Les
dimensions du vivant
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La théorie de l’évolution a besoin de définir une entité de
référence, une
((
unité
D
de mesure du vivant. En effet, la sélection
naturelle évalue la reproduction de cette entité. En biologie, tout se
reproduit de manière enchevêtrée. I1 en résulte que selon l’unité
choisie, les résultats ne sont pas les mêmes, comme si les lois de la
physique variaient selon que l’on effectue les mesures en mètres ou en
pieds. Selon que l’on choisit les molécules, les cellules, les organismes,
les espèces comme entités de référence, on obtient des théories
différentes
:
les biologistes parlent de gène égoïste, darwinisme
cellulaire, darwinisme classique, sélection de groupe, etc.
Pour illustrer cette question difficile, prenons l’exemple du cancer.
On peut décider que l’entité
à
prendre en compte pour la sélection
naturelle est la cellule. Comme les cellules cancéreuses se multiplient
plus vite que les cellules normales, la sélection naturelle doit favoriser
le cancer.
Du
point de vue de la cellule, le cancer est donc une bonne
chose. Maintenant, si l’on prend comme entité de référence le corps
humain dans son entier, le cancer est une mauvaise chose. En fonc-
tion du point de vue de l’observation, le cancer va être favorisé ou
défavorisé par la sélection naturelle. Ainsi, la théorie de l’évolution
prédit deux résultats opposés, en fonction d’un choix d’observation.
D’un
point de vue strictement objectif; la question se pose de savoir quel
est le meilleur point de vue
:
dificile de choisir, de l’individu
ou
du groupe, de
l’altruisme ou de l’égoïsme.
En
l’occurrence, la cellule cancéreuse est égoïste.
Si l’on considère que ce qui compte est le corps dans son ensemble,
les cellules ne sont que des parties de ce groupe. On attend alors des
cellules qu’elles soient altruistes, d’une certaine manière, qu’au lieu de
se reproduire pour elles-mêmes, elles se conforment aux intérêts du
groupe auquel elles appartiennent. Au contraire, si ces cellules sont
considérées comme des individus, elles développeront un comporte-
ment de reproduction égoïste, entre guillemets, c’est-à-dire du point de
vue de la sélection naturelle.