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La Lettre du Gynécologue - n° 311 - avril 2006
DOSSIER
nisme nucléaire et l’ADN pulvérisé ou fragmenté détecté dans les
zygotes bloqués pourraient être associés aussi à la fragmentation
embryonnaire. Il est possible que le facteur de condensation reste
actif à partir de la métaphase I, jusqu’aux stades zygote ou
embryon précoce. Ces observations nous orientent vers une
réflexion sur la maturation cytoplasmique et nucléaire ainsi que
leurs relations avec les anomalies chromosomiques. D’après
l’expérience du DPI, pour les embryons aptes à la biopsie, il est
admis que 40 à 50% présenteront des anomalies chromosomiques.
Dans les embryons bloqués, la polyploïdie représente l’anomalie
chromosomique majeure (43%), suivie par l’aneuploïdie. L’ori-
gine de cette polyploïdie n’est probablement pas due à une fécon-
dation polyspermique, car seuls deux pronoyaux ont été observés
après l’insémination.
Au stade préimplantatoire, un grand nombre d’embryons présen-
tent des mosaïques et des mixoploïdies (présence de cellules à sta-
tut chromosomique différent au sein d’un même embryon) (22,
23). La qualité ainsi que le potentiel de développement embryon-
naire peuvent varier en relation avec le degré du désordre géno-
mique, la morphologie, la fragmentation embryonnaire et l’inté-
grité nucléaire. Il a été suggéré que l’apparition de fragmentation
de l’ADN au stade préimplantation puisse être associée à une
apoptose qui peut causer la perte de blastomères ou la mort de
l’embryon en totalité. Les résultats d’analyse d’embryons à J2 ou à
J3 montrent que le taux d’aneuploïdie en mosaïque augmente
considérablement avec la dysmorphie embryonnaire (24). Les
embryons avec un retard de segmentation et/ou dysmorphiques
(fragmentés) présentent des anomalies chromosomiques dans 57%
des cas. L’anomalie la plus fréquente est l’aneuploïdie suivie de
mosaïcisme (22%) et de polyploïdie (13%).
L’étendue de la mixoploïdie dans les morula et les blastocystes est
estimée à 29,6%. Indépendamment des sondes utilisées, aucune
différence statistique n’a été observée dans la proportion des cel-
lules mixoploïdes, des morula (30,8%) et des blastocystes (29,3%)
(22). Cette mixoploïdie apparaît de manière précoce lors du déve-
loppement préimplantatoire de l’embryon et parallèlement à
l’aneuploïdie. La présence de cellules polynucléées dans les blasto-
cystes humains a été décrite par Winston et al. (25). L’étude du
blastocyste par microscopie électronique à balayage confirme les
variations de taille des noyaux montrant la présence de noyaux
géants dans le trophectoderme. Iwasaki et al. (26) ont étudié l’inci-
dence des aberrations chromosomiques dans les blastocystes des
bovins fécondés in vitro. Ils ont observé un mosaïcisme cellulaire
2n/4n et une localisation de la polyploïdie au niveau des cellules
du trophectoderme plutôt que dans la masse cellulaire interne. Les
données recueillies, in vivo et in vitro, à partir des blastocystes de
différentes espèces, suggèrent que la mixoploïdie serait une carac-
téristique commune et banale plutôt qu’une anomalie liée aux
conditions de culture. La signification physiologique et biologique
de la mixoploïdie reste à élucider. Les cellules 4n et 8n observées
dans les morula compactées et les blastocystes humains peuvent
résulter d’un premier cycle endoduplication des cellules diploïdes
donnant ainsi des cellules tétraploïdes, suivi par un second cycle
d’endoduplication pour produire des cellules octaploïdes. Ce pro-
cessus a été décrit par Barlow et Sherman (27) et Bower (28) dans
le trophoblaste de souris ; il semble que les blastomères de type 4n
et 8n dans la morula et le blastocyste soient vraisemblablement
polyploïdes et non polyténiques (29). Ces cellules pourraient résul-
ter de divisions nucléaires sans cytocinèse, phénomène permettant
le passage de 2n à 4n puis à 8n (30), incluant la formation des cel-
lules binucléees. Enfin, la polyploïdie cellulaire pourrait résulter de
la fusion cellulaire.
Au stade postimplantatoire, la majorité des avortements spontanés
survient entre 7 et 9 semaines de gestation pour différentes causes
telles que :
– une aneuploïdie ou diploïdie de novo ;
– un remaniement deséquilibré de novo ;
– une malségrégation chromosomique d’origine parentale (parent
porteur d’un remaniement chromosomique équilibré). Ce type de
désordre chromosomique peut affecter le dévelopement placentaire
et aboutir à un avortement précoce (31). Dans une étude rétrospec-
tive, nous avons analysé 26 cas d’avortements précoces avant 10
semaines de gestation et après transfert d’embryons obtenus par
AMP, et pour lesquels la culture pour caryotype classique a
échoué. L’étude a été réalisée par hybridation génomique compa-
rative (CGH) sur une puce à ADN d’un mégabase (3). Sur les 26
produits d’avortement, 15 (57,7%) ont montré des anomalies chro-
mosomiques de structure et de nombre. Ces résultats sont en
concordance avec l’observation de Fritz et al. (32) qui ont analysé
des produits de fausses couches par CGH et cytogénétique clas-
sique et qui ont conclu avec un pourcentage de 72% d’anomalies
chromosomiques, essentiellement des trisomies.
CONCLUSION
Il est clair que des anomalies chromosomiques pré- et post-zygo-
tiques jouent un rôle important dans le processus de développe-
ment embryonnaire entraînant des échecs de tentative d’AMP et
des avortements précoces. Il est certain qu’un travail de recherche
important reste à réaliser afin de comprendre les interactions entre
des facteurs géniques et épigéniques et leurs contributions en
pathologie de la reproduction. ■
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