Pierre Sonigo – Les dimensions du vivant 1
BNF 19 nov 2003
Les dimensions du vivant
• Molécule
• Cellule
•Organe
• Individu
•Espèce
• Population
•Ecosystème
•….
En biologie, la question des dimensions n’a pas été soulevée comme en physique.
Mais on peut lier la question des dimensions à celle des échelles d’observation. Un
nombre plus élevé de niveaux d’observation possibles distingue le vivant de la
physique : molécule, cellule, individu, espèce, écosystème. Des questions différentes
se posent selon l’échelle choisie pour observer, décrire et comprendre la vie.
Pierre Sonigo – Les dimensions du vivant 2
BNF 19 nov 2003
Relativité en biologie
Individu !
Environnement !
Intérieur ?
•Extérieur ?
un choix
d’observateur …
Le problème de l’observateur a été soulevé en physique. La biologie aussi est
confrontée à cette difficulté. Les notions importantes qui structurent la biologie,
comme celle d’individu ou celle d’environnement, sont très liées au point de vue de
l’observateur et à ses choix. Par exemple : devant des cellules qui poussent dans un
milieu de culture, vous pouvez adopter un point de vue extérieur, décider que ces
cellules forment un tout. Un « individu » est défini par l’ensemble de ces cellules. Le
milieu de culture est alors le milieu intérieur de cet individu. Vous pouvez aussi
adopter un autre point de vue, par exemple celui des cellules. Cette fois l’individu est
la cellule isolée et non l’ensemble. Ce qui était milieu intérieur devient
environnement. C’est donc le point de vue et non une caractéristique absolue qui
définit ce qui est organisme individuel et ce qui est environnement.
Pierre Sonigo – Les dimensions du vivant 3
BNF 19 nov 2003
Unités de sélection
Cellule
Cancer sélectionné
Organisme
Cancer contrôlé
La théorie de l’évolution a besoin de définir une entité de référence, une « unité » de
mesure du vivant. En effet, la sélection naturelle évalue la reproduction de cette
entité. Mais en biologie, tout se reproduit de manière enchevêtrée. Il en résulte que
selon l’unité choisie, les résultats ne sont pas les mêmes. Comme si les lois de la
physique variaient selon que l’on effectue les mesures en mètres ou en pieds. Selon
que l’on choisit les molécules, les cellules, les organismes, les espèces comme
entités de référence, on obtient des théories différentes : les biologistes parlent de
gène égoïste, darwinisme cellulaire, darwinisme classique, sélection de groupe, etc.
Pour illustrer cette question difficile, on peut prendre l’exemple du cancer. On peut
décider que l’entité à prendre en compte pour la sélection naturelle est la cellule.
Comme les cellules cancéreuses se multiplient plus vite que les cellules normales, la
sélection naturelle doit favoriser le cancer. Du point de vue de la cellule, le cancer est
donc une bonne chose. Maintenant, si l’on prend comme entité de référence le corps
humain dans son entier, le cancer est une mauvaise chose. En fonction du point de
vue de l’observation, du choix fait, le cancer va être favorisé ou défavorisé par la
sélection naturelle. Ainsi, la théorie de l’évolution prédit deux résultats opposés, en
fonction d’un choix d’observation.
(variante)
Pierre Sonigo – Les dimensions du vivant 4
BNF 19 nov 2003
Envisageons le cas d’une population de lapins sur une île. Imaginons qu'un lapin
plus lapin que les autres se reproduise plus rapidement, si rapidement que sa
descendance, tout aussi lapine que lui, épuise les carottes disponibles et entraîne
l'extinction de toute la gent lapine locale, qu’elle se reproduise vite ou pas. Cette
rapidité de reproduction constitue donc un avantage sélectif à l'échelle du lapin, mais
un grave désavantage à l'échelle de la population de lapins. C'est une situation de
conflit évolutif : l'application de la sélection naturelle à l'entité « lapin » produit un
résultat opposé de son application à l'entité « groupe de lapins ».
La biologie regorge de ce type de problèmes : la cellule cancéreuse se multiplie
rapidement et prend l'avantage à court terme dans la course reproductive entre
cellules. La sélection appliquée aux cellules doit donc entraîner le cancer.
Cependant, le cancer met l'organisme, c'est-à-dire la communauté cellulaire, en
grand danger. Appliquée à l’organisme, la sélection doit éviter le cancer. Si le cancer
est évité, il semble que la sélection de l’organisme ait primé sur la sélection de la
cellule. Vu sous cet angle, on peut considérer que les cellules ont coopéré en
renonçant au cancer et que l’organisme, c’est-à-dire l’individu défini par le langage
courant, est l’unité de référence.
Pierre Sonigo – Les dimensions du vivant 5
BNF 19 nov 2003
Le bon choix d’unité …
Nous, humains, avons tendance à considérer que le bon point de vue c’est le nôtre !
D’ailleurs, le vrai individu, celui qui compte, que nous appelons individu dans notre
langage naturel, c’est notre personne, c’est-à-dire vous ou moi. Ce qui est à
l’intérieur de nous est appelé milieu intérieur, et ce qui est à l’extérieur de nous est
appelé environnement. Cela nous semble une évidence. Or ce choix qu’on pourrait
dire anthropocentrique est très structurant par rapport aux théories et aux
descriptions qu’on va pouvoir faire du vivant.
La nature est un emboîtement de groupes et d’individus : un atome est un groupe de
particules, une molécule un groupe d’atomes, une cellule un groupe de molécules,
un organe un groupe de cellules, un individu un groupe d’organes. Question : peut
on définir ce qui est individu et ce qui est groupe dans l’absolu ? Réponse : bien sûr
que non, cela ne peut relever que d’un choix, d’une définition, avec tout le côté
arbitraire d’une définition, d’une convention. Mais à partir du moment où l’on fait un
choix de ce type, on renonce au relativisme de l’observation.
L’on ne voit pas au nom de quoi décider que ce groupe qu’on a favorisé dans la
théorie est le groupe de référence pour la biologie. Cela semble quand même une
étrange coïncidence, un peu troublante, que le bon groupe soit toujours nous.
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