l’angle de la «ré-interprétation» de l’action du Saint-Esprit, telle
qu’elle s’est manifestée dans l’histoire. Ceci étant dit, qui fait
cette interprétation? Quels éléments objectifs demeurent au-delà
de l’interprétation? Pour le protestant, c’est le théologien qui est
appelé à relire l’œuvre du Saint-Esprit dans l’homme et à en
dégager les éléments essentiels. Pour le catholique, c’est d’abord à
la communauté ecclésiale et au magistère de mettre en lumière
des aspects de la foi implicitement contenus dans la révélation,
aspects qui ne seront explicités qu’à travers un devenir.
Enfin, l’Écriture délivre un message évangélique appelé à s’arti-
culer (p. 188) sur une exigence théologique. L’auteur fait appel à
la vision d’Éric Fuchs qui propose une exigence éthique liée à
l’Écriture (en particulier au Décalogue) mais quelque peu forma-
lisée, voire vidée de son contenu concret. La Bible peut être lue
sous divers aspects, notamment sous l’aspect éthique; son contenu
peut inspirer une «attitude éthique» (p. 195), et n’est pas assimi-
lable pour l’auteur à un ensemble de normes objectives. Il semble
que la question de l’objectivité qui revient ici soit une difficulté
constante du livre de D. Müller. On comprend que l’auteur se
refuse à réduire l’Écriture à des normes objectives et qu’il en
intègre la lecture dans l’attitude chrétienne, en lien avec une com-
munauté, un contexte et une culture, sous l’inspiration rénova-
trice de l’Esprit. Cependant, un point de vue catholique (tel qu’il
s’exprime dans Veritatis Splendor, très critiquée p. 42-46), insiste-
rait davantage sur le rapport entre la foi et l’activité morale de la
personne et sur ce qui les détermine. On déboucherait alors sur
les difficiles questions de la norme et de la finalité de l’acte en
théologie morale.
À partir de là, se trouve mis en place le cadre de la «reconstruc-
tion de l’éthique protestante». L’auteur aborde (p. 207) le pro-
blème typiquement calviniste de la tension entre «l’action de
Dieu» qui exige la médiation de l’activité morale de l’homme et la
«religion du travail» qui insiste uniquement sur ce deuxième
point, au prix d’une confusion entre l’agir et le faire. Le «faire»,
la réalisation dans un contexte économique, n’est pas forcément
en prise sur l’agir et la réalisation de soi au sens moral, encore
moins sur la sanctification. Cette remarque permet de mettre
en pleine lumière une des confusions majeures des dérives des
éthiques calvinistes, confusion sur laquelle s’est bâtie pour une
grande part la conception de la valeur éthique de l’activité produc-
tive. Par ailleurs, les élaborations morales protestantes sont deve-
nues de plus en plus autonomes, rationalisantes, en s’éloignant de
MÜLLER: «L’ÉTHIQUE PROTESTANTE» 91