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politique étrangère des états-unis:
barack obama et le moyen-orient
Houshang HASSAN-YARI
Professeur et directeur du Département de science politique et
d’économique du Collège militaire royal du Canada.
D    aux élections présidentielles des États-Unis en 2008,
seul Barack Obama proposait un regard neuf et différent sur la politique étrangère
de son pays. Le point central, et contentieux, de sa proposition résidait dans la
reconnaissance de la nécessité d’être modeste et pragmatique dans son approche
internationale. Il offrait à rencontrer, sans préjudice et conditions, le dirigeant
des pays que le président sortant, George W. Bush, avait qualifiés de « voyous ».
L’aspect le plus controversé et contesté de cette proposition par les autres aspirants
à la Maison-Blanche était une rencontre inconditionnelle des dirigeants iranien et
nord-coréen.
La politique innovatrice, ou tout au moins différente, proposée par le sénateur
Obama émanait d’une personnalité qui représentait un cas presque exceptionnel
parmi les seize candidats démocrates et républicains. La politique reflétait l’image
de l’homme même. Le plus jeune candidat avec seulement deux ans d’expérience
de service sénatorial à Washington, il était, en 2008, l’unique sénateur noir dont le
père était noir kenyan et la mère blanche américaine, portant le nom le plus bizarre
de tous les candidats. Son deuxième prénom, Hussein, d’origine arabe, faisait de lui
le seul candidat présidentiel avec une vague connexion arabe ou moyen-orientale,
bien que son père soit en fait du Kenya
1
. Selon la loi, comme la mère de Barack,
Ann Dunham Stanley, était américaine, son fils le serait également. Les rumeurs
sur l’origine étrangère du candidat Obama et sa naissance à l’extérieur du territoire
américain, le disqualifiant, ont obligé sa campagne électorale à reproduire son acte
1. Pierre Tristam, « Barack Obamas Middle East Policy. e Dovish Hawk », About.com Guide.
27
Thierry COVILLE
Economiste, professeur à Négocia, et chercheur associé à
l’Unité mixte de recherche « Mondes iranien et indien » du
CNRS, et au Centre d’Observation Economique de la Chambre
de Commerce et d’Industrie de Paris.
Amiral Jean DUFOURCQ
De l’académie de marine, directeur de recherche au Centre
d’Études et de recherche de l’École militaire. Contre-amiral
(2S), ancien de la DEG, du CAP, de l’IHEDN à Paris, de la RP.UE
à Bruxelles et du centre de recherche du collège de défense
de l’OTAN à Rome.
Recteur Gérard-François DUMONT
Recteur d’Académie, Chancelier des Universités, professeur
à l’Université de Paris IV-Sorbonne et Président de
Population et Avenir.
Steven EKOVICH
Professeur de Science Politique à l’Université américaine de
Paris.
Hall GARDNER
Professeur de Sciences Politique à l’Université américaine
de Paris.
Houshang HASSAN-YARI
Professeur et directeur du Département de science politique
et d’économique du Collège militaire royal du Canada.
Politique étrangère des États-Unis : Barack Obama et le Moyen-Orient
GéostratéGiques n° 29 4
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de naissance : Barack Hussein Obama. II est né à Hawaï d’A.D. Stanley et Barack
Hussein Obama du Kenya
2
.
Comme ces rumeurs n’ont pas empêché Obama d’être élu président, d’autres
cacophonies ont continué depuis son assermentation. Les récalcitrants reprochaient
deux choses à Obama. D’abord, sa religion. Selon les différents sondages d’opinion,
entre un cinquième et près d’un tiers des Américains croient que Barack Obama
est un musulman et que les musulmans devraient être interdits de se présenter à la
présidence ou de siéger à la Cour suprême des États-Unis
3
. La « campagne de désin-
formation » a laissé des traces. Le nombre de personnes qui maintenant identifient
correctement Obama en tant que chrétien a chuté à 34 %, en baisse de près de la
moitié par rapport au moment où il a pris ses fonctions présidentielles
4
.
Obama est aussi dénoncé comme un « socialiste ». Les conservateurs américains
sont furieux de ce qu’ils nomment le socialisme et le radicalisme de Barack Obama.
L’ancien président de la Chambre des représentants, Newt Gingrich, a intitulé
son nouveau livre Sauver l’Amérique : Comment arrêter la machine socialiste laïque
d’Obama. Le président est accusé de vouloir établir une limite à la somme d’argent
que les magnats de Wall Street peuvent gagner, de transformer les États-Unis en une
dictature de prolétariat, d’étatiser l’économie et de tuer les vieillards pour réduire le
coût des programmes sanitaires et sociaux. Les conservateurs dénoncent les plans de
sauvetage des secteurs bancaire, d’automobile et d’assurance
5
du président Obama,
oubliant d’abord la source et les causes de la crise économique qui a nécessité l’in-
tervention de l’État, et, surtout, les mesures tardivement adoptées par le président
conservateur George W. Bush en vue de sauver l’économie avant qu’il ne cède la
Maison-Blanche à son locataire suivant.
C’est dans ce contexte de mépris et méfiance qu’Obama cherche à faire une
intervention positive au Moyen-Orient après les décennies d’actions arbitraires
des administrations américaines dans certains dossiers et d’inertie dans d’autres.
Le conflit israélo-arabe, les rapports entre les États-Unis et les pays musulmans, la
guerre en Irak, l’impasse nucléaire en Iran, le terrorisme et la situation au Yémen
2. Pour l’image du certificat de naissance d’Obama, voir Los Angeles Times, 16 juin 2008.
3. Pour un résumé des sondages de Time et Pew, voir Al Jazeera :
http://english.aljazeera.net/news/americas/2010/ 08/2010819191334584676.html.
4. John Cohen & Michael Shear, « Poll shows more Americans think Obama is a Muslim »,
Washington Post, 19 août 2010.
5. « Is Obama a socialist ? What does the evidence say ? », e Christian Science Monitor,
1er juillet 2010.
GéostratéGiques n° 29 • 4
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Où va l’Amérique de Barack Obama ?
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font partie d’une panoplie de problèmes qui préoccupent grandement Obama.
Depuis sa campagne électorale il a promis des changements.
Le présent texte ne s’attarde que sur deux des nombreux défis que l’administra-
tion Obama est appelée à relever : le conflit israélo-arabe et la question iranienne.
Le conit israélo-arabe
« Obama arrive au pouvoir après les deux présidents les plus pro-israéliens des
soixante dernières années, Bill Clinton et George W. Bush. L’approche d’Obama
met Israël d’abord, les Arabes loin au deuxième rang, tandis que les Palestiniens
obtiennent le mélange habituel de mentions honorable et passable. Cela pourrait
bénéficier aux fortunes électorales d’Obama, mais ne fera pas avancer la paix israé-
lo-palestinien
6
. » Ces lignes ont été écrites en juillet 2008, quelques mois avant les
élections qui ont porté au pouvoir un idéal de changement. Bien que personne n’at-
tende une rupture avec Israël ou dans la politique pro-israélienne des États-Unis,
l’espoir était quand même suscité dans l’avènement d’une politique plus équilibrée
qui serve d’abord l’intérêt national américain, ensuite les préoccupations de sécurité
d’Israël et, finalement, la réalisation des revendications légitimes de la nation pales-
tinienne pour réaliser leur État, selon les normes internationales.
Le contentieux le plus difficile au Moyen-Orient reste le conflit israélo-arabe,
qui se réduit de plus en plus à sa dimension israélo-palestinienne. Pendant sa cam-
pagne électorale et en référence à la situation au Moyen-Orient, Obama avait men-
tionné : « Personne ne souffre plus que le peuple palestinien », sans oublier pour
autant d’ajouter que dans le passé les Israéliens et les Palestiniens avaient souf-
fert en raison de l’absence d’un accord de paix. Les propos d’Obama sur la souf-
france palestinienne ont révolté certains Juifs américains. Selon le New York Times
7
,
pour le rabbin Steven Silver de Californie, l’attribution de la première place aux
Palestiniens dans la matrice de souffrance est odieuse et malheureuse. L’affirmation
du camp d’Obama de la centralité de la sécurité d’Israël dans la politique améri-
caine au Moyen-Orient n’a pas apaisé les groupes de pression pro-israéliens aux
États-Unis qui pensent que beaucoup d’Américains trouvent offensant le commen-
taire d’Obama.
6. Pierre Tristam, « Barack Obama in Arab and Middle Eastern eyes skepticism, cynicism and
outright hostility », About.com Guide, 25 juillet 2008.
7. New York Times, 14 mars 2007.
Politique étrangère des États-Unis : Barack Obama et le Moyen-Orient
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Cette réaction très négative contraste avec la réception enthousiaste qu’Hillary
Clinton, une autre candidate démocrate, a reçue lorsqu’elle a pris la parole à une
conférence de l’American Israel Public Affairs Committee Comité américain pour
les affaires publiques d’Israël (AIPAC)
8
, le principal lobby d’Israël aux États-Unis.
Afin de capitaliser sur sa position de favorite pour récolter les votes des commu-
nautés juives et se démarquer de son rival, Clinton s’est concentrée sur Israël et sa
sécurité, soulignant que toutes les options étaient sur la table pour une éventuelle
confrontation avec l’Iran sur la question de son programme nucléaire, jugé menace
existentielle pour Israël. En revanche, alors qu’Obama a carrément confirmé : « Je
suis pro-israélien », il a également parlé ostensiblement des Palestiniens. Vers la fin
de son discours, après avoir loué Israël, il a dit : «Nous sommes tous engagés dans
[l’idée de] deux États vivant côte à côte en paix. » Et dès qu’il y aurait des partenaires
palestiniens qui renonceraient à la violence, les négociations de paix avec Israël de-
vraient se dérouler, a-t-il ajouté. Il a uniquement blâmé le Hamas pour le blocage
du processus de paix. Malgré tout, ses remarques ont été timidement reçues.
Selon le compte rendu du New York Times, les contrastes ont été criants dans
l’accueil réservé aux deux candidats. Il y avait de la musique israélienne, une pan-
carte avec le nom de Clinton en hébreu, des banderoles de campagne, des ballons
et une vidéo la montrant au travail. En revanche, les aides d’Obama préparaient
encore une petite plate-forme pour leur candidat à la dernière minute, avec un
minimum de décoration électorale dans la salle. Les assistants d’Obama avaient
indiqué que la rencontre serait une réunion informelle. À la fin, Obama a attiré
près de 1 000 personnes, beaucoup moins que Clinton. Il est nécessaire de rappeler
que Clinton n’a pas toujours été si populaire avec l’électorat juif américain ou le
gouvernement d’Israël. Comme première dame américaine, Hillary Clinton a été
l’un des premiers défenseurs d’un État palestinien. Elle s’est prononcée sur cette
8. En dépit des scandales politiques et accusations d’espionnage qui pèsent lourdement contre
certains de ses membres, l’AIPAC reste le passage obligé des candidats à la présidentielle, et
les présidents en exercice doivent réitérer l’engagement américain dans la protection d’Israël
à la conférence annuelle de l’organisation. L’AIPAC place ses stagiaires dans les bureaux des
membres du Congrès ils ont un accès privilégié pour rédiger leurs discours, faire de la
recherche ; ils se trouvent dans le cercle intime des membres du Congrès. Les stagiaires sont
des personnes qui, en un sens, deviennent les yeux de l’AIPAC dans les bureaux des membres
du Congrès, des espions. Les stagiaires rédigent également des discours pour le vice-président.
Voir Dennis Bernstein & Jeffrey Blankfort, KPFA/Flashpoints, « AIPAC Lobbying », Audio-
visual item # 286, Transcript of radio program, 6 janvier 2005.
http://www.monabaker.com/pMachine/more.php?id=A2797_0_1_0_M.
GéostratéGiques n° 29 • 4
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Où va l’Amérique de Barack Obama ?
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question, le 7 mai 1998, lors d’une visité dans les Territoires palestiniens. Elle a été
obligée de revenir sur ses positions quand l’opinion d’une partie de l’électorat new-
yorkais s’est retournée contre elle au cours d’une campagne pour le Sénat. À partir
de là, Clinton était devenue un partisan inlassable d’Israël
9
. La transformation a été
rapide et sans retour.
Obama a aussi eu un parcours similaire. Si, pour les organisations sionistes
et pro-israéliennes, le transfert de Bret Stephens, ancien rédacteur du journal
Jerusalem Post, au poste de rédacteur en chef du Wall Street Journal
10
est dans l’ordre
des choses et tout à fait normal, le président Obama a cesser son amitié avec
Rashid Khalidi, un Américain d’origine palestinienne. Ce dernier est accusé d’être
« extrêmement anti-israélien, ou même carrément antisémite » et Barack Obama est
accusé d’avoir tissé avec lui des alliances anti-israéliennes
11
.
La campagne anti-Obama des organisations pro-israéliennes rejoignait celle du
rival républicain pour l’élection présidentielle. Selon Stephen Zunes
12
, la campagne
orchestrée par John McCain, Sarah Palin et leurs partisans a atteint un niveau en-
core plus bas vers la fin d’octobre 2008 avec leurs attaques contre le candidat dé-
mocrate Barack Obama, pour ses liens anciens avec l’universitaire palestinien amé-
ricain Rashid Khalidi. Ce n’est qu’une partie d’une série de tactiques désespérées de
la part des républicains pour faire paraître Obama, résolument pro-Israël, comme
un anti-Israël. La campagne était conçue pour limiter politiquement les options
de ce dernier pour aborder les questions urgentes de la paix israélo-palestinienne
lors de sa présidence, maintenant qu’il était impossible de le rattraper et de nuire
à ses chances aux élections. En d’autres termes, c’était une attaque préventive pour
dissuader Obama, muni d’un mandat clair de gouverner, de forcer les parties en
9. http://newsbusters.org/blogs/brad-wilmouth/2009/01/05/nbc-s-mitchell-recounts-hillary-
clinton-kissing-arafat-s-wife.
À voir également, le débat en 2000 entre Clinton et son rival Lazio, un autre aspirant au
Sénat, et la course entre les deux pour prouver qui était le plus favorable à Israël, même dans le
contexte de l’Intifida de Jérusalem :
http://www.ontheissues.org/ senate/Hillary_Clinton_Foreign_Policy.htm.
10. Israel Matzav, 20 avril 2010.
http://israelmatzav.blogspot.com/2010/04/rashid-khalidis-dream-come-true.html.
11. Rachel Neuwirth, « Barack Obamas Anti-Israel Alliances [incl. Rashid Khalidi] », 24 octobre Rachel Neuwirth, « Barack Obamas Anti-Israel Alliances [incl. Rashid Khalidi] », 24 octobre [incl. Rashid Khalidi] », 24 octobre incl. Rashid Khalidi] », 24 octobre ] », 24 octobre », 24 octobre , 24 octobre
2008. http://www.campus-watch.org/article/id/5917.
12. Stephen Zunes, « Rashid Khalidi :  e Republicans’ Latest Smear of Obama», 2 novembre Stephen Zunes, « Rashid Khalidi : e Republicans’ Latest Smear of Obama», 2 novembre
2008.
http://www.huffingtonpost.com/ stephen-zunes/rashid-khalidi-the-republ_b_140097.html
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