THÈSE DE DOCTORAT
DE L’ÉCOLE NORMALE SUPÉRIEURE DE PARIS
Spécialité : Physique
École doctorale : « Physique en Île-de-France »
réalisée
au Laboratoire de Physique Théorique de l’ENS
présentée par
Antoine TILLOY
pour obtenir le grade de :
DOCTEUR DE L’ÉCOLE NORMALE SUPÉRIEURE
Sujet de la thèse :
Mesures continues en mécanique quantique : quelques
résultats et applications
soutenue le 24 juin 2016
devant le jury composé de :
M. Stéphane ATTAL Rapporteur
M. Michel BAUER Membre invité
M. Denis BERNARD Directeur de thèse
M. Jean BRICMONT Rapporteur
M. Jean DALIBARD Examinateur
M. Benjamin HUARD Examinateur
M. Antti KUPIAINEN Examinateur
Préambule
Ce mémoire contient les résultats obtenus durant trois années de thèse au labora-
toire de Physique théorique de l’ENS sous la direction de Denis Bernard. Il s’appuie sur
les articles [1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8] publiés pendant ces trois ans et dont cinq sont reproduits
en annexes C, D, E, F et G en anglais. Ce manuscrit contient aussi quelques résul-
tats originaux notamment au chapitre 4 et en appendice B. La présentation s’éloigne
quelque peu de celle des articles académiques. On a essayé autant que possible de se
concentrer sur les résultats et arguments généraux en reléguant en annexes une partie
des preuves et développements techniques. Le style se veut aussi un peu moins formel
et on espère que la lecture y gagnera en fluidité sans que la précision ne souffre trop.
*
**
On s’intéresse dans cette thèse au problème de la mesure continue en mécanique
quantique. La mesure est quelque chose de notoirement subtile en mécanique quantique,
à la fois pour des raisons fondamentales et pour des raisons pratiques. Si l’on prend
le formalisme orthodoxe pour argent comptant, alors le fait de mesurer, d’extraire de
l’information sur quelque chose, est une opération loin d’être anodine qui obéit à des lois
différentes de celles qui régissent le reste de la Physique. C’est aussi une opération qui
est fondamentalement discrète et localisée dans le temps. Comme souvent, le problème
posé par une telle spécificité de la mesure est expliqué de manière éloquente par Bell :
“The problem of measurement and the observer is the problem of where the
measurement begins and ends, where the observer begins and ends. Consider
my spectacles, for example : if I take them off now, how far away must I
put them before they are part of the object rather than part of the oberver ?”
John S. Bell, cité dans [9]
L’idée des mesures continues est en quelque sorte d’intégrer les «lunettes» au système
étudié pour arrondir les angles du formalisme. Cela ne réduit évidemment pas l’ambi-
guïté théorique mais permet de répondre à un grand nombre de problèmes empiriques.
L’objectif de cette thèse est d’essayer de comprendre quantitativement la dynamique
induite par les mesures continues, de voir ce qu’elle contraint et ce qu’elle permet, le
tout sans perdre de vue le contexte plus général des problèmes conceptuels liés à la
mesure.
On commence par rappeler au chapitre 1 la construction de la théorie des mesures
continues à partir de la méthode des interactions répétées. On profite du fait que l’on
introduit une théorie déjà connue pour en expliciter les parallèles avec les modèles de
collapse objectif et avec le problème du filtrage en théorie des probabilités classiques.
i
ii
La majeure partie des résultats techniques nouveaux est présentée au chapitre 2. On y
étudie la limite de mesure forte à partir des mesures continues et plus particulièrement
deux phénomènes caractéristiques : les sauts et les échardes quantiques. On s’intéresse
aussi brièvement à un problème d’extraction optimale d’information. Le chapitre 3 est
consacré aux applications du formalisme et des résultats précédents. On s’intéresse à
la possibilité du contrôle par l’intensité de la mesure et au comportement des marches
aléatoires quantiques ouvertes, deux exemples où l’on peut appliquer presque direc-
tement les résultats du chapitre 2. On propose aussi une application inattendue du
formalisme introduit au chapitre 1 à la gravité semi-classique. Le chapitre 4 est enfin
consacrée à de possibles extensions plus spéculatives.
*
**
Le lecteur peu familier de la théorie des mesures continues peut progresser linéaire-
ment dans le mémoire. Le lecteur érudit et intéressé surtout par les résultats techniques
utilisera probablement mieux son temps en allant directement aux annexes C à G qui
sont toutes lisibles sans référence au reste. Enfin, le lecteur plus attiré par les questions
fondamentales ou épistémologiques peut commencer par l’appendice A.
Remerciements
Denis Bernard a été pour moi le directeur de thèse optimal : patient, il a eu la lourde
tâche de filtrer mon exaltation brouillonne pour en extraire quelques idées correctes ;
tolérant, il m’a laissé aller vers ce que j’aimais sans se formaliser quand je rechignais
à faire un calcul. J’ai bénéficié de son immense culture en physique mathématique et
de son impressionnante virtuosité formelle. Je remercie aussi Michel Bauer, qui, me
suivant de plus loin, m’a initié aux infinis raffinements de la théorie des probabilités et
a contribué à une grande partie des résultats présentés ici.
Mes remerciements vont ensuite aux rapporteurs qui ont accepté la tâche peu gra-
tifiante de relire ce manuscrit. Merci à Stéphane Attal qui m’a initié à ce domaine de
recherche. C’est en creusant ses articles que j’ai trouvé le matériau de mon premier ré-
sultat. Ces remerciements s’étendent au pack de ses étudiants et anciens étudiants qui
ont hérité de lui leur chaleur. Merci à Jean Bricmont, qui des Impostures intellectuelles
àMaking Sense of Quantum Mechanics a aiguisé ma suspicion pour les affirmations
grandiloquentes et émoussé ma tolérance au bullshit. Je remercie aussi les autres phy-
siciens qui ont accepté de faire partie de mon jury. Merci à Jean Dalibard qui fut
à l’origine de mon premier contact avec la mécanique quantique lors de son mémo-
rable cours à l’X. Ce fut le début d’une envie irrépressible de la comprendre et d’en
circonscrire le mystère. Merci à Benjamin Huard qui a accepté de discuter avec des
théoriciens parfois déconnectés des réalités pratiques. Merci enfin à Antti Kupiainen,
qui m’a permis d’étudier les systèmes quantiques ouverts au delà du cercle polaire et
montré les vertus des bains d’eau glacée.
J’ai aussi été éclairé dans ma quête des fondements par des chercheurs rebelles
d’une grande gentillesse. Detlef Dürr a été mon premier contact avec une communauté
impressionnante de vivacité. Depuis son séminaire à l’IHES il y a maintenant presque
deux ans, il n’a jamais manqué d’attentions envers moi. La confiance immédiate que
lui et ses étudiants m’ont témoignée m’honore profondément. Je remercie aussi chaleu-
reusement Dirk-André Deckert et Ward Struyve pour nos longues discussions sur les
fondements et pour leur amitié. Je remercie enfin Lajos Diósi avec qui j’ai entamé une
collaboration enrichissante et grâce à qui j’ai pu donner vie à une idée un peu folle.
*
**
Je n’ai pas souffert de la surpopulation chronique des bureaux de thésards de l’ENS,
mes collègues appartenant invariablement à la fine fleur des doctorants. Je remercie
Antoine Bourget, passionné de tout, des statistiques sur les rues de Paris aux groupes de
Lie exceptionnels, Bruno le Floch, gende du bureau et codeur pour L
A
T
EX, Mathieu
iii
1 / 232 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !