De la Vie au cœur de la Terre
Science & Vie Août 2013 N° 1151
La quête des origines relancée
Une nouvelle discipline, la géobiologie
Les géobiologistes n'en finissent pas de découvrir ces dernières années, des organismes
vivants. Ces "intraterrestres" semblent nés de la roche même, au terme de réactions
chimiques souterraines. De quoi bouleverser les origines de la Vie, voire la quête d'une vie
extraterrestre.
Les premières découvertes incontestables d'une Vie intraterrestre datent de 1987, quand les
américains, à la recherche d'un site de stockage de leurs déchets nucléaires (!), lors des
forages profond de 500 mètres, les microbiologistes constatèrent que la roche, loin d'être
stérile, abritait une profusion de microbes.
Et si tout avait commencé dans les grandes profondeurs de la Terre (évidemment cela fait
moins rêver qu'une origine cosmique) ?
Plus les géologues ont creusé profondément dans le sous-sol rocheux de la Terre, plus les
biologistes ont été stupéfaits par la diversité des micro-organismes qu'ils découvraient. Des
micro-organismes qui ont réussi à coloniser ces contrées d'outre-tombe en s'abritant dans les
pores et interstices de la roche, et en s'alimentant souvent de l'énergie chimique résultant du
contact entre les minéraux et l'eau. Et si la Vie n'était pas née sur Terre, mais dans la Terre ?
Renversant, ce scénario repose pourtant sur un faisceau croissant de résultats issus de
l'expérimentation et d'observations. Les géobiologistes essaient de démontrer que les
conditions environnementales dantesques de ces grandes profondeurs sont propices à
l'apparition de molécules complexes nécessaires à la Vie. Des échantillons de roches prélevés
profondément dans la croûte océanique montrent, à leur surface ou dans les fines veinules
rocheuses qui strient ces blocs, une extraordinaire diversité de molécules organiques. L'origine
de ces molécules ne semble pas toujours être biologique, mais minérale, et que ces sécrétions
rocheuses pourraient même constituer des témoins de réactions chimiques capables de
générer des composés organiques complexes dans les profondeurs de la Terre. Les premiers
résultats des recherches indiquent que les roches du manteau terrestre, placées dans
certaines conditions, sécrètent bel et bien les molécules de la Vie.
D'autres pistes apparaissent pendant les recherches, en particulier celle des sources
hydrothermales océaniques. Situés dans l'obscurité des grands fonds marins, où le magma qui
sort de la roche crée des conditions extrêmes proches de celles qui ont existé sur la Terre
primitive, et où pourtant, toutes sortes d'organismes prospèrent. La réaction chimique
(serpentinisation) associé à cet hydrothermalisme sous-marin est connue depuis longtemps.
Pour certains, cette serpentinisation pourrait produire les ingrédients nécessaires à la Vie.
D'abord la serpentinisation génère de la chaleur et provoque un gonflement important : à
mesure qu'elle s'hydrate, la roche se craquelle et accroît son volume ce qui engendre de
multiples fractures dans lesquelles l'eau de mer va pénétrer et circuler, s'échauffant,
transportant et échangeant toutes sortes d'éléments chimiques avec la roche, avant de
ressortir dans les sources hydrothermales.
Mais pour naître, la Vie a encore besoin de deux éléments décisifs : d'abord d'une
compartimentation, car un être vivant est nécessairement le siège de réactions chimiques
nombreuses et rapides. S'il n'y a pas une enveloppe autour de cette biochimie naissante, elle
finit par s'arrêter quand les molécules ne sont plus en contact. Il faut ensuite, c'est le rôle tenu
par l'ADN dans les organismes modernes, des molécules capables de porter l'information et
de la transmettre. Les roches résolvent ce besoin de compartimentation (pores et cavirés).
Des structures de ce type peuvent très bien former des sortes de récipients où certains
composés se concentreraient, où l'information serait stockée et où, peu à peu, une
"membrane" se mettrait en place et à terme les premières cellules.