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Qu’est-ce que la musique ?
Comment définir la musique ? L’entreprise n’est pas facile ; car si
le management est volontiers friand de définitions « rationnelles »,
même si elles ont leurs limites, le musicien, lui, peut très bien se
passer d’une définition de la musique. Après tout, il se passe bien
des mots… Comme le dit le philosophe et musicologue Bernard
Sève1 :
« Pour le musicien, la musique forme un monde à part, le monde de
la musique, dans lequel il œuvre, monde qu’il sillonne, dans lequel il
entre et sort ad libitum. Or, un monde ne se soutient nullement d’une
définition ; un nom propre y suffit, et celui de Musique suffit ample-
ment au musicien. Le musicien se souciera bien sûr de comprendre ce
monde singulier, ce qui le compose, de quoi se soutient sa consistance
propre de monde, comment “il marche” comme monde, etc. »
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Le musicien, hostile à une définition de son art ou de son univers,
va en effet évaluer celle-ci comme une « notion stérile qui ne colle
pas à sa réalité musicienne, qui n’a pas prise sur sa pratique en
intériorité ». Bref, le musicien, face à une telle volonté de tout
décrire qui lui vient de la philosophie, va nécessairement adopter
un point de vue anti-philosophique : il préfère faire de la musique
que passer son temps à la commenter ! C’est sans doute ce que
devait se dire Mozart lorsqu’il composa la sonate K 545, en appa-
rence si simple :
1. Bernard Sève enseigne la philosophie en khâgne au lycée Louis-le-Grand. Il a publié
Question philosophique de l’existence de Dieu (PUF, 1994) et de nombreux articles d’his-
toire de la philosophie, notamment sur la poétique d’Aristote, Montaigne, Pascal et
Hans Jonas.
2. Conférence de François Nicolas à propos du livre de Bernard Sève, L’altération musicale,
Ircam, janvier 2004.