemple)
estiment que l’homme a le devoir de se
conformer à quelques règles. Et ces règles
peuvent provenir de sources diverses :
- la nature de l’homme (qui
implique que celui-ci est
naturellement bon) ;
- le contrat social (pacte qui est
supposé conclu entre les
individus d’une société, par
lequel chacun s’engage à obéir
à un même pouvoir à la
condition que tous les autres
en fassent autant, ainsi sera
assurée la sécurité de tous) ;
- la coutume (qui se trouve dans
la racine à la fois de l’éthique et
de la morale).
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L’approche téléologique
Dans cette approche qui est celle
d’Aristote notamment on considère que
chaque acte doit être évalué selon ses
conséquences soit pour l’acteur (égoïsme
éthique) soit pour autrui (utilitarisme). On
peut ainsi relier l’approche téléologique à
la prudence dans la mesure il s’agit
d’agir afin de parvenir au meilleur résultat
plutôt que de faire ce qui est juste et bon :
sinon « on serait honnête homme quand
le risque d’être démasqué est trop grand
et on mentirait, par exemple par politesse
ou par pitié ».
Cette vision est celle de Alexander
Bergmann8, qui peut se résumer sous la
forme du tableau (3) suivant:
Tableau (3) : la différence entre
l’approche déontologique et l’approche
téléologique (voir annexe)
Axe 2 : L’éthique dans le
commerce et le marketing :
1) L’éthique dans le monde des
affaires :
Dans les études menées sur l’honnêteté
ou la déontologie professionnelle, ce sont
généralement la vente et le marketing qui
se trouvent en bas de l’échelle. Il s’agit
encore une fois du mythe de l’amoralité
du monde des affaires, c’est-à-dire que le
commerce et le marketing répondraient à
d’autres règles que celles de l’éthique :
l’homme d’affaires peut transgresser les
8 Alexander Bergmann (1997), Ethique et gestion,
Encyclopédie de Gestion, Yves Simon et Patrick
Joffre, 2ème édition, Economica, article 62.
règles de l’éthique et s’en sentir tout à fait
à l’aise puisqu’il obéit à d’autres règles qui
sont celles des affaires. Et en affaires on
parlera davantage de méfiance que
d’amitié, de capacité à tromper, cacher sa
force et ses intuitions que de sincérité.
Ce mythe de l’amoralité du monde des
affaires implique également qu’il existe
une frontière entre la vie professionnelle
et la vie privée. Mais peut-on prétendre
mener une existence honnête si cette
attitude ne s’étend pas à la vie
professionnelle ? Cette réflexion conduit
de nouveau à la notion de sensibilité
éthique. Car, même si l’entreprise prétend
obéir à d’autres règles que celles de
l’éthique, celle-ci n’évolue pas dans un
espace éthiquement neutre qui ne serait
défini que par les lois du marché et par le
droit. L’entreprise que le droit a
d’ailleurs personnifiée en lui conférant
une personnalité juridique et morale fait
partie de la vie sociale. Or, et cela est
d’autant plus vrai pour les grandes
structures l’entreprise est souvent
considérée dans son aspect collectif et par
se déresponsabilise et favorise
l’anonymat des décisions ainsi que la
perte de conscience morale. Pour
résoudre les questions éthiques posées à
l’entreprise, il faudrait prendre en compte
de façon cumulative tous les organes et
employés ayant participé à créer une
situation qu’on peut attribuer à
l’entreprise9.
2) L’éthique et le marketing :
Bon nombre de questions éthiques sont
soulevées en matière de marketing parce
qu’on n’a pas prêté une attention
suffisante à sa déontologie. Il s’agit
encore du problème de la sensibilité
9 Samuel Mercier (1999), L’Ethique dans les
Entreprises, La Découverte, collection Repères.
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