L’HOMME À LA RECHERCHE DE NOUVEAUX MONDES
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PARCOURS 2008-2009
L’Homme
à la recherche
de nouveaux mondes:
une nouvelle
révolution
copernicienne?
Sylvie Vauclair
Astrophysicienne, Université Paul Sabatier
Auteur de « La Terre, l’Espace et au-delà »,
(préface Hubert Reeves), éditions Albin Michel, 2009
L’année mondiale de l’astronomie commémore les 400 ans de la première
lunette astronomique de Galilée, donc aussi, peut-on dire, de la « révolution
copernicienne ». Même si la lunette existait déjà depuis quelque temps, Galilée
eut l’idée originale de la pointer vers le ciel et d’étudier ainsi les objets célestes. Il
découvrit des montagnes sur la Lune, des taches sur le Soleil, des satellites autour
de Jupiter, il découvrit aussi que la planète Vénus n’apparaissait pas toujours
ronde mais présentait des « phases », autant d’observations qui allaient dans le
sens logique d’une Terre planète, tournant autour du Soleil comme les autres,
selon le modèle de Copernic.
Il y a quarante ans, l’Homme marchait sur la Lune pour la première fois.
Quelle évolution! Nous vivons une époque exceptionnelle, pour la première
fois de toute son histoire l’humanité quitte son berceau, soit en personne, soit en
envoyant des instruments et des robots qui renvoient eux-mêmes vers la Terre les
informations récoltées. Les conséquences sont énormes. Est-ce comparable à la
révolution copernicienne, ou même peut-être encore plus bouleversant?
La « révolution copernicienne » et au-delà
La « révolution copernicienne », ce fut la compréhension que la Terre n’est
pas le centre du monde, la Terre est une planète qui se déplace dans l’espace, la
Terre fait partie du ciel, la Terre et le Ciel, c’est pareil. À l’époque, de telles idées
étaient très difficiles à accepter. Et pourtant, elles « étaient dans l’air » depuis
bien longtemps. Déjà au temps de la Grèce antique, environ 300 ans avant JC, un
philosophe, Aristarque de Samos, avait émis l’idée que peut-être la Terre tournait
autour du Soleil plutôt que l’inverse. Mais les esprits n’étaient pas préparés à
accepter une telle déduction.
La raison principale qui a conduit à cette révolution, c’est l’observation du
mouvement des planètes dans le ciel. La planète Mars se déplace tranquillement
au cours de l’année par rapport aux constellations, mais quelquefois elle revient
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un tout petit peu en arrière pour repartir ensuite dans le même sens. C’est une
observation évidemment impossible à expliquer si Mars tourne autour de la Terre
d’un mouvement circulaire uniforme. Trouver des raisons possibles pour ces petits
retours en arrière est bien difficile si la Terre est le centre du monde. En revanche,
si le Soleil est au centre, et si la Terre est elle-même une planète, alors c’est facile
à expliquer : il s’agit uniquement d’un effet géométrique. En raison de leurs
périodes orbitales différentes, on peut avoir l’impression depuis la Terre qu’une
planète retourne en arrière pour repartir ensuite dans la direction originale.
Ce fut une révolution énorme car les sociétés européennes étaient totalement
imprégnées de la philosophie d’Aristote, selon laquelle la Terre, qui se trouvait au
centre du monde, était le siège à la fois du bien et du mal, ainsi que du change-
ment, alors que le monde céleste, au-delà de la lune, était parfait et immuable. Il
est intéressant de constater à quel point les idées d’Aristote ont influencé la reli-
gion chrétienne à l’époque du Moyen-Age et au-delà.
Au Moyen-Âge, les planètes (astres errants) étaient au nombre de sept,
incluant la Lune et le Soleil: dans l’ordre la Lune, Mercure, Vénus, le Soleil, Mars,
Jupiter, Saturne, et enfin le firmament, sphère céleste portant les étoiles. Cette
suite des planètes est à l’origine des jours de la semaine: le Soleil étant reconnu
comme particulier, on comptait les planètes en commençant par la première, puis
on sautait à la première après le Soleil. Retour à la deuxième puis la deuxième
après le Soleil, etc. Ce qui donne: Lune, lundi, Mars, mardi, Mercure, mercredi,
Jupiter, jeudi, Venus, vendredi, Saturne, samedi, puis le jour du Soleil et du
Seigneur, Dimanche, Sunday, Sonntag.
Les planètes avaient des muses attitrées: il y avait en tout neuf muses, ce qui
permettait d’en attribuer sept pour les planètes, une pour la Terre (Thalie, muse
de la comédie) et une pour le firmament (Uranie, muse de l’Astronomie). Elles
avaient aussi chacune une note de musique, ce qui représentait les sept notes de la
gamme de Pythagore (la Terre, immobile, ne bénéficiait pas de notes car la
musique était associée au mouvement). La révolution copernicienne a donné un
coup de pied dans ce bel édifice: la Terre a cessé d’être le centre du monde pour
laisser sa place au Soleil.
L’image de l’Univers aujourd’hui
Nous sommes à présent bien au-delà de l’image copernicienne du monde. Il a
fallu attendre le début du XXesiècle pour comprendre que le Soleil est une étoile
semblable aux autres, sans caractéristique particulière autre que d’héberger la
planète Terre dans son sillage, planète qui nous concerne tout particulièrement!
Le Soleil fait partie des 200 milliards d’étoiles qui constituent la Voie Lactée,
notre Galaxie. Il n’en est pas le centre, mais se trouve plutôt vers la périphérie. Il y
a des milliards de milliards de galaxies comme la nôtre dans l’Univers.
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Il s’agit donc d’un grand saut qui va beaucoup plus loin que ce que l’on avait
découvert à l’époque de Copernic. Le Soleil n’est pas le centre du monde. Avec
les autres étoiles qui lui sont proches, il tourne autour du centre galactique, avec
une vitesse d’environ 250 km par seconde. De plus, comme pour toutes les étoiles,
il se superpose un mouvement particulier à ce mouvement d’ensemble. Quand la
Terre fait un tour complet, en une année, autour du Soleil, celui-ci s’est déplacé
dix fois plus vite dans la Galaxie. On est très loin de l’image d’une Terre qui décrit
une ellipse et revient au même endroit au bout d’un an. Dans la Galaxie, la trajec-
toire de la Terre ressemble plus à un gigantesque tire-bouchon très étiré vers
l’avant. Elle ne repasse jamais au même endroit.
Le système solaire, naissance et disparition
La représentation du système solaire a elle-même beaucoup évoldepuis le
modèle copernicien. Si je pose la question: « qu’est-ce que le système solaire? »,
on me répondra sans doute « un ensemble de planètes qui tournent autour du
Soleil ». Mais en réalité, le système solaire, c’est beaucoup plus que cela. Il faut
l’imaginer comme un immense disque constitué de milliards de petits objets, qui
s’étend presque jusqu’aux étoiles les plus proches. Il est entouré d’une sorte de
halo sphérique, les « nuages de Oort », réservoir de comètes. Les orbites des pla-
nètes se situent à l’intérieur de ce disque.
Il y a environ trois ans, l’Union Astronomique Internationale a déclaré que
Pluton n’était pas une vraie planète, mais seulement une planète naine. Cet évé-
nement a beaucoup frappé le public, alors que pour les astronomes profession-
nels, l’importance n’était pas très grande. Pluton a été retiré de l’ensemble des
planètes car il n’est pas unique: il y a beaucoup d’objets célestes qui, comme lui,
tournent autour du Soleil sur une orbite semblable. Pluton n’en est qu’un parmi
d’autres. Fallait-il tous les considérer comme des planètes, ou bien redonner à
Pluton la place qu’il aurait toujours avoir, celle d’un petit objet parmi d’au-
tres? La communauté a choisi la voie de la raison. Le plus intéressant dans cette
affaire, ce sont les réactions du public. Il est difficile d’accepter de modifier ce que
l’on a appris à l’école. Et pourtant c’est ainsi que la science évolue.
La formation d’une étoile entourée d’un disque de gaz et de poussières, sus-
ceptible d’évoluer en planètes, est un phénomène courant dans l’espace. Tout se
passe dans ces grands nuages de gaz que l’on appelle des nébuleuses, comme par
exemple la nébuleuse d’Orion. Ces grands nuages sont très mouvementés, ils sont
le siège d’ondes de chocs, de turbulences parfois supersoniques, et ils tournent,
comme tout ce qui se trouve dans les galaxies. Lorsqu’un nuage qui tourne se
condense sous l’effet d’une compression locale, il prend naturellement la forme
d’un disque avec un renflement au centre. Par la suite, la partie centrale enfle et
devient sphérique. Elle s’échauffe dans ses gions centrales, et peut éventuelle-
ment atteindre des températures de fusion nucléaire. Elle se stabilise alors et
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devient une étoile. Pendant ce temps, dans le disque, les particules s’entrecho-
quent et s’agglomèrent. Elles forment des petits cailloux et rochers qui à leur tour
peuvent se coller entre eux comme des boules de neige, à l’occasion de chocs.
Ainsi, finalement, peuvent se former des planètes.
Le XXesiècle a permis des observations impossibles auparavant, grâce à la
conquête spatiale. Les scientifiques ont à présent construit des instruments capa-
bles d’observer la naissance d’étoiles avec leur disque autour. L’observation doit
se faire en rayonnement infrarouge, car les jeunes étoiles entourées de leur cocon
ne se vèlent pas dans les longueurs d’ondes des rayonnements visibles à l’œil. Il
faut donc envoyer ces instruments dans l’espace, à bord de satellites, car la plupart
des rayons infrarouges sont arrêtés par l’atmosphère.
Un autre apport fondamental, c’est l’informatique. Avant les premiers ordina-
teurs, il était impossible de résoudre les équations qui régissent la structure
interne des étoiles. Par ailleurs l’informatique permet des expériences numé-
riques. On donne à l’ordinateur les conditions initiales d’un objet, par exemple
une nébuleuse galactique, les lois physiques qui le régissent, les événements qui le
perturbent, et on laisse l’ordinateur travailler comme si l’expérience se produisait
réellement. Ainsi, il est possible de représenter directement les naissances
d’étoiles. On remarque l’importance des effets collectifs: les étoiles ne se forment
pas seules. Elles sont nombreuses à se former en même temps, et subissent des
collisions dont dépend leur avenir. C’est ainsi que s’est formé le système solaire,
voici quatre milliards et demi d’années, avec le Soleil au centre, les planètes en
orbite, et le reste du disque qui ne s’est pas transformé en planètes tout autour
(ceintures de Kuiper) ou au milieu (ceinture d’astéroïdes).
Une autre découverte importante et récente, c’est que les planètes ne se
situent pas toujours à l’endroit où elles ont été formées au départ. Elles effectuent
des migrations vers l’étoile ou au contraire vers l’extérieur. Dans le système
solaire, Jupiter et Saturne ont bougé, la première vers l’intérieur, la seconde vers
l’extérieur. Et puis les « petits corps » du système solaire ont beaucoup voyagé.
Les comètes par exemple, qui se situent loin vers l’extérieur dans les nuages de
Oort, se sont formées beaucoup plus près du Soleil et ont été éjectées dans les
débuts du système solaire. À présent, leur orbite est parfois perturbée et elles
peuvent revenir près du Soleil. Il se produit alors un dégazage des roches qui
conduit aux queues caractéristiques.
Qu’adviendra-t-il par la suite? Le Soleil n’est pas éternel, pas plus que les
autres étoiles. Il lui reste cinq milliards d’années à vivre. Ensuite, il deviendra une
belle nébuleuse. Son cœur actuel se refroidira petit à petit et donnera une toute
petite étoile appelée « naine blanche » pendant que ses régions périphériques
enfleront et engloberont toutes les orbites actuelles des planètes. Tout ceci se pas-
sera lentement, tranquillement. En revanche, les étoiles plus grosses que le Soleil
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