JLL Capital Markets 2016
Financements immobiliers :
lâge de raison ?
Executive Summary
Lévolution récente de la réglementation bancaire est la
conséquence directe de la crise nancière née en 2007
de l’éclatement d’une bulle immobilière aux Etats-Unis. Cette
bulle fut alimentée par la baisse des taux directeurs, par
le développement d’une nance toujours plus structurée et
par une vive spéculation immobilière.
Le marché du crédit immobilier des 10 dernières années a
connu 4 phases : la constitution d’une bulle jusquen 2007,
son éclatement en 2007-2008, une ère « glaciaire » jusqu’en
2012, et un dégel depuis. Les emprunteurs ont aujourd’hui
adopté une meilleure discipline, le levier n’étant plus le
catalyseur du TRI mais un instrument normal de gestion.
Au cours de cette période, la réglementation bancaire
s’est progressivement approfondie. Alors que le régulateur
s’était essentiellement concentré sur le risque de crédit, il en
est venu à s’intéresser aux risques opérationnels ainsi qu’au
risque de liquidité.
On assiste en outre à la convergence des réglementations
entre institutionnels, banques et assurances, qui produit
parfois des effets miroirs : le coût du nancement s’est
renchéri pour les banques, s’est amoindri pour les assureurs.
Bien qu’elle vise à éviter les emballements de cycle, la
réglementation peut avoir des impacts pro-cycliques, par
exemple quand elle s’inspire du ratio LTV (Loan-to-Value) à
l’octroi du crédit et non sur la foi d’une moyenne de long
terme.
La situation actuelle se distingue du scénario de 2007 en
raison de taux faibles, d’une réglementation du crédit plus
contraignante et d’un marché immobilier qui n’est pas
sur-offreur.
Ces mouvements tectoniques ont favorisé l’émergence
de nouveaux acteurs du nancement, dont les ambitions et
les pratiques découlent directement de l’évolution
prudentielle. Les emprunteurs doivent savoir naviguer et
manœuvrer dans ce nouveau paysage, en dressant
notamment la cartographie des écueils, et en recourant aux
bons capitaines.
Marché des nancements : la situation de 2016 n’est pas
celle de 2006
La dynamique des marchés de l’investissement et de la baisse
des taux de rendement immobiliers depuis 2 ans rappellent les
deux années qui ont précédé la crise de 2007-2009, qui a
trouvé son origine dans le marché des nancements rési-
dentiels américains et dans un contexte d’abondance de crédit.
Sur le marché de la dette immobilière, 2016 est-elle comparable
à 2006 ?
3 grandes causes sont communément admises au krach
de 2007 :
Une forte baisse des taux directeurs à partir de 2002, en
particulier aux Etats-Unis, pour relancer l’économie suite à
l’éclatement de la bulle internet. Cette politique de taux bas a
été suivie par une remontée à partir de 2006 qui a contribué
à déstabiliser les emprunts aux Etats-Unis.
Une politique très accommodante aux Etats-Unis en matière
d’octroi de prêts immobiliers qui a débouché sur les nance-
ments « sub-prime ».
Une èvre spéculative portée par le report vers l’immobilier
de fonds sortis des marchés boursiers suite au krach des
valeurs technologiques et par une mécanique d’anticipation
de hausse des valeurs par les acteurs.
Ces trois éléments cumulés ont résulté en une hausse con-
sidérable des prix, notamment sur le marché du logement.
Aujourd’hui, si l’on analyse la situation, les similitudes
existent mais les divergences sont plus importantes :
Les taux directeurs sont faibles en raison d’une économie
atone. Les banques centrales sont très attentives à la
situation et prêtes à relever leurs taux si nécessaire, comme
l’a fait la banque centrale américaine (Fed) n 2015. Si une
reprise économique semblait s’amorcer en Zone Euro ces
derniers mois, les révisions à la baisse des perspectives de
croissance de plusieurs pays suite au Brexit ne laissent pas
présager de remontée des taux directeurs en Europe à court
terme. Rien ne laisse anticiper une hausse brutale des taux
directeurs comme en 2006 et tout laisse penser que les
banques centrales réagiraient plus rapidement qu’en 2005-
2006.
Le marché des nancements s’est notablement re-régulé
suite à la crise des « sub-prime » (directive Bâle III pour les
banques et Solvency II pour les assurances, crash tests
bancaires etc). Les excès de facilité ont disparu sur l’octroi
des prêts et les ménages, soumis à un environnement peu
favorable en termes de prise de risque (chômage etc), sont
plus prudents.
Il reste encore un potentiel de création de valeur, à la fois via
les loyers et la compression de la prime de risque, alors que
cette dernière était négative en 2007.
© paris pao
Pour comprendre le marché actuel du nancement immobilier,
un rappel historique paraît nécessaire.
2003 - 2006 : émergence de la bulle
Suite au krach des valeurs technologiques, les capitaux se
reportent vers l’immobilier, considéré comme plus sécurisé.
En parallèle, la Fed abaisse fortement ses taux directeurs pour
relancer l’économie. A cela s’ajoute une politique de prêts
immobiliers très accommodante aux Etats-Unis avec un
système d’endettement à taux variable. De nombreux ménages
américains, qui protent de ce modèle d’emprunt avec des taux
très faibles les premières années, se retrouvent dans l’incapac-
ité d’honorer leurs mensualités lorsque les taux augmentent au
cours des années suivantes.
Des produits nanciers structurés (CDO), adossés à des prêts
« sub-prime », sont mis en place et diffusés à l’ensemble des
acteurs nanciers (hedge funds, banques de réseau,
assureurs).
En immobilier tertiaire, une forte concurrence apparaît entre les
banques pour prêter et prendre des parts de marché. Les ratio
Loan To Value (LTV), soit la part empruntée sur le prix total de
l’actif, atteignent des niveaux élevés. Des prêts structurés
complexes sont mis en place. Les marges des banques
diminuent. Ce modèle alimente également la machine spécula-
tive à partir de 2005 sur le marché parisien.
Mars 2007 - septembre 2008 : éclatement de la bulle
En 2006, un effet ciseau se crée avec, d’une part, le durcis-
sement de la politique monétaire américaine (hausse du taux
directeur), et d’autre part l’arrêt de la hausse des prix. Le
marché bascule dans les prémices de la crise.
En 2007, en raison de la hausse des taux et de la structure
même des prêts immobiliers résidentiels, des défauts massifs
d’emprunteurs « sub-prime » se déclenchent. La valeur des
obligations adossées à ces prêts « sub-prime », qui ont été
diffusés auprès des plus grands investisseurs et banques.
La crise américaine contamine l’Europe à partir du mois d’août
2007, les banques reconnaissant leur incapacité à évaluer leurs
pertes liées aux « sub-prime ». La Banque Centrale Eu-
ropéenne (BCE) réagit immédiatement en ouvrant une ligne de
crédit à faible taux (96 milliards d’euros).
De septembre 2008 à 2012 : l’ère glaciaire
Deux périodes dans la crise qui suit les « sub-prime » : la
crise bancaire et du secteur privé immédiatement après
l’éclatement de la bulle (2008-2009) suivie par la crise de la
dette publique en Europe (2010…).
La crise des « sub-prime » connaît son apogée en septembre
2008 avec la nationalisation de FANNIE MAE et FREDDIE
MAC, le rachat de banques en difculté (MERRILL LYNCH
rachetée par BANK OF AMERICA) et la faillite de LEHMAN
BROTHERS le 15 septembre suite au refus du gouvernement
de les garantir car « too big to fail » … La crise des « sub-
prime » se transforme en crise nancière et bancaire. Lensem-
ble des marchés boursiers dévisse très fortement - la perte
subie par les actionnaires entre n 2007 et n 2008 est estimée
à 20 000 milliards de dollars.
© Dominionart
La crise bancaire se généralise, devient globale et entraîne des
mouvements de concentration dans le monde entier avec des
rachats de banques et de sociétés d’assurances. En
septembre–octobre 2008, les gouvernements et banques
centrales annoncent des plans de sauvetage du secteur
nancier : structures de défaisance, baisse des taux directeurs,
garanties étatiques pour éviter le « bank run » etc. La crise des
banques va entraîner ultérieurement de nouvelles directives
pour renforcer leur bilan (Bâle III). Les gouvernements doivent
de nouveau intervenir début 2009 pour sauvegarder les
banques qui ont annoncé des pertes importantes.
Les banques se retrouvent dans l’incapacité de prêter suite à la
dégradation de leur bilan (pertes, provisions à passer). Ce
« credit crunch » entraîne l’économie et la crise pour le secteur
non nancier.
Le marché immobilier se retrouve sans ressources nancières
ou presque : seuls les actifs très « core » sont nancés, les
montants de prêts sont limités, obligeant les investisseurs à
regrouper plusieurs banques au sein de club deals pour se
nancer. Durant cette période, seuls des investisseurs fonds
propres – assureurs, SCPI, OPCI – animent le marché français
de l’investissement en immobilier d’entreprise.
La n de lannée 2009 est marquée par la crise de la dette
souveraine grecque. Le pays, qui revoit à la hausse sa prévision
de décit public pour l’année à 12,5% contre 3,7% du PIB
auparavant, voit sa note dégradée de A- à BBB+ en décembre.
La crise gagne alors progressivement les pays périphériques
de la zone euro : le Portugal et l’Espagne voient à leur tour
leurs notes dégradées en avril 2010. En parallèle, un fonds de
stabilisation européen est créé en mai pour stabiliser les
marchés et éviter la contagion. Début 2011, l’Irlande annonce
également des difcultés nancières liées au soutien appor
par l’Etat au système bancaire. Les notes de la plupart des pays
européens sont une nouvelle fois dégradées.
La crise des dettes souveraines a mis en lumière l’excès
d’endettement des états européens et la plupart des
gouvernements lancent des politiques d’austérité : hausse
d’impôts, baisse des allocations, perte de certains
avantages etc.
Depuis 2012-2013, le dégel
Le nancement s’est assoupli ces dernières années ; les
banques ont apuré leur bilan, de nouvelles normes ont été
instaurées, des stress tests ont été mis en place. Progressive-
ment, le marché de la dette hypothécaire évolue, por
notamment par les Pfadnbriefe allemands qui apportent des
nancements compétitifs sur les actifs sécurisés.
En parallèle, les faibles rendements offerts par les différentes
classes d’actifs, la place laissée par les banques traditionnelles
et les changements réglementaires ouvrent la porte à de
nouveaux canaux de nancements en Europe tels que les fonds
de dette et les assureurs, qui cherchent à placer leurs liquidités.
Le marché se dégèle peu à peu avec une hausse progressive
des LTV, une baisse des marges, une hausse du montant des
crédits et un élargissement du spectre de risque. Mais les
acquéreurs restent relativement prudents et sollicitent moins le
crédit qu’avant la crise.
© jeff gynane
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