DOSSIER
38 PRATIQUES
jours tout partagé depuis. Une Eurasienne très
engagée me sert d’interprète, au pire des cas par
téléphone… Et ce sont heureusement les aides-soi-
gnants du service de soins à domicile qui m’appel-
lent en visite s’ils le jugent nécessaire, toujours à
bon escient.
A une époque nous avions envisagé son placement
en maison de retraite, car madame N. en bonne
asiatique qui supporte le mauvais caractère et les
exigences de son compagnon sans discussion,
s’était tassée deux vertèbres en le manipulant : un
pavillon de long séjour possédant un infirmier d’ori-
gine vietnamienne a failli être choisi. Mais l’idée de
ne pas manger des plats asiatiques et du riz à tous
les repas était insupportable à monsieur V., aussi a-
t-il refusé. Madame N. s’est pliée comme d’habitu-
de, malgré son corset sur mesure… Lit médicalisé,
aides-soignantes deux fois par jour, infirmière une
fois par semaine, kinésithérapeute trois fois par
semaine, aide ménagère par l’APA (Aide
Personnalisée à l’Autonomie) permettent le main-
tien à domicile.
Travailler en réseau, c’est aussi se rendre dispo-
nible
Notre cabinet du groupe compte au moins deux
médecins de permanence et une secrétaire, et sou-
vent un stagiaire en médecine générale, leur pré-
sence facilite la rencontre des autres professionnels
du soin à domicile. Lorsque que l’infirmière a
besoin d’un avis, de par son emploi du temps très
chargés, la rencontre se fera en fonction de sa tour-
née et je m’absenterai momentanément du cabinet
pour venir discuter avec elle du choix du traite-
ment. Le médecin n’est pas seulement le coordon-
nateur, mais il peut aussi servir d’intermédiaire,
quand, par exemple, les hospitaliers n’ont pas été
complets dans les traitements transmis, aller à la
quête du renseignement non fourni. Ce travail de
proximité est fondé sur une réelle estime mutuelle.
L’infirmière, l’aide-soignant sont les professionnels
les plus proches de la personne, a fortiori isolée,
pouvant alerter le médecin à la moindre altération
de l’état de santé.
Les cahiers de liaison sont des tranches de vie, avec
les petits bobos comme les mauvaises humeurs,
l’examen clinique et même la santé du chien par-
fois ! La responsable du chenil de la SPA est un des
250 correspondants répertoriés sur mon portable :
nom après nom, tous les professionnels indispen-
sables y ont trouvé leur place.
Mais il existe aussi un accompagnement plus
«administratif», de nos patients chez le médecin
conseil, ou à la COTOREP, ou encore dans les tribu-
naux de contentieux de la Sécurité sociale : dans la
reconnaissance des préjudices subis par le travail ou
la maladie, beaucoup sont incapables de défendre
leur dossier et là, notre action bénévole s’impose.
L’étonnement de ce médecin conseil qui, après
avoir déménagé au centre ville, au troisième jour
de son installation, me retrouvait dans son cou-
loir… Beaucoup nous sont très reconnaissants de
leur fournir rapidement tous les éléments et de
pouvoir conclure plus rapidement leur dossier. Il
nous faut pour cela connaître les textes sur les-
quels les médecins de ces administrations s’ap-
puient pour pouvoir négocier point par point et
obtenir une reconnaissance exacte des préjudices.
Cet homme de 45 ans qui ne parle pas bien le fran-
çais, ne peut plus travailler après 22 années de tra-
vail les bras en l’air avec une soufflerie sur les
épaules : il a présenté une « coiffe des rotateurs »
bilatérale, compliquée d’algodystrophie, c’est dire,
il ne peut même plus balayer à la maison. Obtenir
45 % de taux d’incapacité de travail soit une rente
de 22,5 % de son salaire de smicard, pour élever
ses trois derniers enfants encore scolarisés, n’était
pas suffisant, aussi ai-je bataillé obtenir sur d’autres
motifs de maladie un complément COTOREP. De
même, pour cette femme qui après trois césa-
riennes s’est fait plusieurs éventrations : le chirur-
gien ne sait plus où accrocher ses filets… L’invalidité
sur un salaire minimaliste de femme de ménage ne
suffisait pas pour élever ses filles : un complément
COTOREP a été obtenu, de quoi avoir au moins
juste en dessous du seuil de pauvreté...
Le métier de médecin généraliste