Déficits immunitaires combinés sévères au Maroc 163
Tableau 1 Phénotypes des déficits immunitaires combinés sévères au Maroc et dans la littérature.
Séries Maroc Iran [10] France [8] Australie [9] Europe [7]
(1997—2008) (1981—1999) (1972—2004) (1995—2001) (2005—2008)
Nombre DIP 196 non disponible non disponible non disponible 7430
Nombre de DICS (%) 30 (13,3 %) 40 90 24 439 (5,91 %)
Âge moyen 10 mois 2 mois 4 mois 6 mois —
% des garc¸ons 56,7 60 61 76,9 —
Consanguinité 75 % 80 % — 20,8 % —
DICS (+ comptage NK) 25 27 84 20 237
DICS T−B+NK−3 (12 %) 7 (25,9 %) 38 (45 %)a13 (65 %)b93 (39,2 %)d
DICS T−B+NK+6 (24 %) 8 (29,6 %) 7 (8,3 %) 1 (5 %) 16 (6,8 %)e
DICS T−B−NK−2 (8 %) 1 (3,7 %) 7 (8,3 %) 4 (20 %) 45 (19 %)
DICS T−B−NK+14 (56 %) 11 (40,7 %) 32 (38 %) 2 (10 %)c83 (35 %)f
Différences significatives avec le Maroc : ap= 0,0002 ; bp= 0,0004 ; cp= 0,0017 ; dp= 0,0078 ; ep= 0,0107 ; fp= 0,0497 ; DIP : déficit
immunitaire profond ; DICS: déficits immunitaires combinés sévères.
tralie [8—10]. Ces données suggèrent une méconnaissance
des DIP en général, et des DICS en particulier, dans notre
région. La proportion des mâles avec des DICS est plus faible
dans notre série (56,7 %) que dans d’autres [9]. Cela reflète
probablement une proportion plus importante de formes
autosomiques récessives au Maroc, du fait du taux plus élevé
de consanguinité dans la population générale (Tableau 1).
En concordance avec cette hypothèse, nous avons observé
une forte proportion de cas de DICS T−B−(63,3 %). Le phé-
notype T−B−NK+est majoritaire (87,5 %), alors que dans la
série australienne, il ne comptait que pour 33,3 % des DICS
(p= 0,0017). En Iran, le taux était de 91,7 %. Tous ces phé-
notypes de DICS sont de transmission autosomique récessive
[4].
Les DICS T−B+NK−comptent pour 65 % et 45 % des cas en
Australie et dans le registre franc¸ais, respectivement. Au
contraire, seuls 12 % des patients présentaient un tel phé-
notype dans notre série. Dans des séries plus grandes, telles
le registre européen, la fréquence des DICS T−B+NK−est de
39,2 %. Cela est certainement dû à la forte incidence du DICS
lié à l’X, qui est prédominant dans les populations occiden-
tales, comme par exemple en France avec 22 cas (24,5 %)
[8] et en Australie avec 13 cas (50 %) [9]. Cette observation
confirme donc notre hypothèse. En effet, le pourcentage des
groupes de DICS à transmission exclusivement autosomique
récessive (T−B+NK+,T
−B−NK+et T−B−NK−) est significative-
ment plus élevé dans notre série qu’en Europe et Australie.
Parmi ces groupes qui ne présentent que des maladies à
mode de transmission autosomal récessif, les formes clas-
siques qui n’ont ni lymphocytes T, ni lymphocytes B, mais
un taux normal de NK, sont les plus fréquentes dans la
série marocaine (56,0 %), alors qu’elles ne représentent
qu’environ 10 % en Australie (p= 0,0017). L’importance de
ce groupe (T−B−NK+) est probablement due au grand nombre
de patients avec un déficit en RAG1 et RAG2 (RAGD) dans la
population maghrébine. Une sensibilisation de notre popula-
tion contre les mariages consanguins est nécessaire. De plus,
le groupe DICS T−B−est majoritaire, en particulier les DICS
T−B−NK+, probablement suite à un grand nombre de défi-
cits en RAG1 et RAG2. Toutefois, cette hypothèse nécessite
une étude moléculaire pour un diagnostic définitif. Peut-
être pourrons-nous trouver un effet fondateur au Maroc,
comme ce fut le cas pour le déficit en complexe majeur
d’histocompatibilité de classe II [11], ce qui faciliterait un
screening en période néonatale et rendrait possible le diag-
nostic prénatal.
Déclaration d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en
relation avec cet article.
Remerciements
Dr. Brahim Takourt, laboratoire d’immunologie, CHU Ibn
Rochd, Casablanca, Maroc.
Dr. Capucine Picard, centre d’étude des déficits immuni-
taires, Necker Hospital, AP—HP, Paris, France.
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