Le patient obligé de se soigner:
Traitements sous contrainte: Pratiques en milieu
pénitentiaire.
B. Gravier,
cours psychiatrie légale , 19 avril 2007
avril 2007 B. Gravier, mesures de contrainte, traitements sans consentement en Suisse 2
Une «séméiologie» de l’obligation de soin
• Soins recommandés (consentement indispensable, pas de
cadre pénal formel, réponse pénale future, ex instruction)
• Soins enjoints (consentement préalable non formalisé
mais indispensable, réponse pénale hypothétique, ex:
sursis)
• Soins obligés (consentement fortement sollicité, réponse
pénale forte, ex: libération conditionnelle, art.43)
• Soins contraints (absence de consentement, LSP)
Cf X. Lameyre, «
une poetique des soins pénalement
obligés
»
Argument
–Les traitements sous contrainte en psychiatrie,
= un traitement médicamenteux imposé contre le gré du
patient, éventuellement, par des moyens de contention
• un débat ancien et toujours renouvelé eu égard aux
droits des patients
– Question encore plus difficile en prison
–Des protocoles permettant de codifier
rigoureusement la mise en œuvre de tels traitements,
dans l’esprit des lois actuelles, sont indispensables
– Nécessité d’un débat clinique et éthique pour chaque
cas
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Le cas de E
•L’histoire de vie:
– 33 ans, divorce des parents à 18 ans (contexte
particulièrement violent), scolarité normale puis
apprentissages mis en échec, petits emplois à temps partiel,
invalidié totale à 26 ans, tutelle volontaire, nombreux
démélés avec ses tuteurs
•La psychopathologie:
– Anorexie mentale gravissime dès 14 ans
– Très nombreux séjours en milieu psychiatrique
– Méfiance, psychorigidité, contact difficile, très forte
agressivité, délire???
•Le diagnostic
– Expertise: trouble schizotypique
– Thérapeutes: psychose chronique, thèmes persécutoires,
forte tendance interprétative, trouble sévère de la
personnalité
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Les actes délictueux
• Voies de fait, dommages à la propriété,
tente de défoncer à la hache la porte d’un
voisin, de sa mère (2002)
• Menaces, détient des couteaux à lancer
• Menaces et violences graves répétées
contre un voisin malvoyant qu’il accuse
de faire du bruit pour le persécuter,
dégradations multiples, plusieurs
agressions d’infirmiers à l’hopital et dans
un foyer (2005)
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La peine et les mesures
• Diminution moyenne de sa responsabilité
• Peine de 6 mois d’emprisonnement
(couverte par sa détention préventive)
• Suspendue au profit d’un internement
(art 43 ch 1 al 2) compte tenu du danger
pour l’ordre public et la sécurité des
biens et des personnes
• Peut (théoriquement) rester à vie en
internement
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En résumé
• Patient souffrant d’une pathologie ancienne et sévère
• Menaçant et commettant des délits inquiétants mais de
gravité modérée, souvent en relation avec sa pathologie
• Diminution importante de sa responsabilité pénale
• Privé de liberté pour une durée indéterminée par la justice
pénale (durée non limitative)
• La justice pénale estime que seul un traitement
médicamenteux au long cours peut autoriser une
éventuelle sortie
• Agressivité importante, capacité de discernement
conservée, refuse tout traitement, fait usage de son droit
de plainte devant les commission de recours
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En Suisse
• Se trouve en prison, pas d’établissement
spécialisé
• Pris en charge par l’équipe médicale de la
prison (ambulatoire ou en unité de soin
carcérale)
• Pas d’accueil possible dans un hopital
psychiatrique ou pour une durée limitée
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Questions éthiques
• Un tel patient doit-il se trouver en prison?
• La mesure pénale est-elle fondée, surtout quand on sait
qu’il s’agit d’un malade?
• L’obligation de soin au long cours a-t-elle un sens
thérapeutique?
• A cours terme, devant son refus de traitement: est-ce la
mesure pénale qui s’impose ou doit-on lui garantir le
respect des droits prévu par la Loi sur la Santé Publique?
• Que faire si son état se dégrade en prison?
• Nombreux flous juridiques qui imposent aux soignants
une démarche éthique rigoureuse