Numéro
3
Avril
1959
EDITE
PAR L'ASSOCIATION FRANÇAISE
DES AMIS DE MITCHOURINE
6,
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mpasse Chausson
(33,
rue de
ia
Grange aux Belles
)
PARIS
(
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)
par
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correspondant de l'Acadén.ie des Sciences de l'URSS
de l'hérédité.
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1
de l'hérédité.
L'état actuel de la doctrine sur les supports matériels
Il. n'est pas beFoin d'écrire l'histoire de la formation des
idées sur les supports matériels de l'hérédité. :laie est.connue
par la majorité des participants cette conférence (1) au moins
dans son ensemble.
Je rappeIerai que, dans la science génétique actuelle, deux
points de vue existent sur la nature de l'hérédité. L'un deux.
l'une de ces conceptions est défendue par la génétique mitchou-
rinienne, l'autre par la génétique formelle ou morganiste. La
génétique mitehourinienne considère l'hérédité comme un attri-
but de la mz:tière vivante, comme une propriété inséparable de
celle-ci.. On admet que, de mgme qu'il n'y a pas d'hérédité sans
matière Vivante,
n'y a pas non plus de matière vivante qui ne
possède les pro-Prié-tés d'hérédité.
La génétique forii,elle défend d'autres idées. Son postulat de
baee consiste dans l'affirmation que la. propriété de l'hérédité
est liée aux supports particuliers qui, transmis de généradon en
génération, déterminent précisément le dèveloppement de l'orga-
nisme avec toutes ses particularités. On admet que les gènes
sont ces supports élémentaires et qu'ils •sont alignés dans les
chromosomes des noyaux de la cellule. " Chaque chromosome est
différencié dans sa longueur et est composé d'un grand nombre
d'unités discrètes qui portent le nom de gènes ; chaque gène pos-
sède une influence spécifiqUe eur le dèveloppement de l'organis-
me." Ceci est affirmé dans l'article "Théorie chromosomique de
l'hérédité" publié dans le46ème volume de la Grande Encyclopédie
Soviétique, paru en 1957 ( M.L.Belgousici et N.I.Ohapiro, page j76)
Si le gène est admis en tant qu'unité d'hérédité, il est alors
absolument naturel que la doctrine du gène et le dèveloppement
de la théorie du géne occupent une place centrale danF la géné-
tique classique. Introduite en 1909 par Johansen, la notion de
gène en tant qu'unité abstraite qui différencie les génotypes
s'est peu
peu transformée en une catégorie d'unités tout
fait
concrètes de l'hérédité occupant des portions définies d'un chro-
mosome, en résultat d'un énorme travail expérimeütal. La forme
supérieure de cette concrétisation s'exprime dans la eonstruction
des cartes génétiques des chromosomes.
Sans énumérer toutes les soi-disant preuves qui perme.ttent de
considérer le gène comme une parcelle élémentaire de la substance
héréditaire, je citerai les trois principales :
-(-1)
Conférence sur la vriation chez les plantes, les animaux et
les microorganismes, réunie 4 l'Institut de Gnétique de l'Académie
des Sciences de l'Urs,
l'occasion du 40ème anniversaire de la
révolution soviétioue, ioscou, Novembre 1957. lOCC chercheurs,
)00
rapports.
p.
d
ei
1°-
Les résultats de l'analyse hybridologique qui reposent
sur l'existence de couples de caractères. Ceci est considéré comme
une preuve de l'existence d'unités indépendantes transmises par
les parents et déterminant le développement des caractères dans
la descendance.
2°-
L'étude du crossing-over dont les resultats montreraient
que les ruptures des chromosomes se font seulement aux limites
de leurs unités spécifiques, les gènes. Ces données sont
la
base des cartes génétiques des chromosomes,
1:.esquelles
montrent
la disposition linéaire des gènes le long d'un chromosome ainsi
que la distance entre eux exprimée en unités conventionnelles de
pourcentage du
crossing-over.
)°-
Il a été établi par l'étude du processus des mutations,
que certaines mutations reposeraient sur une modification de la
particule héréditaire, le gène, Cc. dont témoignerait la façon
dont se transmet la mutation apparue. Cette étude des mutations
appelle une remarque importante
:
ce n'est que lors d'une nouvelle
mutation que l'on constate la présence du gène dont l'existence
dans le chromosome n'était pas soupçonnée auparavant.
i‘iais
quelle est la vraie valeur de ces "preuves" de l'exis-
tence du gène ?
sans les données sur les liaisons entre gènes et sans la
mesure de la fréquence d'apparition de chaque classe particu-
lière de crossing-over, on n'aurait pu avancer aucune preuve de
l'alignement linéaire des gènes dans le chromosome* et par suite
il n'aurait pu être question de cartes chromosomiques.
Qe
n'est
pas par hasard que l'analyse génétique de chaque variation héré-
ditaire apparue implique obligatoirement la détermination du
groupe de liaisons, c'est—à-dire du chromosome auquel se
ratta-
.che
la modification, de même que l'attribution d'un point précis
du chromosome
chaque gène implique l'étude du
crossing-over.
malgrè
toute l'importance qui était attachée au
crossing-
oter,
Goldschimdt (1955) remarque, avec juste raison, que la dé-
termination par le
crossing-over
devient impossible si les
rUp-
tures
des chromosomes se font, non seulement sur les prétendues
limites des gènes, mais encore en n'importe quel point du chro-
mosome..
Prenons un autre exemple. Les données sur la mutation
oceu
pent
une place importante dans la théorie du Gène. La première
analyse de leur importance pour cette théorie a été faite par
Delbrück
(Timofeeff-Ressovsky,
Zimmer
et Delbrück,
1935)
qui par-
tait dans ses calculs de la "théorie de la cible". Sur la base de
ses calculs, Delbrück a construit un modèle ge gène considéré com-
me une molécule très stable et à déterminé ses dimensions.
Sot.röd4nger
dans ses spéculations sur les bases physico-chimi-
ques de lh vle, accorde une grande importance aux
hypothèses'de
Delbrück. Il écrit : "Nous pouvons donc
reconnaitre
calmement
qu'il n'y a pas d'autre solution que la représentation moléculaire
de la substance héréditaire. Les conceptions de la physique mo-
derne ne laissent pas d'autre voie pour la compréhension de sa
constance. Si les idées de Delbrück s'avéraient être inconsistantes
nous devrions abandonner d'autres tentatives. (Schrödinger,
1947t
2.
84 -
souligné par nous, N.A.)
- 3
Il n'est pas cécessaire de faire la critique des idées de
Delbrück sur le Gène. Il suffit de dire que la base même
partir
de laquelle ces idées etaient construites, la "théorie dé la cible"
n'a pas résisté à la vérification expérimentale. Il existe actuel-
lement nombre de données contredisant cette tentative d'interpré-
tation du processus de mutation basée sur les principes physiques
élémentaires.
Citons quelques exemples. Stone et ses collaborateurs
(1947
-
48:
et Wagner (1950) ont montré qu'une irradiation du milieu nutritif
avant son encemencement par les bactéries provoque des mutations
Chez celles-ci. Il y a toute une série de données témoignantdé ce
qu'une modification des conditions du milieu ou la présence de
différentes substances modifient la cadence de la mutation. L'oxy-
gène et les peroxydes ont une grande influence sur ce taux de muta-
tions (Hollaender et autres, 1951. Giles et autres, 1952, Nilan,
1956). On peut estimer qu'il est actuellement démontré que les mu-
tations ne se font pas immédiatement sous l'influence de l'irra-
diation, mais
la suite d'une réaetion chimique intermédiaire.
nelà
est souligné par Müller (1950), Haldane (1954), Hollaender et
Kimball (1956) et par d'autres auteurs. Les données sur l'allonge-
ment dans le temps du processus de mutation après irradiation, sont
particulièrement intéressantes sous ce rapport. Comme l'a montré
Clark (1956), le processus de mutation chez la Drosophile s'end
après l'irradiation jusqu'à la Anie génération. Il s'ensuit que le
processus qui a débuté sous l'influence d'une radiation ionisante
et qui a conduit aux variE-tions héréditaires n'est pas épuisé au mo-
ment de l'irradiation, mais continue aussi se produire chez les
générations suivantes.
Deux des trois principes que nous avons cités qui, en leur
temps étaient considérés comme des preuves de'la théorie du gène se
sont ainsi avérés absolument inexistants. Le troisième est inconsise
au même dégrè. Il suffit de rappeler que le phénomène de disjonc-
tion est observé non seulement dans la descendance des hybrides
sexuels mais aussi chez les hybrides eégétatifs, voire dans la descee
dance des plantes modifiées sous la seule influence des variations
du .milieu et enfin cnez les'organismes qui n'ont pas de chromosomes,
virus, phages.
Tout ce qui précède ne veut pas dire que les faits gar lesquell
se basait la théorie du gène sont erronnés. Pas
tout. Mais ils
étaient mal interpétés et utilisés pour des constructions d'hypo-
thèses qu'ils ne pouvaient pas justifier. Le résultat aurait de
être l'abandon de la théorie du gène.
Je voudrais souligner spécialement que Goldschmidt fut le
premier à remarquer la non-concordance des faits accumulés par la
génétique formelle avec la conception de gène comme unité d'héré-
dité. Il a publié en 1958 une critique de la théorie du gène et
exigé l'abandon du gène en tant qu'unité d'hérédité. Il est vrai.
que dans sa critique Goldschmidt n'était pas allé très loin. Il
tentait seulement de substituer le chromosome au gène en tant
qu'unité d'héréditä et malgrè eelà comme l'a dit Dobzhansky (1953)
" il étonna ses collègues par sa négation du gène.° Il y avait de
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