insuffisance cardiaque classe IV NYHA, lorsque les taux
d’angiotensine II diminuaient de plus de 16 pg/mL sous
énalapril, la mortalité à 6 mois était de 7 %, tandis que
lorsque la diminution des taux d’angiotensine II était infé-
rieure à 16 pg/mL, la mortalité à 6 mois était de 21 % [13].
De même, les taux plasmatiques d’angiotensine II mesurés
chez 19 patients sur une période de4à6semaines,
remontaient au-dessus des taux initiaux malgré l’adminis-
tration continue d’énalapril à des doses comprises entre
15 et 20 mg [14]. Dans une série de 70 patients insuffisants
cardiaques traités par IEC [15] à 6 mois, 50 % des patients
avaient des taux élevés d’angiotensine II. Cet échappe-
ment biologique était significativement prédictif d’évène-
ments défavorables (décès, hospitalisation). Hamroff G et
al. [16] montraient que l’addition de losartan à des doses
maximales d’IEC chez des patients insuffisants cardiaques
sévères améliorait leur statut fonctionnel ainsi que leur
consommation d’oxygène au pic d’un effort. Cette amé-
lioration persistante à 6 mois témoignerait également d’un
échappement aux IEC.
•Traduction échocardiographique : les données écho-
cardiographiques de l’étude Save [17] randomisant 2 231
patients après infarctus du myocarde révèlent que, malgré
150 mg de captopril, la progression de la dilatation ven-
triculaire gauche redevient similaire à celle du groupe
placebo après 12 mois de traitement [18]. Cette atténua-
tion des effets antiremodelage des IEC témoigne égale-
ment d’un échappement aux IEC mais aussi de l’histoire
naturelle de la maladie et de la mise en jeu secondaire de
nouveaux systèmes neurohormonaux ou immunitaires de
progression du remodelage ventriculaire gauche.
Les mécanismes responsables de l’échappement aux
IEC dépendent probablement de plusieurs paramètres.
L’administration d’un IEC déclenche elle-même une acti-
vation sur SRA et favorise donc son échappement. Plu-
sieurs solutions peuvent être adoptées :
•Multiplier les administrations. Juillerat et al. [9] mon-
traient effectivement que 5 mg de bénazépril/6 heures
inhibe davantage l’activité de l’ECA qu’une seule prise de
20 mg de bénazépril.
•Utiliser un IEC de demi-vie longue à forte posologie.
Néanmoins alors que l’activité de l’ECA peut être réduite
de 95 %, la diminution de la production d’angiotensine II
ne peut guère dépasser 85 % même au nadir de l’inhibi-
tion de l’ECA c’est-à-dire environ 4 heures après la der-
nière prise [19, 20]. Par conséquent, si l’angiotensine I est
produite en abondance du fait de l’évolution de l’insuffi-
sance cardiaque et de l’élévation réactionnelle de la
rénine sous IEC, les 20 % restants d’angiotensine II repré-
senteront en valeur absolue une production importante.
•Ajouter un antagoniste de l’angiotensine II, ce qui
permettrait de bloquer l’action de l’angiotensine II en aval
de sa production.
Le traitement IEC doit par conséquent être adapté au
niveau de production de l’angiotensine II. Une étude de
Jorde et al. [21] montre que le degré d’inhibition du SRA
(étudié par la réponse tensionnelle à l’injection d’angio-
tensine I) est dose dépendant. Le doublement de la poso-
logie maximale recommandée d’IEC (par exemple passer
de 40 à 80 mg de lisinopril) permet d’inhiber complète-
ment la réponse tensionnelle à l’injection d’angiotensine I
et donc de bloquer efficacement la conversion de l’angio-
tensine I en angiotensine II par l’ECA intravasculaire. En
revanche, la tolérance à long terme de posologies « mas-
sives » d’IEC reste incertaine. D’autre part, doubler la dose
d’IEC est aussi efficace sur la réponse pressive que de
rajouter 80 mg de valsartan, bloquant directement le
récepteur AT
1
à l’angiotensine II [21]. Par ailleurs, la
réduction de la morbidité sous une posologie moyenne de
33 mg de lisinopril en comparaison avec la faible posolo-
gie de 4,5 mg, observée dans l’étude Atlas illustre partiel-
lement les conséquences cliniques de l’échappement aux
faibles doses d’IEC mais aussi les limites des doses maxi-
males recommandées [22].
Les effets des IEC sur le SRA circulant sont relativement
bien étudiés, en revanche l’efficacité des IEC sur la forma-
tion tissulaire d’angiotensine II reste obscure et dépend
probablement de nombreux paramètres comme le type
d’IEC (lipophilie, accessibilité tissulaire de la molécule),
du tissu étudié (rein, cœur, aorte, etc.) et de l’importance
des chymases. Wollert et al. montraient que seule de fortes
doses de lisinopril inhibent l’activité de l’ECA intrarénale
sans affecter celle du ventricule gauche dans un modèle
d’infarctus du myocarde chez le rat [23]. Une autre étude
menée chez le cochon traité par captopril, montrait que le
cœur maintient une production d’angiotensine II, alors
que la production d’angiotensine II circulante est suppri-
mée [24]. Par conséquent, des doses d’IEC ne permettant
pas d’inhiber complètement l’ECA intravasculaire, sont
probablement peu susceptibles d’inhiber l’ECA tissulaire.
Implications thérapeutiques
de l’échappement aux IEC
Les données expérimentales et cliniques démontrent
que l’inhibition du SRA n’est que partielle chez les
patients en insuffisance cardiaque traités avec les doses
maximales recommandées d’IEC. L’inhibition incomplète
de l’ECA entraîne une réascension des taux d’angiotensine
II et une progression symptomatique de l’insuffisance car-
diaque.
Plusieurs options thérapeutiques sont néanmoins offer-
tes :
•L’adjonction de spironolactone a été validée par
l’étude Rales [25]. D’une part, la solution est incomplète
puisque la production d’angiotensine II en amont n’est pas
bloquée et que la stimulation des récepteurs AT1 à des
effets délétères autres que la sécrétion d’aldostérone.
D’autre part, la synthèse d’aldostérone est largement indé-
pendante de la production d’angiotensine II [26] et déter-
minée par de nombreux autres facteurs comme la déplé-
mt, vol. 12, n° 2, mars-avril 2006 75
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