Cet ouvrage détaille l’approche NER 21 en s’appuyant sur le parcours thérapeutique de plusieurs personnes atteintes d’hémiparésie, d’hémiplégie ou d’ataxie. Il montre comment l’intégration des facteurs environnementaux et l’interdisciplinarité permettent d’améliorer l’efficacité des interventions mises en places. La rééducation est trop souvent une activité confinée à un cabinet ou un centre de rééducation. Michèle H. Gerber et les contributrices de cet ouvrage se placent du côté de la personne traitée, dans son environnement quotidien. Les avancées de la neurophysiologie nous ont montré que l’approche environnementale en neurologie est incontournable. À lire et à intégrer dans sa pratique. Dominique MONNIN – Responsable Recherche & Qualité en Physiothérapie aux Hôpitaux universitaires de Genève. Michèle H. Gerber est une formatrice et une thérapeute passionnante et passionnée. Avec la collaboration d’auteurs et de chercheurs renommés, elle nous offre ici une belle synthèse de recherches, ainsi qu’une démarche scientifique étayée. Grâce à ses exemples concrets, ce livre permet de cerner les problématiques bio-psychosociales des personnes cérébrolésées et propose des réponses innovantes aux kinésithérapeutes, ergothérapeutes, orthophonistes et thérapeutes des soins. Florence JEAY – Ergothérapeute DE (Paris), Bc es Sciences en ergothérapie (Montréal), Master Sciences de l’éducation (Rouen/France), responsable formation continue à l’ANFE. Cet ouvrage, écrit par des expertes-cliniciennes, met l’accent sur la satisfaction des patients et présente une approche unique qui tient compte de l’intégration des systèmes neuraux dans la démarche de réadaptation. L’ensemble de l’ouvrage est un bel exemple de raisonnement clinique interdisciplinaire. Conception graphique : Baptiste Manchon Ana Inés ANSALDO – Professeure agrégée, département d’orthophonie et d’audiologie, faculté de médecine, université de Montréal, directrice de l’enseignement, Institut universitaire de gériatrie de Montréal, directrice de laboratoire, centre de recherche de l’IUGM. + Les « plus » De nombreuses photographies en couleurs. Écrit par une équipe internationale de professionnelles de la santé en kiné-physiothérapie, ergothérapie, orthophonie et médecine de réhabilitation. Une approche basée sur les données les plus récentes de la neuroplasticité et de la science du mouvement (contrôle moteur et apprentissage moteur). Publics www.deboeck.fr Kiné-physiothérapeutes Ergothérapeutes ISBN : 978-2-35327-186-3 Personnel soignant Orthophonistes Psychomotriciens Physiatres et neurologues NER21 Michèle H. Gerber Approche thérapeutique neuro-environnementale après une lésion cérébrale L’approche NER 21 utilise le concept Bobath actuel comme cadre de référence. Elle est indiquée pour toutes symptomatologies du système nerveux central. Elle insiste sur les facteurs contextuels, personnels et environnementaux de la classification internationale du fonctionnement (CIF) décrite par l’OMS. Tout en tenant compte des déficiences sous-jacentes, les stratégies thérapeutiques proposées abordent le traitement sous l’angle de l’activité et de la participation qui sont directement liées à l’amélioration de l’indépendance fonctionnelle et de la qualité de vie. Approche thérapeutique neuro-environnementale après une lésion cérébrale Concept NER 21 neuro-environmental Rehabilitation 21st Century Sous la direction de Michèle H. Gerber Préface de Daniel Bourbonnais Approche thérapeutique neuro-environnementale après une lésion cérébrale Sous la direction de Michèle H. Gerber Pour toute information sur notre fonds et les nouveautés dans votre domaine de spécialisation, consultez notre site web : www.deboeck.fr De Boeck-Solal 47, rue d’Enghien 75010 Paris Tél. : 01.72.36.41.60 © De Boeck Supérieur SA Éditions De Boeck Université Fond Jean Pâques 4, B1348 Louvain-la-Neuve Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent ouvrage, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public, sous quelque forme ou de quelque manière que ce soit. Imprimé en Belgique Dépôt légal : Bibliothèque nationale, Paris : janvier 2014 ISBN : 978-2-35327-186-3 As we let our own light shine, we unconsciously give other people permission to do the same. (En laissant notre propre lumière irradier, nous permettons inconsciemment aux autres de faire de même.) Nelson Mandela Parfois la vie nous teste et met à l’épreuve notre capacité d’adaptation. Les cinq sens des handicapés sont touchés, mais c’est un sixième qui les délivre. Bien au-delà de la volonté, plus fort que tout, sans restriction, ce sixième sens qui apparaît, c’est simplement l’envie de vivre. Grand Corps Malade, Patients, 2012, Éditions Don Quichotte T H É O R I E ET PRÉSENTATION DE CAS CLINIQUES V Sommaire Contributrices et contributeurs............................................................................................................V Sommaire.............................................................................................................................................VII Préface.................................................................................................................................................IX Avant-propos........................................................................................................................................XI Approche conceptuelle NER 21 1 2 3 4 Introduction...............................................................................................................................1 Le syndrome de déconditionnement bio­psychosocial, ou BPS-D syndrome........................... 13 Le deuil fonctionnel...................................................................................................................43 Les lignes gravitaires logiques et illogiques et leur influence sur la récupération fonctionnelle..............................................................................................51 Théorie et présentation de cas cliniques 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 Rôle du neurorééducateur dans la réhabilitation du patient victime d’un AVC........................69 Neuropsychologie et réadaptation neuro-environnementale...................................................85 Intégrer la personne avec aphasie sévère aux décisions qui la concernent ............................105 Évolution d’une personne présentant une dysarthrie et une dysphagie sévères de type ataxique .............................................................................119 Reprendre son activité de médecin ORL....................................................................................165 Organiser sa vie avec une ataxie importante............................................................................195 Prévenir et traiter la subluxation ou la douleur de l'épaule parétique......................................217 Activation durant les soins matinaux en phase précoce : lever, toilette, habillage et petit déjeuner........................................................................................................231 Améliorer la participation dans les AVQ en diminuant l’hémi-négligence...............................237 Reprendre son poste d’enseignante et refaire du théâtre........................................................247 V VI Chapitre 1 S O M M A I R E 15 16 Pouvoir s’occuper de son nouveau-né.......................................................................................257 Établir une relation mère-fille équilibrée malgré l’ataxie et la paralysie faciale......................261 Approches thérapeutiques intégrées 17 18 19 20 Le chien de réadaptation utilisé en physiothérapie neurologique...........................................267 Intégration post-AVC du relâchement myofascial dans un programme de rééducation du membre supérieur et de la main basé sur l’approche Bobath / Ner 21.......277 Intégration du neurodynanisme dans l’évaluation et le traitement de personnes avec une atteinte du SNC...........................................................................................................289 Rééducation de la main parétique à l’aide d’orthèses fonctionnelles (pour les personnes ayant subi un AVC).....................................................................................................................303 Témoignages de personnes atteintes et de leur entourage 21 22 23 Des deux côtés du miroir : de médecin à patient en quelques minutes....................................325 Mon couple après......................................................................................................................329 Le collier de perles.....................................................................................................................333 Remerciements....................................................................................................................................349 T H É O R I E ET PRÉSENTATION DE CAS CLINIQUES VII Contributrices et contributeurs Approche conceptuelle NER 21 Michèle H. Gerber : physiothérapeute HES, senior instructor IBITA (International Bobath Instructors Training Association), clinicienne experte NER 21 (Neuro-Environmental Rehabilitation 21st Century), consultante indépendante en neuro-réhabilitation, représentante permanente pour la fédération internationale BPW (Business & Professional Women) auprès de l’Organisation Mondiale de la Santé, Sierre (Suisse) et Cape Town (Afrique du Sud). Dr. Ursula K. Imhof : médecin, physiatre spécialisée en médecine sportive et psychosomatique, Sierre (Suisse) et Cape Town (Afrique du Sud). Théorie et présentation de cas cliniques Dr. Philippe Vuadens : neurologue, médecin-chef du département de neuro-réhabilitation de la clinique Romande de réadaptation, Sion (Suisse), consultant en neurologie au Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV), Lausanne (Suisse). Marie Julien : orthophoniste, clinicienne-chercheuse, formatrice OOAQ (Ordre des orthophonistes et audiophonistes du Québec), chargée de cours à l’université de Montréal, clinicienne experte NER21, Montréal (Canada). Nicole Sève-Ferrieu : ergothérapeute, directrice ADERE (Association pour le développement, l’enseignement et la recherche en ergothérapie), clinicienne experte NER 21, Paris (France). VII VIII Chapitre 1 C O N T R I B U T R I C E S ET CONTRIBUTEURS Lynda Rondeau : physiothérapeute, clinicienne-chercheuse, chargée de cours à l’université de Sherbrooke, clinicienne experte NER 21, Sherbrooke (Canada). Anna Greenblatt : ergothérapeute, directrice d’InterAction Rehabilitation Inc., praticienne experte en relâchement myofascial, clinicienne experte NER 21, Toronto (Canada). Dre. Susan Ryerson : DSc, physiothérapeute, clinicienne et chercheuse, senior scientist, Center of Applied Biomechanics and Rehabilitation Research, National Rehabilitation Hospital, senior instructor IBITA (International Bobath Instructors Training Association), clinicienne experte NER21, Washington DC (USA). Sheena Irwin-Carruthers : physiothérapeute, senior instructor IBITA (International Bobath Instructors Training Association), clinicienne experte NER 21, ancienne directrice du département de physiothérapie de l’université de Stellenbosch, Cape Town (Afrique du Sud). Témoignages Dr. PD Blaise Haldimann : médecin spécialisé en médecine interne, Sierre (Suisse). Marie-France Favre : aidante naturelle de son époux, Genève (Suisse). Lucie Moisan : infirmière, Canada et suisse. P R É F A C E IX Préface L’approche neuro-développementale de Bertha et Karel Bobath a été initialement développée sur la base d’observations cliniques mais aussi sur les connaissances en neurophysiologie disponibles à cette époque. Les recherches en neurosciences s’intéressaient aux activités réflexes et aux mécanismes spinaux et médullaires sous-jacents aux réflexes posturaux et aux activités motrices comme la marche et la posture. Ces notions neurophysiologiques étaient évidemment intégrées aux approches de traitement Bobath. A posteriori, il est fascinant de constater combien cette approche de traitement devenait visionnaire par l’addition de l’expertise et de l’expérience clinique. Pour illustrer mon propos, je prendrai l’exemple de l’importance de la stabilisation du tronc et de l’équilibre préconisée par l’approche Bobath comme préalable à la rééducation du mouvement. À leur époque, peu était connu sur ce sujet et ce n’est que beaucoup plus tard que les sciences du mouvement ont mis en évidence l’importance de la coordination entre posture et mouvement dans la réalisation du mouvement. Le présent ouvrage résume la démarche entreprise par Michèle H. Gerber et plusieurs spécialistes en réhabilitation neurologique pour bâtir une nouvelle approche écologique s’appuyant sur les fondations du concept Bobath. L’approche de réhabilitation neuroenvironnementale du 21e siècle (NER 21) est maintenant utilisée internationalement pour la réadaptation de tous les troubles neurologiques d’origine centrale et se base sur l’approche Bobath actuelle ou Bobath-Based Rehabilitation (BBR). Ce concept de NER 21 intègre les récentes connaissances en neurosciences et en sciences du mouvement qui ont connu un essor important au cours des vingt dernières années. Par ailleurs, les modèles de réadaptation ont aussi beaucoup évolués au cours des dernières années. Les concepts de participation, d’activité et de l’environnement sont maintenant au centre de nos interventions et l’approche neuro-environnementale intègre totalement ces concepts. La composante psychosociale prend aussi sa place dans cette approche et les nouvelles connaissances sur l’importance de la dépression dans le processus de réadaptation d’une personne suite à un accident vasculaire cérébral en sont un exemple. Michèle H. Gerber est une clinicienne dévouée à la pratique clinique depuis plus de 30 ans qui exerce maintenant au Canada, en Suisse et en Afrique du Sud. Elle est à plusieurs égards un modèle professionnel pour nous tous. Érudite, elle s’intéresse à tous les développements dans le domaine des neurosciences et de la réadaptation. Elle est une communicatrice hors pair et un agent de changement dédié à la formation des cliniciennes. Depuis plusieurs années, elle vient annuellement former les thérapeutes en ergothérapie, physiothérapie, orthophonie et des thérapeutes des soins québécois à l’approche NER 21. J’ai, à chacune de ces occasions, la chance et toujours le plaisir de discuter avec elle, des avancements de son travail avec les expertes cliniciennes de NER 21. Dans le domaine de la recherche, on insiste beaucoup sur le transfert des connaissances de la recherche vers la clinique. À mon avis, le transfert des connaissances doit être bidirectionnel et doit aussi se faire de la clinique vers l’académique. Le présent ouvrage est important pour bien décrire l’approche clinique NER 21 et en saisir les concepts fondamentaux et son application. Ma formation académique m’indique que certaines démarches plus rigoureuses seront nécessaires pour appuyer cette approche comme l’évaluation de l’efficacité du traitement et le développement d’outils d’évaluation. Mais ce travail est d’envergure, il permettra une meilleure compréhension de l’approche NER 21 et donnera des assises à son évaluation et son développement. En effet, je crois que, comme l’a prouvé le travail extraordinaire des Bobath, qu’une nouvelle vision clinique en neuro-rééducation-réadaptation et réhabilitation ne peut émaner que d’un maillage entre les connaissances des neuroscientifiques et l’expertise des cliniciennes en neuro-réadaptation. Daniel Bourbonnais, Montréal, Canada, 2013. IX A V A N T - P R O P O S XI Avant-propos Du concept NER 21 au livre Le concept NER 21 (Neuro-Environmental Rehabilitation 21st Century) est une approche de neuroréadaptation trans-, inter- et pluri-professionnelle basée sur la résolution de situations fonctionnelles problématiques. Il est largement utilisé dans le monde, avec l’approche Bobath actuelle, pour la neuro-réadaptation d’origine centrale. Établi à partir de la Classification internationale du fonctionnement (CIF) de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), il propose des stratégies thérapeutiques pointues pour améliorer l’indépendance fonctionnelle et la qualité de vie. Ces stratégies sont centrées sur la participation active des personnes avec une atteinte neurologique centrale et sur les activités, choisies en fonction du projet thérapeutique. Les déficiences sous-jacentes limitant ces activités sont alors traitées en premier. Les auteures ont pris le parti de ne pas présenter la rééducation à travers des déficiences ou des parties du corps. Elles ont donc mis en place une approche originale qui l’aborde par le biais de situations systémiques personnelles problématiques (Problem solving approach). La rééducation de la marche, par exemple, n’est pas traitée dans un chapitre particulier : elle est décrite sous différents angles dans plusieurs chapitres. Cette présentation clinique comprend également des approches transversale, systémique et biopsychosociale. Toutes les personnes visibles sur les photos ont accepté d’apparaître à visage découvert. Ce consentement témoigne de leur engagement et de la légitimité qu’a l’approche NER 21 à leurs yeux. à quels besoins l’ouvrage répond-il ? Réalisé en collaboration avec des spécialistes en neuro-réadaptation (physio-kinésithérapie, ergothérapie, orthophonie, soins infirmiers, médecine et neuropsychologie), cet ouvrage est le premier à présenter l’approche NER 21 et à décrire le concept Bobath actuel en français. La structure et le contenu (contributions d’expertes cliniciennes, de médecins, témoignages de personnes hémiparétiques, ataxiques, dysarthriques ou dysphagiques et de leurs entourages) font de cet ouvrage un objet unique. De plus, les formations de base en physio-kinésithérapie, en ergothérapie, en orthophonie et en soins infirmiers sont de plus en plus orientées vers l’apprentissage de type universitaire. Lorsqu’elles arrivent dans le milieu professionnel, les thérapeutes présentent souvent des lacunes au niveau de la compétence purement clinique. Cet ouvrage propose donc à ces étudiantes et à ces jeunes professionnelles des outils de raisonnement clinique performants (évaluations et traitements) qu’elles peuvent adapter, à partir de leurs connaissances, aux situations auxquelles elles sont confrontées. À qui s’adresse-t-il ? Cet ouvrage s’adresse à tous les professionnels qui interviennent dans la réadaptation neurologique, c’est-à-dire aux physio-kinésithérapeutes, aux ergothérapeutes, aux orthophonistes, au personnel soignant, aux neuropsychologues ainsi qu’aux médecins rééducateurs ou physiatres qui s’occupent de personnes présentant une lésion neurologique suite à une attaque cérébrale, à un traumatisme cranio-cérébral, à une sclérose en plaques ou à un syndrome ataxique avec dysarthrie et dysphagie. Il est également destiné à tous les cliniciens qui travaillent dans des services de soins intensifs, de rééducation, de réadaptation, d’hôpital de jour, d’établissement médico-social, et de soins de longue durée ou à domicile. Enfin, il pourra intéresser les étudiants et les thérapeutes en formation. Remarque : afin d’alléger le texte, le mot « thérapeute » est utilisé sous sa forme féminine. Michèle H. Gerber XI 1 Introduction C 1. Définition et indications du concept NER 21 2. Philosophie du concept NER 21 3. L’intégration des notions de la neuroplasticité dans NER 21 4. Principes d’application de NER 21 5. Évaluation systématique et raisonnement clinique de NER21 6. L’alignement physiologique et pathologique 7. Conclusion 8. Références Michèle H. Gerber e chapitre fait le point sur quelques définitions indispensables à la compréhension de l’approche neuro-environnementale (NER 21) et d’autres approches en rééducation neurologique. 1 2 Chapitre 1 I N T R O D U C T I O N 1. Définition et indications du concept NER 21 1.1. Définition Pourquoi ce terme de NER 21, ou Neuro-Environmental Rehabilitation of the 21st century ? Qu’est-ce qui distingue cette approche des autres méthodes de rééducation ou réadaptation ? La réponse se trouve – partiellement – dans les termes eux-mêmes. La réhabilitation est, selon Kernbaum (Dictionnaire de médecine Flammarion, 2008) [1]1, un synonyme de réadaptation, elle se définit comme l’ensemble des mesures qui, outre la rééducation fonctionnelle des handicapés, vise à développer leurs possibilités physiques, psychiques et professionnelles et à les intégrer dans la vie publique et privée. Le Dictionnaire illustré des termes de médecine Garnier Delamare [2] définit la réhabilitation comme une mise en condition d’un ancien malade ou d’un infirme pour le rendre capable de reprendre une place décente dans la société. Enfin pour Wainsten (2012) [3], c’est un « programme personnalisé et multidisciplinaire de prise en charge de patients atteints de maladies respiratoires, afin d’optimiser les performances physiques, l’insertion sociale et l’autonomie ». Quant à l’environnement, Wainsten le définit comme l’« ensemble des éléments qui entourent un individu. Les facteurs déterminants sont d’ordre physique, biologique et socio-psychologique ». NER 21 est une approche environnementale et biopsychosociale de réhabilitation pour les personnes ayant une atteinte du système nerveux central. Le terme « réhabilitation » s’applique à toutes les étapes de l’évolution, que ce soit durant la phase précoce, la rééducation ou la réadaptation. Elle utilise comme cadres de référence : • la Classification Internationale du Fonctionnement (CIF) du Handicap et de la Santé décrite en 2001 par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) [4] ; • l’approche systémique et communautaire (community-based rehabilitation, ou CBR) [5] ; • la classification basée sur les résultats probants (outcome-based rehabilitation, ou OBR) [6]. Le but principal est d’améliorer l’indépendance fonctionnelle et la qualité de vie des personnes atteintes dans leur intégrité physique. NER 21 s’inspire des concepts Bobath et Bobathbased rehabilitation. Intégrant les connaissances actuelles de la science du mouvement (contrôle et apprentissage moteur) [7] et de la plasticité neuronale [8], NER 21 est fondée sur la pratique basée sur la preuve (evidence-based practice, ou EBP) qui repose elle-même sur trois piliers : . Les chiffres entre crochets renvoient aux références bibliographiques de fin de chapitre. 1 • l’intégration des données probantes tirées des conclusions de la recherche scientifique actuelle ; • la reconnaissance et la valorisation de l’expertise des cliniciennes ; • le respect des préférences de la personne concernée (Sackett et al., 2000) [9]. La pratique basée sur l’évidence décrite par Sackett et al. dès 2000 a convaincu la majorité des cliniciennes car l’EBP valorise leur expertise et correspond à leur éthique et leurs valeurs. L’accent est mis non seulement sur la multidisciplinarité mais sur l’interdisciplinarité voire la transdisciplinarité ainsi que l’intégration de la personne et de son entourage aux décisions qui les concernent (attentes et besoins), et cela dès la phase précoce. Si le terme 21st century peut paraître présomptueux, il souligne avant tout le fait qu’il a été développé au début du présent millénaire et que son évolution dépendra des découvertes à venir. 1.2. Indications du concept NER 21 Toutes les atteintes du système nerveux central, qu’elles soient acquises ou congénitales, peuvent être traitées en utilisant NER 21. Si cet ouvrage présente surtout l’approche thérapeutique de symptomatologies hémiparétiques/plégiques ou ataxiques, les atteintes congénitales, (infirmités motrices cérébrales) avec composantes spastiques, ataxiques, athétosiques ou choréiques peuvent être abordées sous l’angle environnemental de NER 21. Pour une symptomatologie ataxique ou parkinsonienne, l’approche NER 21 vise, par un meilleur contrôle postural, à l’amélioration de la réalisation et précision du mouvement et ainsi l’optimisation de l’indépendance fonctionnelle. Pour une symptomatologie hémiparétique ou hémiplégique, le but est de stimuler au maximum le potentiel du côté atteint en utilisant les stratégies les plus efficaces décrites par les recherches sur la neuroplasticité et en science du mouvement. 2. Philosophie du concept NER 21 2.1. Raisonnement et expérience cliniques L’approche NER 21 s’appuie sur deux piliers méthodologiques indissociables : le raisonnement clinique et l’expérience clinique. Dans le raisonnement clinique (clinical reasoning), l’expérience clinique (clinical experience) occupe une place prépondérante. Les thérapeutes doivent fournir un effort de réflexion constant pour unir leurs expériences cliniques à celles des données probantes (c’est le principe de l’EBP) [10]. Dans le passé, l’expérience clinique des personnes suffisait à leur donner une reconnaissance 2. P H I L O S O P H I E presque illimitée. Par la suite, seules les thérapies prouvées scientifiquement ont été reconnues et acceptées. Actuellement, le pendule semble revenir au centre en intégrant le clinical-based practice (CBP) à l’EBP, ce qui valorise l’expertise des cliniciennes et correspond à leur éthique et à leurs valeurs professionnelles. Dans le cas d’une atteinte hémiparétique ou hémiplégique, on cherche à stimuler le côté parétique tout en diminuant voire empêchant les compensations par l’utilisation excessive du côté le moins atteint : voilà le pilier fondamental de la philosophie de l’approche NER 21, fondée sur le concept Bobath décrit par la physiothérapeute Berta Bobath dès les années 1960, et qui est en constante évolution grâce aux instructrices d’IBITA (International Bobath Instructors Training Association) [11]. La démarche NER 21 est également une approche biopsychosociale et écologique qui va bien au-delà de la simple rééducation de la pathologie que présente la personne hémiparétique ou hémiplégique car elle s’intéresse à la personne dans sa globalité et à l’intégration active de celle-ci dans son plan d’intervention. 2.2. La validation scientifique de l’expérience clinique Nombreux sont les exemples dans lesquels l’expérience clinique anticipe de plusieurs années la preuve scientifique. 2.2.1 L’importance de l’expérience clinique dans le processus de validation scientifique : l’exemple du syndrome pusher L’exemple de la description du syndrome pusher ou de latéropulsion décrit par Patricia M. Davies en 1985 [12] illustre bien cette réalité. Davies décrivit ce syndrome sur la base de son observation clinique et proposa des stratégies thérapeutiques basées sur le concept Bobath. Dans son enseignement, elle relevait que ce phénomène se manifestait principalement chez les patients présentant une hémiparésie ou une hémiplégie gauche. Jamais au préalable, ce syndrome pusher n’avait été décrit et aucune explication médicale n’existait. Ce n’est que suite aux publications de Karnath (2000) [13] et de Pérennou (2002) [14] que fut présentée une explication physiopathologique de ce syndrome qui serait dû à une pathologie des gravicepteurs se manifestant par une perception pathologique de la verticale posturale subjective (VPS) par rapport à la verticale subjective visuelle (SVV). Les auteures relèvent le rôle prépondérant de l’hémisphère droit dans cette élaboration d’un modèle interne de verticalité et dans le contrôle de l’élaboration du corps par rapport à la pesanteur. Ils concluent que le fait de « pousser » vers le côté parétique au moyen des extrémités du côté sain est un comportement postural qui conduit les patients à aligner leur posture en érection avec une référence erronée de la verticalité [15]. DU CONCEPT NER 21 Davies a mis l’accent sur la présence constante d’une héminégligence dans ce syndrome, présence contestée par Pérennou dans ses premières publications. Celui-ci reconnaît toutefois son existence lorsque l’atteinte est sévère. Par contre, la mise en évidence de l’atteinte d’une verticale posturale subjective ne remet nullement en question l’approche thérapeutique effectuée depuis plus de 25 ans. Les thérapeutes confrontées à des personnes manifestant une atteinte de la perception erronée de la ligne médiane du corps n’ont pas attendu que ce syndrome soit reconnu par les données probantes, ni qu’il soit relié au SNC, pour agir en appliquant des stratégies thérapeutiques efficaces. 2.2.2. L’importance du contrôle postural sur la production de la parole et la déglutition L’approche NER 21 met l’accent sur l’importance de l’allongement axial actif (AAA), c’est-à-dire du tronc et de la nuque. L’expérience clinique montre l’influence positive de cet alignement sur le contrôle postural. NER 21 considérant le corps dans son entier, il est logique que les thérapeutes en orthophonie en fassent partie. Berta Bobath a cherché à comprendre les liens entre l’efficacité de la production de la parole et la déglutition dans les atteintes neuro-musculaires. Elle a intégré le travail de l’orthophoniste auprès des enfants souffrant d’une paralysie cérébrale ainsi qu’auprès des adultes avec des atteintes acquises du SNC, et plusieurs orthophonistes ont collaboré au développement du concept pour les troubles de la parole et de la déglutition (Crickmay, 1966 ; Morris, 1972 ; Alexander, 1987 & 2000). L’orthophoniste anglaise Kay Coombes a beaucoup travaillé avec Berta Bobath et les instructrices du concept Bobath (adultes et enfants) auprès d’adultes hémiparétiques ou hémiplégiques, et a développé la thérapie de la face et de la voie orale (facial oral tract therapy, ou FOTT) [16]. Certaines de ses techniques de rééducation ont été présentées dans le livre de Patricia M. Davies : Steps to follow (2000). L’efficacité de ces interventions a été démontrée par Hansen, Engberg et Larsen (2008) [17] et par Carien, Beurskens et Heymans (2003) [18]. L’approche NER 21 considère que la dysarthrie et la dysphagie sont intimement liées sur le plan neuroanatomo-physiologique. Parole et déglutition doivent donc être traitées en synergie comme un ensemble dynamique nécessitant une approche globale de la posture corporelle. Nous estimons que la tête et le cou font partie d’une entité à la fois proximale, puisque ceux-ci sont situés dans l’axe postural, et distale, puisqu’ils contribuent à la production de mouvements fonctionnels spécifiques. Gerber et Julien (chapitre 8, « Évolution d'une personne présentant une dysarthrie et une dysphagie sévères de type ataxique ») ont développé des traitements en binôme « physiothérapeute + orthophoniste » en considérant la personne traitée comme étant au cœur de son processus thérapeutique. L'étude de Phillips et al. [19] 3 4 Chapitre 1 I N T R O D U C T I O N montre l'efficacité du travail du contrôle musculaire de la posture sur la parole. Une étude dirigée par Julien [20] est en cours pour déterminer les liens entre posture et parole. Des résultats préliminaires semblent démontrer des liens entre certains paramètres de la parole et une posture assise thérapeutique optimale (2013). 2.2.3. L’importance de l’alignement du tronc Panturin [21] argumente cette stratégie en rappelant que Mittelstaedt a trouvé d’une part des récepteurs de pression situés dans les reins, qui d’après Ammons sont connectés neurologiquement au cervelet, et d’autre part des récepteurs de tension situés dans les ligaments connectés avec les grands vaisseaux sanguins près de la colonne vertébrale. Elle propose donc de faciliter les récepteurs impliqués dans la verticale posturale subjective (VPS) en mobilisant passivement et activement le tronc inférieur sur un tronc supérieur stabilisé. Ces stratégies font partie intégrante de l’approche NER 21. Ainsi, l’approche NER 21 vise à redonner des informations sensori-motrices favorisant un meilleur contrôle postural et, par conséquent, permet une correction de l’alignement physiologique. L’approche s’intéresse directement au système atteint et aux déficiences sous-jacentes qui en résultent. Elle s’oppose en cela à l’utilisation de stratégies compensatoires telles que la vision. En effet, l’approche NER 21 utilise la vision afin de recruter le répertoire sensori-moteur (central set) en demandant au patient de regarder un objet devant soi, dans son champ visuel par exemple, mais elle ne demande que très rarement à la personne de remplacer la perception du corps par la vision. 2.3. L’approche NER 21 et l’approche centrée sur la personne concernée Dans l’approche patient-oriented readaptation/ patient-centered reeducation, la personne atteinte dans son intégrité physique est au centre de sa réadaptation et les thérapeutes gravitent autour d’elle (Randall & McEwen, 2000) [22]. Encore trop souvent, les spécialistes colloquent et rendent leur verdict sans consulter la personne concernée. Ce n’est que par la suite que celle-ci peut intervenir dans la discussion concernant ses choix ou projets de vie et souvent uniquement en présence du médecin. Bien des personnes n’ont pas le courage d’exprimer leurs désirs et continuent d’être impressionnées par les « blouses blanches ». Elles ont également peur de vexer le corps médical et préfèrent lui laisser le pouvoir de décider à leur place. Dans les pays où cette culture de respect des « blouses blanches » est remise en question voire abolie, comme en Amérique du Nord et en Australie, on s’aperçoit que l’individu a davantage conscience de ses droits mais également de ses devoirs. La collaboration est ainsi plus équilibrée et est construite sur un respect mutuel. Ceci lui permet de s’impliquer plus facilement dans sa réadaptation. NER 21 suggère donc d’abolir les uniformes blancs des professionnels de la santé et de porter plutôt des habits de couleurs vives (afin de stimuler l’attention du côté parétique où se tiennent les thérapeutes) et des vêtements quotidiens auxquels on ajoute un signe de reconnaissance afin de les différencier des autres personnes non-thérapeutes (voir l’étude menée par Vuadens et Gerber sur l’influence des habits de couleurs sur la récupération des personnes présentant une hémiparésie [28], chapitre 5, « Rôle du neurorééducateur dans la réhabilitation des personnes victimes d’un AVC »). 2.4. NER 21, Bobath et la thérapie par la contrainte : similitudes et différences cliniques La thérapie par la contrainte, ou constraint induced movement therapy (CIMT), consiste à immobiliser le bras sain pour favoriser la participation du membre atteint dans des séances de répétitions de mouvements. Son efficacité a été démontrée grâce à une étude à grande échelle de Wolf et Winstein (2006) [24] réalisée aux États-Unis et intitulée : EXCITE Stroke Trial (EXCITE étant l’acronyme d’Extremity Constraint Induced Therapy Evaluation). La philosophie de base des concepts NER 21, Bobath et de la thérapie par la contrainte est similaire puisqu’ils recherchent tous les trois la limitation maximale des compensations par le côté sain. Ces trois approches privilégient la stimulation du côté le plus atteint dans le cas d’une hémiparésie, et stimulent la participation active de la personne. 2.4.1. Les études EXCITE et ICARE : intérêt et limites ➤➤ L’étude EXCITE Même si l’étude EXCITE (Extremely constraint induced therapy evaluation) à propos de la thérapie par la contrainte est très prometteuse et laisse envisager à de nombreux patients des résultats très positifs dans un court laps de temps, il est dommage que ces publications omettent souvent de préciser les critères d’exclusion (l’héminégligence, les problèmes de perception ou neuropsychologiques), alors qu’ils sont présents chez la plupart des personnes en réadaptation. Les candidats à l’étude EXCITE devaient également avoir au préalable des possibilités de mouvements sélectifs du membre supérieur et de la main parétique que peu de personnes profitant d’une réadaptation dans nos contrées peuvent réaliser. ➤➤ L’étude ICARE L’étude ICARE en cours évalue la praticabilité et l’efficacité de la thérapie par la contrainte avec des individus présentant une hémiparésie en phase précoce et un potentiel de récupération moins élevé que pour l’étude EXCITE. 3. L ' I N T É G R A T I O N ➤➤ Conclusion Les résultats probants de l’étude EXCITE sont toutefois constructifs car les évidences scientifiques qu’elle a soulignées confirment l’hypothèse qu’une rééducation basée sur la récupération du côté parétique est possible et avantageuse pour la récupération fonctionnelle. Cette preuve scientifique corrobore l’hypothèse de base de Mme Bobath datant des années 1960. Pour ce qui est de l’étude ICARE, nous prendrons connaissance des résultats avec intérêt. La grande différence entre la thérapie par la contrainte et NER21, ou l’approche Bobath, est l’importance accordée à la qualité du mouvement. Si elle n’a aucune importance dans la « CIMT », elle est primordiale dans les approches NER21 et Bobath. 2.4.2. Qualité et quantité ➤➤ Spécificité de NER 21 : l’importance de la qualité Si la thérapie par la contrainte ne vise qu’à empêcher la participation du membre supérieur sain, NER 21 analyse toutes les compensations que la personne tente d’effectuer avec son tronc et ses extrémités du côté sain. L’approche NER 21 va, par diverses stratégies, les diminuer, voire les empêcher complètement. L’approche NER 21 part du principe qu’il existe un potentiel de récupération du côté parétique et que, pour optimiser celui-ci, il est primordial d’empêcher au maximum les compensations par le côté sain. Même si cela n’a pas encore été démontré scientifiquement, l’approche NER 21 et l’approche Bobath se différencient de la thérapie par la contrainte par l’importance de la qualité du mouvement. Malheureusement le concept de « qualité du mouvement » est encore mal défini scientifiquement et le professeur Randolphe Nudo lui-même reconnaît la difficulté d’identifier des méthodes scientifiques qui permettraient d’en prouver l’importance [25]. Pour sa part, le professeur Michael Merzenich, précurseur des études sur la neuroplasticité du système nerveux central [26], affirme être convaincu qu’il ne peut qu’être positif de favoriser la qualité du mouvement lorsque les thérapeutes sont en présence de la personne traitée puisque cette qualité s’avèrerait amoindrie lorsque la personne s’exerce seule. Cette opinion est partagée par de nombreux médecins spécialisés en neurorééducation. Tant que les contraintes méthodologiques ne seront pas résolues, la recherche sera en retard sur la pratique clinique. ➤➤ Quantité : la répétition sans répétition La quantité n’est toutefois pas négligée. La neuroplasticité est stimulée par les répétitions d’un même mouvement apparemment identiques mais qui se différencie constamment puisque le corps ne fait jamais exactement le même mouvement ; ce principe s’appelle « répétitions sans répétition ». La thérapie par la DES NOTIONS DE LA NEUROPLASTICITÉ DANS NER 21 contrainte ainsi que NER 21 l’utilisent, mais cette dernière favorise la répétition dans les activités de la vie quotidienne avec un but significatif. Si la main parétique ne peut réaliser les mouvements ou préhensions seule, NER 21 propose des auto-facilitations bimanuelles asymétriques, la main saine soutenant le poignet par exemple. En conclusion, la thérapie par la contrainte et NER 21 partagent des objectifs d’indépendance en favorisant l’exécution et la répétition de mouvements fonctionnels mais diffèrent quant aux moyens pour y parvenir. Les deux approches peuvent être tout à fait complémentaires et peuvent s’intégrer sans problème dans un programme thérapeutique complexe. 3. L’intégration des notions de la neuroplasticité dans NER 21 3.1. La capacité adaptative La plasticité neuronale ou neuroplasticité est la capacité du système nerveux central à se réorganiser. Cette capacité adaptative s’effectue d’après les diverses stimulations et informations perçues et ressenties. Elle semble indépendante de l’âge et est influencée positivement ou négativement par le type de stimulations reçues. Les spécialistes de la neuroplasticité sont convaincus que le système nerveux central commence à se réorganiser dès les premières heures après la survenue de la lésion cérébrale – ceci expliquant notre engagement auprès de la personne dès son arrivé à l’unité neuro-vasculaire (UNV) ou stroke unit, puis à l’unité de rééducation post-AVC individualisée (URI) ou unité de rééducation neuro-vasculaire (URNV). NER 21 propose d’éviter un positionnement sur le dos, qui peut avoir des conséquences négatives sur la récupération fonctionnelle (apparition de schèmes hypertoniques et spastiques plus importants) et favoriser une dysphagie par l’extension courte de la nuque. Un positionnement sur le côté dès que possible est ainsi préconisé (voir chapitre 13, « Améliorer la participation dans les AVQ en diminuant la peur engendrée par l’hémi-négligence »). Le fait de privilégier les compensations dans une phase précoce de rééducation a donc un effet néfaste sur le potentiel de récupération future puisqu’elles peuvent être interprétées comme « normales », chaque compensation (une canne tripode par exemple) induisant une adaptation neuronale. La participation active de l’individu est essentielle pour une neuroplasticité efficace, il faut pour cela déterminer et respecter ses attentes et ses besoins. 5 6 Chapitre 1 I N T R O D U C T I O N 3.2. Éléments influençant la neuroplasticité Influence positive Participation active Attention accrue vers le côté parétique ou plégique Mise en charge du côté H (proprioception stimulée positivement si en alignement et de façon dynamique) Environnements diversifiés et situations surprenantes, inattendues (défi, humour, plaisir, rire) Intégration du membre supérieur parétique ou plégique Stabilisation des articulations instables dès la phase précoce, surtout cheville et poignet Répétitions sans répétitions (en favorisant des variations et des environnements différents) Aspects constructifs de l’échec Progression réaliste 3.3 Importance de l’environnement sur la neuroplasticité Les découvertes récentes sur la neuroplasticité mettent en évidence la nécessité de la participation active de la personne et l’importance d’un environnement proche de sa réalité [27]. Cet aspect de la recherche scientifique remet en question la pertinence de centres de réadaptation souvent hors des lieux de vie des patients et proposant un environnement architectural très différent de celui dans lequel ils ont évolué avant leur atteinte. Si divers centres en Europe se targuent d’avoir créé des lieux de réadaptation avec des espaces et équipements très généreux et sophistiqués (portes automatiques, restaurant-cafétéria et couloirs larges), il existe d’autres approches de centres de réadaptation. En Afrique du Sud, par exemple, les quelques centres de réadaptation et leurs satellites ouverts pour les thérapies ambulatoires (dans les townships) ont une dimension et une infrastructure beaucoup plus proches de la réalité du lieu de vie des patients ; l’aspect financier a peut-être conditionné ces choix mais ils s’avèrent plus efficaces dans la récupération des fonctions avec une personne ayant des problèmes perceptifs. La perte de temps des thérapeutes lorsqu’elles se déplacent d’un patient à l’autre tend à mettre en évidence la pertinence de petites structures comme elles existent déjà en Afrique du Sud ou au Québec (points de services). D’après les connaissances actuelles de la science du mouvement (contrôle et apprentissage moteur), l’environnement le plus adéquat est celui qui se rapproche le plus de celui précédant la lésion. Ceci parle en faveur d’une réadaptation à domicile. Le virage ambulatoire canadien a montré plusieurs avantages de son efficacité tout en gardant des centres de réadaptation spécialisés pour la réadaptation précoce et pour les cas complexes nécessitant un encadrement important et professionnel. Plusieurs pays tels que la France, la Suisse ou l’Allemagne, se dirigent Influence négative Passivité et dépression Stimulation des compensations par le côté S dès le début de la rééducation Décharge du côté H Positionnement sur le dos et pauvre en informations perceptives qui stimule certaines composantes liées aux réflexes archaïques (réflexes toniques, symétriques et asymétriques) de la nuque Bras parétique ou plégique en écharpe (flexion, adduction, rotation interne, pronation, flexion palmaire, déviation cubitale ou ulnaire et flexion des doigts) Instabilité des articulations, surtout cheville et poignet Répétitions stéréotypées dans des environnements artificiels (le gymnase par exemple) Aspects destructifs de l’échec Progression irréaliste actuellement dans ce sens car l’idéal est vraisemblablement d’avoir à disposition différentes structures. Ces nouveaux lieux de rééducation et réadaptation semblent être efficaces et économiques. L’approche NER 21 peut être pratiquée dans n’importe quel lieu de réhabilitation, car elle ne nécessite pas de matériel spécifique : NER 21 utilise l’environnement et le matériel à disposition, que ce soit le lieu de vie privé, professionnel, de loisirs ou de sport, l’hôpital (soins intensifs, médecine, hôpital de jour) ou le centre de réadaptation. 4 Principes d’application de NER 21 NER 21 s’inspire du concept Bobath et de Bobathbased rehabilitation (BBR). Le concept Bobath est une approche de neuroréadaptation basée sur la résolution de situations problématiques. Il s’applique à toute personne présentant des perturbations de la fonction, du mouvement et du tonus provoquées par une lésion du système nerveux central. Son but est d’optimiser l’indépendance fonctionnelle et la qualité de vie en améliorant le contrôle postural et les mouvements sélectifs, par exemple au moyen de facilitations [28]. Ces facilitations peuvent être directement appliquées par les thérapeutes en procurant des informations tactiles-kinesthésiques, mais elles peuvent tout aussi bien être indirectement induites par d’autres stratégies : modulation de l’environnement, choix d’activités recrutant le répertoire sensori-moteur (central set) et surtout motivation de la personne grâce à un choix d’activités correspondant à ses attentes. La difficulté réside dans l’écart parfois irréductible entre ce que souhaite la personne et ce qui est réalisable. Prenons l’exemple du désir de rejouer du piano avec 5. É V A L U A T I O N aucune ou très peu de récupération du bras parétique ; il est alors nécessaire d’analyser avec la personne les diverses composantes requises pour cette activité et de lui proposer une approche pas à pas. Si les thérapeutes ne promettent jamais une récupération totale de la capacité fonctionnelle aux personnes traitées, elles encouragent une vision positive de chaque petit retour sensori-moteur. Les patients doivent avoir l’intime conviction d’être considérés comme des adultes et non comme des enfants. Dans la phase initiale de réadaptation, la personne peut se reposer plus qu’il ne serait souhaitable sur les thérapeutes, rendant plus difficile sa responsabilisation et freinant sa participation optimale. Elle doit sentir de notre part de l’empathie. Notre fonction devient alors celle de coach. Choisir un coaching, c’est-à-dire conseiller, instruire et accompagner plutôt que prendre en charge la personne et risquer de stimuler la passivité, est une nouvelle attitude qui peut surprendre dans certains pays où une forme de paternalisme ou de maternalisme est habituelle dans le milieu médical et paramédical. Le pouvoir décisionnel sur soi-même doit être maintenu dans la mesure où il est une des clés du succès visant une amélioration de la situation biopsychosociale [29]. Notre attitude doit être proactive et positive : encourager et féliciter constamment. D’après Merzenich, cette attitude est le meilleur stimulateur de la plasticité neuronale. La personne garde libre choix et autonomie intellectuelle, même si celle du mouvement est limitée. Cette même attitude est à observer envers les partenaires de personnes traitées, il faut non seulement éviter absolument de s’immiscer dans leur couple, mais aussi préserver le plus possible un rapport émotionnel et non thérapeutique entre eux. Le rapport intime doit être préservé afin de permettre au couple de survivre à ce déséquilibre momentané et cette remise en question du couple. Responsabiliser la personne atteinte lui permet d’accepter l’aide de son ou sa partenaire, chacun gardant à l’esprit que c’est en tant que conjoint(e), et non pas de pseudo-thérapeute, qu’il/elle intervient. La personne non atteinte dans le couple souffre souvent de la culpabilité d’être « valide » et elle ne s’accorde que peu de répit. Cela conduit à un épuisement émotionnel à court ou moyen terme désastreux pour le couple. Celui-ci est confronté à de nombreux défis car il doit trouver un nouvel équilibre (voir chapitre 2 « BPS-D Deconditioning Syndrome », page xx). Malheureusement, les séparations sont fréquentes. 5. évaluation systémique et raisonnement clinique de NER 21 5.1. L’évaluation clinique, première étape de NER 21 La première étape d’une réhabilitation grâce à la méthode NER 21 consiste en l’évaluation clinique du SYSTÉMIQUE ET RAISONNEMENT CLINIQUE DE NER 21 patient, qui déterminera la gravité des déficits à pallier. L’évaluation clinique doit être effectuée dès le premier jour, en binôme physiothérapeute-ergothérapeute si possible. Cela permet un gain de temps et d’énergie. Un service intranet entre les diverses intervenantes est également d’une grande aide pour faire passer l’information sans que le patient se voit posé plusieurs fois les mêmes questions, ce qui fragilise avec raison sa confiance dans notre efficacité. Les modèles d’évaluation sont nombreux et la complémentarité de ceux-ci font leur richesse. Il n’y a pas un exemple d’évaluation qui satisfasse dans tous les cas. 5.2. Échelles utilisées 5.2.1. Échelle sur l’étendue d’une déficience (OMS) Dans le modèle de la Classification internationale du fonctionnement (CIF), les degrés de déficience sont décrits suivant la grille de référence ci-dessous. Le code qualificatif générique sur l’échelle négative est utilisé pour indiquer l’étendue ou l’importance d’une déficience. Déficience observée Score Pas de déficience 0-4 % Déficience légère 2-24 % Déficience modérée 25-49 % Déficience très grave 96-100 % Déficience grave 50-95 % 5.2.2. Échelle sur l’étendue d’une symptomatologie Vuadens et Gerber proposent une échelle adaptée inspirée de celle de l’OMS, mais mettant l’accent sur la gravité des symptômes en faisant une distinction entre hémiparésie et hémiplégie. Déficience observée Score Attaque ischémique transitoire (AIT) – symptomatologie anodine 0-4 % Hémiparésie légère 2-24 % Hémiparésie modérée 25-49 % Hémiplégie 96-100 % Hémiparésie grave 50-95 % 5.3. Approche éco-systémique 5.3.1. Les trois niveaux de la CIF L’approche éco-systémique offre une structure d’évaluation et de raisonnement clinique permettant de construire un plan de traitement intégrant les divers éléments compris dans les systèmes [31 ; 32]. 7 8 Chapitre 1 I N T R O D U C T I O N L’approche systémique de NER 21 agit sur les trois niveaux décrits par la CIF de l’OMS : • le niveau 1 concerne les structures anatomiques et les fonctions organiques, ou « déficiences » comme elles étaient appellées autrefois : les mouvements physiologiques, les mouvements compensatoires positifs ou négatifs, le système neuro-musculosquelettique et le système sensori-moteur ; • le niveau 2 concerne l’activité et la participation : le système neuropsychologique (perception et cognition) et le répertoire sensori-moteur ou centra set ; • le niveau 3 concerne les facteurs contextuels : le facteur personnel et le facteur environnemental. Ces deux derniers niveaux sont largement exposés dans cet ouvrage. 5.3.2. Rappel sur les systèmes L’individu peut être subdivisé en plusieurs systèmes. Les systèmes sont interactifs et interdépendants ; ils ont une capacité adaptative grâce à la plasticité du SNC mais, rappelons-le, cette capacité peut être positive ou négative selon les interventions. Si un système, la perception par exemple, n’est pas facilement influençable, son amélioration pourra avoir lieu grâce à celle d’un autre système plus facilement accessible comme celui du système neuro-musculo-squelettique. Pour Merzenich (2005) la participation active de la personne est la clé de la neuroplasticité. Il met en évidence l’importance de comprendre le système nerveux central de l’être humain en favorisant l’interaction entre les divers systèmes du SNC. Ceux-ci sont interdépendants et s’influencent positivement ou négativement suivant les stimulations reçues. Les sept systèmes [31] sont : Systèmes Description Système neuromusculosquelettique et sensori-moteur C’est l’ensemble des articulations, fibres musculaires, structures neuro-méningées, nerfs ainsi que les récepteurs de la sensibilité superficielle et vibratoire. Système des mouvements physiologiques Il correspond à l’analyse des composantes physiologiques du mouvement. Système mouvements compensatoires Il fait référence à l’analyse des mouvements compensatoires positifs et négatifs. Une compensation négative est considérée comme dommageable à court, moyen ou long terme. Une canne tripode peut sembler une compensation positive à court terme mais s’avère négative à moyen et long terme car elle diminue la mise en charge sur le côté hémiparétique et donc empêche la récupération fonctionnelle optimale. Répertoire sensori-moteur (ou central set, ou répertoire prédictif) C’est l’état de prédisposition à réagir dans une situation connue (F.B. Horak). C’est la synthèse des automatismes que la personne a accumulés durant sa vie (habitudes de vie, activité professionnelle, loisirs, etc.). Ce système n’est utilisable en réhabilitation que si la maturation du SNC s’est déroulée de façon physiologique. Les mouvements tels que serrer la main, prendre un verre dans une armoire, enlever une veste ou mettre une chaussure varient d’une personne à l’autre et pourtant sont reconnaissables chez tous les êtres humains. Système neuropsychologique (perception et cognition) La perception est la capacité à sentir son corps par rapport à son corps (hautbas, devant-derrière, droite-gauche) et son corps par rapport à l’espace proche et lointain. Cette définition est bien évidemment trop générale et mérite de plus amples explications. 5.3.3. Approche éco-systémique de NER 21 décrite par Gerber (2014) Approche écosystémqiue du concept « Neuro-Environmental Rehabilitation 21st Century / NER 21 » PERCEPTION et COGNITION « CENTRAL SET » Répertoire prédictif Mouvements physiologiques Mouvements compensatoires positifs / négatifs Concept NER 21 Approche écosystémique Système Neuro-musculosquelettique Facteur personnel Facteur Environnemental La cognition est la capacité de mémoire, d’organisation et de planification, d’action et du langage. Facteur personnel Cet ensemble regroupe les caractéristiques de la personne : âge, race, sexe, culture, croyance religieuse ou autre, situation sociale, expérience de vie, éducation, caractère, habitudes, façons de réagir. Facteur C’est l’environnement physique, social ou environnemental lié aux attitudes, dans lequel les personnes mènent leur vie : produits, technologie, environnement naturel, modification de l’environnement par l’homme, aides et relations, attitudes. 7. C O N C L U S I O N 6. L’alignement physiologique et pathologique 6.1. Définition Le rapport entre l’alignement et NER 21 est fondamental. Le but de NER 21 est de rétablir l’alignement [32]. L’alignement physiologique permet la régulation du contrôle postural physiologique nécessaire à la réalisation d’activités avec un minimum d’énergie pour une efficacité optimale. C’est pourquoi il constitue une des bases fondamentales des stratégies thérapeutiques de NER 21. Le réalignement vise à repositionner les diverses structures et segments du corps (articulations, fibres musculaires, structures neuro-méningées, tissus mous) de manière à ce qu’ils soient dans la position la plus physiologique possible. 6.2. L’alignement pathologique ou atypique L’alignement pathologique ou atypique stimule le tonus pathologique ou atypique (hypertonicité-spasticité). Il se manifeste par : • une asymétrie du tronc-nuque ; • une articulation omothoracique (aile d’ange ou scapula alata, sub-luxation scapulo-humérale) ; • un poignet ou une cheville non-alignés (flexion palmaire ou plantaire, déviation radiale ou cubitale) ; • un affaissement des arches longitudinales et transverses (main, pied). 6.3. Réalignement thérapeutique Le réalignement physiologique des structures permet d’améliorer le contrôle postural nécessaire à la précision des mouvements par l’ajustement postural anticipatif (APA) du tronc et des extrêmités. Les endroits stratégiques sont les suivants. Nuque Co-C1 / C7-Th1 Tronc supérieurinférieur Droite = gauche Membre inférieur hémiparétique (MIH) Extension de hanche Générateur spinal de marche (central pattern generator, CPG) Cheville (en particulier articulation talo-calcanéaire) + arches longitudinale et transverse + métatarsophalangiennes stables Membre supérieur hémiparétique (MSH) Articulations omo-thoracique et scapulo-humérale recentrées + poignet (rangées proximale et distale alignées), soutien des arches longitudinale, transverse et métacarpophalangiennes de la main sans subluxation 7. Conclusion Plusieurs études ont montré l’efficacité d’une thérapie neurologique spécifique après un AVC ou un traumatisme cranio-cérébral. Aucune n’a montré la non-efficacité de l’approche NER 21, Bobath ou Bobath-based rehabilitation (BBR) ; Van Vliet [33] et Paci [34] ont mis en évidence l’égale efficacité des diverses approches ayant la même philosophie de base (stimuler le côté parétique en empêchant les compensations du côté le moins atteint ou « sain »). Une approche spécifique telle que l’approche Bobath est plus efficace qu’une approche non neurologique. Wang a démontré l’efficacité supérieure de l’approche Bobath par rapport à une autre basée sur la rééducation orthopédique [35]. L’étude de Kollen [36] publiée en 2009 corrobore les autres études réalisées sur l’efficacité des concepts de la réadaptation neurologique actuelle. Elle ne montre aucune supériorité d’un concept particulier mais elle révèle la nécessité de développer des paramètres d’évaluation plus pointus. La qualité de vie semble être un paramètre encore peu utilisé dans de telles études. Les approches centrées sur la personne, comme NER 21, pourraient vraisemblablement faire une différence lors d’une telle étude. Après une atteinte du SNC, les personnes, de même que leur entourage, sont souvent démunies face au destin et aux nombreuses limitations intervenant dans leur vie quotidienne. Les cliniciennes interviennent autant pour améliorer l’indépendance fonctionnelle et la qualité de vie que pour permettre aux diverses personnes concernées de prendre les décisions et de faire les choix les plus adéquats pour elles en toute connaissance de cause. Leur attente est énorme et personne n’a de vérité absolue à leur proposer. C’est là le plus grand défi auquel nous sommes confrontées quotidiennement. La fonction principale des spécialistes en réhabilitation est d’assurer une fonction de coach plutôt que celle de thérapeute omnipotente. L’approche NER 21 a toujours mis l’accent sur la participation active de la personne et de son entourage au processus de réhabilitation. La partie purement passive n’est utile que pour les divers stades de coma neuro-végétatif voire de lock-in syndrom (ou syndrome d’enfermement) ; en dehors de ces cas particuliers, elle ne constitue qu’une petite partie des actions entreprises. Son but est alors de préparer le corps par diverses facilitations thérapeutiques visant à réaligner ou mobiliser les structures telles que les articulations, les fibres musculaires, les structures neuro-méningées et les divers tissus et ou à régulariser le tonus postural, le contrôle respiratoire volontaire, la gestion des sécrétions et leur propulsion par la bouche plutôt que par la trachée, le sevrage de la trachéotomie et la production vocale. 9 10 Chapitre 1 I N T R O D U C T I O N Les découvertes en neuroplasticité corroborent la plupart des hypothèses élaborées il y a plus de 50 ans par Berti Bobath [37] et auxquelles NER 21 adhère : • réorganisation et amélioration du contrôle postural entraînant un meilleur contrôle des mouvements ; • réalisation du potentiel de récupération du côté parétique ou plégique ; • empêchement des compensations par le côté sain ; • stimulation et participation active de la personne ; • intégration de l’entourage. Dans l’approche NER 21, la compensation n’est souhaitée que lorsqu’il n’y a pas ou plus de moyen d’activer tout ou partie du côté parétique ou plégique. La recherche scientifique sur la thérapie par la contrainte met l’accent sur la durée de l’entraînement, qui devrait être de 6 à 8 heures par jour. Cela peut paraître nouveau, mais en réalité, Mme Bobath préconisait déjà, dans les années 1960, le concept des « 24 heures ». intégré dans NER 21. Nous attendons donc avec intérêt les résultats de l’étude ICARE. Le retard d’explication scientifique ne doit pas empêcher les thérapeutes de traiter les personnes présentant une atteinte neurologique selon une approche non encore validée scientifiquement, si l’expérience clinique a déjà montré qu’elle satisfaisait les patients et qu’elle améliorait leur qualité de vie. L’efficacité dans la récupération de l’indépendance fonctionnelle est une autre preuve de l’efficacité d’une approche, même en l’absence d’étude scientifique. La validation de la thérapie par la contrainte pour les personnes avec un bon potentiel de récupération est favorable à NER 21 puisqu’elles partagent l’hypothèse théorique du potentiel de récupération du côté parétique. Elle a démontré la pertinence de notre hypothèse de base commune : il existe bel et bien un potentiel de récupération du côté parétique et le moyen de le recruter consiste à empêcher la compensation par le côté le moins atteint. Intégrer en plus la notion de qualité du mouvement, spécifique à l’approche NER 21, peut optimiser la récupération fonctionnelle. Si l’expérience scientifique fait encore défaut pour prouver cette évidence clinique, c’est aussi à cause du manque d’intérêt des personnes impliquées dans la recherche à développer des paramètres d’évaluation de la qualité, qui préfèrent les paramètres quantitatifs, nettement plus faciles à cibler. Une alternative serait d’évaluer non pas directement la qualité du mouvement mais plutôt le degré de satisfaction ou la qualité de vie, exprimés par la personne atteinte et son entourage, suivant une approche associant quantité et qualité. Le syndrome du déconditionnement physique et biopsychosocial (voir chapitre « BPS-D ») propose un programme de réhabilitation complexe visant ces deux aspects et les échelles originales de NER 21 présentées dans cet ouvrage pourront, espérons-le, être un moyen efficace à son évaluation. Il sera enfin intéressant de voir la praticabilité de l’approche CIMT et l’efficacité de la thérapie par la contrainte avec des personnes présentant un potentiel de récupération faible car dans ce cas, l’approche hands-on préconisée dans certaines circonstances par les approches NER 21 et Bobath consistant à faciliter les mouvements par des prises manuelles s’avérera peut-être de grande valeur. 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Programme de réentraînement complexe post-attaque cérébrale visant à combattre le syndrome BPS-D 4. Les échelles NER 21 de bien-être, d’effort, de capacité, de douleur et de oui/non 5. Questionnaire actualisé du syndrome BPS-D avec les échelles NER 21 6. Étude observationnelle et subjective de l’efficacité du programme complexe proposé 7. Questionnaire sur la qualité de vie depuis l’AVC 8. Futures pistes thérapeutiques 9. Conclusion et données probantes D Michèle H. Gerber, Dre Ursula K. Imhof ans la publication intitulée Enhancing Physical Activity and Brain Reorganization after Stroke parue dans Neurology Research International de novembre 2011, Carr et Shepherd, chercheuses-cliniciennes australiennes de renommée mondiale, préconisent un changement profond dans la manière d’aborder la rééducation post-AVC. Elles déclarent : « Il est de plus en plus clair que les méthodes utilisées en réhabilitation physique de même que le temps passé à la thérapie basée sur la tâche, le réentraînement de la force et de l’endurance et l’entraînement aérobique doivent changer afin d’optimiser la réorganisation de la fonction cérébrale. La fréquence et l’intensité de la réadaptation doivent être clairement augmentées afin que les patient/es puissent obtenir le niveau d’énergie suffisant pour participer aux activités physiques durant la réadaptation et après la sortie. Beaucoup de patient/es, à la sortie du centre de réadaptation, présentent un déconditionnement sévère ayant pour conséquence une incapacité à participer activement à la vie quotidienne, leur niveau d’énergie étant trop insuffisant. Les médecins, thérapeutes ainsi que l’équipe des Soins impliqués dans la réadaptation doivent inclure le réentraînement non seulement durant celle-ci, mais également promouvoir et soutenir les structures communautaires permettant la continuation de l’amélioration de leur condition physique à leur sortie. Durant le séjour en réadaptation, des groupes devraient être fréquents et inclure un entraînement spécifique aérobique. La physiothérapie devrait notamment utiliser l’avantage de divers matériels permettant notamment le tapis roulant, les systèmes informatisés de feedback, la robotique et les appareils électromécaniques. Un changement d’attitude et de pratique est donc vivement proposé. L’activité physique a une relation directe avec la capacité aérobique, avec le système cardiorespiratoire amenant l’oxygène de même que le muscle l’utilisant pour son activité. Les conséquences d’une capacité aérobique insuffisante sont bien connues : diminution de la performance dans la vie quotidienne, ostéoporose, risque de chutes accru, et perte d’indépendance. Si les 13 14 Chapitre 2 L e syndrome de déconditionnement biopsychosocial , ou B P S - D s y n d r o m e facteurs sont divers : pathologique (comorbidité) ou physiologique (diminution de l’activité musculaire ainsi que du contrôle moteur), les éléments environnementaux jouent également un rôle non négligeable. En effet, si les conditions pour stimuler la personne ou lui permettre de continuer un entraînement commencé dans le cadre de la réadaptation ne sont pas remplies, la personne va très rapidement aggraver son état de déconditionnement avec les suites connues. » Leur plaidoyer est très important car il s’appuie sur de nombreuses études et recherches scientifiques ; celles-ci procurent une base de référence à l’approche NER 21, qui est surtout basée sur la pratique fondée sur la preuve (evidence-based practice, ou EBP). Gordon, dans sa publication de 2004, exhortait les thérapeutes à inclure largement des exercices en aérobie, de force-endurance, de flexibilité et de contrôle neuromusculaire dans les programmes post-AVC ; ceci améliorant la confiance en soi de même que la sensation de bien-être. Burtin relève que le déconditionnement observé 2 ou 3 semaines après un AVC est global et rapide, incluant également le côté sain ainsi que la fonction cardio-­vasculaire. De Deyne a démontré la transformation des phénotypes : les fibres lentes (toniques) se transforment en fibres rapides (phasiques) et l’on observe une décroissance de la force et de l’endurance. Ryan, lui, décrit l’atrophie musculaire et l’augmentation de graisse intramusculaire ; cette diminution de la masse musculaire et du volume du membre inférieur parétique est significative, entraînant une perte de performance. 1. Du modèle PBDS au modèle BPS-D Le syndrome de déconditionnement biopsycho­ social, ou BPS-D syndrome, est basé sur le modèle présenté initialement en 2005 lors du Congrès international de neuro­ réhabilitation « III STEP Conference » de Salt Lake City aux États-Unis. Le thème du congrès était l’inter­action entre la science du mouvement et les interventions thérapeutiques ; il a rassemblé quelque 665 spécialistes du monde entier. Le modèle original, sous le titre de physical Post-stroke-model « PBDS » Michèle H. Gerber, physical therapist, senior instructor IBITA (Bobath concept) Dr. med Ursula K. Imhof, physician, specialized in rehabilitation and psychosomatic Post-stroke Model of Physical Biopsychosocial Deconditioning Syndrome “PBDS” First symptoms Alteration of : Sensori-motor information No information No reactions Coordination MisAppropriate interpretation information Atypical interpretation interpretations reactions Flaccidity on H side No control No search for information Fixation from the less involved side Secundary symptoms Weakness Tonal States Atypical response to gravity [email protected] [email protected] © Michèle H. Gerber/Ursula K. Imhof Figure 1. Modèle PBDS présenté en 2005. Fatigue Postural control Overactivity on less involved side Hypotonicity on H side Inadequate muscle control Difficulty with initiation of movement Muscle imbalance Delayed recovery Tertiary symptoms Fixation through less involved side (Overactivity) Hypertonicity on H side Increased Muscle imbalance Biopsychosocial implications Functional ability Functional independance Quality of life coordination in M-fibers Functional reeducationreadaptation individual in groups Functional grief : adjustment adaptation transformation Global endurance deficit : cardiovascular respiratory Global endurance deficit : selective and global muscular endurance “Mis-use concept” Deficit of intra/ inter-coordination in M-fibers Non-use Flaccid period Under-use Over-use Flaccid period Hypotonicity Hypertonicity Définition of « PBDS » Decrease of general physical condition with implications for work, family and sexual relationships, social life, leisure and sports generated by: • Presence of pain, neuromuscular disorders, psychological disorders (irritability, depression) and fatigue • Decrease of functional independance, quality of life and self-esteem Imhof 2. L E SYNDROME DE DÉCONDITIONNEMENT BIOPSYCHOSOCIAL (BPS-D) biopsychosocial deconditioning syndrome (PBDS) eut un écho très positif auprès des participantes (professeurs en physiothérapie ou ergothérapie, médecins-chercheurs en neuro­ science, cliniciennes de renommée internationale), surtout parce qu’il coïncidait avec la décision des États-Unis et du Canada d’adopter uniformément la Classification Internationale du Fonctionnement (CIF) de l’Organisation Mondiale de la Santé décrite en 2001 et utilisée dès cette date par la plupart des pays européens et africains. Le modèle PBDS, basé sur la CIF, présentait un modèle d’observation et d’évaluation du syndrome de déconditionnement lors d’une atteinte hémiparétique/ plégique avec les symptômes primaires, secondaires et tertiaires ; de nombreux professeurs de physiothérapie ou d’ergothérapie l’ont utilisé comme exemple d’intégration de la CIF dans l’analyse symptomatique de personnes présentant une atteinte hémiparétique/ plégique. 2. Le syndrome de déconditionnement biopsychosocial (BPS-D) 2.1. Description du modèle Le modèle PBDS proposait déjà une approche topdown et a été actualisé sous le terme BPS-D (syndrome de déconditionnement biopsychosocial). L’approche top-down se caractérise par le fait que l’évaluation et le traitement ne partent plus du niveau de déficiences mais plutôt du niveau activités et participation. Elle permet de hiérarchiser les buts en analysant les problèmes qui les entravent et en mettant en évidence les déficiences sousjacentes. Celles-ci sont traitées prioritairement. Cette attitude pragmatique améliore l’efficacité en ciblant de façons plus pertinentes les éléments à traiter. Modèle « BPS-D Syndrome » : Modèle « Biopsychosocial Deconditioning Syndrome » post-AVC : M.H Gerber / Dre U.K. Imhof Condition biopsychosociale « Top-down approach » Indépendance fonctionnelle Projets de vie réalistes Qualité de vie Rééducation/Réadaptation neuro-environnementale Entourage Environnement Résilience Deuil fonctionnel Symptômes/Signes : S-IF (indépendance fonctionnelle) Déficit d’endurance cardio-vasculaire HR Déficit d’endurance musculaire « Miss-use concept » concept de l’utilisation erronée Ajustement-Adaptation Transformation Déficit d’endurance respiratoire Coordination intermusculaire /intramusculaire déficiente « Non-use » Non-utilisation « Under-use » Sous-utilisation « Over-use » Sur-utlisation Flaccidité Hypotonicité Hypertonicité Symptômes/Signes : S-QV (qualité de vie) VO2 max Faiblesse Fatigue Récupération tardive Symptômes S-D : (déficiences sous-jacentes) Équilibre Contrôle postural Information sensori-motrice : Proprioception-S. superficielle Absence d’information Interprétation erronée/ et de réactions Réactions atyiques Coordination Information + Interprétation correctes Réactions apprpriées Flaccidité du côté le plus atteint Absence de stimulations et de contrôle Dysbalance musculaire sous-jacente © M.H. Gerber/Dre U.K. Imhof Figure 2. Représentation du modèle BPS-D syndrome. Tonus postural Réponse atypique à la pesanteur Hypotonicité du côté le plus atteint Hyperactivité du côté le moins atteint Fixation Hypertonicité du côté le plus atteint Initiation du mouvement atypique Contrôle musculaire inadéquat/ Dysbalance musculaire apparente 15 16 Chapitre 2 L e syndrome de déconditionnement biopsychosocial , ou B P S - D s y n d r o m e Le syndrome BPS-D décrit par Gerber et Imhof en 2007 est l’ensemble des symptômes suite à une diminution de la condition physique générale pour les personnes présentant une atteinte neurologique d’origine centrale et les conséquences biopsychosociales sur l’indépendance fonctionnelle et la qualité de vie. Les répercussions sont visibles dans les milieus du travail, de la famille et l’entourage, de la vie sexuelle et sociale. Les sports et les loisirs sont également directement influencés par cette situation atypique ou pathologique. Cette diminution de la condition physique peut être provoquée par des troubles neuromusculaires et psychologiques (irritabilité, dépression), par la douleur ou la fatigue. La symptomatologie hémiparétique/plégique est prise comme exemple dans le modèle présenté ; il peut très bien, avec quelques adaptations, être utilisé pour les autres atteintes du système nerveux central. 2.2. La condition biopsychosociale La condition biopsychosociale est déterminée par la qualité de vie et l’indépendance fonctionnelle. La qualité de vie est une notion prioritaire dans toute approche actuelle de neuroréhabilitation (incluant rééducation et réadaptation). Elle est toutefois essentiellement subjective et peu d’échelles permettent son objectivation par des paramètres simples et quantifiables. L’échelle NER 21 de bien-être (par Gerber, Imhof et Julien) peut être utilisée autant pour la personne atteinte dans son intégrité physique que pour l’entourage (voir descriptif ci-dessous). La qualité de vie dépend de la capacité de résilience de la personne, du deuil fonctionnel réalisé ainsi que de l’entourage ou de l’environnement pris dans un sens large. 2.3. La résilience et le coaching en réhabilitation Le concept de résilience a été développé par Boris Cyrulnik, mais c’est Emmy Werner qui a vraisemblablement été la première à le définir en 1984 dans son livre Resilient children. La résilience vient donc de ce terme anglais. En physique, il définit la résistance au choc des divers métaux. Comme le précise Marie-Paule Poilpot, « étymologiquement il vient du radical “saillir” (rebondir, jaillir) et du préfixe “re-” (répétition, reprise) : il peut donc être définit comme l’aptitude à rebondir, aller de l’avant après avoir subi un choc ou au traumatisme. C’est une alternative possible à la sur-­ victimisation ». S’il est surtout utilisé en pédopsychiatrie, il nous paraît tout particulièrement judicieux de l’intégrer dans un processus de travail de deuil fonctionnel après une atteinte acquise du système nerveux central. Cyrulnik parle aussi de « tuteurs de résilience » pour désigner les parents ou adultes de confiance encadrant les enfants. À la place de tuteurs de résilience, nous préférons le terme de « mentor », « conseiller » ou « coach » pour les adultes atteints dans leur santé et pour l’entourage car il met l’accent sur la capacité d’auto-détermination de ceux-ci. Le mentor est défini comme un conseiller avisé et expérimenté et son travail peut être comparé à une forme de coaching. Ce terme est cependant plutôt associé au sport, raison pour laquelle nous pensons que le terme « coach en réhabilitation » pourrait être utilisé pour la personne qui encadre l’individu engagé dans un réentraînement global, autant physique que psychique. Le terme « prise en charge » est ainsi banni du vocabulaire car il entretient l’idée du sur-pouvoir des professionnelles de la santé et de la passivité des personnes traitées. Par contre, le terme « coach en réhabilitation » valorise la personne atteinte car elle est alors dans une autre situation que la relation thérapeutique ; c’est déjà le début du retour à la vie « normale ». L’expérience clinique montre que ce terme est positivement accepté par la plupart des personnes traitées et encourage leur implication. 2.4. Les projets de vie et la fragmentation des étapes pour les réaliser L’indépendance fonctionnelle dépend des projets de vie et de l’accessibilité à la rééducation et à la réadaptation. Les projets de vie doivent être réalistes et dépendent de la durée et de la qualité de la rééducation. Ainsi, des projets de vie irréalistes influent de façons négatives sur l’amélioration de l’indépendance fonctionnelle, tout comme une durée de rééducation très courte ou non ciblée. Afin d’atteindre les buts fixés, il est non seulement important qu’ils soient réalistes, mais aussi qu’ils soient fragmentés en diverses étapes à atteindre pour la réalisation du but fonctionnel désiré. Ainsi l’habillage est une activité extrêmement complexe qui nécessite de nombreuses capacités. Se donner une activité aussi complexe et globale comme but peut se révéler très frustrant pour la personne qui ne perçoit pas les progrès réalisés ; par contre, fixer des buts spécifiques mais intermédiaires lui permet d’apprécier les diverses étapes déjà atteintes. La satisfaction de soi en est accrue et incite la personne à persévérer dans ses efforts. Cette évaluation positive encourage non seulement la personne directement atteinte mais également son entourage et l’équipe thérapeutique, et permet une argumentation concrète pour solliciter la prolongation du remboursement des soins. Nous présenterons, dans les divers chapitres de ce livre, plusieurs manières d’intégrer cette idée de fragmentation ou segmentation de l’action fonctionnelle. 2.5. Symptômes ou signes décrits dans le modèle Dans le modèle BPS-D, les auteures décrivent 3 types de symptômes ou signes caractéristiques, tous inter­ dépendants : • les symptômes influençant l’indépendance fonctionnelle, ou S-IF ; 2. L E SYNDROME DE DÉCONDITIONNEMENT BIOPSYCHOSOCIAL (BPS-D) • les symptômes influençant la qualité de vie, ou S-QV ; • les signes indiquant une déficience, ou S-D. 2.5.1. Les symptômes S-IF Ces symptômes et signes mettent en évidence une problématique en relation avec l’endurance, celle-ci influençant directement l’indépendance fonctionnelle. Il y a trois types d’endurance : • musculaire globale ou sélective ; • respiratoire ; • cardio-vasculaire. Le déficit de ces types d’endurances conduit à des limitations significatives à l’indépendance fonctionnelle et souvent à la qualité de vie. ➤➤ Endurance musculaire La force musculaire résulte des propriétés du muscle luimême, du recrutement approprié de ses unités motrices et de la synchronisation de leur activation. Pour Smidt, elle est la capacité à générer suffisamment de tension dans le muscle pour permettre posture et mouvement. Bien que plusieurs forces musculaires soient identifiées : force maximale, force explosive et force endurance, c’est bien cette dernière qui est la plus importante en réhabilitation. D’après Golding, la force-endurance est la capacité d’un muscle à exercer son action pour une période de temps significative sans provoquer de fatigue. Villiger la définit comme la capacité d’un muscle à exercer une action pendant une période significative, sans qu'une fatigue apparraisse. Le modèle BPS-D post-AVC, bien qu’intégrant la rééducation d’endurance cardio-vasculaire et respiratoire, se concentre surtout sur le déficit d’endurance musculaire. Potempa l’a bien démontré : chez la personne hémiparétique, le nombre d’unités motrices pouvant être recrutées est limité, l'endurance est donc diminuée. Ceci entraîne indubitablement des implications sur la fatigabilité et surcharge d’effort. Concernant le réentraînement, Enghardt et autres proposent de privilégier le travail en excentrique qui est sensiblement supérieur à celui du concentrique. Potempa, en 1996, a déjà prouvé les avantages du travail aérobique après un AVC. Le déficit d’endurance musculaire s’explique par l’utilisation erronée du concept de miss-use et par une coordination inter- et intramusculaire déficiente. Le concept miss-use est bien connu depuis plusieurs années. Il s’agit d’une incapacité à utiliser un muscle de façon satisfaisante : • en cas de flaccidité, on parle de non-use ou de non-utilisation ; • l’hypotonicité entraîne une sous-utilisation ou under-use ; • l’hypertonicité, elle, une sur-utilisation ou overuse. ➤➤ Endurance cardio-vasculaire et respiratoire Le déficit de l’endurance cardio-vasculaire entraîne une augmentation de la fréquence cardiaque (HR) alors que celui de l’endurance respiratoire se manifeste par une · ). diminution du volume d’oxygène ( VO 2 Kuys S. met en évidence, dans son étude publiée en 2006 dans le Physiotherapy Research International, que la réadaptation traditionnelle en physiothérapie n’avait ni l’intensité ni la durée suffisantes pour avoir un effet pour l’entraînement cardio-respiratoire. Pang, dans sa méta-analyse de 2006, révèle qu’il y a de bonnes chances pour que les exercices aérobiques utilisant 50 à 80 % de la fréquence cardiaque de réserve, sur 3 à 5 jours par semaine et pendant 20 à 40 minutes, constituent un élément positif de la rééducation postAVC et favorisent la continuation de l’entraînement après la sortie du centre de réadaptation. Pour qu’un entraînement soit efficace, il faut que l’effort ne soit ni trop faible ni trop intense. La mesure continue de la fréquence cardiaque pendant l’effort est un moyen de surveillance pratique. Ce sont principalement des chercheurs scandinaves qui se sont penchés sur le sujet et qui ont élaboré des lignes de conduites simples. Ainsi, depuis 1957, la formule de Karvonen [45] permet de calculer la fréquence cardiaque à utiliser lors de ces activités : Activity HR = (% HR age-predicted maximal – HR rest) + HR rest ou Fréquence cardiaque d’entraînement = (fréquence cardiaque maximal adaptée d’après l’âge – fréquence de repos) × (intensité en pourcentage prévu) + fréquence de repos La fréquence de repos est la fréquence cardiaque mesurée le matin au réveil ou après 5 minutes de repos. Selon Astrand (1976), la fréquence cardiaque maximale peut être estimée avec la formule suivante : 220 – l’âge ± 10 % (pour les femmes, il est proposé 260 – l’âge) Dans son article, Hottenrott [41] présente une formule tenant compte des différences entres les sexes, le niveau et les objectifs de l’entraînement : THF = HF max x LF x TZ x GF x SP (THF : fréquence cardiaque d’entraînement ; HF : fréquence cardiaque ; LF : niveau de performance ; TZ : objectifs ; GF : facteur sexe ; SG : type de sport) Cette formule ne tient pas compte des importantes différences inter-individuelles de la fréquence cardiaque maximale. C’est Hottenrott lui-même qui a mis cela en évidence en analysant la fréquence cardiaque maximale de 1600 coureurs d’âges divers, en 2010. Force est de constater que ces formules sont approximatives et difficiles à utiliser dans la pratique. 17 18 Chapitre 2 L e syndrome de déconditionnement biopsychosocial , ou B P S - D s y n d r o m e La fréquence cardiaque maximale doit plutôt être mesurée lors d’un effort physique très intense mais de courte durée (4 à 6 minutes et après un échauffement adéquat), par exemple sur un tapis roulant ou sur un ergomètre. Si cela n’est pas praticable, il est possible d’utiliser la formule suivante pour la fréquence cardiaque d’entraînement : 170 – ½ âge (Israël, 1982). Françoise Colle, lors de la 15e journée de Menucourt, met en exergue que la ·VO2 maximale des personnes après un AVC varie en moyenne de 14,4 à 16,6 ml/kg/min alors qu’un sujet sain non spécifiquement entraîné oscille entre 35 et 40 ml/kg/min. Gordon, dans les recommandations de l’American Heart Association (ACSM 2000) met l’accent sur des programmes d’entraînement en aérobie incluant des exercices de marche ou de réentraînement du membre supérieur, ou l’association des deux à un minimum de 40 % de la fréquence cardiaque de réserve et si possible de maintenir l’entraînement entre 40 et 70 % de la consommation maximale d’oxygène ou de la fréquence cardiaque de réserve. La fréquence cardiaque de réserve est la différence entre la fréquence cardiaque maximale et la fréquence cardiaque de repos. Pour les personnes sous bêtabloquants, le calcul de la fréquence cardiaque prévisible d’après l’âge est ajustée à 85 % (220 – l’âge ou 180 – l’âge). Burtin, dans son article « Réentraînement et hémiplégie » [15], rappelle qu’en observant la marche, la distance parcourue au test de 6 minutes de marche est de 215 à 378 m, pour des valeurs communes de 500 à 600 m. La ·VO2 max diminue jusqu’à atteindre 55 à 75 % de la norme seulement, soit 15 à 17 ml/min/kg, alors que la valeur minimale couramment retenue pour l’indépendance quotidien est de 14 ml/min/kg. La marche physiologique est une activité à faible coût énergétique. Chez la personne hémiparétique, le coût énergétique de la marche et des activités de la vie quotidienne est multipliée par 1,5 à 2 fois. Afin de pallier ce problème, nous proposons l’utilisation de l’échelle de Borg et de l’échelle NER 21. Ces deux échelles mesurent le niveau de fatigue perçue et permettent une adaptation individuelle mais efficace de l’effort ; elles sont en plus facilement utilisables pour les personnes avec une aphasie. 2.5.2. Les symptômes et signes S-QV Les symptômes influençant la qualité de vie (S-QV) sont caractérisés par la faiblesse musculaire, la fatigue et la récupération tardive. ➤➤ La faiblesse musculaire La faiblesse musculaire désigne une capacité réduite à générer une tension musculaire dans la verticale du corps. C’est également la capacité insuffisante à générer une tension dans le muscle afin de réaliser posture et mouvement. Andrews et Bohannon, dans leurs multiples publications, ont décrit la faiblesse musculaire du côté parétique mais précisent qu’elle est visible également du côté le moins atteint (côté sain). Les muscles du tronc présentent une faiblesse des deux côtés et tous les mouvements du tronc en sont affectés. Ada, Shepherd et al., en 2000, ont démontré que la faiblesse musculaire contribue à la diminution de la dextérité, de la préhension et de la fonction de la main. Edstrom définit quant à lui la faiblesse musculaire comme l’incapacité à générer une tension. Il s’en suit une atrophie sélective des fibres musculaires I/II, une activation atypique (ou diminuée) du nombre et du taux des motoneurones et conduit à une capacité réduite à générer une tension musculaire dans la verticale du corps. Un petit rappel historique s’impose ici : Gerber, instructrice du concept Bobath, publiait en 1985 dans le Journal de l’association suisse de physiothérapie, un article sur la rééducation post-AVC par le ski de fond adapté d’après le concept Bobath. Elle proposait déjà d’intégrer à toute rééducation post-AVC un programme visant l’amélioration de l’endurance globale. En ce temps-là, poser l’hypothèse qu’un problème de force existait chez une personne hémiparétique n’était pas acceptée de façon unanime. Son observation clinique trouvait, quatre ans plus tard, une confirmation scientifique par l’étude de Bourbonnais qui mettait en évidence la faiblesse musculaire chez la personne hémiparétique (paralysie partielle) ou hémiplégique (complète). Elle invalidait une des hypothèses de base de Bobath qui supposait que le contrôle sensorimoteur était responsable de la pseudo-faiblesse. Notre hypothèse commune est maintenant acceptée unanimement après bien des débats parmi les Faiblesse Activation des fibres musculaires diminuées Atrophie sélective des fibres musculaires Types I/II Activation atypique (ou diminuée) du nombre des motoneurones Figure 3. La faiblesse musculaire décrite par Gerber et Imhof en 2007 Capacité réduite à générer une tension musculaire dans la verticale du corps 2. L E SYNDROME DE DÉCONDITIONNEMENT BIOPSYCHOSOCIAL (BPS-D) spécialistes du concept Bobath, même si les moyens proposés pour y remédier divergent. Les années d’expérience clinique des auteures dans un centre de réadaptation situé dans les Alpes suisses, profitant d’une source d’eau thermal à 51 °C (à Loècheles-Bains) les ont confrontées à de nombreuses situations de déconditionnement physique chez les personnes avec une atteinte de l’appareil locomoteur, plus spécifiquement la spondylarthrite ankylosante. Le bienfait d’un réentraînement intensif associant les thérapies individuelles et en groupes, à sec, dans la piscine et sur les pistes de ski de fond, les a conduites à faire le lien, dès les années 1980, avec les symptômes observés dans les atteintes neurologiques. Réalisant qu’une transposition linéaire de ce type de traitements n’est pas la solution, elles ont focalisé leur attention sur l’adaptation spécifique d’un tel entraînement pour les atteintes neurologiques centrales. La force explosive n’étant que très rarement nécessaire dans la vie quotidienne, c’est tout naturellement vers l’entraînement de la force-endurance que leurs travaux se sont dirigés. ➤➤ La fatigue La fatigue est décrite par Basmajian comme étant un phénomène complexe et vraisemblablement un complexe de nombreux phénomènes. Son intensité est difficile à quantifier. Selon les dictionnaires usuels, la fatigue est la sensation désagréable de difficulté à effectuer des efforts physiques ou intellectuels, provoquée par un effort intense, par une maladie ou sans cause apparente. Selon Medline Plus, la fatigue est définie comme un sentiment de lassitude, d’épuisement ou un manque d’énergie. Même si la personne ressentant une fatigue désire arrêter l’entraînement, il est judicieux de l’encourager à continuer afin de stopper le cercle vicieux de déconditionnement. Toutefois le fait de proposer un programme comportant des séries d’exercices entrecoupés de pauses montre à la personne que sa fatigue est prise en compte sans que l’entraînement soit interrompu. La fatigue est un sentiment subjectif et varie d’après les individus, leur éducation et leur culture. L’échelle NER 21 d’effort, décrite ultérieurement dans ce chapitre, propose un moyen facile à objectiver cette sensation subjective. ➤➤ La récupération tardive La récupération tardive constitue un paramètre important pour doser adéquatement l’intensité du programme thérapeutique. Pour avoir le résultat le meilleur, l’intensité du programme thérapeutique devrait être à la limite optimale ressentie par la personne, ni inférieure, ni maximale. Le temps nécessaire à récupérer après un entraînement peut être utilisé comme paramètre objectivable. S’il fallait une heure pour que la personne retrouve la sensation de repos après l’effort, il lui faudra vraisemblablement de moins en moins de temps durant les semaines suivantes. Cette diminution de temps peut être considérée comme une amélioration de l’endurance musculaire. Une évaluation subjective de la durée nécessaire pour se sentir « reposé » permet une objectivation simple de l’amélioration de l’endurance globale et ainsi de l’efficacité de la récupération. 2.5.3. Les signes S-D montrant les déficiences sousjacentes Les signes mettant en évidence les déficiences sousjacentes peuvent être analysées en relation avec l’équilibre, dans le sens large du terme. L’acquisition et le maintien de l’équilibre nécessitent un contrôle intact des éléments suivants : • contrôle postural ; • coordination ; • informations sensori-motrices et tonus postural. Un déficit de chacun de ces symptômes met en péril l’équilibre. ➤➤ Définition de l’équilibre L’équilibre est souvent défini comme la capacité du corps à maintenir une position contre pesanteur. Il peut être statique ou dynamique (Viel). Si l’équilibre intervient dans les divers symptômes primaires, les conséquences sur l’indépendance fonctionnelle s’aggravent toutefois de façon significative en présence des symptômes secondaires et tertiaires. Pour Shumway Cook et Woollacott, l’équilibre (balance) est la capacité à contrôler le centre de gravité (center of mass) par rapport à la base de sustentation (base of support). ➤➤ Enjeux de l’équilibre L’équilibre joue un rôle déterminant pour la condition biopsychosociale, que ce soit pour l’indépendance fonctionnelle ou pour la qualité de vie. Son déficit est un facteur de risque majeur. Les études de Benenato et Andersson en 2009, de Mackintosh en 2005, Belgen et Lamb en 2006 ont toutes mis en évidence l’incidence de chute chez la personne après une attaque cérébrale : de 25 % à 46 %. 36 % admettent être tombée durant leur séjour à l’hôpital, 47 % ont vécu une chute dans les six premiers mois après leur sortie de l’hôpital. Ces résultats sont très inquiétants et doivent attirer notre attention sur ce danger quel que soit le stade d’évolution. Shumway Cook et Woollacott (notes personnelles) précisent que 20 % des personnes ayant expérimenté des chutes déclarent une peur récurrente de retomber, influençant négativement leur confiance dans les déplacements, diminuant significativement leur qualité de vie. Les personnes présentant, avant l'AVC, un équilibre déficient, une condition physique pauvre, un état dépressif, une estime de soi diminuée, une médication, un déficit visuel ou une incontinence ont des facteurs de risques de chute accrus. 19 20 Chapitre 2 L e syndrome de déconditionnement biopsychosocial , ou B P S - D s y n d r o m e 2.6. Contrôle postural, coordination, sensibilité superficielle et profonde, tonus postural 2.6.1. Le contrôle postural Le contrôle postural dynamique peut être considéré comme le commun dénominateur du mouvement, la posture étant le maintien d’une position du corps durant une certaine période (Riva). Pour Shumway Cook et Woollacott, le contrôle postural est le fait de contrôler la position du corps dans l’espace afin d’atteindre orientation et stabilité (2010) ; l’orientation étant la capacité à maintenir une relation appropriée entre les segments du corps, entre le corps et la pesanteur ; la stabilité ou équilibre étant la capacité à contrôler le centre de gravité par rapport à la base de sustentation. Il est possible de définir le contrôle postural comme étant la capacité à activer des ajustements posturaux anticipatifs (APA) permettant les mouvements du corps et des extrémités de manière à réaliser une tâche avec succès, avec un minimum d’énergie et un maximum d’efficacité. Il est stimulé par l’attention, la perception, la mise en situations environnementales multiples et diverses, surprenantes et inattendues (Gerber). Nadeau a posé une nouvelle hypothèse lors des Journées françaises de kinésithérapie de 2011, sur la raison d’une présence d’asymétrie lors d’exécution de tâches fonctionnelles chez la personne hémiparétique : « En général, l’exécution des activités fonctionnelles est caractérisée par une diminution de la vitesse des mouvements et de l’endurance, par une utilisation de stratégies compensatoires et par une asymétrie dans l’exécution des mouvements. Mais quelle est la raison de cette asymétrie ? » L’hypothèse émise est que l’asymétrie serait le résultat d’une volonté de la personne à produire des niveaux d’efforts semblables des deux côtés. « Ces personnes ont la capacité de performer symétriquement mais comme elles présentent une force musculaire diminuée du côté parétique, elles choisissent de réduire leur mise en charge ou leur temps d’appui sur le membre parétique (ou à l’inverse de prolonger celui du côté non parétique) afin de produire des efforts similaires des deux côtés du corps au niveau des articulations. » La présence de trois facteurs semble jouer un rôle dans cette ­asymétrie : le déficit de perception, la mémoire pré-lésionnelle du niveau d’effort (référence interne) et le déficit d’endurance. Cette hypothèse est d’autant plus intéressante pour notre approche thérapeutique actuelle car bien que la vraie symétrie était proposée jusque dans la décennie 1990 dans le concept Bobath, depuis plusieurs années maintenant, nous privilégions les activités bipodales asymétriques (ou bimanuelles asymétriques) plutôt que la vraie symétrie, pour autant que l’unipodal ne soit pas une option évidemment. Autrefois, l’idée du côté non parétique « montrant l’exemple » à l’autre était considérée comme une solution à encourager. Mais, l’observation des activités physiologiques montre une prédominance à l’asymétrie sur la symétrie pure dans la majorité des activités des extrémités et l’expérience clinique a montrée que le but visé doit déterminer la position des pieds : si le but est de se lever pour marcher, alors le pied parétique (et surtout le talon) doit être en charge à plat, l’avant-pied sain est en arrière afin d’aider par sa force accrue les premiers degrés du lever, puis rapidement le membre inférieur non parétique effectue un pas ; si par contre le but est de se mettre debout et d’y rester, alors le pied non parétique vient se mettre à la hauteur de l’autre pied dès le début du lever réalisé. 2.6.2. La coordination Les encyclopédies médicales la décrivent comme l’ensemble des fonctions neurologiques permettant que les mouvements restent harmonieux et fluides. Ainsi sont maintenus les postures initiales et les mouvements n’ayant pas une action réflexe. La coordination des mouvements se fait par un contrôle permanent des muscles agonistes et des muscles antagonistes. La coordination met en jeu diverses fonctions qui agissent en permanence, à chaque instant et simultanément. D’abord le cerveau reçoit des informations en provenance des articulations, grâce à la sensibilité profonde. De la même façon, le tonus musculaire, la position des articulations et donc la posture du corps sont transmis au cerveau. Par ailleurs, l’oreille interne informe le cerveau sur la position du corps par rapport à la verticale, ainsi que sur la vitesse à laquelle il se déplace. Enfin, la vision et l’audition informent le cerveau de l’environnement immédiat. Le cerveau envoie des ordres pour maintenir, modifier ou stopper le mouvement de certains muscles par rapport à d’autres. Les voies qui assurent cette motricité sont les voies pyramidales. Parallèlement, les voies extrapyramidales assurent les postures et le contrôle des mouvements volontaires. Toutes ces données sont coordonnées par le cervelet qui joue en quelque sorte le rôle de cerveau secondaire. 2.6.3. La sensibilité superficielle : douleur, toucher et température La sensibilité superficielle ou extéroceptive est définie par la capacité discriminatoire (permettant la différentiation) entre le toucher et la température et la douleur. Elle affecte l’indépendance fonctionnelle et la qualité de vie de façon bien moins importante qu’une diminution même légère de la sensibilité profonde et de la proprioception. 2.6.4. La sensibilité profonde : sens vibratoire et proprioception Le sens vibratoire (pallesthésie) est testé avec un diapason et son implication fonctionnelle en cas de déficience est peu décrite. La proprioception, par contre, joue un rôle essentiel dans la récupération fonctionnelle. C’est la capacité 2. L E SYNDROME DE DÉCONDITIONNEMENT BIOPSYCHOSOCIAL (BPS-D) à détecter et à identifier la position de chaque partie de son corps par rapport aux autres et de percevoir son propre corps par rapport à l’environnement proche et lointain. Un déficit de cette qualité entraîne des limitations dans les activités fonctionnelles plus importantes que lors de diminution de la sensibilité superficielle. Le test de mirroring est très utile afin de déterminer la manière dont la personne sent la position de son corps. La vision obstruée par un cache-yeux (préférable à une fermeture active des yeux souvent diminuée en présence de paralysie faciale, même discrète), le membre parétique supérieur ou inférieur est placé passivement dans diverses positions, la personne doit reproduire la même position avec le côté le moins atteint. Afin de gagner du temps lors du test, il est conseillé de commencer par des positions complexes, y compris distales (doigts, surtout pouce, poignet, pro-supination). Trois à cinq positions suffisent par série car la concentration nécessaire est grande et peut faire défaut lorsque le test perdure. Les auteures conseillent de privilégier la position assise (soutenir le tronc par un dossier si nécessaire) pour tester le membre supérieur et inférieur, voire debout si Modèle « BPS-D » Programme thérapeutique complexe Autres Musicothérapie TaïChi Programme de base Jeux adaptés Boccia, boules, fléchettes, échecs géants, billards, football de table, ping-pong, cartes (debout), bowling,… Sports adaptés Marche, tapis roulant, entraînement thérapeutique, Kiné-physioski de fond, curling, thérapeute, ergotennis, basketball, thérapeute, Neuro- course, aquajogging, psychologues, volleyball, Orthophonistes badmington,… Équipe des soins, Ateliers prof. Patient/e Occupationnel Théâtre, concert, chœur, joutes amicales (sport-jeux), cuisine, jeux de cartes,… © M.H. GERBER/U.K. IMHOF Figure 4. Programme thérapeutique complexe (2007) possible. La position couchée n’est pas représentative car la nuque et le tronc ne sont pas activés contre pesanteur ; d’autres parts, peu d’activités fonctionnelles s’y passent. Les informations sensori-motrices se manifestent sous trois formes différentes : • absence d’information et donc de réaction ; • informations existantes mais interprétation erronée avec apparition de réactions atypiques (le terme atypique est actuellement préféré à celui de pathologique) ou hors normes physiologiques ; • informations et interprétations appropriées. 2.6.5. Le tonus postural Le tonus postural est un état de tension des muscles qui s’exerce de façon constante. Il montre une réponse atypique à la pesanteur du côté le plus atteint et une hyper­ activité du côté le moins atteint, également nommé fixation ou hyperactivité. Du côté le plus atteint, trois stades apparaissent progressivement : • durant la phase flasque, les stimulations et le contrôle du tonus sont absents, la dysbalance musculaire est sous-jacente ; • dans la phase hypotonique, le tonus est inférieur à la norme physiologique personnelle d’avant l’atteinte et la tentative de mouvement fait apparaître une initiation atypique caractéristique à l’hémiparésie. Le contrôle musculaire est inadéquat et la dysbalance musculaire est apparente ; • dans la phase hypertonique, le tonus est supérieur à la norme physiologique personnelle d’avant l’atteinte et les problèmes de contrôle et dysbalance musculaire s’accroissent. Les tests de mobilisation passive et de placing permettent d’avoir une impression subjective. Le placing est un test à effectuer contre pesanteur : l’extrémité parétique est placée passivement dans une position complexe puis il est demandé à la personne de maintenir seule la position. Une incapacité à la maintenir va se manifester ou par un mouvement de chute, signalant une faiblesse musculaire, ou par une composante de mouvement atypique, un schème de flexion ou extension par exemple. Un mouvement vers la pronation alors que la supination est à maintenir montre un tonus élevé des pronateurs. Ce test simule de façon plus réaliste ce qui se passe durant les activités fonctionnelles et est ainsi à privilégier par rapport à la mobilisation passive. L’évolution des connaissances cliniques a montré que le tonus musculaire n’est pas l’élément dominant dans les limitations fonctionnelles mais bien plutôt la perception et le manque d’endurance. Il est ainsi de plus en plus évident qu’une inter­ action importante existe entre la proprioception, l’endurance et le répertoire sensori-moteur ou central set, mémoire prélésionnelle des automatismes acquis. 21 22 Chapitre 2 L e syndrome de déconditionnement biopsychosocial , ou B P S - D s y n d r o m e Figure 5. Des activités multiples sur les pistes de ski de fond ou sur la plage (cf. chapitre 9). 3. Programme de réentraînement complexe post-attaque cérébrale visant à combattre le syndrome BPS-D 3.1. Présentation Les auteures publiaient en 2007, dans le journal Kinésithérapie scientifique, une proposition de programme de rééducation visant une amélioration de l’endurance globale post-attaque cérébrale. Le but est d’augmenter la participation active à la vie sociale, l’indépendance à la vie quotidienne et surtout la qualité de vie. Pour cela, la résistance à la fatigue doit augmenter et le temps nécessaire à récupérer après l’effort diminuer. Le programme complexe actualisé est représenté dans la figure 4. Ce programme est applicable dès l’hôpital de réadaptation puis en ambulatoire, enfin en utilisant les structures externes (salle de sport par exemple). Le choix et l’intensité des activités dépendent du stade de récupération, de l’état de fatigue et du désir de la personne d’y participer. Les activités sont multiples, individuelles et en groupes, à sec, dans l’eau, sur la plage ou les pistes de ski de fond (figure 5). Chu et Eng ont publié de nombreux articles sur l’importance de la thérapie dans l’eau, surtout pour améliorer l’endurance, ce milieu est particulièrement propice pour les personnes souffrant en plus d’articulations douloureuses. Une bonne connaissance des avantages et désavantages du réentraînement dans l’eau est nécessaire afin d’obtenir un effet positif. Ce genre d’entraînement doit obligatoirement être associé à une notion de bien-être et la peur doit être absente ; pour ce faire, les thérapeutes se trouvent toujours dans l’eau avec la personne traitée. 3.2. Phase précoce post-AVC Le changement fondamental d’attitude concernant l’intensité de la réadaptation se répercute également sur la prise en charge de la phase aiguë. Indredavik, dans son article « The Benefit of a stroke unit : a randomized controlled trial » publié en 1991, mettait l’accent sur l’importance de commencer la thérapie active dans les 24 à 48 heures après l’admission à l’hôpital s’il n’y a pas de progression de déficits neurologiques. Les Australian clinical guidelines for stroke management de 2010 préconisent une mobilisation précoce, que ce soit pour aider à sortir la personne du lit, à se mettre debout ou à marcher. De même, Cumming défend l’idée qu’une mobilisation très précoce a un effet positif contre la dépression suite à un AVC. Bernhardt présentant le « Cochrane Database of Systematic Reviews » en 2009, conclue que, bien que d’autres recherches soient nécessaires, les stroke units pratiquant la mobilisation précoce en tant que soins standardisés devraient continuer dans cette voie. 3.3. Phase tardive post-AVC Même plusieurs années après l’attaque, une amélioration de la force, de la mobilité, fitness et endurance est observée suite à un programme de réentraînement ; ce gain physique a des répercussions sur la qualité de vie et sur la réinsertion dans la vie communautaire (Duncan 2003). 3.4. La question récurrente de l’intensité à utiliser dans le programme Pour MacKay-Lyons, l’épreuve d’effort cardiaque est indispensable. 75 % des patients ont des antécédents cardiaques, 20 à 40 % présentent des ischémies non identifiées. Le risque cardio-vasculaire est donc bien connu pour cette population. 4. L E S ÉCHELLES NER 21 DE BIEN-ÊTRE, D’EFFORT, DE CAPACITÉ, DE DOULEUR ET DE OUI/NON Le déconditionnement observé après un AVC est global et rapide, inclue également le côté sain ainsi que la fonction cardio-vasculaire Burtin préconise 5 séances (plutôt que 3) par semaine d’entraînement aérobic. La durée minimum de l’entraînement est de 6 semaines, chaque séance durant au minimum 20 minutes, de préférence 30. S’inspirant de Potemka, la fréquence cardiaque doit être adapté à un niveau suffisant pour produire des progrès, soit au moins 50 % de la fréquence cardiaque obtenue à la puissance maximale aérobie. La fréquence des entraînements de force est de 2 ou 3 séances par semaine en sollicitant l’ensemble de groupes musculaires : • 1 à 3 séries ; • 10 à 15 répétitions de 4 à 10 exercices. À cela, il convient d’ajouter des exercices d’assouplissement ou d’équilibre. Les experts ne semblent pas unanimes sur l’intensité à utiliser, ni comment la calculer. Ceci complique énormément la mise en application du programme de réentraînement, mais la constante est que l’intensité est généralement insuffisante pour obtenir les résultats escomptés. Figure 6. Échelle NER 21 de bien-être/fierté. 4. Les échelles NER 21 de bienêtre, d’effort, de capacité, de douleur et de oui/non Les échelles NER 21 de bien-être, d’effort, de capacité, de douleur et de oui/non, ou échelles NER 21-GIJ, sont cinq créations originales de Michèle H. Gerber, Ursula K. Imhof et Marie Julien. La collaboration des auteures avec l’orthophoniste canadienne Marie Julien a permis de créer ces échelles NER 21. Membre du conseil d’administration du Centre de suppléance à la communication orale et écrite (www.cscoe.com), Marie Julien a contribué de façon significative au développement des banques Parlerpictos et Mains Animées qui comptent à ce jour quelque 3 200 pictogrammes et pictogestes qui facilitent la communication pour les personnes avec un déficit du langage (aphasie) ou de la parole (dysarthrie). Les échelles NER 21-GIJ ont l’avantage d’être simples à comprendre par les personnes qui présentent une difficulté de compréhension ou d’expression du langage. Elles peuvent être utilisées pour les personnes atteintes dans leur intégrité physique et pour celles de leur entourage. Les visages des échelles NER 21-GIJ ont été crées avec les ParlerPictos du Centre de suppléance à la communication orale et écrite du Québec1 Les pictogrammes ont été conçus et réalisés par le CSCOE qui est un organisme sans but lucratif ayant comme fonction primaire de servir à l’acquisition de la communication chez les personnes ayant des troubles du langage. 1 (CSCOE-Québec). Certains de ces pictos ont été modifiés avec l’accord des auteures. Les échelles sont verticales afin d’éviter une erreur d’utilisation en cas d’héminégligence. Suite aux essais cliniques réalisés, le visage le plus souriant se trouve en haut de l’échelle de bien-être alors que celui en pleurs est placé en haut de l’échelle d’effort. À cet effet, les auteures avaient développé une échelle utilisant déjà la verticalité et les visages de l’échelle de Wong, la Global Impact Scale (GBI-Scale). Les échelles proposées ci-dessous peuvent donc aisément remplacer les GBI-Scales utilisée précédemment. 4.1. L’ échelle NER 21 de bien-être (figure 6) L’échelle NER 21 de bien-être (et fierté) permet à chaque thérapeute, quelle que soit sa profession, de poser les questions concernant l’évolution de l’état de bien-être ou de satisfaction ressentie par la personne. 4.2. L’ échelle NER 21 d’effort (figure 7) L’échelle NER 21 d’effort permet de quantifier l’effort global ressenti par la personne pour accomplir une tâche déterminée. En posant des questions ciblées, elle permet d’objectiver l’amélioration de l’indépendance fonctionnelle. Il a comme mission de développer, entre autres, de l’expertise en suppléance à la communication pour les individus présentant des troubles sévères de la communication orale et écrite et de sensibiliser (site www.cscoe.com). 23 24 Chapitre 2 L e syndrome de déconditionnement biopsychosocial , ou B P S - D s y n d r o m e Figure 7. Échelle NER 21 d’effort. Figure 8. Échelle NER 21 de capacité/performance. L’effort maximal est représenté par le pictogramme d’une personne qui transpire et qui est placée tout en haut de la graduation en rouge. Les gradations permettent d’objectiver les modifications exprimées subjectivement. En conjuguant les résultats de l’échelle bien-être/ fierté et de celle d’effort, il est possible de les quantifier et de les mettre en relation. Dans ce contexte, la perception d’effort et de bien-être peut être objectivée et comparée de façon plus réaliste. environnementaux, c’est-à-dire tous les aspects du monde physique, social et attitudinal, qui peut être codé en utilisant la composante “facteurs environnementaux”. » Afin d’être en concordance avec la CIF, NER 21 propose une échelle qui peut être utilisée soit en fonction des capacités ou de la performance selon ce qui est évalué. Il est ainsi important de toujours préciser si l’activité évaluée est au niveau capacité ou performance. 4.3. L’ échelle NER 21 de capacité / performance (figure 8) L’OMS, dans la Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF), décrit les codes qualificatifs de capacité et de performance comme suit : « Le code qualificatif de capacité se réfère à l’aptitude d’une personne à effectuer une tâche ou mener une action. Ce code qualificatif définit le niveau de fonctionnement le plus élevé qu’une personne est susceptible d’atteindre dans un domaine donné à un moment donné. La capacité est évaluée dans un environnement uniforme ou normalisé, et reflète donc l’aptitude de la personne ajustée des facteurs environnementaux. Le code qualificatif de performance décrit ce que la personne fait dans son cadre de vie habituel. Cet environnement impliquant un contexte sociétal, la performance telle qu’elle est notée par ce code qualificatif peut aussi être entendue comme “implication dans un situation de la vie réelle” ou “expérience vécue” par les personnes dans leur cadre de vie habituel. Ce cadre de vie comprend les facteurs 4.4. L’ échelle NER 21 de douleur (figure 9) L’échelle NER 21 de douleur permet de quantifier l’intensité de la douleur ressentie par la personne. Elle peut être quantifiée globalement ou spécifiquement en posant des questions ciblées permettant de la localiser. Elle permet ainsi de savoir si une activité réalisée occasionne une douleur spécifique. 4.5. L’ échelle NER 21 de oui/non (figure 10) L’échelle NER 21 de oui/non permet, en posant des questions fermées et ciblées, de confirmer et de nuancer des réponses oui/non classiques. La gradation en 5 points permet de nuancer l’intensité du oui/non et d’apporter des nuances les affirmations et négations de la personne concernée en permettant des réponses de types « plus ou moins » ou « je ne sais pas ». 4.6. Interprétation des échelles NER 21 Les cinq échelles originales NER 21 offrent une nouvelle piste à l’évaluation quantifiée. En effet, l’OMS considère 4. L E S ÉCHELLES NER 21 DE BIEN-ÊTRE, D’EFFORT, DE CAPACITÉ, DE DOULEUR ET DE OUI/NON Figure 9. Échelle NER 21 de douleur. échelles NER 21 permettent de quantifier des données qualitatives et d’en mesurer l’évolution entre le début et la fin d’un traitement. En posant des questions ciblées, elle permet d’objectiver l’amélioration de l’estime de soi. Dans ce contexte, les différentes perceptions proposées par les échelles peuvent être comparées de façons plus objectives. Par exemple, si l’effort était quantifié à 10 (très fatigant) pour la toilette du haut du corps debout devant le lavabo en position thérapeutique, il est quantifié à 5 deux semaines plus tard et enfin à 2 six semaines plus tard : cela permet une objectivation de la progression de 8. Certaines mesures sont parfaitement objectivables comme celles de calculer le temps pour se rendre d’un point A à un point B. L’ajout des échelles NER 21 permet d’évaluer la capacité fonctionnelle réelle et significative de la personne atteinte. Elle donne des indices précieux à l’évaluation effectuée par les thérapeutes en ajoutant les paramètres ressenties par la personne atteinte. Elle permet de mieux mesurer les effets des interventions proposées et de prédire le devenir fonctionnel de la personne. De plus, le fait de demander à la personne atteinte de s’auto-évaluer lui permet de prendre conscience de ses propres capacités et performances, de ses efforts et de sa satisfaction, contribuant ainsi à une meilleure prise de conscience de ses capacités. L’effort nécessaire au déplacement d’un point A à un point B est évalué dans un environnement quotidien sur la capacité fonctionnelle réellement significative pour le patient. Pour cela, il ne faut pas seulement utiliser un paramètre comme la vitesse de marche par exemple, mais bien un ensemble d’éléments fournissant une information objective sur les possibilités fonctionnelles du patient. Prenons l’exemple d’un effort ressenti subjectivement par la personne se rendant de sa chambre à la cafétéria de l’hôpital de réadaptation ; il est évalué sur trois semaines. Ce déplacement s’effectue avec l’utilisation d’un bâton de marche, d’une orthèse Caligaloc®, tandis que la main parétique, alignée par une orthèse de stabilisation, tient durant tout le trajet une petite bouteille de 25 cl remplie de liquide, sans la laisser tomber. 4.7. Application des échelles NER 21-GIJ auprès des personnes ayant des troubles de la communication Figure 10. Échelle NER 21 de oui/non. que l’évaluation la plus importante au niveau indicatif est celle de la qualité de vie ou de la perception subjective des personnes atteintes. Toutefois, il est très difficile d’argumenter avec des données purement subjectives. Les Les échelles NER 21-GIJ ont été conçues pour être également utilisables avec les personnes qui présentent des troubles de la communication. En effet, les thermomètres utilisés dans ces échelles sont gradués en chiffres avec un dégradé de couleur indiquant la variation d’intensité du concept évalué. La gradation est aussi exprimée par des visages tirés de la banque Parlerpictos du CSCOE-Québec. Finalement, afin d’inviter les thérapeutes à mimer les concepts évalués, les concepts de fierté et d’effort ainsi que le oui et le non sont illustrés par des pictogestes tirés de la banque 25 26 Chapitre 2 L e syndrome de déconditionnement biopsychosocial , ou B P S - D s y n d r o m e Les Mains animées du CSCOE-Québec. Ainsi, l’explication de l’effort est facilitée par le mouvement d’enlever la sueur sur le front avec deux doigts, celle de la fierté d’avoir réussi par un geste de brandir la victoire et celles du oui ou du non par le pouce dirigé vers le haut ou vers le bas. Avec l’échelle de douleur, la thérapeute est invitée à pointer la partie du corps susceptible de présenter une douleur. L’expérience clinique nous indique que l’utilisation des gestes en accompagnement de la parole est particulièrement utile lorsque les troubles de la compréhension sont sévères. Pour plus d’information concernant la communication multimodale, les thérapeutes sont invités à consulter les banques Parlerpictos et Les Mains animées2 ainsi que le Guide de l’intervenant du formulaire multimodal des niveaux d’intervention médicale (NIM) et de la réanimation cardiorespiratoire (RCR) Julien et Dechelette 20123. Des exemples d’applications concrètes des échelles NER 21-GIJ avec des personnes ayant des troubles de la communication sont également abordés dans le chapitre 7. 5. Questionnaire actualisé du syndrome BPS-D avec les échelles NER 21 Les auteures ont proposé ce questionnaire à plusieurs patients participant à un programme complexe de réadaptation. Ces personnes étaient internes ou externes à l’hôpital de réadaptation. Le questionnaire actualisé avec les échelles est décrit ci-après. 5.1. Description du questionnaire original sur le syndrome BPS-D de Gerber-Imhof Ce questionnaire est adressé aux personnes atteintes dans leur santé par une lésion acquise du système nerveux central et à leurs proches. Le but est d’améliorer la qualité des prises en charges interdisciplinaires des professionnels de la santé. Les personnes incluses dans cette étude ont une atteinte acquise du système nerveux central (AVC, TCC, syndrome parkinsonien et ataxique et atteintes médullaires incomplètes). Le but de ce questionnaire est de s’intéresser à l’opinion de la personne atteinte et de son entourage. Les thèmes sont la qualité de vie, l’impression d’effort nécessaire à la réalisation de la réadaptation, l’évolution des contacts sociaux. Les personnes intégrées dans ce processus apprécient d’avoir la possibilité de s’exprimer par un tel www.cscoe.com Julien, M. & Dechelette, L. (2012). Formulaire multimodal des niveaux d’intervention médicale (NIM) et de la réanimation cardiorespiratoire (RCR) et guide de l’intervenant [En ligne]. http://www.csssjeannemance.ca/ publications. 2 3 questionnaire car il n’est pas comparable aux questions habituelles que les thérapeutes posent durant leur thérapie. Le questionnaire n’est pas nominatif. Il peut être posé intégralement, il dure alors environ 15 minutes, ou partiellement. Les questions spécifiques à une situation peuvent aisément être ajoutées à tout moment. Les échelles NER 21 de bien-être et d’effort sont utilisées pour évaluer les impressions subjectives des personnes atteintes ou de leurs proches et leurs permettre, en tout temps, de les exprimer. Elles sont en cela innovantes car elles changent le paradigme classique qui donne aux professionnelles de la santé le pouvoir décisionnel. Pour des évaluations comparatives sur plusieurs jours, semaines ou mois, il est possible de proposer que le visage du milieu représente la situation précédent l’atteinte. La personne décrit la situation actuelle ; les échelles utilisées ont soit le visage souriant en haut (bien-être), soit le visage transpirant en haut (effort). La différence avec la situation actuelle permet de quantifier l’évolution positive ou négative. 5.2. Questionnaire pour la personne atteinte 5.2.1. Qualité de vie ➤➤ Attentes du patient Question : « Quelles sont vos attentes principales par rapport à votre rééducation/réadaptation ? » Réponse : « Que la réadaptation me permette de ……………………………………………………… » ➤➤ Évaluation de la qualité de vie Question : « Si votre qualité de vie avant l’atteinte se situait au visage du milieu sur l’échelle de bien-être présentée, elle se situe maintenant : 1. « avec votre partenaire : Réponse : ………………………………………… 2. « avec vos voisins et vos collègues de travail : Réponse : ………………………………………… 3. « avec votre famille élargie : Réponse : ………………………………………… 4. « avec vos amis proches : Réponse : ………………………………………… ➤➤ Du début de la réadaptation au retour à la vie sans encadrement thérapeutique La thérapeute pose des questions par rapport aux 4 situations suivantes : 1. Début de la réadaptation avec le programme complexe adapté. 2. Durant la réadaptation avec le programme complexe adapté. 5. Q U E S T I O N N A I R E ACTUALISÉ DU SYNDROME BPS-D AVEC LES ÉCHELLES NER 21 3. En ambulatoire mais continuant le programme complexe adapté. 4. Alors que l’encadrement professionnel est terminé. 5.2.2. Efforts nécessaires (échelle NER 21 d’effort) 1. « Qu’est ce qui était le plus difficile à suivre et supporter dans l’offre thérapeutique (mentionner les 3 plus importants) ? » c la kiné-physiothérapie c l’ergothérapie c l’orthophonie-neuropsychologie c les sports c les loisirs 2. « Qu’est ce qui était le plus facile à suivre et supporter dans l’offre thérapeutique (mentionner les 3 plus importants) ? » c la kiné-physiothérapie c l’ergothérapie c l’orthophonie-neuropsychologie c les sports c les loisirs 5.2.3. Plaisir (échelle NER 21 de bien-être) 1. « Parmi l’offre thérapeutique, qu’est ce que vous préfériez faire (mentionner les 3 plus importants) ? » c la kiné-physiothérapie c l’ergothérapie c l’orthophonie-neuropsychologie c les sports c les loisirs 2. « Parmi l’offre thérapeutique, qu’est ce que vous aimiez le moins faire (mentionner les 3 plus importants) ? » c la kiné-physiothérapie c l’ergothérapie c l’orthophonie-neuropsychologie c les sports c les loisirs 3. « Le déficit physique ou la limitation dans l’indépendance qui vous a le plus atteint dans votre qualité de vie est (citer dans l’ordre décroissant : le plus pénible = 1 ; le moins pénible = 8) ? » c la parole c la marche c l’utilisation de mon bras, de ma main c la dépendance pour aller aux commodités c la dépendance pour les soins corporels c la dépendance pour l’habillage et le déshabillage c la dépendance pour l’alimentation et la prise des repas c autres : ………………………………………… 4. « La récupération physique qui vous a le plus motivé pour continuer votre réadaptation est : (citer dans l’ordre décroissant : le plus pénible = 1 ; le moins pénible = 8) ? » c la parole c la marche c l’utilisation de mon bras, de ma main c la dépendance pour aller aux commodités c la dépendance pour les soins corporels c la dépendance pour l’habillage et le déshabillage c la dépendance pour l’alimentation et la prise des repas c autres : ………………………………………… 5. « Avez-vous exercé une activité physique ou sportive avant votre atteinte ? » c non c oui Le cas échéant, laquelle ?........................................ depuis quand ?........................................................ à quelle fréquence par semaine ?............................. pendant quelle durée ?............................................ 6. « Exercez-vous une activité physique ou sportive dans le cadre du programme de réadaptation ? » c non c oui Le cas échéant, laquelle ?........................................ depuis quand ?........................................................ à quelle fréquence par semaine ?............................. pendant quelle durée ?............................................ 7. « Exercez-vous une activité physique ou sportive depuis la fin du programme de réadaptation ? » c non c oui Le cas échéant, laquelle ?........................................ depuis quand ?........................................................ à quelle fréquence par semaine ?............................. pendant quelle durée ?............................................ 8. « Avez-vous pratiqué un programme d’exercices à domicile individuellement adapté par vos thérapeutes ? » c non c oui à quelle fréquence par semaine ?............................. pendant quelle durée ?............................................ 9. « Quel entraînement avez-vous effectué en plus du programme d’exercices à domicile ? » c aucun c activités aquatiques (natation, wet vest, exercices individualisés) c entraînement thérapeutique sur machines (tapis roulant, machines pour la rotation du tronc, leg press, vélo pour les jambes et les bras, etc.) c jeux thérapeutiques (babyfoot, ping-pong) c sports, même adaptés. Si oui, lesquels ? 10. « Comment vous sentez-vous depuis que vous avez (re)commencé un entraînement thérapeutique sur machines ? » (échelle NER 21 de bien-être) 27 28 Chapitre 2 L e syndrome de déconditionnement biopsychosocial , ou B P S - D s y n d r o m e 11. « La perception de votre corps a-t-elle changé depuis que vous combinez traitement individuel et entraînement thérapeutique ? » (écchelle NER 21 OUI/ NON) 12. « Comment évalueriez-vous votre envie de sortir, d’aller à la rencontre des gens, au restaurant, à la cafétéria, faire les boutiques, dans votre lieu de culte depuis l’entraînement thérapeutique ? » (échelle NER 21 de capacité/performance) 13. « L’entraînement thérapeutique a-t-il facilité votre intégration avec les autres patients ? » c non c oui 14. « Votre humeur et votre moral se sont-ils améliorés depuis votre entraînement thérapeutique ? » c non c oui 5.2.4. Entraînement thérapeutique 1. « Classez les activités suivantes par ordre de préférence, 1 désignant ce que vous aimez le plus et 8 ce que vous pratiquez le moins volontiers. Ne choisissez que ce que vous avez exercé depuis votre atteinte. » c Vélos pour les membres inférieurs c Tapis roulant c Leg press c Rotation du tronc c Flexion du tronc c Extension du tronc c Vélo pour les bras c Machines pour les bras (extension, flexion, etc.) c Exercices avec le Medflex® ou le Teraband® (élastiques) 2. « Que préférez-vous ? » c l’entraînement individuel c l’entraînement en groupe 5.2.5. Entraînement dans l’eau 1. « Classez les activités suivantes par ordre de préférence, 1 désignant ce que vous aimez le plus et 8 ce que vous pratiquez le moins volontiers. Ne choisissez que ce que vous avez exercé depuis votre atteinte. » c Natation c Gymnastique individuelle c Gymnastique en groupe c Wet vest 2. « Que préférez-vous ? » c l’entraînement individuel c l’entraînement en groupe 5.2.6. Sports adaptés et jeux 1. « Classez les activités suivantes par ordre de préférence, 1 désignant ce que vous aimez le plus et 8 ce que vous pratiquez le moins volontiers. Ne choisissez que ce que vous avez exercé depuis votre atteinte. » c Baby-foot c Billards c Ping-pong c Boccia, jeux de boules, pétanque c Badminton, jeux de fléchettes c Tennis c Golf, minigolf c Autres :.............................................................. 2. « Selon vous, quelle est l’utilité de ces entraînements ? » D’abord, la thérapeute effectue une évaluation globale grâce à l’échelle NER 21 de bien-être, de « très utile » à « inutile ». Puis : « Évaluez l’efficacité du travail sur les machines, 1 désignant la machine la plus efficace, 9 la moins efficace. » c Vélos pour les membres inférieurs c Tapis roulant c Leg press c Rotation pour le tronc c Flexion du tronc c Extension du tronc c Vélo pour les bras c Machines pour les bras (extension, flexion, etc.) c Exercices avec le Medflex® ou le Teraband® (élastiques) Enfin, la thérapeute effectue une évaluation de la thérapie personnelle grâce à l’échelle NER 21 de bien-être, de « très utile » à « inutile ». 6. Étude observationnelle et subjective de l’efficacité du programme complexe proposé L’étude sur le post-stroke model PBDS et les effets d’un programme spécifique de réentraînement a été présentée pour la première fois en 2005 aux États-Unis lors de la III STEP Conference donnée par les auteures. L'étude consiste en un questionnaire décrit ci-dessous, couplé avec un ensemble de tests validés, comme le Rivermead et la MIF. Concernant l’évaluation de la mesure d’indépendance fonctionnelle (MIF) et le Rivermead sur deux et dix semaines, on voit clairement une amélioration chez les 4 personnes hémiparétiques intégrées à l’étude – de la 5e personne n'ont pu être utilisés. L’amélioration est plus nette lors des deux premières semaines et se stabilise par la suite. 6. É T U D E OBSERVATIONNELLE ET SUBJECTIVE DE L’EFFICACITÉ DU PROGRAMME COMPLEXE PROPOSÉ Changes in FIM and Rivermead scores 120 115 120 120 116 110 FIM 100 87 80 60 40 29 Rivermead 20 18 13 9 0 baseline FIM_K time 2 FIMC RM_K + 10 wks RM_C Figure 11. Évolution de la MIF et du score de Rivermead. 6.1. Résultat concernant la perception subjective de l’utilité des diverses machines Concernant l’utilité subjective à utiliser certaines machines de réentraînement, les résultats montrent que le tapis roulant, l’ergomètre et la machine de rotation sont en tête. Plusieurs études ont démontré l’efficacité du tapis roulant (avec ou sans suspension du tronc supérieur), il n’est pas surprenant de trouver le vélo en deuxième position. Ce qui est plus étonnant, c’est que les personnes perçoivent clairement l’efficacité de la machine de rotation du tronc. L’amélioration de la perception du tronc ainsi que l’augmentation de la force-endurance des petits rotateurs du tronc, surtout les transverso-épineux (Mm rotatores) sur l’amélioration fonctionnelle générale est une hypothèse émise par les auteures ; l’évaluation subjective des personnes atteintes semblent lui donner une certaine validité. Par contre, les machines entraînant surtout la flexion et l’extension du tronc ainsi que le vélo pour les membres supérieurs ne semblent trouver grâce que partiellement aux yeux des personnes testées. Le plaisir à utiliser le vélo, le tapis roulant et la machine de rotation du tronc confirme l'intuition qu'ont eue les auteures grâce à leur expérience clinique. La machine de leg press est également appréciée et ressentie comme utile. Le tapis roulant peut être utilisé avec suspension du tronc supérieur ou non ; les multiples études sur le sujet publiées par Hesse mettent en évidence l’avantage de Figure 12. Machines entraînant la rotation du tronc. 29 30 Chapitre 2 L e syndrome de déconditionnement biopsychosocial , ou B P S - D s y n d r o m e Perceived usefulness of the machine Pleasure in using the machine 5 6 5 6 8 2 8 8 3 Leg press 1 7 Flex trunk 7 8 6 Rotation trunk 3 3 2 6 Ext trunk 0 4 Armbike 3 4 7 1 b.Medflex a. 5 Armbike 4 6 0 Medflex Treadmill Pat Pat Pat Pat 2 5 Flex trunk 7 7 6 Rotation trunk Ext trunk 8 7 2 Legpress 8 8 Treadmill 4 Bike Bike Figure 13. a . Plaisir à utiliser la machine b. Efficacité perçue des machines d'entraînement a. b. c. Figure 14. Travail sur l’ergomètre a. Schéma atypique non souhaité b. et c. Positions des membres supérieurs conseillées combiner cette thérapie avec les autres stimulations classiques de la marche afin d’optimiser la récupération fonctionnelle. Il est prouvé que le tapis roulant améliore la vitesse de marche, la symétrie des pas et l’endurance. L’ergomètre ou vélo ne doit pas favoriser les schèmes atypiques (figure 14), c’est pourquoi le patient est stimulé à ne pas tenir le guidon : ceci augmente de façon significative le travail du tronc. Sur la figure 14.b, la thérapeute apporte une aide au membre inférieur avec son pied. Sur la figure 14.c, elle stimule la musculature abdominale avec sa main gauche. La machine de leg press est d’autant plus utile si les membres inférieurs sont positionnés en abduction et rotation externe (figure 15). Figure 15. Travail sur le leg press PatG PatK PatC PatL 6. É T U D E OBSERVATIONNELLE ET SUBJECTIVE DE L’EFFICACITÉ DU PROGRAMME COMPLEXE PROPOSÉ a b Figure 16. a . Vélo assis b. Walker ou marcheur Les talons sont en charge sur la plateforme. Si le patient utilise son schème d’extension, l’avant-pied glisse en dehors du support. Il prend conscience de son erreur et peut réajuster sa position. Les muscles abducteurs et rotateurs externes de la hanche sont aussi activés ce qui est particulièrement judicieux pour les tendances en extension, adduction et rotation interne. L’autre avantage de cette machine est que le tronc est soutenu pendant le travail des membres inférieurs. Le vélo traditionnel peut être remplacé par un vélo assis (figure 16.a) ou plus tardivement par le marcheur (figure 16.b) qui simule la marche et intègre également la contre-rotation des ceintures et impliquent les membres supérieurs. Enfin, utiliser un vélo à l’extérieur est synonyme de plaisir accru et peut être envisagé comme une b a d finalité. Souvent, quelques adaptations pour améliorer l’équilibre permettent à la personne de l'utiliser à l’extérieur. Dans le cas de la patiente présentée sur la figure 17.a, l’hémiparésie est due à une infirmité cérébrale ; l’alignement du tronc et surtout des extrémités droites est impossible mais ce vélo adapté lui permet de se déplacer de façon indépendante dans la ville. L’augmentation du tonus lors du déplacement ne lui permet pas de tenir le guidon avec la main droite. Le vélo est utilisé durant la thérapie pour apprendre à la patiente à régulariser son tonus postural du membre supérieur droit en utilisant le guidon latéral ou central (figures 17.c et d). Le plaisir, la fierté, l’amélioration de l’endurance globale et l’indépendance fonctionnelle sont des éléments dont il faut tenir compte même si, pour un œil de thérapeute visant l’alignement, cela nécessite une grande flexibilité d’esprit ! c Figure 17. Diverses adaptations de la main parétique sur le guidon 31 32 Chapitre 2 L e syndrome de déconditionnement biopsychosocial , ou B P S - D s y n d r o m e 6.2. Résultat concernant la perception subjective du plaisir à utiliser certains jeux adaptés ou thérapeutiques Quant aux jeux adaptés ou thérapeutiques, le jeu de boules ou boccia arrive largement en tête. Sachant que le matériel est peu coûteux et facile à appliquer, c’est un investissement conseillé prioritairement. Il peut se jouer en groupe ou à deux personnes. Il est spécialement indiqué avec des enfants qui peuvent aller rechercher les boules si la personne ne peut y aller elle-même. C’est également une activité en plein air permettant plaisir et amélioration de la condition physique car la personne est debout. La patiente présentée sur les photos a une hémiparésie gauche et présente une certaine crainte de tomber. Le fait de tenir le dossier de la chaise avec sa main parétique et de maintenir l’avant-bras contre lui la rassure. Cette position du bras gauche induit également une certaine flexion des membres inférieurs entraînant une meilleure mise du pied gauche pendant le jeu (cf. chapitre 14 et figure 18). La patiente de la figure 19 est capable de jouer avec sa main gauche parétique et de se déplacer ; la main droite est dans une moufle car elle suit une thérapie par la contrainte. Le jeu de cartes peut être utilisé de diverses manières. Sur la figure 20, les deux patients jouent aux cartes tout en restant en charge sur leurs avant-bras hémiparétiques. Les cartes se trouvent à un endroit tel qu’elles induisent une rotation du tronc et surtout une rotation externe de l’épaule hémiparétique, l’intensité pouvant être dosée par la personne elle-même. Là aussi, le fait de réaliser cette action en groupe stimule et donne du courage à aller toujours plus loin dans la rotation de l’épaule. À part le jeu de boules, le babyfoot et le minigolf sont très appréciés, suivis par le jeu de fléchettes et le billard. Figure 18. La main parétique tient le dos de la chaise Figure 19. Jeu de boules avec la main saine dans une moufle Le billard présente de nombreux avantages : il fait travailler les automatismes dans les déplacements autour de la table, alterne les mises en charges des pieds avec une attention portée sur le jeu et non sur les membres inférieurs, engage une activité bilatérales asymétriques des membres supérieurs, limite l’espace et offre la possibilité de se retenir à la table si l’équilibre est précaire. Sur la figure 22.a, le patient est en contre-rotation des ceintures, utilise sa main parétique droite pour tenir la queue et la fait glisser entre ses doigts en utilisant l’autre bras ; ceci nécessite un travail complexe des membres supérieurs. Tout le corps est en mouvement sur un mode automatique et non cognitif. Le babyfoot (figure 22.b) peut être joué avec une extrémité supérieur, celle la plus atteinte pour le patient de gauche qui est très héminégligeant (il tient un objet dans la main gauche, placée derrière son dos, afin de se Figure 20. Thérapie en groupe avec un jeu de cartes 6. É T U D E OBSERVATIONNELLE ET SUBJECTIVE DE L’EFFICACITÉ DU PROGRAMME COMPLEXE PROPOSÉ Pleasure in therapeutic games Badmington/Tennis Climbing Pooltable Pat K Pat C Pat L Pat Ga Darts Table tennis Minigolf Babyfoot Boccia Figure 21. Plaisir pris aux jeux thérapeutiques rappeler de ne pas l’utiliser) ou par les deux mains pour le patient de droite ayant une ataxie. Le golf, ou le minigolf, permet de travailler une activité bimanuelle asymétrique des membres supérieurs, nécessitant une attention importante et une précision des mouvements ainsi qu’un déplacement du poids du corps d’un pied à l’autre s’effectuant spontanément ; ce qui est particulièrement avantageux avec les personnes craignant de charger le côté lésé. Une personne ayant peu d’équilibre et un problème de perception pourra putter appuyé contre un coin de la pièce (figure 22.c) ou faisant face au coin. Le mur de grimpe est une option à utiliser, surtout si celui-ci peut être incliné avec des angles variables. 6.3. Avantages de ces activités 6.3.1. Pour les personnes avec aphasie ou dysarthrie Le jeu de boules, le billard ou le babyfoot, ne nécessitent aucune capacité à s’exprimer clairement ; c’est a Figure 22. Travail au billard, au babyfoot et au golf b la raison pour laquelle ils sont surtout indiqués pour les personnes présentant un trouble de la parole ou du langage. La difficulté à communiquer n’entraîne que trop souvent l’absence de visite de l’entourage, famille ou amis. Le fait d’avoir quelque chose à faire ensemble sans devoir parler enlève beaucoup d’angoisse dans la communication. Ce genre d’infrastructure est donc très fortement conseillé dans les salles de loisirs accessibles aux patients et à leurs visites, également durant les week-ends. 6.3.2. Avantages des activités en groupe pour les personnes post-AVC en externe Les activités en groupe pour cette population améliorent leur « outcome » comme l’a démontré l’étude de Eng [29], en 2003, dans « A community-based group exercice program for persons with chronic stroke » : l’amélioration de leur situation est en partie due à la collégialité qui se développe entre les participant/es, les encouragements et le soutien qu’ils/elles se donnent pendant et hors de l’activité thérapeutique. Le bénéfice social est démontré par plusieurs publications, celle de TeixeiraSalmela entre autres (1999). Nos résultats concordent avec ceux de Brinkmann et Hoskins (1979) concernant l’augmentation de l’estime de soi et le sentiment de bienêtre exprimés par les patient/es, surtout lorsque le programme d’entraînement leur permet de choisir parmi plusieurs options ; cela leur redonne l’impression de reprendre le contrôle sur leurs vies et a un impact positif sur d’autres aspects psychosociaux : reprendre un hobby laissé de côté ou avoir le courage de se rendre au café ou restaurant pour retrouver des ami/es. 6.4. L’importance de la musique dans la réadaptation neurologique La musique est utilisée dans la plupart des thérapies proposées par les auteures, que ce soit durant les activités de c 33 34 Chapitre 2 L e syndrome de déconditionnement biopsychosocial , ou B P S - D s y n d r o m e groupes, de réentraînement sur les machines ou durant certaines thérapies individuelles. Si la musique est couramment utilisée pour stimuler l’exercice physique dans les salles de gymnastique, pour coordonner les mouvements dans le sport (golf, natation ou autres) ou pour la relaxation, les thérapeutes en rééducation ont parfois une attitude très réticente envers son utilisation. Ce n’est pas l’avis des auteures qui intègre depuis de nombreuses années ce médium tout en portant un regard critique sur l’action provoquée. Voici quelques propositions d’utilisation associant le rythme au mouvement. 6.4.1. Utilisation de la musique dans la thérapie L’orchestre NER 21 est un petit groupe dans lequel chaque personne frappe le rythme sur un instrument de musique (éventuellement construit par elle-même) sur un morceau de blues, jazz, musique country, brésilienne ou autre, mais significative pour le groupe (figure 23). La musique doit être assez forte pour que les erreurs de rythme ne soient pas mises en évidence. Les morceaux de musique ne doivent pas être trop longs (environ 3 minutes chacun) et entrecoupé de jeux thérapeutiques, de sourires et de plaisir surtout ! Le but est d’une part de créer une situation ludique et joyeuse, d’autre part de stimuler le contrôle postural si souvent déficient. Associer le mouvement au rythme de la musique peut aider certains patients à retrouver la faculté d’effectuer des gestes. Nous nous souvenons qu’une personne hémiparétique de culture africaine, hésitant à mettre Figure 23. L’orchestre NER 21 en charge le membre inférieur parétique, a entièrement oublié cette crainte lorsque la thérapeute lui a montré comment les personnes de sa tribu marchent lors de funérailles, de fête ou de marche de protestation : de grands pas frappant fortement le talon au sol, associés à une flexion des hanches et genoux. Le chapitre 10 donne un autre exemple de rééducation réussie grâce à la musique : suite à un traumatisme crânien, Samuel, qui avait perdu la capacité de sauter, a pu en recruter le souvenir pour la première fois et après plusieurs années lors d’une séance de danse en groupe. La musique peut également s’avérer utile pour la rééducation de la dysarthrie : le fait d’associer un mouvement de rotation du tronc associé à un glissement vers l’avant avec la main ataxique sur une table, tout en produisant un son permet de le prolonger et de l’améliorer (voir chapitre 7). 6.4.2. La danse thérapeutique Le but de la danse thérapeutique n’est pas de réaliser des performances acrobatiques mais le simple fait d’alterner le poids du corps d’un pied à l’autre permet d’améliorer l’équilibre et la mise en charge sur les pieds. Elle permet en outre de proposer au couple de danser sur une musique qui leur est chère. Afin d’induire un allongement du tronc hémiparétique, le bras atteint est posé sur l’épaule du partenaire (pour autant que cela soit sans douleur) qui le maintient avec le sien. Ce balancement debout, en présence de thérapeutes, permet souvent de diminuer la crainte des partenaires à toucher l’être aimé et de dédramatiser 11. R E M E R C I E M E N T S Remerciements MERCI ! (Français) À mes parents qui m’ont permis de réaliser mes rêves professionnel et privé, à mes sœurs Nicole et Christiane et, bien sûr, à ma partenaire de vie, Ursula. Leur amour inconditionnel est le plus beau cadeau que la vie puisse m’offrir ! Je n’oublie pas non plus Olivier, mon cousin « jumeau » parti trop tôt. DANKE ! (Allemand) Aux personnes ayant une atteinte neurologique centrale et à leurs entourages qui ont participé à cet ouvrage. Leur accord a été immédiat et sans réserve. Le désir qu’ils ont eu de partager leur vécu afin d’améliorer les traitements d’autrui témoigne de leur générosité face à l’adversité. THANK YOU ! (Anglais) Aux onze contributrices et contributeurs de ce livre qui méritent toute ma gratitude, non seulement pour avoir accepté de partager leurs savoirs en écrivant un ou plusieurs chapitres, mais surtout pour m’avoir permis de progresser dans ma compréhension des situations problématiques auxquelles je suis confrontée dans ma vie professionnelle. Grâce à eux, j’ai pu aller au devant de mes zones d’inconfort. Je les remercie surtout d’être encore mes ami/es aujourd’hui ! OBRIGADA ! (Portugais) À mes mentors, Patricia M. Davies, Joan D. Mohr, Sheena Irwin-Carruthers, et Susan Ryerson. ENKOSI ! (Khosa) À mes collègues – avec une mention toute spéciale à Carsten Meyer – qui m’ont aidée à prendre les photos de cet ouvrage ainsi qu`à chercher, en étroite collaboration avec les personnes concernées, les meilleures stratégies thérapeutiques. NGIABONGA ! (Zoulou) À De Boeck-Solal et à son éditeur, Amaury Derand, qui a cru en ce livre et qui a accepté de publier autant de photos en couleurs, qui seront certainement appréciées à leur juste valeur. DANKIE ! (Afrikaans) À vous qui avez eu envie de découvrir ce livre. Sawubona (Bienvenu/e) ! 349 Pour contacter l’auteure principale : www.concept-ner21.com www.bobath-based-rehabilitation.com Pour contacter l’association NER 21, rendez-vous à l’adresse suivante : www.ner21.org Cet ouvrage détaille l’approche NER 21 en s’appuyant sur le parcours thérapeutique de plusieurs personnes atteintes d’hémiparésie, d’hémiplégie ou d’ataxie. Il montre comment l’intégration des facteurs environnementaux et l’interdisciplinarité permettent d’améliorer l’efficacité des interventions mises en places. La rééducation est trop souvent une activité confinée à un cabinet ou un centre de rééducation. Michèle H. Gerber et les contributrices de cet ouvrage se placent du côté de la personne traitée, dans son environnement quotidien. Les avancées de la neurophysiologie nous ont montré que l’approche environnementale en neurologie est incontournable. À lire et à intégrer dans sa pratique. Dominique MONNIN – Responsable Recherche & Qualité en Physiothérapie aux Hôpitaux universitaires de Genève. Michèle H. Gerber est une formatrice et une thérapeute passionnante et passionnée. Avec la collaboration d’auteurs et de chercheurs renommés, elle nous offre ici une belle synthèse de recherches, ainsi qu’une démarche scientifique étayée. Grâce à ses exemples concrets, ce livre permet de cerner les problématiques bio-psychosociales des personnes cérébrolésées et propose des réponses innovantes aux kinésithérapeutes, ergothérapeutes, orthophonistes et thérapeutes des soins. Florence JEAY – Ergothérapeute DE (Paris), Bc es Sciences en ergothérapie (Montréal), Master Sciences de l’éducation (Rouen/France), responsable formation continue à l’ANFE. Cet ouvrage, écrit par des expertes-cliniciennes, met l’accent sur la satisfaction des patients et présente une approche unique qui tient compte de l’intégration des systèmes neuraux dans la démarche de réadaptation. L’ensemble de l’ouvrage est un bel exemple de raisonnement clinique interdisciplinaire. Conception graphique : Baptiste Manchon Ana Inés ANSALDO – Professeure agrégée, département d’orthophonie et d’audiologie, faculté de médecine, université de Montréal, directrice de l’enseignement, Institut universitaire de gériatrie de Montréal, directrice de laboratoire, centre de recherche de l’IUGM. + Les « plus » De nombreuses photographies en couleurs. Écrit par une équipe internationale de professionnelles de la santé en kiné-physiothérapie, ergothérapie, orthophonie et médecine de réhabilitation. Une approche basée sur les données les plus récentes de la neuroplasticité et de la science du mouvement (contrôle moteur et apprentissage moteur). Publics www.deboeck.fr Kiné-physiothérapeutes Ergothérapeutes ISBN : 978-2-35327-186-3 Personnel soignant Orthophonistes Psychomotriciens Physiatres et neurologues NER21 Michèle H. Gerber Approche thérapeutique neuro-environnementale après une lésion cérébrale L’approche NER 21 utilise le concept Bobath actuel comme cadre de référence. Elle est indiquée pour toutes symptomatologies du système nerveux central. Elle insiste sur les facteurs contextuels, personnels et environnementaux de la classification internationale du fonctionnement (CIF) décrite par l’OMS. Tout en tenant compte des déficiences sous-jacentes, les stratégies thérapeutiques proposées abordent le traitement sous l’angle de l’activité et de la participation qui sont directement liées à l’amélioration de l’indépendance fonctionnelle et de la qualité de vie. Approche thérapeutique neuro-environnementale après une lésion cérébrale Concept NER 21 neuro-environmental Rehabilitation 21st Century Sous la direction de Michèle H. Gerber Préface de Daniel Bourbonnais