Le Journal du Patient
Tony Morgan
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Désirs de possibles / 1
Notes sur l’impression / 2
The Hospital Edition / 14
Entretiens / 18
Versions originales / 26
Les illustrations du Journal du Patient proviennent de 3 éditions :
- The Hospital Edition,
8 gravures ( 78 × 109 cm ),
édition numérotée à 10 exemplaires
- Non, docteur, je ne suis pas un beefsteak,
8 gravures ( 25 × 35 cm ),
édition numérotée et signée à 30 exemplaires
- Sans titre,
8 gravures ( 10.4 × 14.8 cm ),
édition numérotée à 30 exemplaires
Editeur, Urs Jost, Druckwerkstatt, Olten
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Désirs de possibles
Jacques Bœsch, chargé des affaires culturelles HUG
Depuis toujours, à côté des soins, de la recherche et de l’enseignement,
l’art et la culture sont présents à l’hôpital. Une étonnante diversité de
manifestations en témoigne et contribue à la qualité de la vie hospita-
lière en humanisant ses espaces. Elle ouvre sur d’autres manières de
ressentir, de regarder, de penser et de partager le plus sensible. Elle
ose aborder la plupart des questionnements humains, la vie et la mort,
la santé et la maladie, la souffrance et la solitude, le bonheur et un sens
possible donné à l’existence. Constamment dissidente, la présence
d’œuvres, d’auteurs et d’artistes résiste, allège et libère. L’essentiel est
de permettre à tout un chacun d’en faire l’expérience.
Tony Morgan s’est toujours questionné sur le rôle social de l’artiste.
Ses œuvres sont des prises de paroles fortes, jamais gratuites,
immensément humaines. Dès 1999, pendant ses séjours aux HUG,
il poursuit son travail de créateur. Il prend des notes courtes, sim-
ples et fulgurantes, quelques traits, une phrase, un mot. Il consigne
dans ses carnets sa souffrance, les propos de ses voisins, les dires
des médecins et des soignants. De là naît The Hospital Edition, un
ensemble de 3 éditions de gravures et un projet pour l’hôpital, où
patient, soignants et proches seraient amenés à un dialogue autour
du corps, de l’esprit, de la maladie et de la relation, autour du dehors
et du dedans.
Longtemps, nous avons différé la présentation du projet à l’hôpital,
pariant que, tant qu’entre nous des projets resteraient ouverts, des
possibles subsisteraient. Et que Tony pourrait s’y accrocher. Nous
pourrions ainsi l’accompagner, être de son côté face à la maladie.
Il décède en octobre 2004.
Et nous avons poursuivi malgré tout. Les chargés des affaires cultu-
relles des HUG se sont associés à ses proches. Des enseignants et
des étudiants de la Haute école d’art et de design de Genève les ont
rejoints. La manifestation The Hospital Edition – Tony Morgan en est
le témoignage.
Au centre, ce Journal du Patient, des images et des textes que Tony
Morgan adresse au patient, en l’invitant à être un acteur de sa maladie.
Un journal, aujourd’hui enrichi par le regard des étudiants : les paroles
« d’acteurs » de l’hôpital qu’ils ont collectées, et la charte des HUG
qu’ils proposent en regard des œuvres et des mots de Tony Morgan
et d’Andrea Carlino.
En achevant désormais ce journal, en lui donnant une forme gra-
phique, les étudiants ont, à leur tour, TOUT RÉPARÉ, un clin d’œil
qu’ils adressent à Tony Morgan en refermant cette publication sur
ces mots-image.
Autour du Journal du Patient et avec ses images, d’autres actions
offrent des espaces pour instaurer la réflexion et des liens, tels que
le souhaitait Tony Morgan dans son projet : des stickers rencontrés
au hasard des espaces hospitaliers, des sets de table sur les plateaux
de la cafétéria du personnel de l’hôpital, deux expositions des œuvres
originales à l’Hôpital et à l’École d’arts appliqués et des films sur le
travail et l’artiste.
Cette présence d’œuvres authentiques va surprendre, étonner, et,
bien sûr, susciter des discussions comme le quotidien hospitalier
nous y invite.
Genève, septembre 2007
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Le bonheur de l’impression réside dans la possibilité de partage
qu’il offre. En travaillant sur les tirages, chacun d’entre nous, Anja,
Urs et moi-même, nous mettions en commun nos connaissances
respectives, de la fabrication, du procédé d’impression. Depuis les
années soixante, j’interviens comme artiste multimédia et j’aime ce
procédé d’insémination transversale entre différents supports, la
performance, la photographie, la vidéo et la peinture. Ce qui me
fascine dans l’impression, c’est l’utilisation du hasard et le mélange
de différentes techniques d’impression ( du vernis mou traditionnel
à la PAO en passant par le stencil ) pour réaliser une seule épreuve.
J’ai écrit un jour que l’artiste, dans les années soixante et soixan-
te-dix, était devenu le modèle. Il ou elle était devenu le matériau
observé. Nous, esprit collectif, contemplions le corps. Cette année,
dans The Hospital Edition, le Corps, dans la souffrance, devient une
toute autre entité, que l’Esprit observe de tout près.
The Hospital Edition a, comme point de départ, des idées et des
dessins tirés de cahiers de notes qui datent des trois dernières
années. Durant mon hospitalisation, au cours de laquelle j’ai subi
une opération importante, j’ai pris conscience de manière précise
de la séparation qui existe entre le Corps et l’Esprit. Après l’opéra-
tion, le choc, ce fut que le Mental ou l’Esprit découvre qu’il possède
un nouveau Corps. Un nouveau Corps qui souvent ne fonctionne
pas aussi bien que l’ancien. La médecine a réparé le Corps, mais
elle n’a donné aucun véritable mode d’emploi quant à son fonc-
tionnement à venir. L’Esprit est abandonné à lui-même, bouillonnant
d’interrogations d’ordre psychologique, mais aussi matériel. La prise
en charge médicale du Corps est assurée, mais on accorde très peu
d’attention à l’Esprit.
Notes sur l’impression
2
Tony Morgan
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3
Julian, mon fi ls de 9 ans, est venu me rendre visite à l’hôpital. Il a le
droit d’utiliser mes cahiers de notes et il a dessiné ces deux dessins
exceptionnels ( imprimés en vernis mou sur un papier légèrement
jaune ). L’un, très drôle, montre un malade entouré de bandages de la
tête aux pieds qui fume le cigare et qui claque du doigt pour demander
à une infi rmière très sexy de lui apporter son whisky. L’autre dessin,
Psst !, montre un Superman, qui se dégonfl e, tombant, mais avec
sur le visage un immense sourire. C’est seulement plus tard que je
me rendis compte que le « D » qui remplaçait le « S » signifi ait Daddy
( Papa ) et que, bien entendu, Daddy serait plus fort que la maladie
puisqu’il est « Superman ». Je fus très ému et très impressionné par
la précision avec laquelle Julian avait observé mon environnement et
par sa confi ance en ma capacité de guérison.
Le fait de ne pas savoir de quoi sera fait le lendemain, dilemme
existentiel et chronique de l’artiste, m’a habitué aux adaptations
rapides. J’ai donc réussi à continuer à « travailler » tout en restant
allongé sur mon lit d’hôpital, ce qui m’a évité de devenir un beefsteak
à la merci d’un système hospitalier qui ne considère pas vraiment les
patients comme des clients ou même comme des êtres humains
( à qui l’on ne donne RIEN à faire ).
Genève, 2001
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