Apropositodigemelli...
ConvegnoinonorediRenéZazzo
UniversitadiTorino,15novembre1996
1
Partout où ils passent, les jumeaux font tourner les têtes, provoquent surprise et
émerveillement, suscitent même parfois un trouble vaguement teinté d’une interrogation
métaphysique: «Deux enfants si parfaitement ressemblants, cela tient du prodige». Si
lesêtressinguliersquenoussommesnepeuvents’empêcherdelaisservagabonderleur
imaginationetd’associercettesimilitudedesjumeauxmonozygotesàquelquemiracle(un
peucommenosancêtresgrecsetromainsquivoyaientdanstoutenaissancegémellaire
une intervention d‘ordre divine),  c’est presque avec dédain que l’on traite les jumeaux
dizygotes,ditsles«fauxjumeaux».
De Castor et Pollux à Romulus et Rémus, l’histoire de l’humanité fourmille de contes et
légendesdontlesjumeauxsontleshéros.Chaquepeupleasescontesàleurégard,etsa
façon d’accueillir ces enfants.Toutefois, quelle quesoit la façon dont on  considère les
jumeaux,deparlemondeetàtraversleurhistoire,unélémentdemeure:lagémellitéest
unphénomènehorsnorme.
Lecinéma,lalittérature,labandedessinée,onttousutilisélesjumeauxàoutrance.Mais,
malgréunaspectsimilairetroublantquiexistecheztouslesjumeauxdécrits,ilexistedes
différences permettant d’établir leur personnalité, comme s’il était nécessaire de les
distinguerquoiqu’ilarrive.
La science a aussi beaucoup utilisé les jumeaux en tant que sujet d’expériences,
permettant essentiellement de définir la part de l’hérédité et du milieu dans les
composantesdelapersonnalité.Cen’estquedanslesannées1930quedesrecherches
réaliséessurlesjumeaux,enlesconsidérantcommeunefinalitéetnonplusuniquement
comme des outils, verront le jour. Mais ce n’est que dans les années 1960, sous
l’impulsion de René ZAZZO que les jumeaux seront considérés comme des individus à
partentière,commepouvantmanifesterdesproblématiquesquileurssontpropres.
Depuis ces20dernières années,de nombreux travauxont vule jour, quece soit surle
planmédicalouceluidel’analysedumodedefonctionnementdesrelationsgémellaires.
Maisànotreconnaissance,trèspeusesontattachésàdéfinirunmodedesoinspécifique
auxproblématiquesgémellaires.
Entantquepsychologuecognitiviste,nousnousréféronsenpremierlieuàl’enfantdansle
cadredesonorganisationdepensée.LathéoriedeJeanPiaget,référentielthéorique
nous nous situons, a défini ce qui rend la connaissance possible, ce qui lui permet de
s’accroître. Il a définit les différentes modalités structurales qui permettent au sujet de
construireetd’organisertouteformedeconnaissance.Cettepsychologieconstructivisteet
intégrative met en avant le fait que l’enfant veloppe des structures cognitives d’une
complexitécroissanteenfonctiondelaqualitédesinteractionsétabliesaveclemilieu.Or,
dans le cas d’enfants jumeaux, les relationsdes enfants avec le milieu (et inversement)
serontspécifiques.
NotreétudemenéeauseinduLaboratoiredePsychologietiquecognitivedeterrain
de l’Université Lumière Lyon 2, nous a permis de mettre à jour les différents modes
d’interactionsqu’unemèreétablitavecsesjumeaux,ainsiquelesévolutionspossiblesqui
enrésultent:del’impossibilitéàseséparer,àl’individuationparfaite.Mais,bienplus,nous
avons modélisé la façon dont les jumeaux élaborent leurs structures de l’activité de
connaissance en fonction des sollicitations du milieu ainsi que l'interdépendance qui les
caractérise.
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Grâceàdesexamensopératoiresréaliséssurunepopulationde24couplesâgésde7à
10 ans, nous avons mis à jour undécalageintracouple au niveau de la genèse de ces
mêmesstructuresdel’activitédeconnaissance.Nousnoussommesaperçusque sur le
plandelagenèsedel’organisationcognitive,l’undesenfantsadéveloppédesstructures
figuratives,etl’autredesstructuresopérativesluipermettantd’avoiruneconnaissancede
laréalitéplusétendue.Cequinouspermetaussid’affirmerqu’undesjumeauxsetrouve
systématiquementenpotentialitédedifficultésd’apprentissage.
Les liens de dépendance et de fusion, unissant les jumeaux entre eux, pourraient aussi
êtredusàundéveloppementcognitifparasitaire.Cesenfantsgénèrentunliengémellaire
à partir de défaillances structurales qui vont apparaître chez chacun d’eux, ce qui ne
permetpasleurautonomisationréciproque.
Actuellement,noussommesenmesurenonseulementdesituertrèsprécisémentchacun
desenfantsdanssondéveloppementcognitif,maisnouspouvonsaussidéfinirl’intensité
duliengémellairequilesunit.Ilnousestdoncpossibledediagnostiquerlesdéficiences
cognitives propres à chaque enfant. Puisque des déficiences apparaissent dans les
structures de l’activité de connaissance, les problèmes qu’ils rencontrent pourraient
trouverleursolutiondansuneremédiationcognitiveopératoire.
I)DEVELOPPEMENTGEMELLAIRE
1°)Premièrepériode(02ans)
Ledéveloppementdelapenséed’unenfantordinairesefaitenfonctiondesinteractions
quivontêtreétabliesaveclemilieu.Atraversdeséchangesconstantsavecdesindividus,
des objets et des règles de fonctionnement, la pensée va se structurer avecde plus en
plusdemobilitéetuneplusgrandeextensiondesonchampd’application.Delanaissance
à 18 mois: l’intelligence qui se développe est une intelligence qui se détermine en
présencedel’objet,dessituations,despersonnes,danslemomentprésent,àtraversla
simple perception. La causalité qui s’élabore est en rapport avec l’activité de l’enfant. A
aucun moment il n’a besoin de comprendre cet ensemble de tableaux apparaissant et
disparaissantqu’estlaalité.Undoublemouvementexistedansl’organisationinternede
lapenséequipermetlamiseenplaced’uneextensioncroissantedel’apprentissage:
nlassimilation,estlacapacitédelapenséeàintégrerunesituation
nouvelleauxanciennesstructures.Ceci,carcettenouvellesituation
présente suffisamment d’éléments reconnaissables par
l’organisationcognitivedelapersonne,cequilaplacedansunétat
trèssereind’adaptationàlaproblématique.
nlaccommodation, est la capacité de s’autoperturber, c’estàdire
de désorganiser sa connaissance pour intégrer une nouvelle
situationquerencontrelapensée.Cetaspectdel’activitécognitive
représente l’aspect dynamique de l’adaptation cognitive. La
particularité de cette modalité de fonctionnement est que l’état de
connaissanceantérieurn’estpasdétruitouremplacéparlenouvel
état,maisilestremodeléafindepouvoirintégrercenouvelétat,ce
quidonneunenouvelleorganisationplusperformante.
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Le passage de l’assimilation à l’accommodation, est un mouvement perpétuel dans
l’organisationcognitive.Cepassagepermetàl’adaptationdesemettreenplace,c’està
dired’avoirdesconduitesquipermettentdesolutionnerlesséquilibresrencontrées,en
construisant de nouvelles organisations qui ne détruisent rien de la structure antérieure,
mais l’intègre en une nouvelle structure comprenant deux soussystèmes: l’ancien et le
nouveau,réunisenunestructuretotalequiconservel’antérieurcommeuncasparticulier.
Cette souplesse d’adaptation est essentiellement due à la boucle récursive qui existe
entre ces deux processus de l’activité de connaissance. L’équilibre créé est ainsi très
stable:
ASSIMILATION  ACCOMMODATION=ADAPTATION

C’est en passant de l’assimilation à l’accommodation qu’un individu se trouve dans une
spirale de structuration et de compréhension de la réalité, tout en s’y adaptant de la
meilleure façon possible. Cette adaptation se caractérise par un équilibre qui va
progressivement émerger. Les nouvelles structures élaborées vont s’appliquer à des
domainesdeplusenplusétendusenorganisantleprésent,maisaussienréorganisantle
passé,enfonctiondesnouvellesdonnéesélaborées.
Au cours de la période sensorimotrice, les jumeaux dépendent totalement de leur
environnement et nepeuvent survivre que grâce à celuici. Mais ce milieu, face à cette
situation difficilement gérable, va les unifier en une entité. L’étape 1 (unification en une
entité)estdonccellequivadominer aucoursdetoutecettepériodedudéveloppement.
En effet, il est très difficile pour une mère de considérer ses deux nourrissons de façon
individuelle,enmenantavecchacund’euxunerelationséparée.Pourpalierlesdifférents
problèmes matérielsquiseprésentent,il esttoutàfaitnaturelquelamèreréunisse ses
enfants en une entité unique:l’entité gémellaire. Ce mode d’interaction serencontre de
façonencoreplusmarquéechezlesjumeauxdemêmesexe.
Surleplandelagenèsedesstructurescognitives,ledéveloppementquivaêtreamorcé
est bien plus celui de l’entité gémellaire que celui de chacun des enfants dans leur
singularité.Ladynamiquedel’assimilationetdel’accommodation,sielles’activebien,va
se faire de façon «forcée» pour l’un des jumeaux (dans le sens où il va être
ponctuellementplacédansdesprocessusd’accommodation).Parexemple,ilestbienplus
simplelorsquelesdeuxenfantspleurentdelessoumettreàuneréponseglobalepourles
apaiser, plutôt que de considérer chacun des enfants comme étant à la source de
demandesdifférentes.
Ilyadoncundécalageauniveaudelastructurationdelaréalité,comparativementàun
enfant unique, les jumeaux ayant une étape supplémentaire dans le développement de
leurpersonne.
Néanmoins,laprédominancedecetteétapen’exclutpasl’apparition,certesmomentanée,
des étapes 2 (complémentarité) et 3 (individuation des enfants) car certains parents
mettentenplacedesstratégiestrèscomplexespours’occuperdeleursjumeaux,quisont
basées sur l’alternance des soins qu’ils apportent à chacun d’eux. Cependant, cela ne
durepasdansletemps.
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2°)Deuxièmepériode(2à67ans)
Avec la période symbolique, à chaque objet va correspondre une image mentale qui
permettrad’évoquerlobjetensonabsence.Laréalitén’estpluscequiestlàaumoment
présent,commeà l’étape précédente.Dorénavant,deuxcatégories apparaissent:lejeu
etl’observation.Maiscesdeuxréalitéssonttotalementliées.Lejeuest ainsiuneréalité
nes’opposantpasàlavraieréalitéetleréeln’estqu’unjeu.Lelangagequiapparaîtest
propreàl’enfant.Ilvoitmentalementcequ’ilévoqueetparlecommesisoninterlocuteur
partageait son point de vue, ce qui lui fait négliger toute démonstration: les faits sont
juxtaposéssansliens.Cettepenséeégocentriqueneluipermetpasdesedécentrerafin
depercevoirlaréalitétellequ’elleestetnontellequ’ilaimeraitqu’ellesoit.
Alapériodepréopératoire,lesjumeauxaccéderaientàl’étapedecomplémentarité(surle
plan extérieur), de «parasitage» (sur le plan interne de la genèse des structures
cognitives).Cemoded’interactionsemettraitenplaceàcausedelanécessiténaissante
deposerchaqueenfantentantqu’individu,ceuxcioccupantdeplusenplusl’espacequi
les entoure.  Les parents vont attribuer des caractéristiques complémentaires ou en
opposition à chacun des jumeaux (ils trouveraient peutêtre là un palliatif à la grande
craintequ’ilsressententdeconsidérerundesjumeauxcommesupérieuràl’autre).Ainsi,
une répartition assez équitable est établie au niveau des qualités et des défauts de
chaqueenfant.
A ce niveau, nous pouvons trouver desinteractions dans lesquelles un des jumeauxse
voit attribuer toutes les caractéristiques positives et l’autre les négatives. Nous aurions
donc, à ce niveau, une distribution des rôles avec la mise en place d’un système de
préférence.Surleplancognitif,l’undesenfantsstructureraitsonactivitédeconnaissance
selonladialectiquedufiguratifetdel’opératif;maissonfrèreousasœursuivantlecas,
ne développerait que des procédures bien moins efficientes, parfois mêmes totalement
figuratives (ceci par un manque d’interactions, de réponses fournies face aux
interrogationsposéesparleréel:l’attachementdelamèrepoursesjumeauxvasefaire
en fonction de celui qu’elle imaginera être le plus dépendant de l’adulte et le moins
compétent). Cet enfant «délaissé» devient donc plus sensible aux configurations des
étatsqu’auxtransformationslesayantproduitoulesmodifiant.Ilexisteainsiundécalage
entre jumeaux d’un même couple visàvis de l’efficience verbale, comme l’ont noté de
nombreuxchercheurs.
3°)Troisièmepériode(àpartirde67ans)
Vers 67 ans: l’enfant entre dans la période des opérations concrètes. La pensée
opératoirequis’installe serapporte auxtransformationsdel’actionphysique(laprisede
conscience des implications de toute action dans l’environnement direct) aux opérations
mentales(lacapacitéd’annulerunetransformationeffectuéeconcrètement,mentalement),
àtoutcequimodifiel’objet.Lacentrationquiapparaîtvapermettrelacoordinationdes
pointsdevuemaisaussilacentrationsurlasuccessiondestransformationsliantlesétats
entre eux. Ceci amènera la réversibilité mentale c’estàdirela capacité de retourner de
l’étatfinalàl’étatinitial,eninversantenpenséelatransformationeffectuée.Lesinvariants
infralogiques (substance, poids...) se mettent en place, simultanément aux structures
logicomathématiques (classification, sériation, nombre logique...), spatiales et
temporelles. L’enfant peut alors faire des choix, raisonner sur des cas singuliers et
généraux.Leliencausalconscient(suitelogiqueentrelesdiversévénementsouétats)se
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met progressivement en place. L’enfant prend conscience de ses actions, de sa façon
d’agiretilcomprendlesraisonsdesétatsquiencoulent.L’organisationcausaledonne
àl’enfantlacapacitédesesituerentantquecauseoueffet,entantqu’agissantouagi.La
relation avec l’environnement se modifie donc radicalement. La perte de l’égocentrisme
permetlaconfrontationavecautruietl’abandondesexplicationsmagiquesdelapériode
antérieure.
Parlascolaritéquileurestimposée,parl’autonomiedeplusenplusgrandequiestlaleur
visàvisdeleurmilieu,lesjumeauxvontêtredorénavantconsidérésentantqu’individuà
part entière. Ainsi, progressivement, un palier d’équilibre caractérisé par une
autonomisation totale des enfants l’unà l’égard del’autre va apparaître; cette étape se
prolongeantau stade formel. Ce n’estque vers 12 ans, avec l’apparition des opérations
formelles quel’intelligencevapouvoirs’appliquersurles relationsentrele possible etle
réel.Cetteorganisationestditehypothéticodéductivecar,parlesimplejeudelapensée,
en toute situation donnée, l’adolescent pourra concevoir l’ensemble des transformations
possiblesgrâceauxopérationslogiques.Ilnesecontenteplusuniquement d’enregistrer
les relations qui s’imposent à lui, mais il les insère dans l’ensemble de celles qui sont
possibles.Pardesautorégulationspermanentes,l’équilibrationmajorantevasemettreen
place. Cette capacité permet au sujet de s’autoperturber et de s’autoréguler, de façon
endogèneetdoncautonome,afindetrouverlaoulessolutionslesplusefficacesfaceà
unproblème.Lacapacitéd’adaptation,etdoncd’équilibrestable,estencoreaccrueparle
fait qu’en passant par un état d’accommodation, le sujet va intégrer une nouvelle
perturbation,maisvaaussipouvoirfinirtouteslesautresperturbationsquipeuventen
dériver.
C’estcemêmemilieuqui,aprèsavoirdéclenchéceprocessusdeparasitage,vapouvoir
atténuer les répercussions d’un tel mode d’interaction. En effet, il existe une fluctuation
dans ce mode de préférence au niveau de l’interaction mère/enfant. Ainsi, chacun des
jumeauxvontà leurtoursetrouverplacéaucentredesinteractionsquelemilieuétablit
aveclecouplemellaire. Lesjumeauxvontdoncavoirla possibilitédedévelopperdes
structures plus efficientes sans s’emprisonner dans ce lien gémellaire qui attache le
jumeau qui est dans la figurativité à celui qui est opératif. Une certaine forme
d’autonomisationpourradoncêtreatteinteaucoursdecettetroisièmeétape.
Ce mode de structuration par «à coups» est un argument supplémentaire qui nous
permetd’expliquerleretardqu’ontlescouplesdejumeauxdansleurdéveloppement.
Cette genèse de l’organisation cognitive a pu être identifiée comme étant universelle;
c’estàdirequetoutindividufranchitcesétapesetsesituedansunespiralecroissantede
l’organisation de sa connaissance, de la compréhension des messages qui lui sont
transmis. Les processus d’apprentissage vont solliciter les structures opératoires que
devraitavoirtoutenfant,c’estàdireunepenséetrèsmobilequipermetderaisonnersur
descontenusréelsouévoqués,avecunecapacitéàprévoircequipeutarriverdefaçon
logique (anticipation); ou à revenir sur ce qui s’est passé, en expliquant les différentes
étapesquisesontsuccédéesentreunétatAetunétatB(rétroaction).Mais,sisurleplan
du sujet épistémique, c’estàdire du sujet idéal, on trouve une invariance dans la
succession chronologique de ces différents éléments, pour un certain nombre d’autres
enfants, certains niveaux d’abstraction ne seront pas toujours activés et certaines
organisationsnes’élaborerontpas.
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