Les comportements difficiles dans la maladie d`Alzheimer

20 • La revue canadienne de la maladie d’Alzheimer • Septembre 1999
Au début de 1997, l’Alberta Heritage Foundation for Medical
Research (AHFMR) lançait un projet pilote sur la revue systé-
matique des résultats de recherches. Conçu dans le cadre de son
programme de diffusion de l’information, ce projet pilote avait
pour but de faire la synthèse des résultats des recherches sur un
aspect de la santé qui intéresse les infirmières et infirmiers
membres de l’Alberta Association of Registered Nurses et,
ensuite, d’évaluer ces résultats. La question retenue était la
suivante : « Quelles stratégies permettent de traiter efficace-
ment les comportements difficiles caractéristiques de la
démence de type Alzheimer chez les personnes âgées? »
Les caractéristiques des articles scientifiques pertinents
La recherche documentaire a permis de trouver 265 articles sur ce
sujet. Parmi ces articles, 45 satisfaisaient à tous les critères de per-
tinence reconnus. Dans ces études, les chercheurs ont évalué
l’utilité des interventions suivantes, énumérées par ordre croissant
de fréquence : la musique, l’acquisition des aptitudes et les bar-
rières visuelles. D’autres interventions ont aussi été considérées,
soit la zoothérapie, l’intégration sensorielle, la photothérapie
(lumière vive), l’orientation vers la réalité, la présence simulée, le
rappel des événements de la vie, le massage des mains, le toucher
thérapeutique et le bruit blanc. Cette revue des interventions était
motivée par la recherche des moyens les plus efficaces pour
améliorer les comportements anormaux les plus souvent observés
dans la maladie d’Alzheimer (MA) sur les plans de l’interaction
sociale, les fugues, l’agitation, les soins personnels, la violence
physique, les manifestations vocales dérangeantes, les perturba-
tions diurnes et nocturnes et les troubles de l’alimentation. Dans ce
présent article, seuls l’agressivité, l’agitation et les comportements
dérangeants seront développés.
L’agressivité, l’agitation et
les comportements dérangeants
L’agressivité, l’agitation et les comportements dérangeants sont
parmi les plus difficiles à traiter. En effet, les membres du per-
sonnel, déjà surchargés, doivent non seulement réussir à calmer le
patient agité, mais aussi essayer de rassurer les autres patients per-
turbés par l’activité et le bruit inhabituels. Plusieurs stratégies ont
produit des résultats intéressants sur le plan de la prévention de tels
comportements, entre autres, un programme de marche régulière,
pratiquée tout de suite après le repas du soir. À raison de trois fois
par semaine, deux ou trois bénévoles accompagnaient 11 patients
dans des lieux publics pour une promenade d’une heure et demie.
Ce programme de marche a diminué de 30 % le nombre de com-
portements agressifs observés chez les résidants d’une unité spé-
ciale de soins pour patients atteints de démence.1
En outre, la thérapie par la présence simulée est fondée sur
le principe que la principale – et la plus importante – source de
stabilité pour une personne atteinte de la MA est, dans bien des
cas, un aidant, en général un membre de la famille. Ainsi, dans
une étude menée auprès de 27 patients, un membre de la
famille avait enregistré des moments précieux de la vie du
patient. Lorsqu’il manifestait un comportement dérangeant, le
personnel infirmier lui faisait écouter cet enregistrement. Par la
suite, il notait au dossier du patient si son comportement s’était
amélioré, demeuré stable ou s’était aggravé en réaction à la
thérapie par la présence simulée. Quatre-vingt-un pour cent des
patients ont réagi favorablement à l’écoute de l’enregistrement
personnalisé. Les auteurs de l’étude ont conclu que, parmi les
troubles de comportement observés, ceux qui ont le mieux
répondu à la thérapie par la présence simulée ont été l’isole-
ment social (84 %) et l’agitation (78 %).2Cette forme de
thérapie offre aussi l’avantage de mettre en lumière des aspects
importants de la vie passée du patient, sans compter que le per-
sonnel soignant découvre les noms des proches, ses passe-
temps favoris, ses intérêts, à la simple écoute de l’enre-
gistrement tout en l’aidant à mieux comprendre sa personnalité.
Dans une autre étude, les effets de la photothérapie ont été
évalués sur l’agitation dans un groupe de six patients âgés,
atteints d’une démence de gravité modérée ou sévère, vivant
dans un centre de soins de longue durée (CSLD).3Pendant deux
périodes de 10 jours chacune, de 9 h 30 à 11 h 30, une source de
lumière vive était installée, à environ un mètre du patient, de
manière à ce qu’elle soit dans son champ visuel. Le personnel
évaluait l’agitation du patient toutes les 15 minutes, de 16 h à
20 h. Les résultats montrent que les patients étaient moins agités
Les comportements difficiles dans
la maladie d’Alzheimer : que
savons-nous à l’heure actuelle?
par Dorothy A. Forbes, inf., Ph. D.
Des nouvelles de la Société
Alzheimer du Canada
Dorothy A. Forbes, inf., Ph. D.
Professeure adjointe, College of Nursing.
La revue canadienne de la maladie d’Alzheimer • Septembre 1999 • 21
les jours où ils recevaient la photothérapie. Il est intéressant de
souligner que ce sont les patients les plus agités au début de
l’étude qui ont présenté la plus grande amélioration. Cependant,
tous les patients, sauf un, ont de nouveau manifesté de l’agitation
moins de deux jours après l’arrêt du traitement.
D’autres chercheurs ont mené une étude auprès de 20 patients
d’un CSLD en leur faisant écouter de la musique classique
apaisante à deux reprises pendant 15 minutes. À une semaine
d’intervalle, ils ont évalué le degré d’agitation des patients durant
les 15 minutes précédant l’écoute de la musique, celles pendant
l’écoute et celles suivant l’intervention musicale. Les chercheurs
ont constaté que l’agitation avait diminué aussi bien pendant
qu’après l’écoute de la musique.4Dans une étude semblable,
l’écoute de musique classique et d’airs favoris a diminué le nom-
bre de manifestations vocales répétées chez deux des trois
patients atteints de la MA et vivant dans un CSLD. Chez le
troisième patient, la musicothérapie n’a pas influé de façon
notable sur son agitation puisqu’il jugeait la musique classique
non apaisante.5
Un autre projet de recherche évaluait divers moyens d’atténuer les
épisodes de questions ou d’énoncés répétitifs chez des patients âgés
atteints de la MA. Parmi toutes les études incluses dans la synthèse,
celle-ci était la seule à apprécier l’efficacité d’une intervention à
domicile. Cette étude comparait la situation de sept aidants ayant reçu
des recommandations concernant leur intervention pour maîtriser ce
type de comportement à sept autres aidants témoins. Dans le groupe
d’intervention, les aidants devaient utiliser des cartons aide-mémoire.
Ces cartons présentaient des phrases simples pour répondre à des
questions ou à des énoncés répétitifs. Les résultats de l’étude mon-
trent que leur utilisation a été efficace pour diminuer les questions et
les énoncés répétitifs.6Des recherches sur cette question doivent être
entreprises parce que les aidants ont désespérément besoin de
recevoir des recommandations qui atténueraient le stress causé par le
fait de prendre soin d’un proche à la maison.
Les limites des études
Il était impossible de contrôler les effets de l’attention con-
sacrée aux patients sur les résultats observés parce qu’un grand
nombre d’études n’ont pas été menées avec répartition aléatoire
des sujets. Par conséquent, les effets favorables décrits dans
plusieurs rapports d’études pourraient s’expliquer, en partie du
moins, par le degré d’attention consacré aux patients lors des
interventions. Ainsi, les conclusions de la présente synthèse
doivent être évaluées à la lumière des limites méthodologiques
constatées dans toutes les études incluses dans l’analyse.
L’application sur le terrain
Bien que la rigueur méthodologique n’ait pas été uniforme dans
ces études, toutes les stratégies décrites valent la peine d’être
essayées. L’analyse de synthèse a mis en évidence les meilleurs
résultats de la recherche actuelle sur les stratégies utiles dans le
traitement des troubles du comportement chez les personnes
atteintes de la MA. Ces interventions sont sans danger sur le
plan clinique et la plupart d’entre elles peuvent être facilement
appliquées dans divers contextes : centres de soins de courte
durée, CSLD, centres de jour pour adultes et soins à domicile.
Malgré que les interventions aient été faites, à l’occasion, par le
chercheur ou par des personnes ayant reçu une formation spé-
cialisée, la plupart des aidants seraient capables d’appliquer ces
stratégies pour prendre soin d’une personne atteinte de la MA.
L’importance sur le plan de la recherche
Il est conseillé de mener d’autres études pour reproduire les résul-
tats des recherches auprès de personnes atteintes de diverses
formes de démence et présentant des déficits cognitifs de gravité
diverse. De telles études seront utiles pour déterminer les stratégies
qui conviennent aux divers degrés de démence et de déficit cogni-
tif. Il faudrait aussi mener des études longitudinales pour évaluer
l’efficacité des interventions à longue échéance pour prévenir ou
pour retarder la progression de la maladie et le stress des aidants.
En outre, il est important d’évaluer le rapport coût-efficacité de
l’application de ces interventions, un aspect particulièrement
important pour les décideurs et pour les administrateurs.
Références
1. Holmberg SK: Evaluation of a clinical intervention for wan-
derers on a geriatric nursing unit. Arch Psychiatr Nurs, 1997
11(1), 21-8.
2. Woods P, Ashley J: Simulated presence therapy: Using select-
ed memories to manage problem behaviors in Alzheimer’s
disease patients. Geriatric Nursing, 1995, 16(1), 9-14.
3. Lovell BB, Ancoli-Israel S, Gevirtz R: Effect of bright light
treatment on agitated behavior in institutionalized elderly
subjects. Psychiatry Res, 1995, 57, 7-12.
4. Tabloski PA, McKinnon-Howe L, Remington R: Effects of
calming music on the level of agitation in cognitively
impaired nursing home residents. Am J Alzheimers Care and
Related Disorders & Research, 1995, 10-15.
5. Casby LA, Holm MB. The effects of music on repetitive dis-
ruptive vocalizations of persons with dementia. Am J Occup
Ther, 1994, 48, 883-9.
6. Bourgeois MS, Burgio LD, Schulz R, et coll. : Modifying
repetitive verbalizations of community-dwelling patients
with AD. Gerontologist, 1997, 37(1), 30-9.
Remerciements
Ce texte est tiré de la conférence présentée par Dorothy
Forbes lors de la 21eConférence annuelle de la Société
Alzheimer du Canada, tenue en 1999, à Ottawa, en Ontario.
Son exposé était fondé sur son étude intitulée : Strategies to
Manage the Behavioral Symptomatology Associated with
SDAT : A Systematic overview (Canadian Journal of Nursing
Research, vol. 30, no2, 67-86). Ce projet de recherche a été
financé par l’Alberta Association of Registered Nurses, par
l’Alberta Heritage Foundation for Medical Research et par la
Faculté des sciences infirmières de l’Université de l’Alberta.
Pour plus d’information sur la maladie d’Alzheimer, s’il
vous plaît veuillez contacter votre Société d’Alzheimer locale,
regarder sur le site Internet au www.alzheimer.ca ou appeler,
sans frais, au 1 (800) 616-8816.
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