Scientific Committee on Radiation & Work – Comité scientifique Rayonnement et santé Les bases biophysiques des lignes directrices de l’ICNIRP Kari Jokela Research Professor, Member of ICNIRP main Committee Radiation and Nuclear Safety Authority (STUK) L’ICNIRP est un groupe indépendant d’experts établi pour évaluer les effets des radiations non-ionisantes (RNI) sur la santé humaine et pour fournir des conseils, fondés scientifiquement, sur la protection vis-à-vis des radiations RNI, y compris la fourniture de lignes directrices sur la limitation de l’exposition. Les lignes directrices pour limiter l’exposition des travailleurs sont destinées à protéger contre tous les effets établis néfastes pour la santé (ICNIRP 1998 ; ICNIRP 2009 ; ICNIRP 2010 ; ICNIRP 2014). A part quelques exceptions mineures, les limites d’exposition et niveaux d’action de la directive 2013/35/EU sont équivalents à ceux des lignes directrices ICNIRP les plus récentes pour l’exposition professionnelle aux champs électriques et magnétiques (EMF). Dans cette présentation, je résumerai brièvement les fondements biophysiques des lignes directrices de l’ICNIRP pour ces champs. Les champs électriques et magnétiques externes variant en fonction du temps induisent des champs électriques et des courants faibles dans un corps humain. La variation en fonction du temps du champ externe peut être due soit à la variation des tensions et courants au niveau de la source du champ soit au déplacement du corps dans un champ statique (magnétique). En fait, le facteur physique le plus important provoquant un effet biologique est le champ électrique interne induit par le champ externe. Aussi, l’effet direct d’un champ magnétique, particulièrement d’un champ statique, ne peut pas être négligé. Afin de convertir en pratique l’évaluation de l’exposition, des niveaux de référence ont été définis pour les champs magnétiques et électriques externes. Si les niveaux de référence ne sont pas dépassés, les restrictions de base définies pour le champ électrique interne ou l’absorption d’énergie liée au champ électrique ne sont pas dépassées même dans des circonstances d’exposition de pire cas. Les champs électriques internes peuvent être calculés à partir des champs électriques et magnétiques externes variant en fonction du temps en utilisant les équations de Maxwell, équations fondamentales de la théorie électromagnétique. Un calcul dosimétrique par informatique est nécessaire quand une source de champs électromagnétiques se trouve à moins de dix centimètres du corps, cas pour lequel l’évaluation de l’exposition basée sur des champs externes et des niveaux de référence est trop restrictive. Des mesures directes de quantités d’exposition interne ne sont pas possibles mais des mesures sur des bons fantômes simplifiés représentant un corps humain peuvent être utilisées pour déterminer l’exposition e.g. pour les tests de sécurité des téléphones mobiles. En dessous de 100 kHz, le champ électrique interne charge des membranes cellulaires et induit en conséquence un champ électrique élevé sur des membranes cellulaires fines. Le champ électrique exerce une force sur les protéines de membranes chargées et peut ouvrir des canaux ioniques contrôlés par des protéines sensibles à la tension dans des cellules excitables électriquement. Ceci peut stimuler le nerf en suscitant des impulsions nerveuses (potentiels d’action). Les cellules des longs nerfs myélinisés du système nerveux périphérique (SNP) sont les plus sensibles à la stimulation. La stimulation électrique est critique car la marge par rapport à des effets plus dangereux, telle qu’une influence sur la fonction cardiaque, n’est pas grande. Au dessus de 10 MHz jusqu’à 300 GHz, la stimulation nerveuse n’est plus un effet critique car le champ électrique interne et le courant pénètrent capacitivement à travers les membranes cellulaires et le champ électrique et la tension induits sur les membranes restent trop bas pour causer une stimulation dans des circonstances d’exposition les plus réalistes. De plus, la polarisation du champ change si rapidement que les récepteurs des protéines n’ont pas le temps de réagir à la stimulation. Il a été montré que le réseau des cellules nerveuses dans la rétine est plus sensible aux effets des champs électriques qu’une simple cellule nerveuse seule. Les champs électriques induits magnétiquement procurent des sensations de flashes appelés magnétophosphènes à un niveau d’exposition significativement en dessous de la stimulation des cellules nerveuses périphériques. Du fait que la rétine fait partie du système nerveux central (SNC), le dépassement du seuil de magnétophosphènes peut indiquer d’autres effets subtils dans le SNC. De tels effets n’indiquent pas des effets pathologiques sur la santé mais peuvent perturber le travail. Par conséquent, l’ICNIRP considère qu’il y a des circonstances professionnelles où, avec des conseils et une formation appropriés, il peut être possible de dépasser le seuil des effets SNC. L’ICNIRP fournit des lignes directrices séparées pour la stimulation du SNP et les effets sur le SNC. A des fréquences très basses, un champ magnétique très élevé peut perturber la sensation d’équilibre par un effet direct de la force magnétique sur les courants cellulaires dans le l’organe vestibulaire (oreille interne) qui sert d’indicateur d’équilibre du corps. Il est aussi évident que les champs magnétiques statiques et variant suivant le temps ont un effet direct sur le spin chimique (radical pair mechanism). La signification biologique de ce mécanisme n’est pas connue. Au dessus de 10 MHz, l’exposition à des champs électromagnétiques conduit à l’absorption d’énergie et à l’élévation de la température du tissu. Une élévation de 1°C peut être douloureuse, conduisant à la surcharge du système de régulation de la température du corps et à un dégât thermique possible du tissu. Ceux-ci sont les effets critiques majeurs qui se limitent au dessus de 10 MHz. La gamme de fréquence entre 0,1 et 10 MHz est une gamme de transition où à la fois la stimulation du SNP et des effets thermiques sont possibles. L’élévation de la température est déterminée par le débit d’absorption spécifique (DAS) moyenné sur le corps entier et 10 grammes de tissu local. La relation du DAS corps entier et du DAS local avec l’élévation de température dépend de la capacité du corps à supprimer la chaleur excessive par convection, conduction et transpiration. Le refroidissement des points chauds du DAS local par la circulation sanguine, i.e. la convection de chaleur, est un mécanisme efficace pour atténuer les pics de température locale survenant à partir d’une distribution du DAS très inégale due à la forme complexe du corps et à la non-uniformité des tissus. A l’échelle microscopique et moléculaire, la conduction, i.e. le flux d’énergie calorifique pour refroidir les tissus, est le mécanisme de refroidissement le plus efficace. Des calculs simples montrent qu’un point chaud sphérique de 10 W/kg (limite pour le DAS local) accroit la température de 1°C quand le rayon du volume chauffé est de 1 cm mais en mode décroissant, la température décroit en proportion directe avec le carré du rayon. En conséquence, à l’échelle d’un rayon de 1 µm, l’élévation de température maximum est seulement de 1x10-8 °C. L’hypothèse est que les protéines pourraient être vulnérables à des points chauds à l’échelle macromoléculaire, i.e. accumulation d’énergie de vibration cinétique à partir du champ électrique oscillant à travers les charges liées à la protéine. Des considérations biophysiques n’ont pas validé cette hypothèse. L’accumulation d’énergie de vibration et l’accroissement différentiel de température résultant est empêché par la friction des molécules d’eau avoisinantes. References International Commission on Non-Ionizing Radiation Protection. Guidelines for limiting exposure to time-varying electric, magnetic, and electromagnetic fields (up to 300 GHz). Health Phys 74:494 –522; 1998. International Commission on Non-Ionizing Radiation Protection. Guidelines on limits of exposure to static magnetic fields. Health Phys 96:504-514; 2009a. International Commission on Non-Ionizing Radiation Protection. ICNIRP guidelines for limiting exposure to time- varying electric and magnetic fields (1 Hz to 100 kHz). Health Phys 99:818-836; 2010 International Commission on Non-Ionizing Radiation Protection. ICNIRP guidelines for limiting exposure to electric induced by movement of the human body in a static magnetic field and by time-varying magnetic field below 1 Hz. Health Phys 106:418-425;2014