Introduction : 1 Le temps et le comportement vis-à-vis du temps est déterminé essentiellement par la culture de l’Homme. En effet toutes les cultures humaines ont mené une réflexion sur le temps et lui ont trouvé des réponses propres à elles. Ainsi en étudiant les différentes attitudes par rapport au temps des différents espaces, nous découvrons qu’ils sont influencés par la culture et la civilisation de chacun de ces espaces En bref, on peut dire que le monde est divisé en deux visions : - une vision linéaire du temps, prévalant en Occident notamment dans les pays anglosaxons , et - une vision cyclique de l’ordre temporel, prévalant par exemple en Inde. On peut enfin constater que les deux visions précitées sont fondées sur l’immortalité des dieux ou l’éternité de Dieu et la permanence du cosmos (univers). 2 Volet I : Notions et explications du champ temporel I- Qu’est ce que c’est le temps? Le temps peut se concevoir et se pratiquer comme une ligne continue rectiligne (celle du progrès infini ou de l’évolution incessante) ou comme une ligne entourant un cercle (celle de la répétition, de la permanence, du retour aux origines et de la tradition) 1) Temps biologique ou naturel: Le temps biologique est le temps défini par les divisions cellulaires, la destruction de ces cellules et leur déclin. Il correspond au déroulement naturel de la vie, ce qui renvoie directement au vieillissement et à sa dynamique propre. C'est sur cette base que sont étudiés les mécanismes biologiques et les systèmes complexes en biologie moléculaire et cellulaire mais également, à un niveau plus élevé, le devenir des espèces à travers l'histoire. Le temps biologique est lié à l'apparition de la vie sur Terre, il y a presque quatre milliards d'années. 2. Temps individuel/ Temps physique : Le temps individuel (Subjectif) : On parle du temps individuel ou subjectif lorsque le temps ne semble pas se dérouler à la même vitesse selon que l'on s'ennuie ou que l'on soit lancé dans une occupation agréable. Cette impression subjective du temps, ou durée, dépend donc des émotions ressenties par la personne qui l'évalue. Ainsi les secondes peuvent paraître des heures, et inversement. 3 C’est un dépend de nous et ne s'écoule pas uniformément. D'ailleurs, il a été prouvé que notre estimation des durées varie notablement avec l'âge, et surtout avec la signification et l'intensité des événements qui se produisent. Notre temps psychologique est donc élastique. On peut aussi le définir comme l'altération psychologique du temps objectif. Mais qu'estce que le temps objectif ? Le temps Physique (Objectif) : C'est une autre voie de conceptualisation du temps : elle correspond au temps mathématisé étudié par la science physique. Ce temps-là, réputé uniforme, est censé ne pas dépendre de nous et nous savons le chronométrer. Il s'agit d'une mesure abstraite utilisée pour expliquer les lois de la nature. C'est un concept développé pour représenter la variation du monde : l'Univers n'est jamais figé, les éléments qui le composent bougent, se transforment et évoluent. Cela ne nous avance pas beaucoup pour saisir la nature intime du temps, mais nous savons qu'il y a donc au moins deux sortes de temps : le temps subjectif, celui de la conscience et le temps physique, celui des horloges. Une illustration : le temps codifié institutionnel (GMT, CET …) 3- Temps sacré/ Temps profane : Temps sacré : Les peuples modernes dont le patrimoine culturel est européen ou nord-américain ont quelques difficultés à comprendre le temps sacré ou temps mythique, parce qu'il est imaginaire, englobant (on est à l'intérieur de ce temps). Ce type de temps est réversible et susceptible de se répéter, il n'évolue pas. Dans le temps mythique, on ne vieillit pas, parce que ce temps est magique. Comme dans un conte, on ne le suppose pas identique au temps ordinaire d'une horloge, et tout le monde sait qu'il ne l'est pas. L'erreur consiste à essayer de les assimiler, ou agir comme s'il était nécessaire d'établir une relation fixe entre le sacré et le profane. Quand les Indiens d'Amérique participent à des cérémonies, ils sont à la 4 fois dans la cérémonie et dans le temps de la cérémonie, au sens où ils cessent alors de vivre dans le temps ordinaire. Pour certains, c'est le temps sacré qui rend la vie supportable. En entrant dans le temps sacré, les individus réaffirment et reconnaissent leur propre divinité, mais en revendiquant la conscience, ils reconnaissent le divin dans la vie. Mircea Eliade, dans son livre intitulé te Sacré et le Profane, considère qu'il s'agit là d'une manière d'imiter Dieu (imitatio dei). Je ne pense pas que ce soit le cas : j'y vois une manière de définir la conscience. Temps profane : À la différence du temps sacré, le temps profane c’est le temps de la cité, des citoyens c’est le temps de notre vie et de son déroulement : naissance, enfance, adolescence, maturité, vieillesse et mort. le temps profane domine maintenant la vie quotidienne et les aspects explicites de la vie, ceux dont on parle, ceux que l'on formule. En Occident, le temps profane indique les minutes et les heures, les jours de la semaine, les mois de l'année, les décennies, les siècles - tout le système explicite et considéré comme allant de soi que notre civilisation a élaboré. Ce système dépend du sacré de sorte que celui-ci déteint un peu sur lui : ainsi s'expliquerait le fait qu'on ne tolère généralement pas de changements dans son système de temps. On dut, par exemple, rééquilibrer le calendrier julien, sensiblement transformé par la computation des années bissextiles. 4- Le temps historique : C’est le temps qui se rapporte à la période écoulée depuis que les êtres humains ont commencé à enregistrer les événements historiques. On mesure le temps historique en années, en décennies et en siècles et il comprend les événements sociaux, politiques et économiques qui sont le fait des êtres humains. 5 Le temps historique est un temps construit par l'historien et une dimension essentielle pour établir l'intelligibilité du texte de l'histoire, de son élaboration, de sa transmission et de sa réception. 5- Le micro-temps : Le micro temps est un Récemment identifié et encore peu reconnu, le « micro-temps » est le système temporel propre au niveau de culture primaire dont il constitue un produit. Ses règles sont presque toutes appliquées sans que les individus en aient conscience. Il est spécifique à une culture, autrement dit : à chaque culture son micro temps. Monochronie et polychronie (…) sont deux des plus importantes formes de micro-temps. C’est le système temporel propre au niveau de culture primaire dont il constitue un produit. Ses règles sont presque toutes appliquées sans que les individus en aient conscience. Il est spécifique à une culture, autrement dit : à chaque culture son micro-temps. Monochronie et polychroniesont deux des plus importantes formes de microtemps. II- Polychronie & Monochronie : Le temps polychronique veut dire que l'on est impliqué dans beaucoup de choses à la fois. Le temps monochronique signifie que l'on ne fait attention qu'à une seule chose en même temps. Comme l'eau et l'huile, les deux systèmes ne se mélangent pas. Dans les cultures monochroniques, le temps est ressenti et utilisé d'une manière linéaire, comparable à une route qui s'étend du passé au futur. Le temps monochronique est divisé naturellement en segments ; il est planifié et compartimenté, permettant à une personne de faire une chose à la fois. Le temps monochronique est perçu comme tangible. Les gens en parlent comme si c'était de l'argent, comme quelque chose qui peut être "dépensé", "sauvé", "gaspillé" et "perdu". Les gens gouvernés par le temps monochronique : 6 - n'aiment pas être interrompus - ne font qu'une chose à la fois - se concentrent sur leur travail - prennent des engagements en temps sérieux (planning) - nt un contexte bas et ont besoin d'information - suivent religieusement leurs plans - ne veulent pas distraire les autres - suivent les règles de vie privée et de considération - montrent un grand respect pour la propriété privée - empruntent ou prêtent rarement - sont habitués à des relations à court terme. Les peuples et gens polychroniques: - font beaucoup de choses à la fois - se laissent facilement distraire et pratiquent les interruptions - ont un contexte élevé et ont déjà l'information - sont engagés envers les gens et les relations humaines - changent de plans souvent et facilement - se sentent plus concernés par ceux qui leur sont proches (famille, amis, associés proches en affaires) que par un cercle de relations plus éloignés - prêtent et empruntent les choses souvent et facilement - ont une forte tendance à bâtir des relations pour la vie. Les gens polychroniques vivent dans une mer d'informations. Ils sentent qu'ils doivent répondre à la minute à tout et à tout le monde, que cela soit pour des affaires ou pour des raisons personnelles, et ils subordonnent 7 rarement leurs relations personnelles à des exigences de budget ou de planning. Le tableau qui suit, retrace les principales caractéristiques et conséquences organisationnelles de la monochronie et de la polychronie. polychronie = peuples méditerranéens - monochronie = Anglo-Américains et Germaniques. Segmentati Polychronie Monochronie Faire plusieurs choses à la Faire une chose à la fois on fois - du temps Aucune : les gens n’ont Poussée : la planification pas d’horaire ni de permet de se concentrer sur programme imposés. une tâche à la fois. Quant aux projets ils Les projets décidés sont peuvent changer jusqu’à a exécutés selon un "timing" dernière minute. précis. - des Aucune : on traite plusieurs Poussée : les transactions transactions transactions dans un sont formelles, même lieu et en même contractualisées et le non- temps. respect du contrat est Ces transactions sont pour sanctionné par la loi. la plupart informelles basées sur la confiance. Le non-respect de ses engagements fait perdre un allié de poids pour une procédure ultérieure. Les entretiens se font dans le Les entretiens en groupes sont monnaie courante 8 secret des bureaux. - des tâches Les individus sont Les individus sont spécialisés. polyvalents et "polyintérêts " - du contrôle Aucune : organisation Délégation et simple, très centralisée. décentralisation pour D’où des structures lourdes permettre l’efficacité malgré et lentes dés lors qu’on ne l’effet taille. peut faire jouer les relations - des Les procédures sont Les procédures conçues au relations secondaires, les relations départ comme outil d’aide à inter- inter-individus largement l’organisation deviennent individus préférées. progressivement des fins en soi au détriment des relations interindividuelles. Les objectifs humains de l’organisation restent L’organisation peut exister dominants. pour elle-même indépendamment de toute logique ou besoins humains. Les cultures polychrones se distinguent par leur conception circulaire du temps. Le temps n'est ni perdu ni gagné, et le concept d'échéance est assez flou. Ce sont les gens polyvalents, capables de réussir dans plusieurs domaines, qui sont valorisés. La qualité des interactions entre les individus prime sur les résultats concrets. On obtient plus facilement des résultats si l'on a d'abord établi des liens personnels avec ses interlocuteurs. Les côtés positifs des cultures polychrones sont la qualité des relations interpersonnelles, une plus grande cohésion sociale et des relations 9 interpersonnelles durables. Les côtés négatifs en sont la lenteur des progrès techniques, les difficultés à obtenir des résultats tangibles rapidement, les manques de planification et d'anticipation et enfin les réactions inadéquates aux urgences. Dans notre champ de réflexion, la psychologie appliquée aux relations dans le monde du travail, cela revêt une importance primordiale dans la communication entre les personnes, la motivation et la gestion du temps. Les gens vivant dans les cultures monochrones ont une conception linéaire du temps. Les passé/présent/futur sont bien délimités dans leur conscience. On valorise les personnes qui excellent dans un secteur d'activité même si elles s'y connaissent très peu dans d'autres domaines. Par exemple, un chirurgien compétent est reconnu socialement même s'il est peu cultivé. Les personnes qui font plusieurs choses à la fois sont perçues comme "dispersées". Les cultures monochrones accordent en général plus d'importance aux résultats obtenus qu'à la qualité des relations interpersonnelles. Les côtés positifs des cultures monochrones sont l'obtention de résultats tangibles, l'optimisation des ressources, les progrès techniques. Les côtés négatifs en sont la frustration de vivre une vie compartimentée, l'appauvrissement des relations interpersonnelles, la difficulté d'harmoniser les différents temps (effet de décalage horaire entre les temps) et la peur du futur, le regret du passé, l'oubli du présent. Dans notre champ de réflexion, la psychologie appliquée aux relations dans le monde du travail, cela revêt une importance primordiale dans la communication entre les personnes, la motivation et la gestion du temps. Volet II : Les aspects culturels et impacts Inde 10 En Inde, le temps est cyclique. Il existe donc une certaine ambivalence concernant le temps et la ponctualité. Dans le domaine des affaires, beaucoup de personnes travaillant avec les indiens se plaignent des délais non tenus, des réunions annulées, et du temps passé à négocier. Ainsi, dans cette vision, plusieurs points peuvent se régler en même temps (par exemple, il n’est pas rare d’être en réunion et de se faire interrompre par une autre personne qui vient d’entrer). Certains chercheurs trouvent une explication dans le langage même. En effet, en hindi, le mot kaal signifie « demain » et « hier » ; seule la conjugaison appropriée permet de situer ce complément de temps dans l’action. Une autre explication de ce comportement trouve plus probablement ses racines dans la philosophie hindoue selon laquelle un jour ne peut être pris indépendamment du long continuum qu’est la vie présente, et au-delà : la suite du cycle des réincarnations. Forcément, à cette échelle, une heure ou une journée ne peuvent être considérées que comme des grains de sable face à une montagne, et les contingences de la vie personnelle peuvent facilement interférer la vie des affaires. Par ailleurs, dans une vision polychronique, la confiance met du temps à s’installer, mais une fois établie, les relations sont généralement sûres (Fernandez, 1999). Dans cette vision, il existe un fort engagement par rapport aux relations humaines. Ainsi en Inde, dans une relation d’affaires, il sera généralement fort mal compris de ne pas participer à un dîner ou de ne pas parler de soi ou de sa famille (qui est un élément essentiel de la vie d’un Indien). Chine En Chine non plus les limites ne sont pas très strictes. Par exemple, lorsqu’il est stipulé que l’on doit envoyer un courrier avant une certaine date, en réalité les services concernés savent qu’il faut toujours compter sur 3 à 4 jours en plus. 11 Les Chinois ne respectent pas les délais, mais s’il y a une pression extérieure (ordre du supérieur, prime, etc.) ils sont tout aussi capables de garantir le travail dans les délais définis ; mais en ce qui les concerne, la qualité n’est jamais une raison permettant de dépasser une échéance. La question de rythme est un autre problème lié à l’idée de délai. Les Chinois ont tendance à traîner au début et accélèrent le rythme par la suite. La tendance naturelle des Chinois est d’attendre. Une fois le travail réparti, on ne commence rien tout de suite. Les Chinois donnent l’impression que pour une mission donnée ils n’arriveront pas à accomplir le travail dans les délais, mais ils sont capables de le terminer même avant la date fixée. Le deuxième élément est lié à la façon de penser. Les chinois accordent beaucoup d’importance à la situation. Ainsi, dans la préparation du travail, ce qui est urgent est réalisé avant tout. Mais ce qui est urgent n’est pas forcément le plus important. Les Chinois ont donc tendance à traîner au début et à accélérer à la fin. Japon : Les Japonais sont polychromes à l'égard d'eux-mêmes, quand ils sont entre eux et travaillent entre eux. Mais dans leurs rapports aux cultures occidentales, ils ont adopté le système temporel dominant chez les Occidentaux : ils utilisent alors le mode d'organisation monochrome et, fait caractéristique, ils leur surpassent même, lorsqu'il s'agit de résoudre des problèmes d'ordre technique. un exemple illustrant cette situation lié au concept de travail, et à la façon dont se déroule la vie quotidienne dans l'entreprise. les managers japonais aiment arriver beaucoup plus tôt le matin afin de prendre un café en équipe, de faire le tour de l'usine pour serrer les mains et prendre la température. Finalement les japonais l’approche Occidentale. 12 finissent par converger vers l’Allemagne : Les Allemands quand à eux, ils voient le temps comme un moyen d’organisation: un allemand ne peut faire qu’une chose à la fois. Le temps est perçu et traité de manière linéaire. Les actions sont compartimentées. Exemple : lors d’une réunion, les allemands ont l’habitude de suivre l’ordre du jour point par point. (Contrairement au français) Le rythme de travail semble souvent plus intense pour les Allemands monochrones, car le monochrones "débobine" ses tâches comme planifiées sans se faire interrompre par des activités non liées directement au sujet. D'une façon générale, les pays anglo-saxons et ceux de l'Europe du Nord, dits germaniques, sont considérés comme monochrones et les pays latins comme polychrones. Les arabo-musulmans : L’Islam recommande le respect du temps et sa bonne gestion. Être conscient de cette réalité est entre autres, signe de la croyance. Est bon musulman celui qui apprécie le temps à sa juste valeur et en profite pour accomplir des bonnes œuvres pour sa vie ici-bas et à l’au-delà. Le système de la vie islamique fait le commencement du jour à partir de (fajr) c’est-à-dire l’aurore. On doit être réveillé avant le lever du soleil. Les veillées nocturnes qui peuvent conduire à des retards dans l’accomplissement de la prière de (fajir) sont déconseillées. Illustration : la parole du Prophète (paix et salut sur lui) qui dit à propos de l’importance du temps : « le jour de la résurrection, les deux pieds du serviteur de Dieu ne franchiront jamais un pas jusqu’à ce qu’il soit 13 interrogé sur quatre choses : sur sa vie, comment l’a-t-il vécue, sur sa jeunesse, comment l’a-t-il abordée, sur sa richesse, comment l’a-t-il acquise et comment l’a-t-il dépensée, sur son savoir, comment l’a-t-il utilisé. Pourtant on trouve une autre réalité totalement différente, les arabomusulmans sont plutôt des polychrones : Les arabo-musulmans perçoivent rarement le temps comme « perdu », et le considèrent comme un point plutôt qu'un ruban ou une route, mais ce point est souvent sacré. Un Arabe dira : « Je vous verrai avant une heure », ou : « Je vous verrai après deux jours ». Dans le premier cas, il veut dire qu'il ne s'écoulera pas plus d'une heure avant qu'il ne vous voie, et dans le second, au moins deux jours. 14 Conclusion : De ce qui précède, nous avons eu des éléments concrets qui illustrent les implications certaines de la culture sur les champs fonctionnels du management. Les différents exemples illustratifs de la diversité des cultures et leurs impacts sur les fonctions managériales nous offrent la meilleure démonstration en cette matière. 15 Bibliographie : - La gestion du temps : Emmanuel Paty - La dance de la vie : Hall Edward T. - La communcation interculturelle : cas de la chine de et de la France. - Que voulez-vous dire? Compétences culturelles et stratégies didactiques : Blondel A. 16