antibiotiques : dans l’intestin des animaux eux-mêmes, dans le fumier que les agriculteurs
utilisent, et aussi dans les maladies humaines. Les bactéries résistantes passent de l’animal à
l’homme via la nappe phréatique, la poussière, les mouches ou la viande.
Bonnes pratiques. Des chercheurs et des militants essaient depuis plusieurs dizaines
d’années d’obliger la Food and Drug Administration à limiter l’abus d’antibiotiques dans
l’élevage, sans grand succès. En revanche, peu se sont demandé ce que les bactéries
multirésistantes pourraient entraîner pour les animaux d’élevage. Pourtant, l’ère post-
antibiotiques met en danger l’élevage au même titre que la médecine. Outre les hormones
de croissance, l’élevage utilise des antibiotiques pour traiter les animaux individuellement,
ainsi que dans le cadre de campagnes dites “de prévention et de contrôle” qui protègent des
troupeaux entiers. Si les antibiotiques devenaient inefficaces, les animaux en subiraient les
conséquences : les maladies individuelles ne pourraient plus être traitées et, eu égard aux
conditions de l’élevage en batterie, la plupart des maladies se propageraient.
On utilise couramment des antibiotiques dans la pisciculture, notamment en Asie, afin de
combattre les bactéries qui se propagent dans les bassins d’élevage. Résultat, le secteur se
trouve confronté à des souches résistantes à ces médicaments et doit trouver des solutions
de rechange. Aux Etats-Unis, on se sert des antibiotiques pour lutter contre les maladies des
fruits, mais ces protections commencent à céder elles aussi.
Va-t-on inexorablement entrer dans une ère postantibiotiques ? Peut-être pas, mais il faudra
renoncer à certaines pratiques. Dans des pays comme le Danemark, la Norvège ou les Pays-
Bas, la réglementation de l’utilisation médicale et agricole des antibiotiques a contribué à
ralentir la résistance des bactéries aux médicaments. Mais les Etats-Unis n’ont jamais voulu
prendre de telles mesures.
Ce qui pourrait retarder l’apocalypse, ce sont de nouveaux antibiotiques, mais encore
faudra-t-il inciter les laboratoires pharmaceutiques à revenir sur un marché qu’ils ne jugent
pas assez rentable. Le besoin de nouvelles molécules pourrait obliger les autorités fédérales
à créer des incitations à la mise au point de médicaments : des prorogations de brevets, par
exemple, ou un assouplissement des règles en matière d’essais cliniques.
Mais, même si la recherche sur les médicaments finit par repartir, il faut compter au moins
dix ans pour qu’une molécule passe du concept aux rayonnages des pharmaciens. Il n’y aura
aucun nouveau médicament pour résoudre le problème rapidement et, étant donné
l’évolution constante des bactéries, aucun ne pourra le régler définitivement. En attendant,
le secteur médical remet au goût du jour la bonne vieille solution consistant à assurer une
hygiène rigoureuse dans les hôpitaux, et teste aussi de nouvelles idées, comme la mise en
place d’un contrôle automatique des prescriptions dans les dossiers médicaux informatisés