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THORAX
Revue Marocaine du Cancer 2012, vol. 4, n°1 : 18-20
Fait Clinique
ADENOPATHIES MEDIASTINALES METASTATIQUES SANS PRIMITIF CONNU
Z. BOUCHBIKA1, M. MOUKHLISSI1, N. BENCHAKROUN1, S. MAROUAN2, S. BOUBIA3, H. JOUHADI1, N. TAWFIQ1,
S. SAHRAOUI1, S. ZAMIATI2, M. RIDAI3, A. BENIDER1
1. Service de Radiothérapie-Oncologie ; 2. Laboratoire d’Anatomie Pathologique ; 3. Service de Chirurgie Thoracique,
CHU Ibn Rochd, Casablanca, Maroc
RESUME
ABSTRACT
Les métastases ganglionnaires médiastinales tumorales sans cancer
primitif constituent une pathologie rare, qui pose des problèmes
diagnostiques et thérapeutiques. Nous rapportons l’observation
d’un patient suivi au Centre d’Oncologie et Radiothérapie du CHU
Ibn Rochd de Casablanca pour adénopathie médiastinale
métastatique, dont l’origine primitive n’a pas pu être déterminée.
Le traitement a consisté en un curage ganglionnaire et une
chimiothérapie adjuvante suivis d’une radiothérapie médiastinale.
Nous soulevons le problème clinique, paraclinique et thérapeutique
de cette observation et à travers une revue de la littérature.
MALIGNANT MEDIASTINAL LYMPH NODES WITH
UNKNOWN PRIMARY TUMOR
The mediastinal lymph node metastases without a primary tumor
is a rare disease, which poses problems in diagnosis and therapeutic.
We report the case of a patient with metastatic mediastinal
lymphadenopathy, whose primary origin could not be determined,
followed at the Ibn Rochd oncology centre of Casablanca in Morocco.
The treatment consisted of lymph node dissection and adjuvant
chemotherapy followed by mediastinal radiotherapy. We raise the
clinical, paraclinical and therapeutic aspects of this disease through
a review of the literature.
Mots clés : métastases ganglionnaires médiastinales, primitif inconnu,
diagnostic, traitement
Key words : mediastinal lymphatic metastasis, unknown primary,
diagnosis, treatment
Correspondance : Dr. Z. BOUCHBIKA. 28, rue des mausolées,
quartiers des hôpitaux, appt 14. Casablanca, Maroc. E-mail :
[email protected]
INTRODUCTION
OBSERVATION
Les carcinomes de primitif inconnu sont définis par la présence
de métastases isolées histologiquement confirmées, en
l’absence de tumeur primitive identifiée après un bilan
préthérapeutique complet. Ils constituent 3 à 5% de toutes les
tumeurs malignes et dont la prise en charge en pratique
quotidienne, tant diagnostique que thérapeutique, reste difficile
[1, 2, 3].
Il s’agit d’un monsieur de 56 ans, marié et père de trois enfants,
tabagique chronique à 30 paquets/année, consommateur de
cannabis, suivi pour diabète type II depuis 3 ans sous régime
seul.
Le début de la symptomatologie remontait à cinq mois avant
la première consultation par l’installation progressive d’une
toux sèche, d’un picotement laryngé sans hémoptysie ni autre
signe associé.
Les sites métastatiques prédominants sont les ganglions
lymphatiques notamment cervicaux, le poumon, l’os et le foie.
L’examen clinique était sans particularité avec un “performance
status (PS)” à zéro, la radiographie thoracique n’avait pas
montré d’anomalies.
Les adénopathies médiastinales représentent le principal site
métastatique des tumeurs inconnues avec une fréquence de
l’ordre de 1,5%, le type histologique le plus fréquemment
rencontré est l’adénocarcinome.
Un scanner thoracique a montré la présence d’une adénopathie
médiastinale paratrachéale de 50/30 mm sans aucune lésion
parenchymateuse pulmonaire, ni autres anomalies médiastinales
(fig. 1).
Nous rapportons l’observation d’un patient traité pour
métastases ganglionnaires médiastinales d’un adénocarcinome
dont le primitif n’a pas été retrouvé après un bilan complet.
La fibroscopie trachéo-bronchique a été normale sans
inflammation ni masse endoluminale ; l’examen histologique
des biopsies réalisées n’a pas montré de signes de malignité.
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Adénopathies médiastinales métastatiques sans primitif connu
Z. BOUCHBIKA et coll.
a.
a.
b.
Fig. 2. (a). Image microscopique à fort
grossissement montrant un sinus ganglionnaire
infiltré par les cellules tumorales
(b). Pulbe ganglionnaire massivement
infiltré par les cellules tumorales
b.
Fig. 1. Coupes sagittales scanographiques :
adénopathie médiastinale paratrachéale de
50/30 mm sans aucune lésion parenchymateuse
pulmonaire, ni autres anomalies médiastinales
Un bilan complet à la recherche de la tumeur primitive
(fibroscopie oeso-gastroduodénale, échographie abdominopelvienne, TDM abdominopelvienne, PSA, bilan biologique)
s’est révélé normal.
Une médiastinoscopie a été réalisée par la suite avec biopsie
ganglionnaire. L’étude anatomopathologique a montré une
métastase ganglionnaire d’un adénocarcinome moyennement
différencié, ce résultat a été confirmé après étude
immunohistochimique (fig. 2).
Fig. 3. Pièces opératoires du curage ganglionnaire
DISCUSSION
Le bilan d’extension a été refait (fibroscopie oesogastroduodénale et trachéo-bronchique, colonoscopie, TDM
abdominopelvienne, scintigraphie osseuse, marqueurs
tumoraux-CA19-9, ACE, PSA- et bilan biologique) et s’est
révélé normal. On a procédé ensuite à un curage ganglionnaire
par thoracotomie qui a ramené sept ganglions au niveau de
la loge de Barety dont cinq étaient métastatiques avec effraction
capsulaire, alors que les ganglions inter-trachéo-bronchique
et du ligament triangulaire étaient indemnes (fig. 3).
Les carcinomes métastatiques d’origine indéterminée se
définissent par le développement d’une maladie métastatique,
de nature épithéliale, pour laquelle les examens cliniques,
biologiques, radiologiques et endoscopiques n'ont pas permis
d’en identifier l’origine au moment de la décision [1, 4, 5, 6].
Ils représentent une fréquence non négligeable en cancérologie,
et variable en fonction des études, elle est de 2,3 à 4,2% des
tumeurs malignes rapportées dans des registres des EtatsUnis, du Japon, d’Australie, et d’Europe [7] ; cette incidence
semble diminuer avec le développement de l’anatomopathologie et de la radiologie, surtout avec l’avènement de la
TDM. Les sites métastatiques prédominants sont les ganglions
lymphatiques (sus-diaphragmatiques dans environ deux tiers
Le patient a été mis sous chimiothérapie à base des taxanes
et des sels de platine pendant quatre cycles suivie d’une
radiothérapie médiastinale à la dose de 45 Gy.
Le patient est en rémission complète avec un recul de 18 mois.
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des cas), le poumon, l’os, le foie ; la coexistence de plusieurs
localisations est fréquente. Les types histologiques identifiés
au niveau des sites métastatiques sont, par ordre de fréquence
décroissante, des adénocarcinomes bien ou modérément
différenciés, des adénocarcinomes peu différenciés et
carcinomes indifférenciés, des carcinomes épidérmoïdes et
des carcinomes d'autres natures (neuroendocrines,
sarcomatoïdes) [4]. Ils posent aux cliniciens des problèmes
tant diagnostiques que thérapeutiques. Les adénopathies
médiastinales représentent le principal site métastatique des
cancers de primitifs inconnus avec une fréquence de l’ordre
de 1,5% dont le type histologique le plus fréquemment
rencontré est l’adénocarcinome.
CONCLUSION
Le bilan paraclinique à réaliser dans le but d'identifier la
tumeur primitive n’est pas standardisé et reste un sujet de
débat : il est demandé en fonction de la localisation et le type
histologique. Le bilan actuellement recommandé est restreint
et non invasif (relecture histologique attentive avec
immunohistochimie, dosage de l’αFP, du ß-HCG, du PSA,
radiographie du thorax, tomodensitométrie abdominopelvienne, mammographie chez la femme) [4, 8, 9].
1.
Sève P. Les cancers d’origine indéterminée. Rev Med Interne
2006 ; 27 : S272-S274.
2.
Yoshino N, Yamauchi S, Hino M, Ohaki Y, Koizumi K, Shimizu
K. Metastatic thoracic lymph node carcinoma of unknown origin
on which we performed tow kinds of immunohistochemical
examinations. Ann Thorac Cardiovasc Surg 2006 ; 12, n°4.
3.
Si l’on se réfère aux cas cliniques de la littérature, les attitudes
thérapeutiques sont de deux types :
Blanco N, Kirgan DM, Little AG. Metastic squamous cell
carcinoma of the mediastinum with unknown primary tumor.
Chest 1998 ; 114 : 938-40.
4.
- Soit une médiastinoscopie à visée diagnostique suivie d’un
traitement complémentaire, radiothérapie et/ou
chimiothérapie ou d’une thoracotomie à visée thérapeutique.
Culine S, Gazagne L, Ychou M, Romieu G, Fabbro M, Cupissol
D, Dubois JB. Les carcinomes de primitif inconnu. A propos
de 100 patients traités au centre régional de lutte contre le cancer
de Montpelier. Rev Med Interne 1998 ; 19 ; 713-9.
5.
- Soit d’emblée une thoracotomie à visée diagnostique et
thérapeutique [10].
Pavlidis N, Fizazi K. Cancer of unknown primary (CUP). Critic
Rev Oncol Hematol 2005 ; 54 : 243-50.
6.
Fizazi K, Culine S. Les carcinomes métastatiques d’origine
indéterminée. Bull Cancer 1998 ; 85 : 609-17.
7.
Sève P. Stankovic K, Charhon A, Broussolle C. Les carcinomes
de primitif inconnu. Rev Med Interne 2006 ; 27 : 532-45.
8.
Penel N. Prise en charge diagnostique des métastases
inaugurables : cancers métastiques de primitifs inconnus. Presse
Med 2003 ; 32 : 990-6.
9.
Faure E, Riquet M, Lombe-Weta PM, Hübsch JP, Carnot F.
Adénopathies tumorales du médiastin sans cancer primitif. Rev
Mal Respir 2000 ; 17 : 1095-9.
Les adénopathies médiastinales métastatiques sans primitif
connu constituent une entité hétérogène. Le diagnostic et la
prise en charge sont difficiles. Le développement des techniques
d’imageries fonctionnelles et de la pharmacogénomique,
permettent une bonne conduite diagnostique et un meilleur
ciblage thérapeutique pour une éventuelle amélioration du
pronostic.
REFERENCES
Le PET Scan est une nouvelle imagerie basée sur l’activité
glycotique des cellules tumorales, dont la place dans le
diagnostic des cancers d’origine indéterminée s’est récemment
démontrée, et la plupart des études concernent des métastases
cervicales de carcinomes épidermoïdes [1, 5].
Le traitement des cancers d’origine indéterminée reste un
sujet de débat, incluant la chirurgie, la chimiothérapie, la
radiothérapie ou l’hormonothérapie. Cependant, certaines
études ont montré que l’association des sels de platines et les
taxanes donnent des taux de réponses de 30 à 50%, avec une
survie médiane de 8 à 13 mois et une survie à un an de 15 à
29%. D’autres études ont comparé l’intérêt de l’association
des sels de platines et gemcitabine ou les sels de platines et
l’irinotecan, mais les résultats n’ont pas permis de sélectionner
un protocole de référence. La radiothérapie peut être discutée
cas par cas : dans le cadre des adénopathies médiastinales
comme dans notre observation, elle reste aussi discutée, mais
semble indiquée systématiquement en cas de curage
ganglionnaire incomplet. L’abstention thérapeutique peut se
justifier dans certains cas : patient très âgé, durée de survie
estimée inférieure à 3 mois [8].
10. Riquet M, Badoual C, le Pimpec BF, Dujon A, Danel C.
Metastatic thoracic lymph node carcinoma with unknown
primary site. Ann Thorac Surg 2003 ; 75 : 244-9.
Les adénopathies médiastinales de primitif inconnu, constituent
un groupe de tumeurs hétérogènes, avec des histoires naturelles
extrêmement variables, mais le pronostic reste globalement
sombre. Faure et al., dans une étude rétrospective concernant
cinquante quatre cas d’adénopathies médiastinales tumorales
sans primitif, ont constaté que 84% des malades sont décédés
dans les deux ans [9].
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