Financements immobiliers : l`âge de raison

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JLL Capital Markets 2016
Financements immobiliers :
l’âge de raison ?
Executive Summary
• L’évolution récente de la réglementation bancaire est la
conséquence directe de la crise financière née en 2007
de l’éclatement d’une bulle immobilière aux Etats-Unis. Cette
bulle fut alimentée par la baisse des taux directeurs, par
le développement d’une finance toujours plus structurée et
par une vive spéculation immobilière.
• Le marché du crédit immobilier des 10 dernières années a
connu 4 phases : la constitution d’une bulle jusqu’en 2007,
son éclatement en 2007-2008, une ère « glaciaire » jusqu’en
2012, et un dégel depuis. Les emprunteurs ont aujourd’hui
adopté une meilleure discipline, le levier n’étant plus le
catalyseur du TRI mais un instrument normal de gestion.
• Au cours de cette période, la réglementation bancaire
s’est progressivement approfondie. Alors que le régulateur
s’était essentiellement concentré sur le risque de crédit, il en
est venu à s’intéresser aux risques opérationnels ainsi qu’au
risque de liquidité.
• On assiste en outre à la convergence des réglementations
entre institutionnels, banques et assurances, qui produit
parfois des effets miroirs : le coût du financement s’est
renchéri pour les banques, s’est amoindri pour les assureurs.
• Bien qu’elle vise à éviter les emballements de cycle, la
réglementation peut avoir des impacts pro-cycliques, par
exemple quand elle s’inspire du ratio LTV (Loan-to-Value) à
l’octroi du crédit et non sur la foi d’une moyenne de long
terme.
• La situation actuelle se distingue du scénario de 2007 en
raison de taux faibles, d’une réglementation du crédit plus
contraignante et d’un marché immobilier qui n’est pas
sur-offreur.
• Ces mouvements tectoniques ont favorisé l’émergence
de nouveaux acteurs du financement, dont les ambitions et
les pratiques découlent directement de l’évolution
prudentielle. Les emprunteurs doivent savoir naviguer et
manœuvrer dans ce nouveau paysage, en dressant
notamment la cartographie des écueils, et en recourant aux
bons capitaines.
Marché des financements : la situation de 2016 n’est pas
celle de 2006
La dynamique des marchés de l’investissement et de la baisse
des taux de rendement immobiliers depuis 2 ans rappellent les
deux années qui ont précédé la crise de 2007-2009, qui a
trouvé son origine dans le marché des financements résidentiels américains et dans un contexte d’abondance de crédit.
Sur le marché de la dette immobilière, 2016 est-elle comparable
à 2006 ?
3 grandes causes sont communément admises au krach
de 2007 :
• Une forte baisse des taux directeurs à partir de 2002, en
particulier aux Etats-Unis, pour relancer l’économie suite à
l’éclatement de la bulle internet. Cette politique de taux bas a
été suivie par une remontée à partir de 2006 qui a contribué
à déstabiliser les emprunts aux Etats-Unis.
croissance de plusieurs pays suite au Brexit ne laissent pas
présager de remontée des taux directeurs en Europe à court
terme. Rien ne laisse anticiper une hausse brutale des taux
directeurs comme en 2006 et tout laisse penser que les
banques centrales réagiraient plus rapidement qu’en 20052006.
• Le marché des financements s’est notablement re-régulé
suite à la crise des « sub-prime » (directive Bâle III pour les
banques et Solvency II pour les assurances, crash tests
bancaires etc). Les excès de facilité ont disparu sur l’octroi
des prêts et les ménages, soumis à un environnement peu
favorable en termes de prise de risque (chômage etc), sont
plus prudents.
• Il reste encore un potentiel de création de valeur, à la fois via
les loyers et la compression de la prime de risque, alors que
cette dernière était négative en 2007.
• Une politique très accommodante aux Etats-Unis en matière
d’octroi de prêts immobiliers qui a débouché sur les financements « sub-prime ».
• Une fièvre spéculative portée par le report vers l’immobilier
de fonds sortis des marchés boursiers suite au krach des
valeurs technologiques et par une mécanique d’anticipation
de hausse des valeurs par les acteurs.
Ces trois éléments cumulés ont résulté en une hausse considérable des prix, notamment sur le marché du logement.
Aujourd’hui, si l’on analyse la situation, les similitudes
existent mais les divergences sont plus importantes :
• Les taux directeurs sont faibles en raison d’une économie
atone. Les banques centrales sont très attentives à la
situation et prêtes à relever leurs taux si nécessaire, comme
l’a fait la banque centrale américaine (Fed) fin 2015. Si une
reprise économique semblait s’amorcer en Zone Euro ces
derniers mois, les révisions à la baisse des perspectives de
© paris pao
Pour comprendre le marché actuel du financement immobilier,
un rappel historique paraît nécessaire.
• 2003 - 2006 : émergence de la bulle
Suite au krach des valeurs technologiques, les capitaux se
reportent vers l’immobilier, considéré comme plus sécurisé.
En parallèle, la Fed abaisse fortement ses taux directeurs pour
relancer l’économie. A cela s’ajoute une politique de prêts
immobiliers très accommodante aux Etats-Unis avec un
système d’endettement à taux variable. De nombreux ménages
américains, qui profitent de ce modèle d’emprunt avec des taux
très faibles les premières années, se retrouvent dans l’incapacité d’honorer leurs mensualités lorsque les taux augmentent au
cours des années suivantes.
La crise américaine contamine l’Europe à partir du mois d’août
2007, les banques reconnaissant leur incapacité à évaluer leurs
pertes liées aux « sub-prime ». La Banque Centrale Européenne (BCE) réagit immédiatement en ouvrant une ligne de
crédit à faible taux (96 milliards d’euros).
Des produits financiers structurés (CDO), adossés à des prêts
« sub-prime », sont mis en place et diffusés à l’ensemble des
acteurs financiers (hedge funds, banques de réseau,
assureurs).
En immobilier tertiaire, une forte concurrence apparaît entre les
banques pour prêter et prendre des parts de marché. Les ratio
Loan To Value (LTV), soit la part empruntée sur le prix total de
l’actif, atteignent des niveaux élevés. Des prêts structurés
complexes sont mis en place. Les marges des banques
diminuent. Ce modèle alimente également la machine spéculative à partir de 2005 sur le marché parisien.
• Mars 2007 - septembre 2008 : éclatement de la bulle
En 2006, un effet ciseau se crée avec, d’une part, le durcissement de la politique monétaire américaine (hausse du taux
directeur), et d’autre part l’arrêt de la hausse des prix. Le
marché bascule dans les prémices de la crise.
En 2007, en raison de la hausse des taux et de la structure
même des prêts immobiliers résidentiels, des défauts massifs
d’emprunteurs « sub-prime » se déclenchent. La valeur des
obligations adossées à ces prêts « sub-prime », qui ont été
diffusés auprès des plus grands investisseurs et banques.
© Dominionart
• De septembre 2008 à 2012 : l’ère glaciaire
Deux périodes dans la crise qui suit les « sub-prime » : la
crise bancaire et du secteur privé immédiatement après
l’éclatement de la bulle (2008-2009) suivie par la crise de la
dette publique en Europe (2010…).
La crise des « sub-prime » connaît son apogée en septembre
2008 avec la nationalisation de FANNIE MAE et FREDDIE
MAC, le rachat de banques en difficulté (MERRILL LYNCH
rachetée par BANK OF AMERICA) et la faillite de LEHMAN
BROTHERS le 15 septembre suite au refus du gouvernement
de les garantir car « too big to fail » … La crise des « subprime » se transforme en crise financière et bancaire. L’ensemble des marchés boursiers dévisse très fortement - la perte
subie par les actionnaires entre fin 2007 et fin 2008 est estimée
à 20 000 milliards de dollars.
La crise bancaire se généralise, devient globale et entraîne des
mouvements de concentration dans le monde entier avec des
rachats de banques et de sociétés d’assurances. En
septembre–octobre 2008, les gouvernements et banques
centrales annoncent des plans de sauvetage du secteur
financier : structures de défaisance, baisse des taux directeurs,
garanties étatiques pour éviter le « bank run » etc. La crise des
banques va entraîner ultérieurement de nouvelles directives
pour renforcer leur bilan (Bâle III). Les gouvernements doivent
de nouveau intervenir début 2009 pour sauvegarder les
banques qui ont annoncé des pertes importantes.
Les banques se retrouvent dans l’incapacité de prêter suite à la
dégradation de leur bilan (pertes, provisions à passer). Ce
« credit crunch » entraîne l’économie et la crise pour le secteur
non financier.
Le marché immobilier se retrouve sans ressources financières
ou presque : seuls les actifs très « core » sont financés, les
montants de prêts sont limités, obligeant les investisseurs à
regrouper plusieurs banques au sein de club deals pour se
financer. Durant cette période, seuls des investisseurs fonds
propres – assureurs, SCPI, OPCI – animent le marché français
de l’investissement en immobilier d’entreprise.
© jeff gynane
La fin de l’année 2009 est marquée par la crise de la dette
souveraine grecque. Le pays, qui revoit à la hausse sa prévision
de déficit public pour l’année à 12,5% contre 3,7% du PIB
auparavant, voit sa note dégradée de A- à BBB+ en décembre.
La crise gagne alors progressivement les pays périphériques
de la zone euro : le Portugal et l’Espagne voient à leur tour
leurs notes dégradées en avril 2010. En parallèle, un fonds de
stabilisation européen est créé en mai pour stabiliser les
marchés et éviter la contagion. Début 2011, l’Irlande annonce
également des difficultés financières liées au soutien apporté
par l’Etat au système bancaire. Les notes de la plupart des pays
européens sont une nouvelle fois dégradées.
La crise des dettes souveraines a mis en lumière l’excès
d’endettement des états européens et la plupart des
gouvernements lancent des politiques d’austérité : hausse
d’impôts, baisse des allocations, perte de certains
avantages etc.
• Depuis 2012-2013, le dégel
Le financement s’est assoupli ces dernières années ; les
banques ont apuré leur bilan, de nouvelles normes ont été
instaurées, des stress tests ont été mis en place. Progressivement, le marché de la dette hypothécaire évolue, porté
notamment par les Pfadnbriefe allemands qui apportent des
financements compétitifs sur les actifs sécurisés.
En parallèle, les faibles rendements offerts par les différentes
classes d’actifs, la place laissée par les banques traditionnelles
et les changements réglementaires ouvrent la porte à de
nouveaux canaux de financements en Europe tels que les fonds
de dette et les assureurs, qui cherchent à placer leurs liquidités.
Le marché se dégèle peu à peu avec une hausse progressive
des LTV, une baisse des marges, une hausse du montant des
crédits et un élargissement du spectre de risque. Mais les
acquéreurs restent relativement prudents et sollicitent moins le
crédit qu’avant la crise.
Aujourd’hui, le système des financements immobiliers est
revenu à un fonctionnement que l’on peut qualifier de normal et
la dette est actionnée dans une approche de « bon père de
famille » et non plus pour générer artificiellement du TRI.
La crise de la fin des années 2000 a eu des impacts notables
sur l’environnement règlementaire, les acteurs et sur les
pratiques de marché, modifiant durablement le paysage des
financements.
Un changement du paysage réglementaire suite à la crise
•Historique
En France, l’octroi de crédit à titre habituel est une opération
réservée aux banques et établissements de crédit. Ces acteurs
sont soumis à la tutelle de l’Autorité de Contrôle Prudentiel et
de Régulation (ACPR), qui a succédé à la Commission
Bancaire, et qui supervise aujourd’hui tant les banques et
établissements de crédit que les compagnies d’assurance et les
mutuelles, reconnaissant ainsi l’interconnexion entre ces
acteurs et la similitude des risques qu’ils encourent.
L’ACPR est présidée de droit par le gouverneur de la Banque de
France.
• Les Banques
Les banques opèrent sur le marché du crédit en allouant une
épargne collectée auprès des particuliers (comptes à vue), en
empruntant sur le marché interbancaire (généralement à 3
mois), en émettant des obligations (généralement souscrites par
des compagnies d’assurances et autres investisseurs institutionnels) et en collectant des fonds propres sur le marché des
actions.
Les banques supportent à ce titre des risques comparables à ceux supportés par les fonds ouverts immobiliers,
à savoir :
• un risque de perte en capital, le risque de crédit
• un risque de liquidité dans le cas où les déposants retireraient massivement leurs dépôts à vue ou bien si le marché
interbancaire s’asséchait, dit aussi risque de transformation.
Le rôle des banques centrales s’apparente à celui de
prêteur en dernier recours lorsqu’un établissement n’a pas
accès à la liquidité. Ce rôle s’est particulièrement manifesté
au plus fort de la crise de liquidité des années 2008-09. Le
financement auprès de la Banque Centrale Européenne (BCE)
est soumis à un certain nombre de règles qui le rend plus ou
moins accessible à chaque banque.
Pour éviter le risque systémique ou de contagion à l’ensemble
du secteur réglementé, compte tenu de l’imbrication des acteurs
par le biais des marchés interbancaire (contagion aux autres
banques) ou obligataire (contagion aux assureurs et mutualistes), la tutelle des prêteurs a régulièrement mis à jour son
dispositif de supervision et de contrôle, visant notamment à ce
que chaque intervenant dispose des fonds propres nécessaires
à se prémunir contre le choc causé par la survenance massive
d’un ou plusieurs risques.
Dès 1988, la Banque des Règlements Internationaux (BRI),
qui siège à Bâle, a édicté un corpus de règles définissant
le montant et le type de fonds propres minimum requis
pour exercer le métier de banque. Les accords de Bâle ont
donné naissance au ratio Cooke (du nom du président de la
BRI) qui dispose que les fonds propres doivent représenter 8%
des encours de crédit. Certains encours sont assortis d’une
pondération dérogatoire (0% pour les emprunts d’Etat, 50%
pour les crédits hypothécaires à l’habitat, etc.).
Avec la désintermédiation du crédit et la sophistication croissante des marchés de capitaux, de nouveaux accords dits
Bâle II entrés en vigueur entre 2004 et 2008 intègrent
désormais les risques de marché, et les risque opérationnels
(défaillance des systèmes de paiement, erreur humaine, fraude,
etc.). Ici encore, le président donne son nom au ratio :
McDonough. Une évolution majeure des méthodes de calcul
consiste à intégrer la notation externe dans le calcul des
pondérations dérogatoires, ainsi qu’à introduire la sur-pondération de certains risques qui exigent davantage de fonds propres
que 8%.
A l’issue de la crise financière déclenchée par la débâcle
des « sub-prime », les accords dits Bâle III (traduits en
Europe par une directive datant de 2010, et progressivement mis en œuvre entre 2012 et 2019) intègrent pour la
première fois le risque de transformation en exigeant que les
établissements supervisés puissent faire face à un assèchement temporaire (un mois) ou durable (un an) du marché
interbancaire ou à un retrait des déposants.
Outre l’adéquation des fonds propres (pilier I de la réglementation), Bâle III impose également deux autres piliers au corpus
de règles, à savoir des obligations de suivi du risque après
l’octroi du financement (pilier II), et des obligations d’informations claires et transparentes (pilier III).
• Assureurs et mutuelles
Les assureurs et mutuelles exercent un métier miroir de celui de
prêteur : ils collectent des primes dont ils devront restituer tout
ou partie lorsque les risques assurés surviendront. Les primes
sont donc investies dans l’attente de la fin des polices d’assurance. Historiquement, la réglementation des assureurs s’intéressait essentiellement à l’adéquation entre l’horizon d’investissement des primes et l’écoulement du paiement des sinistres,
en déterminant la marge de solvabilité. Les fonds propres
servaient à combler ladite marge.
La nouvelle réglementation appelée Solvency II est née
dans la vague de Bâle III et complexifie les règles de calcul
des fonds propres en fonction du risque supporté en
investissant le montant des primes encaissées. Comme pour
Bâle III, l’exigence en fonds propres n’est qu’un des piliers de la
réglementation, les deux autres s’inspirant de la réglementation
bancaire (c’est-à-dire le suivi du risque, et l’obligation d’information).
• Approche standardisée - Modèle interne
Pour déterminer le risque de crédit, banques et assureurs
peuvent opter pour une approche standardisée ou pour une
notation interne.
© Number1411
Dans l’approche standardisée, la réglementation opère une
classification des risques et impose une grille impérative
d’exigence de fonds propres.
Dans l’approche fondée sur la notation interne, chaque établissement peut faire valider par la tutelle son propre modèle de
calcul de fonds propres en fonction de ses bases statistiques.
De façon schématique, pour chaque catégorie de risque,
l’établissement calcule une probabilité de défaut, et estime la
perte probable en cas de défaut. Pour ce dernier élément,
l’existence de sûretés (hypothèques, cautions, garanties,
gage-espèces, etc.) telles qu’il en existe en financement
immobilier est bien entendu déterminante.
Le besoin de fonds propres dérive de ces calculs, qui influencent directement la LTV, la durée, le profil d’amortissement ou
encore la marge du prêt.
• Buts recherchés
La réglementation vise à améliorer la solidité financière
des établissements régulés. Elle se veut par principe
contra-cyclique afin que les activités financières ne participent
pas à l’euphorie qui précède l’éclatement des bulles spéculatives.
S’agissant du financement immobilier toutefois, on peut
s’interroger sur la pertinence de l’approche standardisée qui
postule notamment que l’exigence de fonds propres est
déterminée par la LTV (loan-to-value, quotité de financement) et
par la stabilité des revenus locatifs lors de la mise en place du
crédit (IPCRE ou Income-Producing Real Estate).
Ainsi le financement de la promotion est-il pénalisé (150% de
fonds propres), ce qui voudrait dire que les promoteurs
engagent systématiquement leurs opérations en haut de cycle.
La réglementation actuelle pénalise ainsi le recours raisonné au
financement lorsque les immeubles sont lancés en blanc en bas
de cycle.
De la même manière, la notion de LTV empêche le financement de la reprise en bas de cycle, et son application
uniforme (qui exige autant de fonds propres à 30% qu’à
65%) empêche les établissements de diversifier leur risque
en accumulant des prêts peu risqués (la fraction à 30%
dans notre exemple).
Une référence aux moyennes de long terme pourrait servir à
corriger ces effets.
•Perspectives
Bien que la réglementation prudentielle soit la transcription de
directives européennes, chaque banque centrale nationale
demeure libre d’appliquer des critères plus contraignants. Ainsi
la Rijskbank en Suède s’interroge-t-elle régulièrement sur
l’opportunité de ralentir la hausse des prix des logements en
augmentant de 30 à 50% l’exigence de fonds propres pour
cette activité.
En France, les professions immobilières ont récemment fait la
connaissance d’un nouvel acteur, le HCSF (Haut Conseil à la
Stabilité Financière), sous la tutelle du Ministère des Finances,
qui détermine la politique macro-prudentielle et dont la mission
consiste à prévenir le risque systémique du secteur financier.
Il prend ses décisions en collaboration avec la Commission
européenne, la Banque Centrale Européenne (BCE), le Comité
Européen du Risque Systémique (CERS), l’Autorité Bancaire
Européenne (EBA), et les autorités macro-prudentielles des
autres Etats membres de l’Union européenne. Ses pouvoirs
l’autorisent à imposer en tant que de besoin des coussins
d’exigence en fonds propres, soit pour couvrir le risque systémique, soit pour exercer une action contra-cyclique.
Le HCSF a publié en avril 2016 un bulletin dans lequel il
s’interrogeait sur la survalorisation de l’immobilier en
France, bulletin qui a suscité les réactions des professionnels
et permis d’entamer un dialogue portant notamment sur la
transparence du marché immobilier et de ses financements.
Les acteurs
Le contexte ainsi posé, il devient plus aisé de comprendre de
quelle manière a évolué le paysage des acteurs du financement
depuis la crise et leurs stratégies mises en œuvre en France.
Nous en dressons le panorama par contribution décroissante
aux montants financés dans l’hexagone.
• Banques de réseau en France
Principaux acteurs à l’échelle nationale, les banques de réseau
françaises ont été fortement impactées par la prise en compte
du risque de transformation, puisque les dépôts à vue constituent une ressource prépondérante à leur bilan. Leur capacité à
développer une relation multi-produits (couverture de taux,
gestion des comptes bancaires, traitement des flux, etc.) les
amène à privilégier la clientèle récurrente et à analyser une
opération de financement dans le cadre d’une relation commerciale globale, au-delà des mérites propres de l’immobilier à
financer. Elles peuvent ainsi se montrer plus agressives dans ce
contexte.
• Banques hypothécaires allemandes
Le deuxième grand groupe de prêteurs à l’immobilier est
constitué par les banques dites « hypothécaires » qui se
financent en grande partie en émettant directement des
Obligations Foncières en France, ou de Pfandbriefe en
Allemagne, de Cedulas Hipotecarias en Espagne, et désormais
aussi de Covered Bonds au Royaume-Uni. Cet instrument
combine la liquidité des obligations et la sécurité des
hypothèques, puisque chaque émission obligataire est garantie
par un portefeuille de crédits hypothécaires (ou de prêts aux
collectivités locales, mais cela nous intéresse moins dans le
cadre de cette note) juridiquement cantonné et échappant ainsi
au risque de faillite de la banque émettrice. Pour ces acteurs, la
qualité de l’immobilier financé, l’existence de sûretés hypothécaires, la gestion du risque de taux et de remboursement
anticipé, sont les critères les plus pertinents de l’analyse.
Or les assureurs sont depuis longtemps de fins connaisseurs
du marché, puisqu’ils sont les premiers détenteurs d’immobilier
en France. Il est donc logique que nombre d’entre eux aient
cherché à capitaliser sur ces compétences pour développer
une activité de crédit moins coûteuse en fonds propres.
Certains ont développé des capacités en interne, d’autres ont
choisi la route du financement indirect au travers de fonds de
dette.
Au plus fort de la crise financière, ces deux premiers groupes
sont les seuls qui aient pu rester actifs.
• Fonds de dette
• Banques de réseau en Europe
Les banques à réseau européennes constituent un groupe un
peu plus volatil et dont l’activité commerciale fluctue davantage
avec le cycle du marché immobilier. Leur retour en force au
cours des trois dernières années a contribué au tassement des
marges.
• Banques d’investissement
Les banques de marché, d’origine et d’inspiration américaine,
ont pour caractéristique principale une forte capacité de prise
ferme en volume unitaire, mais aussi un besoin chronique de
distribuer le risque après l’octroi du crédit. Elles ont reculé avec
la crise financière qui a fermé le grand marché de la titrisation,
mais elles reviennent à la faveur de la multiplication des
nouveaux acteurs du financement, auprès desquels elles
trouvent des débouchés, non plus en titrisation mais désormais
en syndication.
A partir de 2011, poussés par la demande de compagnies
d’assurance désireuses de pratiquer le financement immobilier,
certains gestionnaires ont bâti des stratégies de levée de fonds.
Le droit français évoluait en parallèle pour autoriser la constitution de fonds de prêts à l’économie qui sont autorisés de façon
dérogatoire à octroyer des prêts. L’exigence de fonds propres et
la réglementation du crédit ou des assureurs s’appliquent alors
à leurs souscripteurs.
Comme on le constate, la crise a eu des effets notables de
transformation du marché, de la réglementation et des
acteurs. L’environnement est donc très différent de celui
de 2006 et certains points d’attention méritent d’être
soulevés.
•Assureurs
La réglementation Solvency II a produit des effets opposés à
celle de Bâle III. Pendant que cette dernière renchérissait le
coût du crédit bancaire en rehaussant les exigences de fonds
propres, la première opérait en sens inverse, rendant la
détention directe d’un patrimoine immobilier plus onéreuse
pour les assureurs que l’octroi de crédit adossé au même
immobilier…
© xc
Vade-mecum du financement
Avec la multiplication des canaux du financement et la diversité
accrue des intervenants, le besoin de coordination professionnelle s’est fait sentir. Depuis 2009, le Commercial Real Estate
Finance Council (CREFC), né aux Etats-Unis, a ouvert un
chapitre européen (baptisé sans surprise CREFC Europe).
Au-delà d’être une instance de représentation et de dialogue
avec les tutelles, le CREFC Europe s’est également emparé
du sujet des « meilleures pratiques » et a rédigé un guide
opérationnel vu du côté des prêteurs. Il nous a paru utile
de souligner ici quelques éléments d’attention pour les
emprunteurs.
En outre, et pour que le prêteur dispose des hypothèques de
manière absolument prioritaire par rapport à d’autres créanciers, l’emprunteur ne doit pas employer de salarié. Il aura donc
recours à la gestion déléguée par le biais de contrats de
property management et d’asset management.
• Définition - Champ d’étude
Nous nous attachons à ce que le marché désigne « financements immobiliers structurés », c’est-à-dire le financement
hypothécaire d’une entité ad-hoc, sans recours envers ses
associés ou actionnaires, dont l’activité est strictement limitée à
la détention et à l’exploitation des biens financés.
•Sûretés
Par construction, une condition sine qua non du financement
consiste pour l’emprunteur à donner une sûreté réelle sur les
immeubles financés. Cette sûreté sera inscrite au registre des
hypothèques et peut prendre plusieurs formes. S’il s’agit de
financer l’acquisition d’un immeuble déjà construit, on pourra
inscrire un privilège de prêteur de deniers en acquittant
uniquement les frais d’acte (contribution de sûreté immobilière,
anciennement salaire du conservateur, pour 0,05 %). Les frais
d’acte seront les mêmes si l’on transfère, par subrogation, une
hypothèque existante au nouveau prêteur.
S’il s’agit d’inscrire une hypothèque postérieurement à l’acquisition, ou en complément d’une hypothèque existante, ou sur un
actif en cours de construction, les frais d’acte sont majorés de
la taxe sur la publicité foncière au taux de 0,715 %.
Dans tous les cas, l’acte est notarié, des émoluments sont donc
à prévoir pour rédiger le contrat de prêt. Il est usuel d’enregistrer l’hypothèque pour le capital emprunté majoré de 10% pour
les intérêts et accessoires, parfois pour la couverture de taux.
© isak55
• Achat de titres
Lorsqu’on investit en achetant les titres d’une société propriétaire d’un immeuble, il faut s’interroger en amont sur la
capacité d’endettement de la cible, la seule en mesure
d’octroyer une sûreté réelle. Quel endettement existe avant
l’acquisition ? Quels autres financements sont envisageables au
niveau de la cible ? Quel est le rapport entre la valeur des titres
et la dette existante ? Quels prêteurs pourraient financer le seul
achat de titres et accepter d’être subordonnés à un créancier
hypothécaire ?
• Risque de Taux
•Travaux
Les intérêts sont généralement indexés sur le taux interbancaire
(Euribor 3 mois). Les emprunteurs sont ainsi exposés à la
hausse des taux, qu’ils ne pourront répercuter aux locataires au
titre des baux… Les prêteurs exigent donc, même dans un
environnement de taux accommodant, que les emprunteurs
couvrent ce risque, par un cap ou un swap de taux.
Le cap est une option qui plafonne le taux Euribor 3 mois.
L’emprunteur doit payer une prime en une ou plusieurs fois.
Le swap est un contrat d’échange, par lequel l’emprunteur reçoit
des intérêts calculés sur Euribor 3 mois, et paie un taux fixe.
L’emprunteur ne paie pas de prime.
L’option reste toujours un actif au bilan de l’emprunteur, tandis
que le swap peut devenir une dette additionnelle si les taux
baissent pendant la durée du crédit. La valeur du swap (soulte)
est due par l’emprunteur en cas de sortie anticipée, par priorité
au crédit. Il a ainsi été difficile de revendre certains immeubles
acquis pendant la période euphorique 2006-2007 à Londres et
assortis de swap à 20 ou 25 ans, au motif que la soulte
représentait jusqu’à 30% du capital restant dû !!
La conclusion d’un swap est aujourd’hui rendue plus complexe
du fait de taux d’intérêts négatifs. Les prêteurs ont tendance à
imposer que, si le taux Euribor publié est négatif, il sera réputé
égal à zéro. Cette disposition n’est pas reprise dans les contrats
de swap, l’emprunteur peut donc être contraint de payer au titre
du swap une somme qu’il ne retrouve pas dans le prêt. L’achat
d’un instrument de couverture est aujourd’hui souvent accompagné d’un conseil en dérivés de taux.
Pour les investissements value-add ou opportunistes, il est
courant qu’une ouverture de crédit soit consentie à l’emprunteur
pour mener à bien des travaux de remplacement ou de rénovation. Ici aussi la supervision du prêteur est scrupuleuse. Le plus
souvent, il missionne un conseil qui valide les états d’avancement du chantier, les devis et les factures à honorer. Les
discussions avec le prêteur portent sur les procédures à suivre,
les délais d’instruction, la fréquence des tirages, etc.
• Assurance des immeubles
L’immeuble étant le seul recours du prêteur en cas de défaut, la
police d’assurance est un point d’attention particulière pour les
prêteurs. Les exigences usuelles quant à la qualité de l’assureur
et la définition des risques assurés (3 ans de perte de loyers,
sabotage, force majeure et terrorisme entre autres) sont
assorties de clauses spécifiques sur la conduite à tenir en cas
de sinistre : quote-part de surfaces détruites ou montant de
sinistre qui oblige à rembourser, délai maximum de reconstruction, polices à souscrire pour le chantier, etc.
• Cas des portefeuilles - Mutualisation du risque
Lorsqu’on achète plusieurs immeubles avec un horizon de
détention différent pour chaque actif, le prêteur souhaitera que
le crédit soit sécurisé par l’ensemble des actifs et des flux. Pour
éviter la dégradation de son risque après l’arbitrage des
meilleurs immeubles, il prévoit en général que la vente d’un actif
soit assortie d’un sur-remboursement, au-delà de la quote-part
de crédit adossé aux actifs arbitrés. Ainsi la LTV décroît au fil
des cessions.
Si les immeubles sont détenus au travers de sociétés distinctes,
la mutualisation du risque passera par des garanties croisées
entre sociétés sœurs ou bien par une garantie de leur société
holding. Dans ce contexte, les questions d’intérêt social et de
sous-capitalisation devront être anticipées.
À PROPOS DE JLL CAPITAL MARKETS
JLL Capital Markets est un leader indépendant du
conseil pour l’investissement dans l’immobilier
commercial. Ses 1 200 collaborateurs accompagnent
toutes sortes de clients bien au-delà de la simple
transaction et proposent les services qui leur
conféreront l’avantage lors de leurs investissements.
Selon notre expérience, le fait de voir les choses sous
plusieurs angles permet d’identifier de nouvelles
opportunités. JLL combine l’expertise financière à
l’accès aux capitaux mondiaux et à ses connaissances
poussées de l’immobilier pour permettre à ses clients
d’envisager les choses autrement.
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Directeur
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