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2 - Comment j’ai réalisé mon travail 
 
Une réalité à recomposer. 
Quoi de plus naturel pour un Granvillais, qui vit au bord de la mer, que de s’intéresser au passé maritime de 
son port ? Quoi de plus naturel alors pour ce même Granvillais (moi) que de s’intéresser aux corsaires de son 
port ? Surtout lorsque l’on constate que le sujet n’a encore jamais été abordé sérieusement par les érudits locaux 
et par les historiens. Seulement voilà ! L’intégralité des archives maritimes du port de Granville a disparu lors 
du bombardement de la ville de Saint-Lô, le 6 juin 1944. Tout a brûlé et l’on n’a rien récupéré des archives de 
l’Amirauté, de celles du juge de paix, celles du Tribunal de commerce ainsi que la grande majorité des archives 
notariales. Bref ! Tout ce qui aurait pu normalement constituer le fondement essentiel des sources pour un 
historien désireux d’étudier le phénomène de la guerre de course dans un port a définitivement disparu.  
Heureusement, j’avais encore les archives de l’Inscription maritime granvillaise à ma disposition, au Service 
Historique de la Marine à Cherbourg,  et je savais qu’il existait des traces dans les archives voisines.  
Avec obstination, j’ai décidé de persévérer dans l’étude des corsaires granvillais et de mettre au point une 
stratégie de contournement dont la logique me paraissait simple : puisque tout avait disparu, il me fallait 
rechercher autre part tout ce qui concernait Granville, pour recomposer cette réalité disparue à la façon d’un 
puzzle. Je partais du principe suivant : si les Granvillais avaient écrit des lettres et des comptes-rendus, il 
suffisait de chercher ce courrier chez les destinataires pour en retrouver le contenu. En outre, en recherchant 
dans les archives du grand Ouest de la France, je pouvais retrouver les rapports que les capitaines établissaient 
à leur arrivée dans les ports qu’ils fréquentaient.  
J’ai donc consacré toutes mes vacances et mes temps libres à parcourir les différentes archives entre Paris et 
Brest, entre Rouen et Nantes, plus Bordeaux, pour y repérer des renseignements susceptibles de m’éclairer sur 
les corsaires de ma ville.  
En province, je trouvais des rapports de prise, des liquidations de prises, de gros dossiers qui précisaient le 
déroulement des campagnes en mer. Dans les archives parisiennes, je retrouvais la correspondance entretenue 
avec le ministère de la Marine, que ce soit celle de Granville ou bien celle de Saint-Malo. C’est là que j’ai 
découvert les documents les plus précieux, comme des états de navires engagés dans la course, des états de 
prises avec leurs gains, des explications sur des campagnes ou des circonstances particulières, les directives 
ministérielles, des mémoires, des comptes-rendus d’inspections, etc…  
Parallèlement à toutes ces démarches, je recherchais tout ce qui avait été écrit sur les corsaires en général, des 
ouvrages de vulgarisation aux thèses, non seulement pour augmenter mes connaissances personnelles sur le 
sujet mais aussi pour faire le point sur ce qui avait été étudié par les historiens et surtout, ce qui n’avait pas 
encore été étudié. Il ressortait clairement que les aspects juridiques et économiques avaient été généreusement 
abordés, mais que l’aspect social ne l’avait encore jamais été.  Cela tombait bien. Cela correspondait à ce qui 
me passionnait :  l’aventure  dans  sa  dimension  humaine.  Le  fonds  de  l’Inscription  maritime, conservé  au 
Service historique de la marine de Cherbourg, contenait suffisamment d’informations pour travailler dans ce 
sens. Il m’était même possible de me livrer à une prosopographie. C’est pourquoi, j’ai très vite entrepris la 
création d’une importante base de données sur mon ordinateur personnel. Je savais qu’elle me servirait par la 
suite. 
Dès lors, la problématique de ma thèse m’apparaissait évidente à partir des questions que je me posais : Qui 
étaient les corsaires granvillais ? Quels efforts le port bas-normand a-t-il autrefois consenti dans la guerre de 
course  ?  Ces  efforts  furent-ils  importants  par  rapport  à  d’autres  ports  corsaires,  comme  Saint-Malo  ou 
Dunkerque ? Quelles étaient les motivations des différents acteurs ? Quelle était la vie menée à bord par les 
équipages ? Les risques encourus ? et, corollaire de ce questionnement, quel regard critique peut-on jeter sur 
le destin des corsaires en général ? Ma problématique devenait donc fondamentalement sociale et culturelle. 
En conséquence, je devais d’abord étudier Granville à travers sa trajectoire, ses activités, sa population et ses 
infrastructures, pour resituer la cité dans son contexte historique, du XVIIe siècle jusqu’au Premier Empire.