Mai 2003
Numéro 3
Pharma-News
Le journal de l'équipe officinale
Sommaire
Nouveautés : MYFORTIC° immunosuppresseur proche du CELLCEPT°
RELPAX° nouvel antimigraineux, à utiliser en dernier
recours
AVODART° un nouveau traitement contre l'hyperplasie
bénigne de la prostate (HBP)
CELLUFLUID° larmes artificielles avec nouvel agent
conservateur
NOSE FRESH + D° humidifiant et cicatrisant nasal
A paraître : VISTABEL° traitement antirides à ne pas banaliser !
Phytothérapie : Plantes et interactions plus nombreuses qu'on ne le croit
Pharmacovigilance : DESURIC° retrait du marché
Coxibs réactions allergiques graves
Pour en savoir plus : L'hyperplasie bénigne de la prostate (HBP)
En bref : PRACTO-CLYSS° / CLYSSIE° - NOVOPEN° - KINZAL/PLUS°
Dernière minute : La pneumonie atypique
Editorial
Références
Lors de la parution du premier Pharma-News, on nous a demandé pourquoi nous mettions tant
de références dans nos articles. Certains nous ont dit que c'était inutile, que la plupart des
lectrices et lecteurs n'iraient de toute façon jamais lire le Prescrire, le Medical Letter ou le
Compendium pour approfondir un article du Pharma-News. C'est probable, en effet.
Mais les références ne servent pas qu'à vous dire où aller pour approfondir un sujet. Elles
servent aussi à vous indiquer d'où vient l'information et donc dans quelle mesure vous pouvez
vous y fier. Il est clair que la confiance dans une source sera différente suivant qu'elle est un
journal médical ou un prospectus publicitaire de la firme qui commercialise le produit !
Lorsque nous rédigeons nos articles, nous tâchons de nous baser autant que possible sur des
informations obtenues auprès de sources indépendantes plutôt qu'auprès des fabricants, qui
par définition ont intérêt à présenter leurs produits sous leur meilleur jour. C'est pourquoi
nous indiquons le nom et la page du livre ou périodique d'où nous avons tiré les informations,
afin que vous puissiez toujours vérifier leur validité.
Alors lisez de manière critique et apprenez à reconnaître les sources dignes de foi !
Pour vous y aider, voici un petit aperçu (non-exhaustif) des sources que nous utilisons le plus
et un bref commentaire sur leur validité :
Prescrire : c'est un peu LA référence francophone en matière de médicaments; ce mensuel
a comme principe de ne fournir que des informations vérifiées par des études
scientifiques de qualité; cette démarche donne une grande valeur aux
informations qui y figurent, mais ne permet pas d'évaluer les médicaments pour
lesquels de telles études font défaut (médicaments anciens, plantes, etc…); de
plus, comme c'est un journal français, certains médicaments du marché suisse n'y
ont jamais été traités
Medical Letter : en quatre pages toutes les deux semaines, le ML présente les médicaments
nouvellement mis sur le marché aux Etats-Unis, ainsi que des revues annuelles
de thèmes spécifiques, comme les anti-infectieux, etc… Informations fiables
British Medical Journal (BMJ), Lancet et New England Journal of Medicine (NEJM) : ce
sont trois périodiques de langue anglaise de référence qui rapportent des études
scientifiques ou des synthèses de très bonne qualité; il est rare qu'on les trouve
en pharmacie…
Martindale : Le Martindale est une autre référence en
matière de médicaments, qui a pour seul
défaut de n'être publié que tous les deux
ans, ce qui fait que certains produits très
récents n'y sont pas encore mentionnés; si
l'information sur les médicaments est
bonne, les traitements proposés ne sont
malheureusement pas toujours très actuels
Petit truc utile à la pharmacie
Le Martindale contient dans ses dernières
pages les nom et composition d'énormé-
ment de médicaments commercialisés e
n
Europe, aux Etats-Unis, en Asie et e
n
Australie-Nouvelle-Zélande. Bien plus
complet que l'Index Nominum, car il
contient aussi les spécialités composées !
Compendium Suisse des Médicaments : contrairement à ce que l'on croit souvent, ce n'est
pas la "bible" du pharmacien… En effet, les informations qui y figurent sont
rédigées par les firmes pharmaceutiques (sous contrôle de Swissmedic, il est
vrai) qui ne se "mouillent" pas trop (voir par exemple les informations sur les
catégories de grossesse qui permettent rarement de prendre une décision en toute
confiance); nous y avons aussi trouvé des informations discutables (posologies
des anti-poux, p.ex)
Pour finir, rappelons qu'il n'y a pas de "bible universelle" en matière de médicaments. Les
informations que nous considérons comme certaines aujourd'hui peuvent être invalidées
demain par de nouvelles études plus poussées. C'est justement pour cette raison que la lecture
d'un périodique comme le Pharma-News, qui suit l'actualité, est importante !
Bonne lecture !
Pierre Bossert Marie-Thérèse Guanter Caroline Mir
Christophe Rossier Martine Ruggli Marie-Laure Savoia Bossert
© Pharma-News page 2 Numéro 3, Mai 2003
Nouveautés
MYFORTIC° (acide mycophénolique)
MYFORTIC° est un immunosuppresseur indiqué pour l'instant uniquement pour prévenir
les rejets après une transplantation rénale.
MYFORTIC° est très proche du CELLCEPT° qui
est la prodrogue de l'acide mycophénolique (cf.
encadré). Tous deux doivent être administrés en
association avec la ciclosporine
(SANDIMMUN°) et des corticostéroïdes.
L'équivalence thérapeutique entre MYFORTIC° et
CELLCEPT° a été démontrée chez des patients
après transplantation rénale 1. Le CELLCEPT°,
qui est sur le marché depuis plusieurs années, est
quant à lui prescrit dans la prévention des rejets de
greffe de rein, de foie et de cœur.
Les comprimés de MYFORTIC° sont enrobés d'un film gastro-
résistant, ce qui permet une libération du principe actif
uniquement dans l'intestin et diminue ainsi les effets secondaires
gastriques 2. Comme les autres médicaments de cette classe,
MYFORTIC° entraîne beaucoup d'effets secondaires
potentiellement graves dont les plus fréquents sont la diarrhée et
la leucopénie (chute du nombre de globules blancs). Cependant
des études semblent avoir montré que le MYFORTIC° entraînait moins d'effets indésirables
graves que le CELLCEPT°
3. (Attention : les patients sous traitement immunosuppresseur
sont par définition fortement exposés aux infections opportunistes et aux tumeurs malignes 4)
Une prodrogue est une
substance qui n’est pas active
en elle-même, mais qui le
devient après transformatio
n
dans le corps (le plus souven
t
dans le foie). On parle alors de
"métabolite actif".
Le traitement par MYFORTIC° doit être débuté dans les 24 heures suivant la transplantation.
La posologie recommandée est de 2 comprimés à 360 mg 2 fois par jour (CELLCEPT° :
2 comprimés à 500 mg 2 fois par jour). D'autre part il est totalement contre-indiqué pendant
la grossesse car il peut entraîner des malformations : un résultat négatif au test de grossesse
doit être obtenu avant d'instaurer le traitement et deux méthodes de contraception différentes
doivent être utilisées
pendant le traitement et
durant les 6 semaines qui
suivent l'arrêt. En effet,
l'efficacité des contraceptifs
oraux n'est pas garantie lors
du traitement par
MYFORTIC° 4.
Rappel : Traitement immunosuppresseur anti-rejet de greffe
Après la transplantation d'un organe, l'organisme a le réflexe de réagir afin de
rejeter le greffon qui constitue pour lui un corps étranger. Le but d'u
n
traitement immunosuppresseur est de prévenir ce rejet en inhibant l'activité
des cellules responsables de cette réponse immunitaire (en particulier les
globules blancs). Sont utilisés dans ce but la ciclosporine (SANDIMMUN°),
les autres immunosuppresseurs comme MYFORTIC° ou IMUREK°, et les
corticostéroïdes, souvent en association.
Le grand problème des traitements immunosuppresseurs est qu'ils diminuen
t
également l'immunité des patients vis-à-vis des hôtes indésirables de
l'organisme comme les bactéries et les virus, les rendant ainsi très vulnérables
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1 Salvadori M et al. Transplantation Proceedings 2001; 33: pp. 3245-3247
2 Infos Novartis – site internet: www.transplantation-suisse.ch
3 Pelletier RP et al. American Transplant Congress. Washington 2002
4 Compendium suisse des médicaments 2003
© Pharma-News page 3 Numéro 3, Mai 2003
D’autres précautions sont à prendre en compte :
- La formule sanguine doit être contrôlée régulièrement pendant la première année de
traitement, car les médicaments immunosuppresseurs perturbent la formation des cellules
sanguines, en particulier les globules blancs.
- Les patients doivent immédiatement contacter le médecin en cas de signes d'infection,
d'ecchymoses inexpliquées ou de tout saignement.
- Il faut éviter de prendre en même temps que MYFORTIC° des antiacides contenant de
l'hydroxyde de magnésium et d'aluminium (ALUCOL°, MAALOXAN°), car ces derniers
réduisent l'absorption du principe actif 4.
- Les patients recevant un traitement immunosuppresseur doivent se protéger au maximum
des rayons UV (port de vêtements et utilisation d'un écran solaire à indice élevé), afin de
limiter le risque de cancer cutané.
MYFORTIC°A retenir pour le conseil :
Immunosuppresseur administré en association avec la ciclosporine (SANDIMMUN°)
et les corticostéroïdes après transplantation de rein
Efficacité équivalente à son prédécesseur le CELLCEPT°, avec peut-être moins
d'effets secondaires
Attention à l'augmentation de la sensibilité aux infections
Totalement contre-indiqué pendant la grossesse
Peut diminuer l’efficacité des pilules contraceptives => utiliser un moyen de
contraception supplémentaire
Interactions avec les antiacides type ALUCOL°
Bien se protéger du soleil durant le traitement
RELPAX° (élétriptan)
RELPAX° est le 5ème représentant de la famille des triptans commercialisé en Suisse après
IMIGRAN° (sumatriptan), ZOMIG° (zolmitriptan), NARAMIG° (naratriptan) et MAXALT°
(rizatriptan). Ces substances - des agonistes de
la sérotonine - agissent spécifiquement dans le
traitement des crises migraineuses car elles
provoquent une vasoconstriction des artères du
cerveau qui sont dilatées lors de migraine; elles
soulagent également les symptômes associés à la
migraine tels que nausées, photophobie et
intolérances au bruit. Les triptans ne doivent être
utilisés qu'en cas de diagnostic formel de
migraine, mais ils n'ont aucune efficacité
prophylactique 5.
Selon les études disponibles, la balance entre bénéfices et risques est proche pour les cinq
triptans existant sur le marché; certains semblent agir plus rapidement (p.ex. MAXALT°),
d'autres plus longtemps (p.ex. NARAMIG°), mais leur efficacité et leur tolérance sont dans
l'ensemble comparables. Pour l'instant l'IMIGRAN° reste le triptan de référence, car c'est
celui où l'on possède le plus de recul. En cas d'échec ou d'intolérance, trois autres triptans
5 Compendium suisse des médicaments 2003
© Pharma-News page 4 Numéro 3, Mai 2003
étaient déjà disponibles sur le marché. Etant donné que le RELPAX° ne semble rien apporter
de plus, qu'il est récent (donc moins bien documenté) et qu'il semble causer plus d'interactions
que les autres, il constitue le triptan de 5ème choix dans le traitement par voie orale des formes
sévères de crise migraineuse non soulagées par les AINS ou des dérivés de l'ergotamine
associés à la caféine 6.
Il est reconnu que les effets indésirables sont étroitement liés à la dose, donc il est important
d'obtenir un soulagement avec une dose la plus faible possible 6. Toutefois, la réponse à un
triptan donné peut varier fortement d'un patient à l'autre et il faut souvent tâtonner pour
déterminer le médicament (et la dose) le plus efficace et le mieux toléré 7.
La posologie initiale recommandée est d'un comprimé de 40 mg dès les premiers signes de
céphalée migraineuse. Plus le traitement est commencé tôt, plus il est efficace (mais il est
inutile de prendre le comprimé pendant la phase d'aura (troubles visuels, fourmillements,
parfois vertiges) qui précède la migraine. Si les céphalées réapparaissent après soulagement
de la crise initiale, un 2ème comprimé peut être pris à un intervalle d'au moins deux heures
après le premier (dose maximale: 4 comprimés par jour). Par contre, si le premier comprimé
n'a eu aucun effet, il ne faut pas en prendre un 2ème pour traiter la même crise, ni un autre
triptan, dans les 24 heures suivant la première prise. D'autre part, les patients ne doivent pas
prendre de dérivés de l'ergotamine (type TONOPAN°, CAFERGOT°, DIHYDERGOT°) dans
les 24 heures précédant et suivant la prise d'un comprimé de triptan, parce que les effets
vasoconstricteurs peuvent s'additionner.
Les effets secondaires les plus fréquents sont vertiges, flushs (rougeurs du visage),
somnolence, fatigue et douleurs (ou picotements, pressions, chaleur) au niveau de la cage
thoracique. Une augmentation transitoire de la pression artérielle peut apparaître et entraîner
des troubles cardiaques potentiellement sévères, c'est pourquoi les triptans ne doivent pas être
administrés à des patients ayant un problème cardiaque, ni en général à des patients de plus de
65 ans 5.
Une interaction a été observée entre le RELPAX° (et pas avec les autres triptans) et les
macrolides (ERYTHROCINE°, KLACID°, RULID°, ZITHROMAX°, etc) ou les
antifongiques azolés (DIFLUCAN°, NIZORAL°, SPORANOX°) : les concentrations
plasmatiques d'élétriptan augmentent (car son métabolisme hépatique est alors freiné) et il
faut réduire les doses de RELPAX° (max. 40mg par jour). Par contre l'interaction des autres
triptans avec les IMAO (type AURORIX°) n'est pas à craindre avec RELPAX° (car
l'élétriptan n'est pas substrat de la MAO) 6.
Tous les triptans sont contre-indiqués pendant la grossesse et l'allaitement; ils ne doivent pas
être prescrits à des jeunes de moins de 18 ans 5.
RELPAX° A retenir pour le conseil :
5ème triptan mis sur le marché sans réel avantage par rapport aux autres
risque d'interaction plus important avec marcolides et imidazolés
attention : pas de prise simultanée de plusieurs triptans ou de triptans
et de dérivés de l'ergotamine dans un intervalle de 24 heures
contre-indiqué en cas de grossesse, allaitement, ou chez des patients
< 18 ans ou > 65 ans
dose maximale : 4 comprimés par jour
6 La Revue Prescrire 2002; 22 (n° 234) : pp. 808-811
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