MACBETH Giuseppe Verdi6 7
Font surtout problème, les scènes comme celles des hallucinations du héros
régicide et tout ce qui concerne la peinture de ces sorcières maléfiques, ministri
infernali qui gouvernent l’ensemble du drame, dont le discours donnera tant de
mal à concevoir et à interpréter. Dans la révision parisienne de 1865, la recherche
instrumentale et le chromatisme introduits dans l’harmonie de cette symphonie
fantastique verdienne devront consolider les géniales innovations de la partition
originale. Mais le fantastique habite aussi et surtout le profil psychologique, et
donc vocal, du couple maléfique formé par l’anti-héros Macbeth et son épouse.
Un pleutre stérile et une femme inféconde exprimant dans sa cavatine initiale
« Vienni t’affretta » ! la jouissance d’un pouvoir conquis dans le crime par son
homme revirilisé. Si cette page saisissante date de la version de Florence, tout
comme l’extraordinaire scène de somnambulisme de l’acte IV, le personnage de la
sulfureuse Lady M sera néanmoins peaufiné par la suite de façon très significative.
A Paris, Verdi va rayer d’un trait de plume la cabalette de la soprane qui ouvrait
l’acte II et était censée traduire en vocalises hyperboliques son excitation
devant l’image du second crime à accomplir pour conjurer les prédictions des
sorcières . Il substitue à cette virtuosité au premier degré un air intense : « La luce
langue », d’abord nimbé de cette lumière noire et languissante d’où s’élèvent
ses premiers mots, culminant ensuite sur la cabalette « O volutta del soglio »,
d’une énergie tellurique, véritable orgasme à l’évocation du sceptre et du sang,
de cette volupté du trône à portée de main. Le Verdi de la maturité résout ici
en termes essentiellement musicaux et vocaux l’équation que lui avait posée
dans un premier temps l’incarnation du divers psychologique d’un théâtre pétri
de fantastique et d’inconscient. Avec cette considérable modification, et tant
d’autres, Macbeth II anticipe grandement l’esthétique du futur Otello. [...]
Opéra expérimental, qui dans sa version définitive conjugue fulgurances de
néophyte et audace maîtrisée préfigurant le dernier Verdi, Macbeth est à tous
égards une œuvre cruciale aux multiples facettes. Née dans le sillage post-
rossinien, que prolongeait à sa manière Donizetti (ce que l’on pourra vérifier
avec Maria Stuarda, autre portrait d’une héroïne abyssale), cette adaptation
shakespearienne est, à l’image de son inspirateur, génialement irréductible aux
critères conventionnels, en un mot : inclassable.
Jean Cabourg
Mario Martone est metteur en scène
de théâtre et d‘opéra, réalisateur et
scénariste. Issu du théâtre d’avant-
garde où il collabore notamment avec
Toni Servilio, Mario Martone réalise
également plusieurs longs-métrages,
dont la fres que viscontienne « Il Giovane
Favoloso », présentée à la dernière
Biennale de Venise. Depuis 2007, il dirige
le Teatro Stabile di Torino. A l’opéra, il
est l’auteur d’une vingtaine de mises
en scène, parmi lesquelles Cavalleria
rusticana et Pagliacci (2011), Luisa Miller
(2012) et Oberto (2013) au Teatro alla
Scala de Milan, Un bal masqué (2005)
à Covent Garden, Falstaff (2008) au
Théâtre des Champs-Elysées...
Mario Martone
mise en scène
Daniele Gatti
Direction musicale
Directeur musical de l’Orchestre
National de France depuis 2008
et directeur lauréat du Royal
Philharmonic Orchestra de Londres,
Daniele Gatti a été en poste à
Zurich, Bologne, Rome, mais aussi
principal chef invité du Royal
Opera House de Londres. Il a été
nommé en octobre 2014 à la tête du
prestigieux Royal Concertgebouw
Orchestra d’Amsterdam et prendra
ses fonctions en 2016. A l’opéra, il
a assuré la direction musicale de
nombreuses nouvelles productions
à Vienne, Salzbourg, Munich, Zurich,
Milan, Londres et New York. En juin
2014, il est à la tête de l’Orchestre du
Concertgebouw pour une production
de Falstaff aux Pay-Bas et inaugure
la saison de la Scala avec La Traviata
en décembre 2014.
Il a par ailleurs participé à l’édition
2008 du Festival de Bayreuth avec
Parsifal. Après Elektra, en 2010, il
a été réinvité en 2012 au Festival
de Salzbourg pour La Bohème. Il
a signé un contrat en exclusivité
pour Sony Classical dont le premier
enregistrement est consacré à
Debussy et le second au Sacre
du Printemps de Stravinsky avec
l’Orchestre National de France.