Musée d'art et d'histoire du judaïsme Le Musée d'art et d'histoire du Judaïsme (MAHJ) est un musée installé dans l'Hôtel de Saint-Aignan[1] , dans le quartier du Marais, au 71 de la rue du Temple, dans le 3e arrondissement de Paris. Le musée retrace l’évolution du monde juif à travers son patrimoine artistique et culturel. Il accorde une place privilégiée à l’histoire des juifs en France depuis le Moyen Âge, tout en évoquant les communautés d’Europe et d’Afrique du Nord. Le musée présente une collection d’objets de culte parmi les plus importantes au monde, ainsi que de riches fonds historiques et ethnographiques. Le MAHJ conserve ainsi 2 700 documents sur l’Affaire Dreyfus, donnés par la famille du capitaine Dreyfus. Une place importante est consacrée à la présence juive dans les arts avec des peintres de l’École de Paris (Chagall, Kikoïne, Soutine…) et des artistes contemporains (Christian Boltanski, Sophie Calle…). Le MAHJ possède également une médiathèque (bibliothèque, vidéothèque et photothèque) et une librairie ouvertes au public, ainsi qu'un auditorium de 198 places à la programmation variée (conférences, colloques, lectures, Stèles funéraires du XIIIe siècle, Paris cinéma, spectacles, concerts...). Des visites guidées et des ateliers pour les enfants, les familles et les adultes sont programmés tout au long de Le visiteur a une première approche de l'organisation communautaire, des réseaux du savoir et de l'inscription l'année. des juifs dans le monde chrétien. L’expulsion des Juifs d’Espagne en 1492, événement sismique de l'histoire juive, est notamment rappelée par un tronc à aumône 1 Le Musée pour la fête de Pourim datant de 1312. Deux inscriptions gravées en judéo-espagnol en font l’un des plus anciens té1.1 Collection permanente moins de l’utilisation sur un objet rituel d’une autre langue que l’hébreu ou l’araméen. 1.1.1 Salle d’introduction La salle d’introduction propose des repères pour appré- 1.1.3 Les juifs en Italie, de la Renaissance au hender l’exceptionnelle pérennité du peuple juif malgré XVIIIe siècle sa dispersion, à travers la présentation d'objets symboliques et de textes fondamentaux. De remarquables pièces de mobilier synagogal, d'orfèvrerie et de broderies liturgiques, provenant d’Italie, dont une arche sainte de Modène de 1472. Le 1.1.2 Les juifs en France au Moyen Âge cycle de la vie - naissance, circoncision, bar mitsvah, e D’exceptionnelles stèles funéraires du XIII siècle et plu- mariage - est illustré par des objets, des bijoux et des sieurs objets rares dont une lampe de hanouca du XIVe té- manuscrits, dont des contrats de mariages enluminés moignent du douloureux contraste entre la richesse cultu- (ketoubbot). relle du judaïsme médiéval français et son extinction Plusieurs tableaux du XVIIIe , attribués à Marco Marcuoviolente à la suite des édits d'expulsion prononcés par la, illustrent des scènes (circoncision, mariage...) de la vie Philippe le Bel en 1306 puis Charles VI en 1394. juive à Venise. 1 2 1 LE MUSÉE Daté de 1720, un tableau d'Alessandro Magnasco (dit il Lissandrino) dépeint des Funérailles juives dans le style sombre et rococo du maître génois. • Un mariage juif, Marco Marcuola, Venise, vers 1780 • Une circoncision, Marco Marcuola, Venise, vers 1780 • Funérailles juives, Alessandro Magnasco, vers 1720 1.1.4 Hanouca Une salle entière du musée est dédiée à la fête de Hanouca. La lampe de Hanouca, sous toutes ses déclinaisons de style et de forme, d'origine et de période, s’offre comme une métaphore de l'immense diversité des coutumes juives dans le monde. • France, XIVe siècle • France, XVIe siècle • Allemagne, XVIIe siècle Le Mariage, Boris Borvine Frenkel (1929) • Italie, XVIII siècle e • Pologne, XVIIIe siècle 1.1.7 Le monde ashkénaze traditionnel • France, XIXe siècle Plusieurs maquettes de synagogues de Pologne, d’Ukraine et de Lituanie, à l’architecture si particulière, quasiment toutes détruites par les nazis, rappellent l’existence d’un monde aujourd’hui disparu. • Europe centrale, XIXe siècle • Yemen, XXe siècle • Tunisie, XXe siècle • Israël, XXe siècle Salué comme un chef d’œuvre, le Cimetière juif, peinture de Samuel Hirszenberg, est emblématique de la situation critique des communautés juives dévastées par les pogroms à partir de 1880 en Pologne et en Russie. Deux tableaux de Marc Chagall, né dans une famille juive hassidique près de Vitebsk dans l'actuelle Biélorussie (à l'époque Russie tsariste), illustrent la vie dans le shtetl, la Une collection de gravures hollandaises des XVIIe et bourgade juive d'Europe de l'Est. XVIIIe siècles, dont une série de Bernard Picart intitulée Les vitrines regroupent des œuvres sur les thèmes du Mœurs et coutumes de tous les peuples du monde, introduit Shabbat, de la prière et de la liturgie, et donnent un court l’histoire des Juifs portugais à Amsterdam, théâtre de la aperçu de l'organisation de l'étude et des grands courants renaissance d’une religion alors bannie dans le reste de de pensée religieuse au XIXe siècle. l’Europe. 1.1.5 Amsterdam, rencontre de deux diasporas 1.1.6 L’an prochain à Jérusalem Autour d'une des pièces phares du musée, une soukkah décorée d'une vue de Jérusalem, est évoquée la place centrale de Jérusalem, historique et mystique, dans l'esprit des Juifs dispersés dans le monde. Les fêtes de pèlerinages, Pessah, Soukkot et Shavou'ot, sont présentées à travers les objets (dont une Haggadah et un mizrah) ainsi que les textes essentiels qui leur sont associés. La plupart des œuvres relèvent de l'aire culturelle germanique. 1.1.8 Le monde séfarade traditionnel Les thèmes de la salle précédente sont repris de façon symétrique dans leur déclinaison séfarade ; les collections permettent d'apprécier les parentés formelles entre les deux traditions et le poids des influences. Textiles (dont une robe de mariée, berberisca), orfèvrerie synagogale, dont un coffre à torah (ou tiq), objets domestiques modestes, ouvrages imprimés et art populaire présentés dans de vastes vitrines murales, dessinent un pay- 1.1 Collection permanente 3 1.1.10 Mouvements intellectuels et politiques en Europe au tournant du siècle Une séquence de transition rend compte du foisonnement intellectuel juif en Europe au tournant du siècle, avec le développement des sciences du judaïsme en France et en Allemagne, les fondateurs de l'histoire juive, la littérature et la culture yiddish, la renaissance de la langue hébraïque, la création théâtrale, la presse juive moderne, le sionisme et les mouvements politiques comme le Bund. 1.1.11 Présences juives dans l’art du XXe siècle Cimetière juif, Samuel Hirszenberg (1892) sage contrasté des coutumes religieuses. Cet espace accueille une collection ethnographique d'une grande diversité qui évoque la richesse des traditions, les cérémonies familiales et l'opulence des costumes des Juifs du Maghreb, de l'Empire ottoman et du Moyen-Orient. Des peintures orientalistes, des gravures et des photographies anciennes achèvent ce voyage à travers les communautés de la diaspora. • Coffre et rouleau de Torah, Empire Ottoman (1860) • Femme au hennin, Félix Barrias (1890) • Grande robe de cérémonie, Maroc (fin 19e) 1.1.9 L’émancipation, le modèle français Les habitants de l'Hôtel de Saint-Aignan en 1939, Christian Boltanski (1998) Un cabinet d'art graphique rassemble, sur le thème de la renaissance culturelle juive en Allemagne et en Russie, des œuvres sur papier et des ouvrages des premières années du XXe siècle. Le musée remplit ici une mission, celle d'approfondir et de faire découvrir les recherches formelles et stylistiques majeures d'artistes importants, parfois oubliés. Regroupées sur le thème du folklore, de l'ornement, des sources bibliques et de la calligraphie, ces œuvres constituent l'aboutissement d'une démarche liant thème et identité dans l'art juif. Panorama historique du judaïsme français au XIXe siècle. C’est l'ère de l'émancipation, dont la Révolution française a marqué le début. Les moments essentiels de l'intégration dans la société moderne sont présentés. Ce thème se prolonge par la présentation d'œuvres à thème juif (Moritz Oppenheim) et de scènes de genre d'artistes français et européens (Alphonse Lévy, Edouard Brandon, Edouard Moyse pour la France, Samuel Hirszenberg et Maurycy Gottlieb, pour la Pologne), posant ainsi le pre- Ce regard sur les contributions d'artistes juifs à l'art mier jalon d'une réflexion sur la possibilité d'un art juif du début du XXe siècle se termine par un ensemble autre que liturgique ou traditionnel. d'œuvres de peintres et sculpteurs de l'Ecole de Paris : Cette section comprend un fonds d'archives considérable, Chagall, Lipchitz, Soutine, Marcoussis, Krémègne, Kidonné par les petits-enfants du capitaine Dreyfus. Il est koïne, Pascin, Chana Orloff, Kisling, Modigliani... Dans composé de plus de trois mille documents : manuscrits, la diversité de leurs trajectoires et surtout dans leur lettres, photographies, souvenirs familiaux, pièces offi- confrontation à la modernité, ces artistes marquent la transition vers une nouvelle identité juive qui n'est plus cielles, livres, cartes postales, affiches, etc. exclusivement religieuse. • Décret de l'Assemblée Nationale attribuant l'égalité de droits aux Juifs (1791) 1.1.12 Être juif à Paris en 1939 • Rachel dans Lady Macbeth, Charles Louis Müller (1849) Évitant toute constitution d'une collection d'art thématique sur le thème de la Shoah, le musée s’est at• Présentation de la Loi, Edouard Moyse (1860) taché à remonter l'histoire emblématique de quelques • Prière du soir, Alphonse Levy (1883) juifs d'Europe orientale, Russie, Pologne, Roumanie, qui 4 2 L’HÔTEL DE SAINT-AIGNAN vinrent s’installer à Paris au début du siècle, et dont les chemins aboutirent à l'hôtel de Saint-Aignan. À partir de sources d'archives, le musée propose une séquence documentaire sur l'histoire du judaïsme européen, la fin des communautés exterminées, l'immigration à Paris, la vie juive dans le quartier du Marais, les métiers, les structures associatives. Une oeuvre murale de Christian Boltanski rend hommage aux habitants de l'hôtel de Saint-Aignan en 1939, artisans juifs pour la plupart, dont une grande partie furent assassinés dans les camps nazis. 1.2 Le Fonds Dreyfus La cour d'honneur En même temps qu'une exposition en 2006, Alfred Dreyfus, le combat pour la justice, le musée a mis en ligne une présentation de l'affaire Dreyfus et de son « fonds exceptionnel relatif à l'Affaire et à la famille Dreyfus, en permettant une consultation en ligne des plus de 3 000 documents, lettres, photographies, et autres qui le composent ». Ayant fait l'objet de reventes successives, l'hôtel est voué à partir de 1842 au commerce et à la petite industrie. Des photographies d'époque, en particulier celles d’Eugène Atget, évoquent la vie de cet immeuble où vivent désormais des artisans juifs immigrés de Pologne, de Roumanie et d'Ukraine. Au centre de la cour intérieure se trouve une grande statue moderne représentant Dreyfus tenant à la main son épée Lors des grandes rafles antijuives de 1942, plusieurs personnes vivant dans le bâtiment sont arrêtées et déportées. brisée, une copie de Hommage au capitaine Dreyfus. Au total, treize des habitants juifs de l'hôtel seront assassinés dans les camps. • Alfred Dreyfus en uniforme (1890) L'hôtel de Saint-Aignan est racheté par la Ville de Paris • Galons arrachés à Dreyfus le jour de sa dégradation en 1962, et est classé monument historique en 1963. publique (1895) En 1978 débute une première campagne de restauration, sous la direction de Jean-Pierre Jouve, architecte en chef • J'accuse... !, une du journal l’Aurore publiant la lettre des Monuments historiques. Le bâtiment est alors affecd’Emile Zola (1898) té aux Archives de Paris. Une seconde campagne de restauration de l'hôtel s’ouvre en 1991, sous la direction de • Affiche de l'exposition Alfred Dreyfus, le combat Bernard Fonquernie, architecte en chef des Monuments pour la justice (2006) historiques. 2 2.1 L’hôtel de Saint-Aignan Historique En 1998, à l'initiative du maire de Paris, Jacques Chirac, l'hôtel de Saint-Aignan est affecté à l'installation d'un musée consacré à la civilisation juive : le Musée d'art et d'histoire du Judaïsme. L'hôtel est bâti en 1644-1650 pour Claude de Mesmes, 2.2 Architecture comte d'Avaux, surintendant des finances de Mazarin. C’est Pierre Le Muet, architecte du roi, qui en dresse les L’hôtel est bâti en 1644-1650, sur une grande parcelle irrégulière où s’élevait l'hôtel familial hérité par Claude plans. de Mesmes. Son auteur, l'architecte Pierre Le Muet, proEn 1688, l’hôtel est racheté par Paul de Beauvilliers, duc pose un décor sans précédent dans l'architecture civile de Saint-Aignan, qui entreprend une campagne de travaux parisienne. Ayant abattu le vieux bâtiment, il adopte le de réfection et de modernisation. Il aménage le premier plan usuel des grands hôtels aristocratiques, corps de loétage en appartements et fait appel à André Le Nôtre pour gis principal en retrait de la rue, au fond d'une grande cour redessiner un jardin à la française. légèrement rectangulaire et aile unique en retour à droite En 1792, l'hôtel de Saint-Aignan est saisi et mis sous sé- avec une grande galerie à l'étage. Au rez-de-chaussée de questre à la suite de la Révolution. Il devient le siège de la l'aile droite se trouvaient les cuisines, réaménagées auseptième municipalité en 1795, puis du septième arron- jourd'hui pour accueillir des ateliers, ainsi que la salle dissement jusqu'en 1823, avant d'être partagé en locaux à manger, désormais rattachée à la librairie du MAHJ, commerciaux de toutes sortes. qui présente un décor de fresques exceptionnel attribué à 5 qu'en 1823, avant d'être partagé en locaux commerciaux de toutes sortes et voué à partir de 1842 au commerce et à la petite industrie. Transformé en immeuble de rapport, le corps de logis est alors surélevé de trois niveaux. Après l'achat en 1962 de l'hôtel par la Ville de Paris et son classement (1963), une première campagne de restauration débute en 1978, sous la direction de Jean-Pierre Jouve, architecte en chef des Monuments historiques. Au terme d’une seconde campagne de restauration, débuté en 1991 sous la direction de Bernard Fonquernie, les travaux s’achèvent en 1998. Aux adjonctions de 1690 près, malgré quelques erreurs, les travaux de restauration et de restitution ont rendu à l'hôtel son ordonnance primitive, et à l'art français une des plus hautes expressions de l'atticisme architectural parisien au temps de la régence d'Anne d'Autriche. 3 Notes et références [1] « Ancien hôtel de Saint-Aignan (ou hôtel d'Avaux, de Rochechouart, d'Asnières), actuellement musée d'art et d'histoire du Judaïsme », base Mérimée, ministère français de la Culture Le grand escalier Rémy Vuibert. À gauche, il conçoit une façade en trompe l'oeil, dite « renard », qui masque en réalité un mur appuyé sur le tracé de l'enceinte de Philippe Auguste. Ainsi donne-t-il l'illusion d'un espace vaste et préserve-t-il une apparente symétrie. L'originalité de cette architecture tient aussi à l'ordonnance de pilastres sculptés, dits « colossaux », courant sans rupture au niveau des étages de bas en haut de la façade. Sur le même principe de continuité, les quatre façades qui encadrent la cour sont identiques, ne distinguant pas particulièrement le corps de logis principal, contrairement à l'usage. L'architecte produit ainsi un effet de verticalité imposant, un rythme soutenu qui confère une véritable majesté à l'édifice. Un passage conduit à la petite basse-cour, où remises et écuries ont une issue directe sur la rue. Paul de Beauvilliers, duc de Saint-Aignan, qui rachète l'hôtel en 1688, Il entreprend une campagne de travaux de réfection et de modernisation avec un agrandissement de la façade sur jardin, la réalisation d'un escalier d'honneur, l'aménagement d'appartements dans l'ancienne galerie du premier étage. André Le Nôtre est sollicité pour redessiner un jardin à la française avec des parterres d'ornements. Le principe de restauration qui sera adopté au XXe siècle reprend précisément la fin XVIIe comme période de référence. Saisi en 1792, l'hôtel devient le siège de la septième municipalité en 1795, puis du septième arrondissement jus-