84 • ÉCONOMIE RURALE 299/MAI-JUIN 2007
NOTE DE LECTURE
loppement des pays industrialisés aussi
peu équitable pour les hommes que désas-
treux pour l’environnement. Le sixième
chapitre (intitulé « Clonera ? clonera
pas ? ») insiste sur « l’indétermination
éthique » à laquelle se trouvent confron-
tés tous ceux qui s’appliquent à évaluer
des situations aussi complexes que celles
que nous offrent les innovations issues
des recherches techno-scientifiques. C’est
dans son dernier chapitre que DV, pour-
suivant la solution qu’il a préconisée pour
sortir de l’indétermination éthique au
sujet du clonage (il s’agit de « rouvrir la
boite de Pandore relative à l’idée de fina-
lités présentes dans la nature) en appelle
à considérer la nature comme « une ins-
tance morale », une « nature inspiratrice
de sagesse humaine ».
Lorsque Dominique Vermersch dans les
premiers chapitres de son ouvrage s’inscrit
en faux contre l’universalisme de l’éco-
nomie, il critique la naturalisation du
social (et de la morale sociale) sous la
forme d’une soumission aux « lois » du
marché. Un marché qui a acquis, dans la
conception du monde qui s’est imposée
aux pays occidentaux, une transcendance
jadis réservée à Dieu. Étrangement, dans
le dernier chapitre (intitulé « La terre vue
du ciel »), il déplore que la modernité,
une fois qu’elle a clairement distingué
entre l’être et le devoir être, n’a plus cher-
ché d’inspiration morale dans la nature. Il
nous invite à retrouver cette « sagesse du
monde » des penseurs grecs et romains et,
de fait, en appelle (tout en s’en défen-
dant) à une naturalisation de la morale.
Il y aurait donc une mauvaise naturalisa-
tion de l’éthique sociale – celle qui accorde
une transcendance au marché –, et une
bonne – celle qui reconnaît la transcen-
dance de la nature. C’est que le marché
n’est qu’un mécanisme résultant des inter-
actions entre humains, alors que la nature
cette « demeure éthique », est harmonie
et que derrière les finalités que l’on y
peut découvrir et la « sagesse » dont on
doit s’inspirer, il y a celle du Créateur.
Dominique Vermersch
L’éthique en friche
Éditions Quæ - Collection Update Sciences et Techniques
Paris, 2007, 118 p., 26 €
L
e titre même de cet ouvrage avertit le
lecteur : il ne s’agit pas d’un livre uni-
versitaire, plus ou moins ennuyeux pour le
profane, mais d’un manifeste vigoureux.
Un manifeste qui « convie à une pause »
réflexive. S’il s’était d’ailleurs agi d’une
œuvre académique, il eut été pour le
moins osé (et, au pire, franco-français) de
choisir un tel titre, tant la philosophie
morale et l’éthique appliquée ont connu
tout au long du XXesiècle, aux USA,
comme dans bien des pays européens
(Allemagne, Royaume-Uni, Danemark,
etc.), d’importants développements. Mais
il est vrai que, jusqu’à ces dernières
années, l’Université française avait laissé
l’éthique en jachère (en dépit de Ricoeur).
C’est la raison pour laquelle il m’a semblé
plus conforme au statut de cet ouvrage de
fournir une impression globale que d’en-
trer dans des détails techniques destinés,
ici à approuver, là à développer, ailleurs à
contester, les arguments de l’auteur.
Ce livre de 113 pages est composé de sept
chapitres. Après avoir justifié son titre
(chapitre I) et remarqué fort justement
que la prolifération des références à
l’éthique ne signifie pas que celle-ci soit
prise au sérieux, Dominique Vermersch
(DV) consacre quatre chapitres à l’éthique
économique et sociale. Cela commence
par une reprise nuancée de la critique
illitchienne de la contre-productivité de la
société industrielle (chapitre II), se poursuit
par une critique des prétentions de l’éco-
nomie à dire la vérité de la totalité sociale
(chapitre III), puis par une analyse des
relations de compétition mimétique entre
l’éthique et la politique (chapitre IV). L’en-
semble culmine dans un remarquable cin-
quième chapitre, consacré à la politique
agricole qui a imposé le modèle de déve-
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