Documents d’appoint au cours d’Histoire des idées politiques (Antiquité au XVIIe siècle)
André Fazi, 2016-2017
Si le Pape agit contre l’Écriture, nous avons le devoir de porter assistance à l’Écriture, de le réprimander et de l’obliger à obéir
(...). C’est pourquoi, quand la nécessité l’impose et que le Pape est une source de scandale pour la Chrétienté, le premier qui se
trouve capable de le faire doit, en tant que membre fidèle de tout le corps, travailler à la réunion d’un véritable concile libre, et
nul ne le peut aussi bien que ceux qui ont en main le glaive temporel, surtout du moment qu’ils sont, comme les autres,
Chrétiens, prêtres, gens d’Église, qu’ils participent avec eux à tout le pouvoir et que leur fonction et leur activité qu’ils tiennent
de Dieu doit s’exercer librement sur quiconque, quand il est nécessaire et utile qu’elle s’exerce (...).
Document n° 5 : Confession d’Augsbourg (1530), rédigée par Philippe Melanchton et
présentée à l’Empereur Charles Quint
Article 28. — Du Pouvoir des Évêques
Anciennement on a beaucoup écrit sur le pouvoir des évêques, et plusieurs ont maladroitement confondu le pouvoir spirituel des
évêques et la puissance temporelle du glaive. Cette confusion a engendré de grandes guerres, des soulèvements et des émeutes.
Car les évêques, sous le couvert du pouvoir qui leur a été donné par Christ, ont non seulement introduit de nouveaux cultes, et
accablé les consciences au moyen de la « réservation de certains cas » et de l’emploi brutal de l’excommunication; mais ils ont
même osé installer et destituer des rois et des empereurs selon leur bon plaisir. Ces pratiques criminelles ont été sévèrement
blâmées au sein de l’Église chrétienne, il y a très longtemps déjà, par des hommes réputés pour leur science et leur piété. Donc,
pour rassurer les consciences, nos docteurs se sont vus obligés de démontrer la différence qui existe entre le pouvoir spirituel et
le pouvoir temporel auquel appartient le droit du glaive et du gouvernement; et ils ont enseigné que les deux pouvoirs sont à
honorer avec vénération, à cause du commandement de Dieu, et qu’ils sont à considérer comme les deux plus grands bienfaits
divins dont nous jouissons sur terre.
Les nôtres enseignent que le Ministère des Clefs, ou le Pouvoir des évêques, consiste, selon l’Évangile, de pardonner ou retenir
le péché et d’administrer les sacrements. […].
Ce Pouvoir des clefs, ou des évêques, ne peut être exercé que par le moyen de l’enseignement et de la prédication de la Parole
de Dieu et par l’administration des sacrements, selon la vocation de chacun, soit en public, soit en privé. Car il sert, non pas à
conférer des biens matériels, mais des biens éternels, à savoir la Justice, le Saint-Esprit et la Vie éternelle. […]
Puisque donc le pouvoir de l’Église, ou des évêques, confère des biens éternels, puisqu’il n’est exercé que par le ministère de la
prédication, il ne gêne donc en rien le pouvoir civil et le gouvernement temporel. Car le gouvernement civil s’occupe de toute
autre chose que de l’Évangile, puisqu’il protège, non pas les âmes, mais les corps et les biens des sujets contre la violence
matérielle, au moyen de l’épée et des châtiments corporels.
Il faut donc se garder de mêler et de confondre les deux pouvoirs, le temporel et le spirituel. Car le pouvoir spirituel a la mission
particulière de prêcher l’Évangile et d’administrer les Sacrements. Il ne doit jamais empiéter sur un domaine autre que le sien.
Il ne doit pas établir ou destituer des rois ; il ne doit pas abolir les lois civiles, ni corrompre l’obéissance due aux autorités ; il ne
doit pas s’immiscer dans les affaires civiles, ni faire la loi au pouvoir temporel. Christ lui-même a dit, Jean 18, 36 : « Mon
royaume n’est pas de ce monde ». Et aussi, Luc 12, 14: « Qui est-ce qui m’a établi juge parmi vous? ». Et saint Paul, Phil. 3,
20 : « Notre cité à nous est dans les cieux ». Et 2 Cor. 10, 4 : « Les armes avec lesquelles nous combattons ne sont pas
charnelles, mais elles sont puissantes par la vertu de Dieu pour renverser les machinations de l’ennemi et toute hauteur qui
s’élève contre la connaissance de Dieu ».
Telle est la distinction que font les nôtres entre les fonctions des deux pouvoirs, et ils recommandent qu’on les honore tous les
deux comme le don le plus précieux dont nous jouissons sur terre.
S’il arrive que des évêques possèdent aussi le gouvernement temporel et tienne l’épée, ce n’est pas par droit divin ni en qualité
d’évêques qu’ils possèdent ce pouvoir, mais par droit humain, impérial, puisqu’ils le tiennent des rois et des empereurs pour
l’administration civile de leurs possessions. Ces fonctions n’ont rien à voir avec le ministère de l’Évangile.