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Enquête
Primes de risque alternatives
estime, pour sa part, que cette prime peut s’expliquer
« par un biais comportemental des investisseurs qui n’in-
tègrent que graduellement l’information dans les prix ».
Cette prime n’est pas la seule à exploiter les biais
comportementaux. Certains gérants profitent ainsi
du fait que les investisseurs ont tendance, pendant
les phases de stress des marchés, à vendre plus rapi-
dement les valeurs qui achent une plus-value et à
conserver celles qui achent toujours des moins-
values (c’est, en finance comportementale, ce qui est
appelé le biais de disposition). Il est aussi possible de
profiter, au contraire, de la surréaction des marchés
à court terme face à une mauvaise nouvelle aectant
une valeur, ou une sous-évaluation des conséquences
à long terme d’une nouvelle qui paraît n’avoir aucune
conséquence sur le moment.
Profiter des contraintes des autres. Toujours
dans la catégorie des anomalies de marchés, ces der-
nières années, de nombreux gestionnaires ont voulu
mettre à profit les études académiques concluant à la
rémunération d’un risque lié aux valeurs les moins
risquées (prime low-risk) en construisant des porte-
feuilles à partir des titres les moins volatils. Alors
qu’en théorie, ces actions, moins risquées, devraient
procurer une performance moindre que les autres,
ce n’est parfois pas ce qui est observé dans la réalité.
Cette prime de risque peut être liée aux flux et aux
contraintes des investisseurs. Elle peut par exemple
s’expliquer, selon des gérants, par des biais observés
chez certains institutionnels.
«Les réglementations des banques et des compagnies
d’assurances limitent fortement la part d’actifs risqués
qu’elles peuvent intégrer dans leurs bilans. Pour palier cela
et garder une exposition aux marchés importante rappor-
tée à la proportion d’actions qu’elles détiennent, elles ont
tendance à investir davantage sur des valeurs à fort bêta,
plus risquées car plus sensibles à l’évolution des marchés.
Ces dernières voient donc leurs prix artificiellement gonflés
–et donc leurs perspectives de rendement abaissées– par
rapport aux valeurs dont la volatilité se révèle structurel-
lement plus faible», explique Cyril Lureau.
Récurrence. Qu’elles soient la conséquence de la
rémunération d’un véritable risque assumé par l’in-
vestisseur où d’une anomalie de marché, les primes
de risque alternatives, pour être qualifiées comme
telles, doivent être liées à des phénomènes récurrents
et qui s’expliquent très bien par des raisonnements
simples et rationnels. « Un gérant doit comprendre les
fondements qui sous-tendent l’existence des primes. S’il
anticipe que ces fondements vont perdurer à l’avenir, alors
il peut être assuré que la prime va subsister », déclare
Luc Dumontier. Même si parfois certains gérants
avouent sans mal qu’il est difficile de tout expliquer.
La prime liée aux « valeurs de qualité » (présentant la
du 1er au 14 avril 2016 / N° 673
LA GESTION SYSTÉMATIQUE S’ATTAQUE À L’ALPHA
Si les principales primes de risque
alternatives apparaissent
aujourd’hui bien identifiées,
leur classification reste encore
sujette à discussion, aussi bien
au niveau académique que
chez les gestionnaires. Certains
professionnels séparent les primes
de risque, rémunérant un risque,
des primes de style, constituant
une anomalie de marché (lire par
ailleurs).
Pour sa part, Cyril Lureau estime
que les primes de risque alternatives
peuvent se répartir en trois grandes
familles : celles liées à un risque
économique, celles liées à un risque
de carrière et celles liées à la peur
du levier. Le risque économique
est rémunéré par les primes
de risque en rapport avec la value.
« Les investisseurs n’aiment pas
porter les risques extrêmes,
donc les actions, les obligations
ou les devises très décotées
sont délaissées. Leur prix reflète
davantage de risque que ce
qu’elles comportent. Les acheter
et les couvrir finit donc par rapporter
à long terme. » Le risque de carrière
est, pour sa part, rémunéré par
les primes du type momentum.
« Lorsqu’un un équilibre
économique évolue à horizon
long terme, il faut d’abord
qu’il s’établisse un consensus
avant que tous les investisseurs ne
le prennent en compte, notamment
ceux qui doivent justifier leurs
prises de position auprès de leur
hiérarchie. » Enfin, la rémunération
du risque de levier se retrouve dans
les primes du type faible volatilité.
« Les valeurs à faible bêta sont
parfois peu demandées car elles
impliquent un effet de levier pour
procurer une espérance de gain
similaire à celle offerte par
les titres plus volatils. Or,
de nombreux investisseurs ne sont
pas prêts à assumer ce risque
de levier. C’est une des raisons pour
lesquelles le prix des titres décotés
ne reflète pas leur entière valeur. »
Une autre approche peut consister
à classifier les primes de risque
en fonction de leur comportement
statistique. C’est par exemple
ce que s’est attelé à faire Capital
Fund Management dans
ses publications académiques.
Enfin, de la même manière que
leur classification n’est pas encore
consensuelle, la pertinence
de toutes les primes de risque
n’est pas toujours évidente
pour tous les acteurs de la gestion.
Par exemple, « la prime liée
aux petites capitalisations,
explique Cyril Lureau, ne fait
qu’amplifier les facteurs qui existent
dans les grandes capitalisations.
Les facteurs value, qualité
ou momentum, par exemple,
sont plus importants dans les petites
capitalisations. Mais pris seul,
le facteur petites capitalisations
n’est pas – ou peu – opérant ».
Absence de consensus