La propriété des
images :
l'exemple
américain
La vie publique, par contre, suscite une revendication de la part des individus. Contraire-
ment à l'intimité, qui est passive, la publicité est affirmative. L'individu déclare par exemple :
«
Ceci
m'appartient.
C'est
ma propriété et la
société a
pour devoir de la
protéger
».
Cette attitude,
qui évidemment est bien plus active, sous-entend également que l'image protégée possède une
valeur économique ; ce qui n'est le cas habituellement que pour des célébrités.
Avant le droit à la vie privée, qui ne fut explicitement formulé qu'en 1890, les lois sur la
protection de l'individu ont vu leur champ d'application limité au bien-être physique (coups et
blessures) et à la réputation (diffamation et calomnie). Des droits individuels de propriété
avaient aussi été reconnus dans certains domaines, par exemple ceux de la création artistique, du
portrait photographique, du récit de vie. Avec le concept d'« intimité » s'impose conjointement
l'idée d'une « inviolabilité de la personne », signifiant que l'individu a le droit d'être un individu,
et en tant que tel, est le propriétaire d'un domaine privé, propre à chacun, unique et secret. Il est
intéressant de noter que ce « besoin » d'élargir le domaine individuel a constitué une réaction à
la vie dans la société médiatique naissante, de la fin du
XIXe
siècle1.
Le droit à la vie privée est essentiellement un droit à être «
laissé
en paix », à l'abri de toute
publicité intempestive. Les privilèges de la presse sont autant de limites à la vie privée des
individus. En général, les journalistes ont le droit de photographier et d'aborder tout sujet
reconnu d'intérêt public ou général, en particulier lorsqu'une personne publique est impliquée.
Il apparaît clairement que la possibilité de publier des photographies dans des journaux à
sensation est une des prérogatives de la presse. D'autres usages des images d'individus, à titre
éducatif ou
informatif,
comme dans les documentaires et les informations courantes, sont
également autorisés sans restriction. Dans le domaine de la fiction, tel que celui du film,
l'utilisation d'images d'individus est moins évidente puisque le producteur risque de perdre ses
privilèges s'il est prouvé qu'il exploite illégalement l'image d'un individu pour son propre intérêt
commercial.
Les personnes privées présentes sur des lieux privés sont relativement bien protégées. Mais
dès qu'elles s'aventurent dans un lieu public (une rue, un magasin par exemple) on considère
qu'elles perdent leur droit à la vie privée. Le privilège dont disposent les mass-médias (ainsi que
les individus) de pouvoir photographier des personnes privées sur des lieux publics et d'utiliser
ces photographies pour des reportages d'information est protégé, même si la personne n'est pas
consciente d'être photographiée. Ce qui va jusqu'à rendre licite l'utilisation non consentie de
photographies de « l'homme de la rue » dans des articles à sensation, mettant ainsi l'intéressé
dans une situation incompatible avec ses propres valeurs et opinions.
En revanche, le droit de couvrir des « personnalités publiques », des responsables poli-
tiques, des célébrités, des notables placés sous les feux des projecteurs, demeure presque illimité.
Une personnalité publique ne dispose que de peu de droits à la vie privée2. Cela semble juste,
pour les figures historiques, les politiciens, les stars, les athlètes ; mais en est-il de même avec
toutes ces personnes qui se trouvent involontairement placées sous les projecteurs, par exemple
les victimes d'actions criminelles ? C'est dans ce domaine que les soucis d'éthique prennent le
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